Devenue intolérante aux ondes des technologies sans-fil, Jenny Fry s'est enlevée la vie à l'âge de 15 ans.
Devenue intolérante aux ondes des technologies sans-fil, Jenny Fry s'est enlevée la vie à l'âge de 15 ans.

Alors qu'un élève québécois sur cinq au primaire et au secondaire est en difficulté d'apprentissage, dont certains sont suicidaires, le biochimiste émérite américain Martin Pall vient de publier un article résumant les méfaits du Wi-Fi sur la santé, Le Wi-Fi est une menace importante à la santé humaine, paru en juillet dans la revue scientifique Environmental Research. Le point sur ce sujet brûlant.

Jenny Fry, 15 ans, a été retrouvée morte le 11 juin 2015, pendue à un arbre. Depuis novembre 2012, la vie de la jeune adolescente britannique était devenue infernale. Elles souffrait de problèmes de concentration, de maux de tête, de nausées, de fatigue et de problèmes de vessie dès qu'elle s'approchait d'un routeur (ou borne) Wi-Fi. Cette technologie venait d'être installée chez elle et à son école. Après avoir investigué sur les risques à la santé présentés par le Wi-Fi, sa mère Deborah Fry a immédiatement retiré le routeur de leur maison, d'autant plus qu'elle commençait elle-même à développer des symptômes d'intolérance aux ondes. 

Mais la situation à l'école de Jenny était plus compliquée. « Dès qu'elle s'éloignait d'un routeur elle se sentait instantanément mieux, alors elle cherchait toujours les endroits de l'école non couverts par le Wi-Fi pour étudier. Mais quand elle se déplaçait ses enseignants ne voulaient pas écouter ses raisons et ils lui collaient une retenue... Si un enfant est allergique aux arachides, vous ne le forcez pas à étudier entouré d'arachides », expliquait Mme Fry au quotidien londonien Daily Mail, en novembre 2015.

« Le Wi-Fi et les enfants sont incompatibles. Je crois que le Wi-Fi a tué ma fille », a-t-elle ajouté au sujet de Jenny, une adolescente studieuse qui n'était autrement pas déprimée. Jenny n'avait jamais consulté un médecin au sujet de sa condition, mais une enquête du coroner de la région d'Oxforshire a conclu qu'avant de passer à l'acte, rien ne laissait croire qu'elle était suicidaire. « La sécurité de nos étudiants lorsqu'ils sont à l'école est primordiale... Nos gouverneurs sont satisfaits que l'équipement respecte les règlements pertinents », affirmait pour sa part au Daily Mail Simon Duffy, chef enseignant à l'école de Jenny, Chipping Norton School, à Chaddington.

Principe de précaution

Trois ans après le suicide de sa fille, de nombreux jeunes ont développé une intolérance non reconnue aux ondes et Deborah Fry poursuit sa lutte pour mettre parents, enseignants et médecins en garde contre les dangers du Wi-Fi. Bien que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaisse la réalité des symptômes associés à l’hypersensibilité électromagnétique, en décembre 2005 cet organisme écrivait que rien ne prouve hors de tout doute qu’ils sont causés par l’exposition aux champs électromagnétiques (CEM). Pourtant, l’intolérance électromagnétique est mieux connue depuis l’apparition du radar durant la Seconde Guerre mondiale et a été largement documentée depuis les années 1960, notamment dans des études militaires russes récemment résumées en anglais. Les soldats d'alors étaient atteints des mêmes symptômes multisystémiques que les écoliers d'aujourd'hui. En 2000, les huit pays nordiques européens dont la Suède ont reconnu l’intolérance électromagnétique comme une maladie professionnelle dont les « symptômes disparaissent dans les environnements non électriques ».

