L'eau rafraîchit la planète et on peut ralentir les changements climatiques en agissant dès maintenant sur le cycle de l'eau, notamment en aménageant des entrées et des stationnements poreux et en favorisant la biodiversité, selon un nouveau film provocateur dont les organismes SNAP Québec et Équiterre organisaient récemment un visionnement qui sera suivi par une table ronde en ligne demain soir.

« Pendant longtemps, le discours dominant a été l’affirmation réductrice selon laquelle l’augmentation du CO₂ dans l’atmosphère est la principale cause des changements climatiques. Pourtant, de nombreux scientifiques et d’autres personnes dans le monde entier racontent une histoire différente : une histoire qui montre que l’eau, à travers ses différentes phases, est le principal déterminant des variations climatiques. » C'est ce qu'affirme Daniel Seitz, ancien membre du Conseil national des normes biologiques du Département américain d'Agriculture (USDA) au sujet du récent film Regenerating Life

Pour visionner ce film de John Feldman paru en 2023, inscrivez-vous ici au panel de demain soir. Inscrivez-vous ici pour assister à la table ronde en ligne qui aura lieu demain soir, de 19h à 20h15. 

 

Voici les panélistes qui « approfondiront les enjeux et les solutions proposées dans le film Regenerating Life avec un regard orienté sur l’importance de la santé des sols et des écosystèmes » :

Colleen Thorpe , directrice générale d’Équiterre.

Alain Branchaud, directeur général de la SNAP Québec

Florent Barbecot, professeur d’hydrogéologie au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère à l’UQAM.

Ce documentaire adopte une approche écologique et systémique pour démêler les crises sociales et environnementales auxquelles nous sommes confrontés. Il remet en question l’histoire dominante des changements climatiques et propose un nouveau récit. En vous inscrivant au panel, vous recevrez un lien pour visionner le film. Notez qu’il n’est pas obligatoire d’avoir visionné le film pour assister au panel. 

Ce panel sera l’occasion de :  

  1. Mieux comprendre comment la forêt, les champs, les milieux humides, les océans, régulent la température de la planète. 
  2. Comprendre comment le cycle de l’eau peut renverser les changements climatiques. 
  3. Approfondir les solutions proposées dans le documentaire Regenerating Life

Voici une traduction française du résumé anglais du film présenté sur https://bio4climate.org/2023/03/28/a-review-of-john-feldmans-regenerating-life/ par Fred Jennings, économiste écologique pour l'organisme Biodiversity for a Livable Climate. 

Première partie : L'eau refroidit la planète.

Durée 41:43

John Feldman se présente et s'étonne que ce travail l'ait amené à beaucoup réfléchir sur l'eau. Le film aborde ensuite l'eau sous ses divers aspects : en tant que puissant gaz à effet de serre; dans son rôle de distribution de la chaleur à l'intérieur et à l'extérieur de notre planète; dans la formation des brumes et des nuages à partir d'aérosols et de noyaux de précipitations créés par la nature; dans la nécessité de couvrir la terre de végétation pour refroidir ses surfaces; pour maintenir l'eau aussi haut que possible dans les bassins versants, comme le font gratuitement les castors en tant que super ingénieurs hydrologiques; comment les arbres ont besoin de la pluie, mais aussi comment la pluie a besoin des arbres...

Nous apprenons ensuite l'existence de la pompe biotique qui apporte l'eau évaporée des océans pour nourrir les forêts, et de l'éponge absorbante qu'est le sol lorsqu'il est recouvert de végétation photosynthétique et infusé de champignons et de carbone, que les engrais tuent. Les processus complexes qui se cachent derrière l'hypothèse Gaïa (la Terre serait « un système physiologique dynamique qui inclut la biosphère et maintient notre planète depuis plus de trois milliards d'années en harmonie avec la vie ») sont expliqués si clairement que l'on pourrait croire que tout cela est plutôt simple, alors que nous patinons délicieusement à travers toute cette complexité déconcertante.

