Comme le chauffage à l’électricité est plus répandu au Québec, il serait normal de penser que les installations électriques soient inspectées davantage qu'ailleurs, or c'est le contraire qui se produit. La province compte 64 % plus d’incendies de nature électrique que la moyenne canadienne selon une étude nationale des pratiques des installations et travaux électriques financée par la Corporation des maîtres électriciens du Québec (CMEQ).
110 fois plus d'inspections en Ontario
En 2017, la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) a inspecté un peu plus de 4 400 installations électriques, comparativement à 485 000 en Ontario, selon cette étude réalisée par la firme comptable Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT). Et en 2014 (dernière année pour laquelle les données pancanadiennes étaient disponibles), 677 incendies résidentiels, toutes causes confondues, sont survenus au Québec contre 504 en Ontario qui compte pourtant 45 % plus de logements privés. Quant au ratio incendies par 1 000 logements, le Québec remportait la triste palme nationale avec 18 incidents, soit le double de l'Ontario (9/1 000) et 64 % de plus que la moyenne canadienne (11/1 000).
La CMEQ blâme la RBQ qui ne compte que 33 inspecteurs (soit 7 par 10 000 mises en chantier) comparativement à 250 (32/10 000) en Ontario et 150 (51/10 000) en Alberta. En entrevue le 12 juin avec le Journal de Montréal, le porte-parole de la RBQ, Sylvain Lamothe, a affirmé qu’il est nécessaire de faire un plus grande nombre d'inspections ailleurs au pays qu’ici parce qu'au Québec, contrairement aux autres provinces, seul un maître électricien peut effectuer des travaux électriques. Pourtant, les inspections réalisées en 2017 ont révélé que les non-conformités du système électrique n’étaient pas beaucoup plus nombreuses ailleurs que chez nous : 48 % au Québec, 54 % en Ontario et 20 % en Colombie-Britannique.
« On devrait faire inspecter son système électrique aux dix ans, même aux cinq ans pour les prises d’usage courant », nous expliquait en entrevue en 2018 Michel Bonneau, directeur du service technique de la CMEQ. « Malheureusement, personne ne fait de demande. »
Chaque année, les électriciens québécois versent plus de 19 millions $ en cotisations professionnelles à la RBQ qui ne consacre que 2,9 millions $ pour les inspections, soit 20 fois moins qu'en Ontario, selon l'étude de RCGT. « Seul le Conseil du trésor peut autoriser des embauches supplémentaires », a expliqué au Journal le porte-parole de la RBQ, organisme responsable de la réglementation dans le bâtiment.
Pour la CMEQ, certains facteurs comme le peu d'inspections effectuées et le fait qu’un permis ne soit pas requis pour faire des travaux électriques favorisent le travail au noir qui met la sécurité du public en péril.
Les sources principales des incendies résidentiels sont les chandelles, la cigarette, les feux de cuisson et les sécheuses dont les conduits ne sont pas nettoyés et qui accumulent trop de charpie. Si la longueur du conduit d'évacuation dépasse 35 pieds (11 m), il faut ajouter un ventilateur d'appoint pour éviter la combustion spontanée de cette charpie même après l'arrêt de la sécheuse, selon un article publié dans le numéro de juin 2017 du magazine IMB.
À la suite d'un incendie qui s’est propagé dans les embases de compteurs d'un duplex montréalais en 2013, et bien qu'Hydro-Québec ait conclu que ses compteurs nouvelle génération n'étaient pas en cause, la CMEQ a rappelé aux propriétaires d’habitation l'importance de faire inspecter les embases dans lesquelles les compteurs sont installés parce qu’elles leur appartiennent et qu’ils en sont responsables. « Il arrive que de la rouille apparaisse sur les boîtiers et les perfore ou encore que des composantes se desserrent, se brisent ou se corrodent, occasionnant un mauvais contact. Ces altérations de l'installation électrique produisent des arcs électriques (éclairs bleus) qui peuvent être ou non perceptibles. Lorsqu’ils sont perceptibles, les résidents observent des interruptions de courant de très courte durée ou des fluctuations d'intensité de l’éclairage, comme une sorte de clignotement. Un mauvais contact électrique doit toujours être pris au sérieux, car il peut devenir la cause d'un incendie. »
Depuis 2012, Hydro-Québec a remplacé la plupart de ses compteurs analogiques (« à roulette » ou électromécanique) par des compteurs numériques, communicants ou non communicants. « Il nous reste à ce jour 37 000 compteurs analogiques à remplacer », nous a déclaré un porte-parole d'HQ, Cendrix Bouchard, le 15 août. L'organisme Refusons les compteurs soutient les gens qui veulent conserver leur compteur analogique à cause de leurs risques associés (incendies, problèmes de santé, de surfacturation, cybersécurité). Plusieurs d'entre eux se sont faits couper le courant par HQ pour avoir refusé l'accès au dit compteur. En vertu du « point f) de l’article 7.1.2 des Conditions de service, Hydro-Québec est autorisée à interrompre avec avis un client qui refuse l’accès à notre compteur », explique Louis-Olivier Batty, chargé d'équipe, relations avec les médias, chez HQ.
De 2016 à 2018, 67 763 compteurs nouvelle génération ont été remplacés au frais du manufacturier pour cause de cartes de communication défectueuses, selon HQ. « Nos compteurs sont sécuritaires, fiables et sans danger pour la santé », assure M. Batty, ce que conteste Maria Acosta, webmestre du site Basses-Laurentides Refuse : « Les manufacturiers ont averti les compagnies d'électricité que l’embase, fabriquée pour le compteur électromécanique, n'est pas compatible avec leur compteur numérique. Toutes les embases doivent être changées pour une homologuée pour les nouveaux compteur. HQ ne l'a pas dit pour éviter une opposition plus forte contre l'installation des nouveaux compteurs. L’embase est la propriété du client pendant que le compteur est la propriété d'HQ. »
Selon M. Batty, aucun compteur de nouvelle génération n’aurait pris feu. « Le plastique des compteurs va fondre à la chaleur, mais ne s’enflamme pas. Les compteurs de nouvelle génération d’Hydro-Québec ont passé les essais d’inflammabilité de l’industrie telle que la norme UL94 d'inflammabilité des plastiques publiée par Underwriters Laboratories des États-Unis. Le compteur lui-même n’est pas la cause d’un point chaud, le changement du compteur (peu importe le type de compteur) peut précipiter la création d’un point chaud s’il y a une défectuosité déjà existante dans l’embase du client. Une défectuosité de l'embase est pratiquement toujours la cause première de la présence d'un point chaud. Un point chaud est créé dans un circuit électrique lorsqu'un mauvais contact est présent. Ce genre de situation peut se former entre les mâchoires de l'embase du client et les pattes du compteur lorsque le contact est "lousse". Important : les compteurs électromécaniques ont aussi une base en plastique, c'est-à-dire la partie qui est en contact avec les embases de compteur des clients. Donc, utiliser le plastique dans la fabrication des compteurs électriques, que ce soit pour les compteurs électromécaniques ou pour les compteurs de nouvelle génération, n’est pas nouveau et est utiliser par l’industrie depuis plusieurs décennies. »
Nos articles sur les risques d’incendies et les feux électriques : maisonsaine.ca/tag/feu