Malgré l'absence de consensus scientifique entourant cette question, plusieurs médecins, organismes et pays prônent l'application du principe de précaution en la matière, notamment en favorisant les connexions internet câblées le plus possible. Comme la plupart des lieux publics sont aujourd'hui inondés d'ondes cellulaires et Wi-Fi, les experts indépendants recommandent surtout de débrancher les technologies sans-fil émettrices de radiofréquences (RF) de type micro-ondes durant la nuit, car ces radiations, tout comme la lumière, stoppent la production nocturne de mélatonine par la glande pinéale située au cerveau. En plus de moduler notre horloge biologique dont le cycle veille-sommeil, la mélatonine permet de réparer les dommages causés à l'ADN et est probablement le plus puissant anti-oxydant que notre corps produise pour lutter contre le cancer.

Déjà au moins 3 % de la population mondiale est devenue hypersensible à de très faibles doses de RF, mais une étude réalisée par la toxicologue ontarienne Magda Havas a démontré que 30 % des écoliers et enseignants bénéficient de l’abaissement de la pollution électromagnétique. Après avoir filtré l’interférence électromagnétique (hautes fréquences transitoires ou électricité sale), les enseignants étaient plus énergiques et moins irritables, les écoliers plus concentrés, productifs et collaborateurs. Rien de surprenant : comme notre corps fonctionne par impulsions électriques, nous sommes tous plus ou moins électrosensibles.

L'ancienne directrice générale de l'OMS, Dre Gro Harlem-Brundtland, est la personne électrohypersensible la plus célèbre. Ironiquement, les Écoles vertes Brundtland portent son nom mais la plupart des autorités de santé publique à travers le monde affirment que les technologie sans fil seraient sécuritaires.  Pourtant, depuis 2015 la France a interdit le Wi-Fi dans les lieux accueillant les enfants de moins de trois ans et exige qu'il soit éteint au primaire hors des activités pédagogiques. Et le Maryland est le premier État américain à s'inquiéter des risques de maladies associées à l'exposition chronique aux micro-ondes émise par les routeurs, modems, tablettes, ordinateurs et téléphones en mode Wi-Fi, de même que les symptômes neurologiques comme les problèmes de mémoire et de concentration affectant la performance scolaire.

 Martin Pall a expliqué le mécanisme par lequel le stress oxydatif causé par les champs électromagnétiques augmente la production de radicaux libres qui endommagent l'ADN des cellules qui sont alors inondées de calcium qui à son tour produit une cascade d'autres effets et symptômes typiques de l'intolérance aux ondes. © www.emfanalysis.com/research
Martin Pall a expliqué le mécanisme par lequel le stress oxydatif causé par les champs électromagnétiques augmente la production de radicaux libres qui endommagent l'ADN des cellules qui sont alors inondées de calcium qui à son tour produit une cascade d'autres effets et symptômes typiques de l'intolérance aux ondes. © www.emfanalysis.com/research

Revue de la littérature

Les méfaits cumulatifs et permanents du Wi-Fi viennent d'être résumés par le chercheur américain Martin Pall, professeur émérite de biochimie et de sciences médicales à l’Université Washington State. Son article Le Wi-Fi est une menace importante à la santé humaine fut publié en juillet dans la revue scientifique Environmental Research. Pall a analysé 16 études sur le sujet parues entre 2011 et 2017. Sa synthèse contredit les prétentions des autorités de santé publique selon lesquelles le Wi-Fi et autres sources d'exposition chronique aux RF dans la bande des micro-ondes - typiquement 300 mégahertz à 80 gigahertz (GHz) - seraient sans danger. Il cite aussi de vieilles recherches militaires, dont une bibliographie signée en 1971 par Zorach Glaser, chercheur à l’Institut de recherche médicale navale des États-Unis. Glaser a alors recensé 2 311 études sur les effets biologiques des micro-ondes de faible intensité, notamment aux fréquences du Wi-Fi (2,45 et 5 gigahertz).

 Martin Pall, professeur émérite de biochimie et expert des hypersensibilités environnementales.
Martin Pall, professeur émérite de biochimie et expert des hypersensibilités environnementales.

