Dans les hautes Rocheuses du Colorado, le physicien Amory Lovins a démontré durant les années 1980 qu’avec une enveloppe très échange et surisolée (murs R-40 et un toit R-80) ainsi que du vitrage à très haute efficacité énergétique (Caloriverre) orienté au sud, il pouvait chauffer son Rocky Mountain Institute de 370 m2 (4 000 pi2) principalement avec le soleil, notamment grâce à une serre où poussent des bananiers en hiver.
Il est vrai que l’immeuble est doté d’un poêle à bois et que ses 20 employés et son équipement de bureau contribuent au chauffage, tout comme son chien qui dégage 50 watts en permanence ! Sans oublier ses deux ventilateurs récupérateurs de chaleur. Mais sa découverte, c’est qu’en 1982, un investissement additionnel de 6000 $ dans une enveloppe plus performante fut récupéré en six mois d’économie d’énergie. Un constructeur de Chicago qui l’a imité chauffe d’ailleurs ses maisons sans fournaise ni géothermie en appliquant les mêmes principes.
Si Lovins y parvient où la température peut descendre à -40 degrés Celsius en hiver, pourquoi ne le faisons-nous pas chez nous ? Voici les réponses de mon ami François Dubrous, expert en maisons performantes et directeur intérimaire du secteur résidentiel, bâtiments, collectivités et simulation, à Ressources naturelles Canada :
« La géothermie est une excellente solution à court ou moyen terme dans le but de limiter la consommation d'énergie achetée du réseau électrique. Cela est d’autant plus frappant si l’air de la résidence est conditionné, ce qui permet de rentabiliser l'investissement (important) tout au long de l'année, et idéalement si l'on couple le chauffage de l'eau et tout autre besoin thermique, ce qui accélère d'autant plus le rendement de l'investissement.
Cependant, lorsqu'on regarde le problème dans son ensemble, il devient vite évident que la seule approche qui tient la route à long terme est de commencer par réduire les besoins en énergie avant de trouver quels sont les systèmes efficaces qui vont répondre à ces besoins. De plus, il est manifeste que non seulement nous pouvons concevoir des maisons à besoins énergétiques très faibles, mais aussi que dans ce cas-là l'énergie renouvelable peut jouer le rôle de source première d'énergie.
Le solaire avant tout
L'électricité est une source d'énergie très noble, c’est-à-dire que l'on peut tout faire avec de l'électricité : faire tourner un moteur, produire de la lumière et de la chaleur. Mais a-t-on besoin de « brûler » de l'électricité pour faire de la chaleur, surtout de la chaleur à basse température pour chauffer nos maisons, qui elle est une énergie de bien plus faible valeur ? Probablement pas. C'est comme prendre du pétrole et le brûler dans un moteur plutôt que faire des plastiques avec. C'est correct tant que la ressource est disponible en abondance, mais dans un avenir où ce ne sera plus le cas et où ces ressources vont devenir plus coûteuses, on va tout à coup se demander quelle est l'utilisation la plus rentable de cette ressource.
Je crois donc qu'on s'en va vers un avenir où le solaire thermique servira au chauffage, où le solaire électrique sera une source de cette ressource précieuse qu'est l'électricité, et où les équipements requis pour chauffer, ventiler et rafraîchir l'habitat seront de faible puissance. Et l'avenir nous réserve fort probablement une révolution dans la façon dont l'énergie va circuler et alimenter maisons, bâtiments, centres de production ou de stockage d'énergie. Ça va remettre fondamentalement en question comment l'énergie va arriver chez nous et comment nous allons la gérer!
L’importance d’une enveloppe performante
L’on ne peut pas prévoir le rendement d'une enveloppe « extrême » sans avoir des données chiffrées et sans énoncer des hypothèses de travail (coût de l’électricité, revenus potentiels de la vente d'électricité au réseau, coût d'une corde de bois, etc.).
Chose certaine, l’optimisation du chauffage solaire passif ou actif requiert du stockage. Ce stockage peut être de très courte durée ou d’un à deux jours, et actif (transferts thermiques contrôlés). Les gains internes (de chaleur émise par les électroménagers, l’éclairage, etc.) deviennent significatifs en présence d’une enveloppe haute performance. Les gains internes d'un bureau profitent de la présence combinée des équipements de bureau et des employés, ce qui n’est généralement pas le cas dans les résidences.
Mon expérience personnelle consiste à utiliser un foyer à bois (haute performance, coté EPA, situé en plein centre de la maison) comme première et principale source de chaleur. Cela requiert une adaptation des habitudes de vie, car la température varie d'une zone à l'autre de la maison et d’un moment à l’autre — entre les périodes où le foyer fonctionne et les moments (par exemple, la nuit) où il n'y a que peu ou pas de bois qui brûle.
Pour plus de détails
Le centre canadien de recherche sur les énergies renouvelables
Les maisons R-2000
Les maisons solaires EQuilibrium