Le plus gros fabricant d'accumulateurs au lithium au monde, Contemporary Amperex Technology Co (CATL), lance la batterie Shenxing Plus qui peut donner une autonomie de 710 km à un véhicule électrique (VE), selon le cycle de tests de l'Agence américaine de l'environnement (US EPA), et reprendre 60 % ou 425 km d’autonomie avec une recharge super rapide de 10 minutes. L'autre bonne nouvelle, c'est qu'elle performe bien à basses températures et qu'elle est plus légère. « Il n’y a donc aucun problème pour faire de longs trajets! », écrivait mardi le docteur en physique Pierre Langlois dans son blogue publié sur le site Roulez électrique.
Préparez-vous donc pour l'entrée en force imminente des piles améliorées au lithium fer phosphate (LFP) qui ont beaucoup évolué favorablement ces dernières années, tant au chapitre de la performance que du prix. Elles vont donc remplacer les batteries au lithium-ion avec nickel, manganèse et cobalt. Celles-ci étaient jusqu'ici préférées pour les longues autonomies (la Tesla Modèle 3 GA est en tête de liste des modèles populaires, avec 513 km), mais sont désormais 30 % plus chères que les batteries au LFP améliorées. En hiver, l'autonomie des batteries chute de 20 à 40 %.
« Selon un article de Reuters, CATL est en pourparlers avec Tesla et d’autres fabricants automobiles pour leur accorder une licence afin de pouvoir fabriquer les batteries LFP de CATL en Amérique du Nord. Les véhicules Tesla devraient donc être équipés avec les batteries Shenxing en 2025, et possiblement avant en Chine », ajoute Langlois, auteur notamment du livre Rouler sans pétrole et consultant indépendant cumulant plus de 10 000 heures consacrées à la synthèse des multiples dossiers sur la mobilité durable.
Guerre de prix
Le marché des VÉ est en pleine ébullition mais les nouvelles concernant l'arrivée prochaine de modèles abordables sont contradictoires. Le 25 mars, Auto Evolution affirmait que CATL fournirait la prochaine génération de véhicules plus abordables de Tesla. Or, le 5 avril Reuters rapportait que son projet de véhicule de masse abordable, comme un Modèle 2 à 25 000 $ US, était sur la glace. Il ne serait pas rentable face à la « compétition féroce » des véhicules Chinois qui s'apprêtent à prendre l'Amérique du Nord d'assaut. Cependant, le principal fabricant chinois de VÉ, BYD, dit ne pas avoir de plans nord-américains parce que ce marché serait « trop compliqué » politiquement.
Il existe déjà des VE vendus en Amérique du Nord qui ont une autonomie autour de 650 km (400 mi) par recharge, mais ils sont dispendieux. On pense par exemple à la Lucid Air, vendue à partir de 78 900 $ US, et la Mercedes-Benz EQS, à 105 550 $. En décembre, Green Car Reports annonçait l'arrivée prochaine de plusieurs Ve plus abordables, mais on parlait d'en-deçà de 40 000 $ US ou 55 000 $ CAN. On ne parle donc pas encore de VE abordable pour la classe moyenne, mais la guerre de prix récente et l'annonce faite cette semaine par CATL pourrait changer la donne alors que, selon The Conversation, le fabricant promet de réduire de moitié le coût de la batterie, composante la plus dispendieuse d'un VE.
Espérons que les prix chuteront significativement avant la disparition de la subvention québécoise à l'achat d'un VE neuf, en 2027. L'aide actuelle, de 7 000 $, passera à 4 000 $ le 1er janvier prochain, puis à 2 000 $ en 2026.
La sommité québécoise en matière de batteries et pionnier du développement de la technologie LFP, l'électrochimiste Karim Zaghib, confirme que Pierre Langlois a raison de dire que la batterie de CATL changela donne. Le fer et le phosphate sont abondants et abordables tout comme le manganèse que l'on ajoute pour faire des batteries LMFP. « Oui, le LFP et le LMFP sont d’excellente technologies pour la voiture électriques, CATL est une compagnie sérieuse. Ci-joint notre article publié cette semaine sur le même sujet », m'écrivait mardi cet ancien directeur de la recherche chez Hydro-Québec et directeur de l'initiative de recherche Volt-Age, à l'Université Concordia.
Publié dans la revue scientifique Materials Science & Engineering, cet article est le premier « examen unifié et coordonné couvrant le sujet de la mine au châssis ». Il englobe l'ensemble du processus de développement de la batterie lithium-ion. Ainsi, bien que la production d'un VE génère deux fois plus de gaz à effet de serre que celle d'un véhicule à moteur à combustion interne, l'utilisation de ce dernier en produit bien davantage et « la différence est beaucoup plus importante lorsque l'électricité du réseau propre est utilisée, avec des émissions presque nulles pendant la phase d'utilisation des VE ».