« Des études répétées montrent que le Wi-Fi cause un stress oxydatif, des lésions spermatiques / testiculaires, des effets neuropsychiatriques y compris des modifications de l'EEG [électro-encéphalogramme], l’apoptose [mort cellulaire], des dommages à l'ADN cellulaire, des changements endocriniens et la surcharge en calcium. Chacun de ces effets est également causé par l’exposition à d’autres champs électromagnétiques hyperfréquences et a été bien établi dans de 10 à 16 revues de la littérature » portant sur les cellules, les animaux et les humains, écrit Martin Pall.

Chacun de ces sept effets est très sérieux et menace particulièrement les personnes les plus vulnérables comme les enfants, ajoute-t-il. « Le stress oxydatif a des rôles causaux dans la plupart des maladies humaines chroniques; les dommages à l'ADN cellulaire peuvent causer le cancer, produisant ainsi une explication partielle de la causalité des cancers associés aux CEM; comme ces dommages à l’ADN se produisent [notamment] dans les spermatozoïdes, ils sont très susceptibles de produire des mutations qui ont un impact sur les générations futures; la surcharge intracellulaire de calcium est très susceptible d’être la cause de chacun de ces divers autres effets; l’apoptose joue un rôle central dans les maladies neurodégénératives; les effets neuropsychiatrique sont presque certainement causés par l’impact des CEM sur la structure du cerveau qui est largement documentée. »

Martin Pall précise que les trois organes les plus sensibles aux micro-ondes sont le système nerveux (dont le cerveau), le cœur et les testicules, en plus du système endocrinien (producteur d’hormones comme l’insuline). Il cite une récente méta-analyse qui a montré un abaissement important du nombre de spermatozoïdes et de la qualité du sperme dans de nombreux pays, avec des baisses de plus de 50 % dans tous les pays où les technologies de pointe pays sont implantées. « L’auteur principal de cette étude a suggéré que cet effet seul peut mener à l’extinction humaine », fait-il remarquer.

Contexte

Professeur d'études environnementales à l'Université Trent, à Peterborough, Magda Havas avait sonné l’alerte en 2011 dans la vidéo Wi-Fi in Schools is Safe : True or False? « Nous nous dirigeons vers un tsunami de santé publique si nous exposons nos jeunes enfants à des radiations de micro-ondes pulsées par des routeurs Wi-Fi dans les salles de classe pour la durée de leur éducation scolaire », écrivait-elle sur son site magdahavas.com. Peu après l’installation de ces routeurs de puissance industrielle, équivalant à des mini-antennes cellulaires, certains enfants développent divers problèmes de santé incluant maux de tête, étourdissements, nausées, faiblesses et palpitations cardiaques. Si bien que des écoles ont installé des défibrillateurs par mesure préventive, raconte cette chercheure. « L’exposition dans une école a même dépassé la ligne directrice du Code de sécurité 6 de Santé Canada [visant à prévenir l’échauffement de l’eau et du gras dans les tissus humains, le même effet thermique que celui d’un four à micro-ondes], mais personne au niveau municipal, provincial ou fédéral n’a réagi », déplore Magda Havas. L’experte qualifie d’antidémocratique le fait que les commissions scolaires sanctionnent les enseignants qui parlent des effets du Wi-Fi sur leur santé et sur celle de leurs élèves, en plus de ne pas consulter les parents avant d’installer des bornes Wi-Fi dans les classes.

