François Contin
François Contin

Le Wi-Fi à l’école, une expérience incontrôlée sur l’humanité, selon les experts

François Contin s’inquiète pour la santé de son fils de six ans et de sa fille d’un an. Il s’en fait pour l’ensemble des tout-petits qui sont exposés, à longueur de journée à la garderie ou à l’école, aux champs électromagnétiques (CEM) de radiofréquences (RF). En particulier aux micro-ondes pulsées par les routeurs Wi-Fi, en plus des émissions des cellulaires et des antennes de toutes sortes. Des ondes soupçonnées cancérogènes depuis 2011 et liées à plusieurs malaises et maladies, des troubles de la mémoire, de l’attention et de l’apprentissage à l’asthme et à l’autisme.

« Ma clientèle se compose aux trois quarts d’enfants au quotidien, dit le professeur de musique qui travaille à la maison et est devenu hypersensible aux CEM il y a cinq ans, à la suite de l’installation de quatre compteurs intelligents chez lui et chez ses voisins immédiats. Chez moi, les gens respectent le panneau que j’ai installé et qui leur demande de mettre leur cellulaire en mode avion. Mais à la maternelle de mon fils, j’ai mesuré les ondes et je me suis rendu compte que c’est la douche du Wi-Fi. Ça m’a posé un problème de conscience pour tous les enfants. Ils n’ont pas leur mot à dire et ils sont beaucoup plus vulnérables aux rayonnements que les adultes. On les met à côté de routeurs de puissance industrielle. C’est vraiment inquiétant. »

« La technologie Wi-Fi - une expérience incontrôlée sur la santé de l’humanité », titrait un article publié dans la revue scientifique Electromagnetic Biology and Medicine, en juin 2013. Il était cosigné par Yuri G. Grigoriev, président d’honneur du comité national russe sur la protection des ondes non ionisantes. Son message : « Qui a le courage [NDLR : ou le culot] d'affirmer que le Wi-Fi ne peut pas influencer le cerveau des enfants, encore sous-développé? Nous devrions arrêter de dire aux scientifiques, aux politiciens et à la population en général que le Wi-Fi demeure inoffensif. Nous devrions plutôt être honnêtes et avouer que nous ne savons pas quels pourraient être les effets à long terme. » Six ans plus tard, les études se précisent et le biochimiste émérite américain Martin Pall se montre plus catégorique : « Le Wi-Fi représente une menace importante pour la santé humaine », affirme-t-il dans un article publié sur notre site maisonsaine.ca.

Voilà pourquoi François Contin est devenu membre du conseil d'administration du Rassemblement électrosensibilité Québec et responsable de son comité École sans Wi-Fi. À ce titre, il informe notamment parents, enseignants et directions d’écoles quant à l’importance d’utiliser des connexions internet câblées. « C’est David contre Goliath, on fait ce qu’on peut. Notre combat est axé sur le Wi-Fi dans les écoles et a évolué avec une prise en considération des effets néfastes de l’exposition aux écrans. L’instauration de la pédagogie par les écrans se voit remise en question par des pédiatres et des psychiatres qui font front commun. Mais pour la direction, la politique, c’est l’école numérique. Ça vient pas mal d’en haut [du ministère de l’Éducation]. Au Collège Stanislas, école primaire et secondaire privée à Montréal, le collectif numérique a sorti une pétition contre les écrans qui au 12 avril avait récolté 250 signatures. Ces parents ne remettent pas en cause la technologie Wi-Fi, ils veulent simplement que leur enfant soit moins devant l’iPad. L’école leur a enlevé leurs bouquins. Ils ont beau payer cher l’éducation de leur enfant, après trois demandes ils n’ont toujours pas été reçus par la direction. »

Électrohypersensibilité

Pour François Contin, tout a débuté en juin 2014 alors qu’il a développé son électrohypersensibilité (EHS) du jour au lendemain. Des techniciens d’Hydro-Québec venaient de remplacer son ancien compteur d’électricité analogique par un modèle communiquant — souvent appelé à tort « intelligent » — qui émet des micro-ondes pulsées. « J’avais quasiment la tête dedans parce que le mur de ma chambre donne sur la cuisine où il est installé. C’est comme une allergie, je me sentais très malade. Je ne pouvais pas dormir, j’avais des nausées, des acouphènes. Je n’avais jamais eu de problème de santé ni entendu parler de l’EHS, mais ça m’a permis tout de suite de faire le lien. Ils sont entrés chez nous et dès qu’ils ont remplacé le compteur, j’ai reçu comme un coup de poing dans le ventre et j’ai perdu l’équilibre. » Ils ont aussi remplacé les compteurs du propriétaire de son immeuble, qui vit à l’étage, ainsi que ceux de deux voisins avec qui sa famille partage des murs mitoyens. Les experts, telle la toxicologue ontarienne Magda Havas, estiment que l’intolérance à de faibles doses de CEM touche sévèrement de 1 à 3 % de la population et plus d’une personne sur trois à divers degrés, en particulier depuis l’avènement des compteurs nouvelle génération.