Au fur et à mesure qu'il se déroule, ce film est parsemé d'aperçus philosophiques sur les idées à l'origine de ces problèmes de changement climatique galopant, comme la vision de Descartes selon laquelle la nature est « autre » et donc séparée de l'humanité, une perspective qui justifie l'exploitation et la destruction des ressources communes à tous. Le débat sur les gaz à effet de serre est lancé par Joseph Fourier, qui a calculé au milieu des années 1800 que la Terre devrait être 33˚C plus froide si elle était dépourvue de vie, bien qu'elle soit totalement recouverte de glace. La vie (la biodiversité) est ce qui équilibre Gaia dans sa chaleur et sa température, en faisant circuler la vapeur d'eau sur la terre par des moyens biologiques.

Cette première section nous offre une introduction en douceur aux mystères de l'eau et à son rôle dans la biologie et l'hydrologie de la planète. Il y a beaucoup à apprendre, on a envie d'en savoir plus sur les subtilités dévoilées en douceur. L'appétit est aiguisé pour la deuxième partie !

Deuxième partie : La vie soutient le climat

Durée 48:32

Cette partie s'ouvre sur la question de savoir comment la vie soutient le climat et comment elle se soutient elle-même, en citant le microbiologiste du sol Walter Jehne qui déclare que « le défi du changement climatique est de reconstruire le cadre biologique ». La « biologiste rebelle » Lynn Margulis explique que le but premier de la vie est tout simplement de se multiplier. D'où viennent l'énergie et la matière qui traversent et soutiennent la vie, et où vont-elles? Quelle merveilleuse introduction!

La photosynthèse est présentée comme l'inverse de la combustion, transformant le CO2 et le H2O en C6H12O6 (sucre) et en O2 par les plantes et dans l'autre sens par les animaux et le feu. Le rôle du fumier, des bactéries et des champignons dans les sols est également abordé en détail, avec un aperçu des méthodes agricoles traditionnelles et nouvelles. L'essentiel est de protéger et d'entretenir un sol de qualité, qui contribuera à équilibrer le rayonnement solaire entrant et sortant de la planète. La disparition des arbres a eu des conséquences écologiques désastreuses, mais la nature sait mieux que quiconque comment restaurer la planète si nous nous écartons de son chemin. Le plateau de Loess en Chine est utilisé pour montrer ce qu'un programme prudent de restauration écologique peut faire en seulement 20 ans.

Une grande partie du problème provient bien sûr de la façon dont nous concevons la planète et le rôle de l'homme par rapport aux dommages écologiques. Dans une écologie à flux circulaire, les excréments deviennent la nourriture d'autres créatures; le système se nourrit ainsi de lui-même. Comme le remarque Lynn Margulis, nous, les humains, pourrions apprendre beaucoup de la biologie, surtout si nous abandonnions les monstres du profit et de la consommation, qui engloutissent notre avenir.

Une discussion intéressante et perspicace sur le détournement de l'ensemble de la conversation sur le climat vers les émissions de CO2 et les combustibles fossiles pour détourner l'attention de ce que nous devons considérer, à savoir la restauration écologique, est suivie d'une explication selon laquelle l'augmentation des niveaux de CO2 et les tendances au réchauffement planétaire ne sont pas des causes, mais des symptômes de la perte écologique. La deuxième partie se termine par une surabondance d'informations sur la façon dont nos méthodes agricoles sont responsables d'un large éventail de maux sociaux...

Cette deuxième partie nous permet donc de découvrir comment la biologie influe sur le climat par le biais de la photosynthèse et de l'hydratation. Là encore, alors que nous pensions en savoir beaucoup sur l'eau dans la première partie, nous avons appris l'importance du sol pour la santé écologique et la restauration de notre climat...