En 2011, les radiations de RF furent classées dans le groupe 2B (« peut-être cancérogènes »), au même titre que le plomb, les émissions de moteurs et plusieurs pesticides, par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) affilié à l’OMS. Or ce printemps, un comité réviseur a conclu qu'une étude du National Toxicology Program américain a produit des « preuves claires » que l'exposition chronique à de faibles doses de RF peut causer chez certains rats les mêmes types de tumeurs que les études épidémiologiques ont associé plus fréquemment retrouvée chez certains utilisateur du téléphone cellulaire pendant plus de dix ans. C'est ce qui incite aujourd'hui le Dr Anthony B. Miller, le conseiller de l'OMS qui a confirmé la justesse du classement 2B de 2011, à conclure dans une récente étude que le CIRC devrait reclasser ces ondes dans le groupe 1 (« cancérogène pour l’humain »). L'étude du NTP sera publiée cet automne sur le site du NTP qui relève du National Institute of Environmental Health Sciences du ministère américain de la Santé. Elle confirme les résultats obtenus en 1984 par des chercheurs de l'armée de l'air américaine chez des rats exposés à la fréquence Wi-Fi 2,45 GHz. Cette étude portant sur des rats ne fut publiée qu'en 1992 mais n’est disponible sur Internet que depuis 2005, explique Magda Havas dans sa vidéo. Les rats surexposés aux ondes avaient alors connu une hausse de leurs cellules immunitaires, dont les cellules B censées défendre le corps contre des bactéries, alors qu’ils étaient testés dans des chambres d’exposition stériles. Leur exposition prolongée a aussi augmenté de 260 % leur incidence de tumeurs primaires et de 100 % celle des tumeurs secondaires (métastases). Il n'est donc pas surprenant que les National Institutes of Health américains viennent de créer un groupe de travail pour suivre l'évolution des politiques publiques et du débat sur les champs électromagnétiques. J'ai d'ailleurs été récemment invité à poser ma candidature pour devenir membre de cette création de la Table ronde du NIH sur la santé dans les bâtiements.

Depuis l’avènement des antennes radar en 1939, des téléphones cellulaires et de leurs antennes relais en 1984, mais surtout du Wi-Fi sur les campus, en 2000, et des compteurs intelligents dans les maisons, en 2010, l’exposition aux micro-ondes a augmenté de façon exponentielle — d’un quintillion de fois, soit 10 suivi de 18 zéros, fait remarquer le neuroscientifique suédois Olle Johansson, pionnier des études sur l’intolérance électromagnétique. Aujourd’hui cette pollution affecte tous les êtres vivants, dont les abeilles envers lesquelles elle serait l’une des causes majeures de l’effondrement des colonies. De plus en plus d’êtres, plus fragiles et plus exposés que d’autres aux ondes partout où ils vont, développent une intolérance électromagnétique, fait remarquer la professeure Havas. Elle compare l’effet cumulatif de tous ces émetteurs de radiations à celui d’une inondation qui remplit progressivement une maison et qui en augmentant engloutit d’abord les plus petites personnes.

 - Devra Davis, présidente de l’Environmental Health Trust, lettre au président Obama, avril 2014.
- Devra Davis, présidente de l’Environmental Health Trust, lettre au président Obama, avril 2014.

Et pourtant les technologies émettant des RF ont été commercialisées sans qu’aucune étude sur leurs effets sanitaires aient jamais été réalisées, déplore l’ingénieur biomédical et médecin américain Karl Maret, président de la fondation californienne Dove Health Alliance. « Les moniteurs pour bébés utilisent la même fréquence que le Wi-fi et on les colle juste à côté des petits bébés. Ça devient un peu inquiétant. Les moniteurs les plus vendus sur Amazon utilisent tous des radiations sans fil. »

D’ailleurs, des organismes tels l’Académie américaine de pédiatrie, l’Association médicale californienne et l’Association médicale canadienne ont réclamé de nouvelles normes d’exposition basées sur les effets non thermiques des RF, afin de mieux protéger les enfants et les femmes en âge d’enfanter. Aucun niveau d'exposition aux micro-ondes n'est considéré comme sécuritaire. Le rapport BioInitiative de 2012 proposait une ligne directrice d'exposition de 100 microwatts par mètre carré (μw/m²) pour éviter tout effet biologique des micro-ondes. Santé Canada affirme qu'une exposition de six minutes au rayonnement Wi-Fi d'une densité de 10 millions μw/m² est sans danger car elle n'échauffe pas les tissus. Pourtant, de nombreux élèves ont dû quitter leur école car le Wi-Fi les rendait trop malades, selon plusieurs experts dont Dr Maret.