Publié dans la revue scientifique Materials Science & Engineering, cet article est le premier « examen unifié et coordonné couvrant le sujet de la mine au châssis ». Il englobe l'ensemble du processus de développement de la batterie lithium-ion. Ainsi, bien que la production d'un VE génère deux fois plus de gaz à effet de serre que celle d'un véhicule à moteur à combustion interne, l'utilisation de ce dernier en produit bien davantage et « la différence est beaucoup plus importante lorsque l'électricité du réseau propre est utilisée, avec des émissions presque nulles pendant la phase d'utilisation des VE ».
Surtout, cet article cosigné par M. Zaghib confirme qu'une révolution est à nos portes : « En tant que chimie la plus prometteuse, le LMFP devrait s'inscrire dans l'orientation future des batteries, telles que les nouveaux systèmes de batteries à l'état solide. »
Les ventes de véhicules électriques augmentent chaque année, si bien que le pic de la demande de pétrole vient d'être atteint : la demande croîtra de 340 000 barils cette année contre 700 000 l'an passé, selon le cabinet Wood MacKenzie, rapporte l'Association des véhicules électriques du Québec (AVEQ). « D’autres analystes ont prédit que les véhicules électriques pourraient dépasser les deux tiers des ventes mondiales de véhicules d’ici 2030, et ont vu cela comme le point où, cumulativement, la dynamique de l’offre et de la demande d’essence deviendra très différente », précise l'AVEQ.
En avril, PV Magazine annonçait d'ailleurs le lancement de la batterie stationnaire TENER, décrite par CATL comme « le premier système de stockage d'énergie au monde pouvant être produit en masse et ne présentant aucune dégradation au cours des cinq premières années d'utilisation ». Avec son impressionnante capacité de stockage de 6,25 mégawattheures (MWh) représentant 6 205 kWh dans un conteneur de 20 pieds, elle peut par exemple électrifier pendant une panne d'une journée 155 maisons consommant 40 kWh par jour.
Points clés de l'article de Pierre Langlois
« CATL est très avare sur les détails, mais le fabricant a ajouté des métaux de transition à la chimie lithium fer phosphate (LFP) traditionnelle afin de pouvoir recharger plus rapidement.
Il serait très étonnant qu’ils aient utilisé du nickel et du cobalt que tout le monde essaie d’éviter, sinon en petites quantités, ni des métaux précieux comme l’or, l’argent, le platine, le palladium ou l’irridium. Ce qui semble le plus logique c’est l’ajout de manganèse (Mn), connu pour aider à augmenter la densité d’énergie des batteries LFP.
Ajoutons à cela les excellentes performances aux températures froides et on réalise que la batterie Shenxing Plus vient véritablement de se positionner comme un challenger de haut niveau pour les batteries NCA et NMC qui dominaient le marché. Ce n’est plus simplement une alternative moins chère réservée aux VE d’entrée de gamme, comme l’étaient les batteries LFP traditionnelles avec leur 170 Wh/kg et des autonomies de 430 km.
On devrait voir arriver les batteries Shenxing Plus dans des VE commerciaux en 2024 ou 2025, et elles devraient prendre une part importante du marché. Au rythme où la technologie progresse, les années qui viennent risquent de nous réserver de très belles surprises! »
Conclusion de l'article de Pierre Langlois
« En guise de conclusion, je vais répéter le début de celle de mon premier article sur la batterie Shenxing. “ Tout d’abord, rappelons les avantages des batteries LFP :
elles sont beaucoup plus sécuritaires,
elles sont moins chères,
elles n’ont pas de nickel ni cobalt,
elles durent deux fois plus longtemps,
elles utilisent des matériaux très abondants (fer, phosphate),
elles peuvent être déchargées à 0% sans problème,
elles peuvent être rechargées à 100% sans problème.
Vous conviendrez que ce sont là d’énormes avantages! CATL vient de démontrer, avec sa nouvelle mouture Shenxing de leurs batteries LFP, qu’on peut pratiquement éliminer ses trois inconvénients :
elles performent mal aux basses températures,
elles ont une plus faible densité d’énergie (moins d’autonomie),
elles ne se rechargent pas très rapidement. “
Compte tenu des améliorations faites à la batterie Shenxing Plus, je changerais la phrase « CATL vient de démontrer, avec sa nouvelle mouture Shenxing de leurs batteries LFP, qu’on peut pratiquement éliminer ses trois inconvénients » par « CATL vient de démontrer, avec sa nouvelle mouture Shenxing Plus de ses batteries LFP, qu’il a éliminé leurs trois inconvénients. »
M. Langlois résume l'article cosigné par Karim Zaghib dans son dernier blogue, publié aujourd'hui.