Troisième partie : Les petites exploitations agricoles nourrissent le monde

Durée 44:32

Cette troisième partie commence avec Wes Jackson, cofondateur du Land Institute au Kansas, qui parle de la santé des sols et de leur importance. Jackson explique que l'utilisation de charrues a tué les terres agricoles vivantes et a donc eu des effets profondément destructeurs sur les sols, entraînant des tempêtes de poussière à la fin des années 1800 et au début des années 1900.

Le film examine ensuite de près et de manière très instructive l'histoire et l'évolution des politiques agricoles aux États-Unis, et la manière dont elles ont évolué après la Seconde Guerre mondiale vers un contrôle total de l'agriculture par ce que l'on appelle le « "complexe militaro-industriel ». La façon dont les banques gèrent les prêts agricoles a mis les agriculteurs dans une situation impossible, les obligeant à utiliser uniquement des méthodes traditionnelles (pétrochimiques) pour obtenir une aide financière. Cette situation a bloqué tout effort visant à instituer et à développer des méthodes d'agriculture régénératrice, comme en témoignent les interviews d'agriculteurs cherchant à utiliser de telles approches.

Le film aborde ensuite l'impact des engrais et des pesticides sur les terres agricoles [NDLR : dans la première partie, on voit notamment qu'ils créent une croûte blanche similaire à du béton et qui limite la pénétration de l'eau dans le sol], ainsi que leurs effets sur l'économie et la santé; cette discussion est à la fois instructive et extrêmement inquiétante.

La révolution verte est ensuite abordée, dans des termes tout aussi troublants puisqu'elle met en évidence l'émergence d'un abus de pouvoir des entreprises sur les agriculteurs locaux en Inde et ailleurs. Les discussions avec la sommité en agroécologie Vandana Shiva sont particulièrement intéressantes, notamment en ce qui concerne le développement de banques de semences destinées à préserver la biodiversité agricole face à l'assaut des entreprises qui prônent la monoculture et la privatisation par le biais de la propriété génétique des variétés de semences.

Une leçon très convaincante - la nature peut nous aider à résoudre nos problèmes climatiques si nous lui en donnons la chance - est intégrée dans ce film remarquable. La solution ne réside pas dans l'expansion de l'agriculture industrielle ou dans les révolutions vertes, mais plutôt dans l'encouragement des petites communautés agricoles locales, qui cultivent la plupart des denrées alimentaires mondiales de manière plus productive que n'importe laquelle de ces fermes d'entreprise. La solution de la nature consiste à régénérer et à protéger nos terres et nos sols.

Cette dernière partie développe une vision de l'agriculture qui exige de repenser clairement la manière dont nous traitons la terre et nos sols, et de réformer nos pratiques agricoles destructrices. La promesse est de restaurer les communautés et de développer un système économique équitable pour nous tous...

Résumé général et critique de ce film

John Feldman a encore réussi! J'ai été tellement impressionné par son film Symbiotic Earth sur Lynn Margulis et son impact sur notre compréhension de la biologie, que j'ai pensé qu'il serait difficile d'en faire autant avec un autre film. Mais son nouveau film, Regenerating Life, déroule une histoire très complexe et multidimensionnelle d'une manière accessible. Je connais suffisamment ces questions pour en comprendre la profondeur; c'est un art délicat que de distiller des idées difficiles en leurs éléments essentiels, de manière à ce qu'elles puissent être comprises sans entrer dans des détails obscurs qui pourraient nuire à la vue d'ensemble. Feldman nous a montré qu'il était possible de le faire très habilement avec ces conceptions climatiques subtiles qui ont tendance à être totalement ignorées par les médias grand public, à notre grand détriment.

Ce film couvre si bien le terrain que je recommande vivement sa diffusion à grande échelle ! Il transmet une vision positive et pleine d'espoir de ce que nous devons tous faire pour inverser le réchauffement de la planète et l'évolution des conditions climatiques. Merci beaucoup, M. Feldman. Ce film est une réussite triomphale.

- Fred Jennings, économiste écologique pour l'organisme Biodiversity for a Livable Climate