« Nous devons vraiment appliquer le principe de précaution, disait Dr Maret dans une vidéo-conférence diffusée en 2015. Si on n’a pas toutes les réponses, au moins commençons par étudier le problème. Il nous faut vraiment des études dosimétriques pour mesurer l’exposition cumulative aux radiations dans les écoles. Pour être en sécurité, nos enfants devraient autant que possible utiliser des systèmes filés, la fibre optique ou même les câbles coaxiaux. Et il faut vraiment étudier les expositions maximales plutôt que juste les moyennes et nous faire dire que c’est sécuritaire. Les enfants et adultes hypersensibles sont les canaris dans la mine qui nous disent que nous avons un problème. »

Si la dose de radiations reçue du Wi-Fi est bien plus faible que celle provenant d’un téléphone cellulaire ou sans fil domestique, c’est la durée et la constance des faibles expositions qui inquiètent les experts indépendants au plus haut point. « Ceux d’entre nous qui étudions ce phénomène depuis des décennies sommes perplexes parce que les responsables de l’éducation de la prochaine génération sont tellement déconnectés de la réalité, dénonce Magda Havas. Ils sont tellement irresponsables dans les décisions qu’ils prennent et qui affecteront la vie de plusieurs jeunes personnes et leurs enseignants. »

« La technologie Wi-Fi – une expérience globale et sans contrôle sur la santé de l’humanité », titrait un article paru en 2013 dans la revue scientifique Electromagnetic Biology and Medicine. Son coauteur Yuri Grigoriev, président du Comité national russe pour la protection contre les rayonnements non ionisants, est expert en la matière depuis 1949. En 2012, son comité déconseillait l’usage du Wi-Fi dans les maternelles et les écoles. Lors d’un symposium tenu dans une université de la Virginie en 1969, les participants ont appris que les Soviétiques recommandaient que les anormalités cardiaques servent de facteurs d’exclusion d’occupations impliquant l’exposition aux RF, rapporte Magda Havas. En 2013, deux célèbres cardiologues ont tenté de dissuader la ville de Toronto d’installer du Wi-Fi dans ses parcs. « En tant que spécialiste cardiaque, je suis très inquiet qu’environ 20 % de la population éprouve une sensibilité préjudiciable du rythme cardiaque associée à l’exposition aux radiations électromagnétiques », a alors déclaré dans son témoignage le Dr Hugh Scully, ancien président de la Société cardiovasculaire canadienne. La Dre Havas a d’ailleurs réalisé une étude à double insu démontrant hors de tout doute que les radiations d’un téléphone sans fil causent de l’arythmie cardiaque, symptôme pouvant mener à un infarctus.

Conflits d'intérêts

Les experts indépendants déplorent que le programme de recherche sur les CEM de l’OMS minimise ces risques. Ils expliquent cela par le fait que ce programme fut fondé et est toujours noyauté par les membres de l’ICNIRP (International Commission on Non Ionizing Radiation Protection), organisme depuis longtemps associé aux puissantes industries électriques et des télécommunications. Fondé par un consultant industriel et ancien employé de Santé Canada, Michael Repacholi, l’ICNIRP a rédigé les limites internationales d’exposition aux RF fondées sur l’effet thermique et qui font fit des effets non thermiques qui se manifestent à des niveaux d’exposition des milliers de fois inférieurs.

Ces limites d’exposition aux RF sont plus laxistes en Amérique du nord et sont jusqu’à 100 000 fois plus élevées que dans d'autres pays, du jamais vu dans le cas des polluants chimiques ou des radiations ionisantes comme l’énergie nucléaire, déplore Magda Havas. Les industries du sans-fil, qui rapportent des milliards de dollars de taxes et autres revenus aux États de la planète, se sont infiltrées dans tous les organismes de réglementation sanitaires et des communications afin de miner le travail des chercheurs indépendants (lire l’article du quotidien britannique The Guardian : The inconvenient truth about cancer and mobile phones. Le fondateur de Microsoft Bill Gates est d'ailleurs un des principaux donateurs de l’OMS.

