Des dalles de moquette fabriquées par Interface.

Publié en mars 2019 dans l'infolettre du Healthy Building Network (HBN) sous le titre Which Carpet is the Healthiest?Busting the Myth on Carpet Claims

En matière de santé humaine et environnementale, il existe peu de produits parfaits. Il est difficile de nommer le « meilleur » ou le « plus sain » des produits de construction. Généralement, le mieux que l'on puisse faire est d'identifier des produits plus sains. Il y a presque toujours des compromis à faire.

Ceux-ci sont particulièrement évidents lorsqu'il s'agit d'évaluer des produits synthétiques à haute performance comme les moquettes, et lorsqu'il s'agit d'aborder les risques sanitaires environnementaux dont l'impact s'étend au-delà des occupants actuels du bâtiment, en prenant en compte les impacts sur toutes les personnes susceptibles d'entrer en contact avec un produit tout au long de son cycle de vie - production, installation et recyclage/élimination en fin de vie. Ce qui nous amène aux affirmations contradictoires des fabricants de moquettes concernant le PVC (l'endos de polychlorure de vinyle de la moquette) et les PFAS (composés perfluorés antitaches appliqués sur les fibres).

Les PFAS (acronyme anglais de substances Per- et polyfluoroalkyles) sont une classe de produits chimiques aux noms de marques variés qui empêchent les liquides d'être absorbés là où vous ne le souhaitez pas - du vin rouge sur votre moquette (Scotchgard), de l'eau sur votre veste de pluie (Gore-Tex), et même des œufs sur votre poêle à frire (Teflon).1 Ils sont utilisés depuis les années 1940,2 mais les scientifiques n'arrivent à les mesurer avec précision que depuis environ 15 ans.3

Les PFAS sont méchants.4 Ils ne se décomposent pratiquement jamais dans l'environnement et se retrouvent dans la population, les poissons et la faune du monde entier, sans qu'aucune solution réaliste ne soit en vue. Le Dr Joseph Allen, directeur du programme Bâtiments sains de l'école de santé publique de l'université de Harvard, les a qualifiés de « produits chimiques éternels », « un groupe de produits chimiques toxiques qui peuvent être associés au cancer des testicules, au cancer des reins, à l'hypercholestérolémie et à la suppression de l'efficacité des vaccins chez les enfants ».5 Ils sont libérés par nos produits de consommation, y compris les moquettes, petit à petit, par l'usure ordinaire. Ils se retrouvent dans notre corps et dans la poussière domestique. Ils sont évacués dans les égouts, contaminant les eaux usées et les biosolides connexes utilisés comme compost. Ils sont rejetés dans les eaux de surface et les eaux souterraines par les installations industrielles qui les fabriquent et les utilisent.

La contamination de l'eau potable par les PFAS est une crise nationale croissante. DuPont (fabricant de Teflon) a payé 370 millions de dollars en 2017 pour régler un procès pour contamination de l'eau en Virginie occidentale, et en 2018, 3M Company (fabricant du Scotchgard) a réglé un procès intenté par le procureur général du Minnesota pour 850 millions de dollars6.

En février 2019, Interface, le plus grand fabricant mondial de dalles de moquette commerciale, a publié une déclaration importante sur les PFAS, affirmant qu'éviter les « produits chimiques éternels... devrait être la première priorité lors du choix d'une moquette », et notant qu'il a commencé à faire la transition de ses dalles pour qu'elles soient exemptes de revêtements PFAS dès 2010.7 C'était un acte de véritable leadership de l'industrie, pour lequel l'entreprise mérite d'être félicitée. Interface a également dénoncé les failles de la Liste rouge des produits interdits par le programme Living Building Challenge et des certifications de produits Cradle to Cradle qui autorisent l'utilisation continue des PFAS, ce qui désavantage injustement les produits sans PFAS. Faisant écho aux propres priorités du HBN, Interface a exhorté les consommateurs à demander et à se fier aux fiches de déclaration environnementale et sanitaire pour comprendre pleinement le contenu des produits, en prévenant que ses concurrents proposent des options sans PFAS, mais que, contrairement à Interface, ils n'ont pas entièrement éliminé les revêtements PFAS, en notant qu'« il est important de tenir les fabricants responsables des allégations qu'ils font à propos des produits "sains" ».

Malheureusement, dans le même article, Interface (qui utilise un endos de PVC) s'en prend à tort à ceux qui fabriquent ou spécifient « sans PVC ». L'entreprise affirme que le mythe n°1 est de dire : « "Sans PVC" est la première chose à rechercher dans une moquette. »

Mais voici le problème. La plupart des PVC aujourd'hui, 84 % au niveau mondial, sont fabriqués à l'aide de PFAS, tandis que le reste est fabriqué à l'aide de procédés à base de mercure ou d'amiante, des « produits chimiques éternels » à part entière.

Comment le savons-nous ? L'équipe de recherche du HBN vient de publier la phase 2 de son inventaire mondial de la production de chlore (Asie), un projet de recherche approfondi financé en partie par les fabricants de produits en PVC, dont Interface, qui souhaitent en savoir plus sur leurs chaînes d'approvisionnement. Le soutien d'Interface à une recherche indépendante et transparente est, là encore, louable. Cependant, le fait qu'elle n'ait pas indiqué que les produits en PVC sont impliqués dans la crise mondiale de contamination par les PFAS qu'elle dénonce est une grave omission. L'entreprise, qui s'était distinguée de nombre de ses concurrents en ne vendant pas de dalles en vinyle de luxe (LVT) à base de PVC, a introduit sa première ligne LVT en 20178, sept ans après avoir pris une position de leader dans la lutte contre la menace des PFAS provenant des moquettes.