« Aucun gouvernement n’admettra jamais que ces ondes sont nocives alors qu’il permet l’installation d’antennes sur les toits des hôpitaux et des écoles ainsi que de routeurs Wi-Fi à l’intérieur de ces lieux sensibles », affirme Ronald N. Kostoff, chercheur à l’École de politiques publiques de l’Institut de technologie de la Géorgie (É.U.). C’est d’ailleurs pourquoi les autorités de santé publique ne mesurent généralement que les expositions moyennes, faisant fi des doses maximales (crêtes) qui sont les plus nocives, et ne considèrent que les effets thermiques. 

C’est néanmoins par précaution qu’en 2015 la France est devenue le premier pays à adopter une loi interdisant l’installation du Wi-Fi dans les crèches et les maternelles, et à exiger qu’au premier cycle de l’école primaire, les bornes (routeurs) soient éteints lorsqu’une connexion internet sans fil n’est pas requise pour des activités pédagogiques. Les experts sont très inquiets de l’impact sanitaire de l’exposition chronique aux micro-ondes pulsées, particulièrement chez les personnes plus sensibles aux radiations comme les enfants, pour qui ces ondes augmentent notamment le risque d’autisme et de cancer (dont la leucémie chez ceux vivant près des lignes électriques et de puissantes tours de transmission de radio). Les CEM amplifient aussi notre sensibilité aux autres formes de radiations naturelles et artificielles de même qu’à la pollution biologique (virus, moisissures, etc.) et chimique (formaldéhyde, métaux lourds, etc.), selon plusieurs chercheurs dont Ronald N. Kostoff, chercheur affilié au Georgia Institute of Technology.

L’excellent nouveau film Generation Zapped présente plusieurs experts qui expliquent très bien les enjeux scientifiques, sanitaires, politiques et socio-économiques entourant notre monde du tout-au-sans fil. « Comme les radiations sans fil sont légales et sous-rapportées dans les grands médias classiques, la plupart des gens ont un faux sentiment de sécurité et ne veulent pas entendre parler des risques de leurs jouets favoris, nous a écrit l’une des vedettes du film, Cecelia Doucette, cofondatrice de l’organisme sans but lucratif britannique Wireless Education. Après avoir visionné Generation Zapped, les gens peuvent inviter leurs proches et collègues (adultes et enfants plus âgés) à suivre notre cours d’une demi-heure sur le sans-fil. Ils auront alors en main les faits leur permettant d’engager une conversation informée sur comment utiliser les technologies actuelles de façon plus sécuritaire jusqu’à ce que l’industrie commercialise des appareils mobiles plus sécuritaires. »

Dans une vie antérieure, Mme Doucette faisait des levées de fonds pour introduire les technologies sans fil dans les écoles publiques de la région de Boston. « Quand j’ai découvert que cette technologie était biologiquement dangereuse, je me suis mise à investiguer. J’ai découvert des millliers d’études d’un peu partout dans le monde indiquant que le Wi-Fi fonctionne avec des radiations de micro-ondes émises dans les deux sens et qui sont nocives pour les cellules du corps. J’ai donc œuvré avec les écoles publiques d’Ashland Public Schools, au Massachusetts, qui est devenu le premier district scolaire aux États-Unis à adopter des meilleures pratiques pour l’usage des appareils mobiles, pour protéger les étudiants et le personnel. J’ai ensuite collaboré avec la sénatrice Karen Spilka pour introduire le projet de loi 1268 pour que le gouvernement examine cette question et informe le public. » (Détails de ce projet de loi et quatre autres concernant la sécurité des technologies sans fil : https://mdsafetech.org/massachusetts-bills-emr.)

L’avis de la DSP de Montréal

« Compte tenu, d’une part, des niveaux d’exposition aux radiofréquences (RF) attribuables à la technologie Wi-Fi, et d’autre part, des résultats des études scientifiques rigoureuses portant sur les effets des RF sur la santé, l’utilisation du Wi-Fi dans les écoles primaires ne constitue pas un risque pour la santé des enseignants ni celle des élèves. » Voilà la conclusion du rapport Utilisation du Wi-Fi dans les écoles - Évaluation des risques à la santé, signé en 2014 par Monique Beausoleil, toxicologue à la Direction de santé publique de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, et auquel réfère le gouvernement du Québec.