Ignorer le rôle du PVC dans la contamination mondiale par les PFAS revient à fermer les yeux sur les implications en termes d'équité et de justice environnementale du dilemme de la contamination mondiale par les PFAS, depuis les communautés voisines des usines de PVC le long de la côte américaine du Golfe du Mexique, jusqu'à la région autonome ouïgoure du Xinjiang en Chine. En Asie, d'où provient la majeure partie du chlore utilisé pour tous les produits LVT9, le HBN estime que 94 % de tout le chlore provient de la technologie PFAS.

Les PFAS sont éternels, qu'ils soient appliqués aux fibres de moquette par les concurrents d'Interface ou aux machines sur lesquelles Interface s'appuie pour fabriquer du PVC pour l'endos de ses moquettes et, dans des volumes beaucoup plus importants, pour ses revêtements de sol en vinyle de luxe.

Interface a raison en ce qui concerne les PFAS, mais a tort en ce qui concerne le PVC. Si vous voulez éliminer la contamination mondiale par les PFAS, l'élimination du PVC fait partie de la solution.

Les allégations relatives à un seul attribut ne constituent pas une base solide pour la sélection des produits, qu'ils soient « sans PFAS » ou « sans PVC ». L'industrie du bâtiment a besoin d'une divulgation complète et d'une évaluation des dangers du contenu des produits à l'aide de la fiche de déclaration environnementale et sanitaire afin de comprendre et de traiter les impacts en amont et en aval de tous les matériaux. Par exemple, le chlore est également un produit de base pour les époxydes utilisés dans les adhésifs de revêtement de sol et pour le polyuréthane utilisé dans les endos de moquette). Les alternatives considérées comme plus sûres doivent faire l'objet d'un examen similaire avant de pouvoir être considérées comme un choix plus sain.

La bonne nouvelle, c'est qu'il existe des moquettes sans PFAS et sans PVC. L'année dernière, le département de l'Environnement de San Francisco a publié une nouvelle réglementation qui fixe des exigences minimales pour les moquettes à privilégier du point de vue environnemental qui sont achetées pour être utilisées dans les projets de construction de la ville. Ces exigences, qui s'alignent étroitement sur les recommandations du rapport 2017 du HBN sur les moquettes, comprennent des restrictions sur le PVC, les PFAS et d'autres dangers, tels que les cendres volantes. San Francisco a également publié, de manière utile, une liste de moquettes qui répondent à ses exigences. Ces mesures ne sont pas parfaites10, mais lorsqu'il s'agit d'éviter les PFAS et le PVC dans les moquettes, de demander une divulgation complète et de demander une évaluation complète des alternatives, vous pouvez faire un pas vers un produit plus sain.

Pour plus de détails

 

Références

[1] Scotchguard and Teflon are still sold using new formulations of PFAS, moving from one formulation to another, less well-studied chemical in this class. (GoreTex is in the midst of a transition). Independent experts believe these new formulations present similar levels of hazard, and do not consider them a safe substitute. See, e.g.: https://greensciencepolicy.org/wp-content/uploads/2018/06/Myths-vs.-Facts-June-2018.pdf

[2] https://www.epa.gov/pfas/basic-information-pfas

[3] https://www.biocycle.net/2018/07/06/pfas-organic-residuals-management/

[4] https://ehp.niehs.nih.gov/doi/10.1289/ehp.1509934

[5] https://www.washingtonpost.com/opinions/these-toxic-chemicals-are-everywhere-and-they-wont-ever-go-away/2018/01/02/82e7e48a-e4ee-11e7-a65d-1ac0fd7f097e_story.html?noredirect=on&utm_term=.b23046c02785

[6] https://www.chemanager-online.com/en/news-opinions/headlines/moody-s-says-pfc-lawsuits-risk-dupont-and-chemours

[7] https://blog.interface.com/three-big-myths-chemicals-carpet/

[8] https://www.treehugger.com/sustainable-product-design/interface-introduces-vinyl-flooring-what-would-ray-say.html Currently Shaw is the largest U.S. supplier of LVT, accounting for 34% of share. Other suppliers, in order of percentage of capacity, include IVC/Mohawk at 12%, Mannington at 9%, Armstrong at 4%, Nox at 2% and both Congoleum and Tarkett at 1%. The remaining 36% is shared among other players.
https://www.floordaily.net/flooring-news/shaws-baucom-requests-chinesetariff-relief-on-lvt-before-ustr

[9] https://www.floordaily.net/flooring-news/shaws-baucom-requests-chinesetariff-relief-on-lvt-before-ustr. Interface LVT is sourced from Korea. https://www.floorcoveringweekly.com/main/newsletters/interface-adds-lvt-to-carpet-tile-for-total-flooring-options-16351

[10] See HBN’s discussion of the limitations of the San Francisco regulations: https://healthybuilding.net/blog/234-california-steps-toward-healthier-carpet