Cet avis de 36 pages répondait à une demande d’une école primaire de la Commission scolaire de Montréal. Des parents craignaient les effets possibles de RF émises par des bornes Wi-Fi que l’école voulait installer pour relier des ordinateurs portables et des tableaux numériques interactifs à un réseau interne et à l’Internet.

Mme Beausoleil y écrivait que les études ont démontré que l’exposition des usagers du Wi-Fi est « bien inférieure aux normes du Code de sécurité 6 établies par Santé Canada afin de protéger la santé », et bien inférieure à l’exposition provenant d’un cellulaire. « Même lorsque l’activité des bornes Wi-Fi est forcée au maximum ou que la mesure est réalisée à 20 cm de ces bornes, alors qu’elles sont installées au plafond des locaux des écoles de la CSDM, le niveau d’exposition aux RF demeure inférieur aux normes canadiennes. »

Elle cite une autre étude menée dans cinq pays européens où des sujets ont été suivis dans leur environnement habituel pendant sept jours (Joseph et al, 2010 cités par Foster et Moulder, 2013). « L’exposition aux RF la plus importante provenait du téléphone cellulaire - en excluant les appels que les sujets faisaient eux-mêmes, sinon les valeurs d’exposition moyenne aux RF auraient été beaucoup plus élevées. Les principales sources d’exposition aux RF étaient le téléphone cellulaire des personnes situées autour du sujet (50 – 900 μW/m2) et les antennes de téléphonie cellulaire (20 – 200 μW/m2). La technologie Wi-Fi contribuait à une petite fraction des RF ambiantes de l’environnement, soit des niveaux (1 – 8 μW/m2) plus faibles ou semblables à ceux provenant des téléphones sans fil (1 – 50 μW/m2) ou des communications radio FM (10 – 20 μW/m2) et de la télévision (5 – 20 μW/m2).

Mme Beausoleil ajoutait : « Les organismes de santé internationaux considèrent que jusqu’à présent, la recherche n’a pas pu fournir de données qui démontreraient une relation de cause à effet entre l’exposition aux RF et les symptômes rapportés par les personnes qui disent présenter une « hypersensibilité électromagnétique ». Compte tenu d’une part, des niveaux d’exposition aux RF attribuables à la technologie Wi-Fi, et d’autre part, des résultats des études scientifiques rigoureuses portant sur les effets des RF sur la santé, l’utilisation du Wi-Fi dans les écoles primaires ne constitue pas un risque pour la santé des enseignants ni celle des élèves. »

Aveuglement volontaire

Or les effets de ces radiations sont sous-estimés par ces propos rassurants des autorités de santé publique, selon Martin Pall. Il souligne que chaque personne réagit différemment, que les effets prennent du temps à se manifester et qu’ils n’augmentent pas linéairement en fonction de la dose reçue, car certaines fréquences sont plus nocives que d’autres. Les appareils sans fil comme les cellulaires et les appareils utilisant le Wi-Fi sont dotés de plusieurs antennes qui émettent des fréquences différentes qui sont rarement mesurées par les chercheurs : celle de l’onde porteuse, celles des informations transmises et celles de diverses fréquences harmoniques.

Selon Martin Pall, les auteurs Foster et Moulder cités par Mme Beausoleil font preuve d’aveuglement volontaire. Ils font fi des effets non thermiques bien établis dans de nombreuses études révisées par des pairs ainsi que de l’activité biologique plus importante des ondes pulsées et polarisées. De plus, leurs études sous-estiment l’effet du Wi-Fi, par exemple par le positionnement d’antennes dans des cages entourées d’une broche d’aluminium créant de la réverbération qui dépolarise les ondes. « Ce système d’exposition est non seulement très différent de l’authentique Wi-Fi, mais on peut prédire qu’il est moins bioactif », écrit Martin Pall.

Les micro-ondes, précise-t-il, sont biologiquement plus actives que les ondes naturelles du fait qu’elles sont pulsées (intermittentes plutôt que continues) et polarisées (propagées dans des directions asymétriques). Les ondes polarisées exercent de puissantes forces sur les charges électriques de notre biochimie cellulaire, jusqu’à 7,2 millions de fois plus élevées que la charge normale de la phase aqueuse de la cellule.

L'article de Pall déboulonne les affirmations faites sur la sécurité des technologies sans fil par les gouvernements de par le monde. Premièrement, les effets des RF, comme les dommages à l’ADN qui provoquent des mutations, sont cumulatifs. Une petite dose quasi-constante peut donc un jour faire déborder le vase. Pour les enfants n’utilisant pas de cellulaire et qui ne sont pas près d’une antenne, le Wi-Fi et les diverses antennes peuvent représenter la principale source cumulative d’exposition aux RF/micro-ondes.

 En dernier recours si l'on ne peut pas réduire la source d'exposition, cette peinture au graphite peut blinder une pièce car elle réfléchit les radiofréquences. © http://boutique.em3e.com/boutique/
En dernier recours si l'on ne peut pas réduire la source d'exposition, cette peinture au graphite peut blinder une pièce car elle réfléchit les radiofréquences. © http://boutique.em3e.com/boutique/

Le problème, c’est qu’à l’école, certains jeunes sont exposés aux émissions du Wi-Fi au moins six heures par jour, cinq jours par semaine et pendant une douzaine d’années avant d’atteindre l’âge adulte, sans parler de leurs expositions domestiques aux technologies sans fil. Et la source principale de leur exposition n’est pas le routeur au-dessus de leur tête, mais les ordinateurs portable qui communiquent avec cette borne en émettant également des micro-ondes pulsées. Le degré d’exposition augmente avec le nombre d’usagers, et dans bien des classes il y en a de 20 à 30. C’est d’ailleurs pourquoi le district scolaire unifié de Los Angeles, en Californie, a adopté une limite d’exposition aux RF 10 000 fois inférieure à la norme américaine ne visant qu’à éviter des effets thermiques. Bien que le Wi-Fi y soit encore utilisé, l’érection d’antennes de cellulaires est prohibée sur ses terrains et immeubles.

Selon Martin Pall, chacun des sept effets biologiques des RF mentionnés ci-dessus résulte du mécanisme d’action prédominant des CEM sur les cellules animales, végétales et humaines : l’activation de canaux dépendants du voltage, le canal calcique étant le plus important. En effet, les impulsions électriques provoquent d’abord un influx massif de sodium puis de calcium dans les cellules, ce qui cause des dommages cellulaires sérieux : production élevée de protéines de choc thermique, d’oxyde nitrique, de peroxynitrite et de radicaux libres réactifs qui nuisent aux mitochondries qui génèrent l’énergie dans le corps.

Par ailleurs, la surcharge de calcium est persistante longtemps après l’exposition aux ondes et ses effets sont souvent cumulatifs et permanents, selon des études citées par Martin Pall. Cela est particulièrement inquiétant pour les futures générations, parce que les cellules souches des embryons sont plus denses et donc plus sensibles aux effets des CEM. Comme le système nerveux est le plus sensible de tous à l’électricité (l’ADN est endommagé et sa capacité de réparation est alors réduite), les êtres les plus sensibles et les plus exposés aux ondes courent avant tout un risque plus élevé de troubles neurologiques, comme le cancer du cerveau et l’autisme. La bonne nouvelle, c’est que la réduction de l’exposition permet tout de même au corps de récupérer dans une certaine mesure. De plus, des médicaments comme les bloqueurs de canaux calciques, peuvent protéger des effets des ondes naturelles et artificielles, selon 24 études répertoriées par le Dr Pall. L’oncologue parisien Dominique Belpomme a aussi beaucoup de succès en traitant ses patients électrosensibles avec de la papaye fermentée, des antihistaminiques et du ginkgo biloba, notamment.

Pour en savoir davantage

Champs électromagnétiques : douze façons de se protéger

Wi-Fried (documentaire de la télé australienne)

Best Practices with Children and Wireless Radiation a Review of Science and Global Advisories (meilleures pratiques et résumé des études et des recommandations internationales sur les enfants et le sans-fil)