Comme il ne pouvait plus rester dans sa maison sans souffrir, François Contin a téléphoné plusieurs fois à Hydro-Québec « pour qu’ils coupent le courant. Au bout de quatre ou cinq jours, ils m’ont posé un compteur non communiquant [non émetteur de RF]. J’ai même payé les frais de retrait [85 $ aujourd’hui] pour la pose d’un tel compteur chez mon propriétaire. » Ses voisins ayant refusé de faire de même, M. Contin bloque les émissions de leurs compteurs avec des produits vendus par la firme Expertise électromagnétique environnementale 3E, dont un baldaquin en tissu argenté pour le protéger durant son sommeil. « Le baldaquin m’est vraiment très, très bénéfique, tout comme le traitement du Dr [Dominique] Belpomme. » C’est en 2007 qu’il a consulté à Paris cet oncologue spécialisé en hypersensibilités environnementales. « Il m’a diagnostiqué comme électrosensible et son traitement me protège. » Il prend notamment des antioxydants comme les vitamines B et D, le ginkgo biloba et la papaye fermentée (immunage.fr) qui oxygènent le cerveau en y augmentant la circulation sanguine.

Les Français plus prudents

Alors que la cyberdépendance et les dangers des écrans pour le cerveau sont décriés dans les grands médias, François Contin souhaite ardemment que le Québec applique le principe de précaution en matière d’exposition aux ondes, comme l’a fait son pays natal. Avec sa loi Abeille, adoptée en 2015, la France devenait le premier pays à interdire l’installation du Wi-Fi dans les locaux accueillant les enfants de moins de trois ans. Elle exige aussi qu’au primaire l’on éteigne les routeurs Wi-Fi lorsqu’ils ne sont pas requis pour des activités pédagogiques. Depuis 2015, au moins trois tribunaux français ont reconnu l’EHS comme un handicap donnant droit à des accommodations et une rente d’invalidité. Le 17 janvier 2019, la cour de Cergy-Pontoise a reconnu pour la première fois qu’il s’agit d’une maladie professionnelle liée à une exposition chronique aux CEM jugée sécuritaire par le gouvernement.

CS6 : un désastre pour la santé publique

Au ministère de l’Éducation du Québec, une source bien informée a confirmé à La Maison du 21e siècle que certaines écoles ont dû accommoder des écoliers devenus EHS, en les protégeant des émissions du Wi-Fi et des cellulaires. Mais officiellement, le Ministère s’en remet à l’avis de Santé Canada qui, comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS), affirme que l’EHS n’est pas un diagnostic médical et que rien ne prouve que ses symptômes (neurologiques, psychiatriques, cardiovasculaires, etc.) sont causés par l’exposition aux CEM. « Tant que les niveaux d’énergie RF demeurent inférieurs aux limites prescrites dans les lignes directrices de Santé Canada [le Code de sécurité 6/CS6 qui ne vise qu’à prévenir l’échauffement des tissus humains] sur l’exposition aux RF, les données scientifiques actuelles corroborent l’affirmation que les émissions d’énergie RF des appareils Wi-Fi ne sont pas dangereuses », peut-on lire sur le site canada.ca (Sécurité de la technologie Wi-Fi). Vous faites sans doute partie des 81 % de Canadiens qui ignorent, selon un sondage de l’émission de télé Marketplace (The secret inside your phone), que si vous collez votre cellulaire, tablette ou portable en mode Wi-Fi contre votre corps, au lieu de l’éloigner jusqu’à 1,5 cm tel que recommandé par les fabricants, vous risquez de chauffer vos organes (showthefineprint.org).

En fait, le CS6 de Santé Canada est « un désastre pour la santé publique » car il fait fi de la récente littérature scientifique, déplorait l’oncologue suédois Lennart Hardell dans le Journal de l’Association médicale canadienne, le 16 juin 2015.

Effets non thermiques reconnus

Les effets non thermiques des radiofréquences — aggravés par la pollution chimique — sont attestés par plus de 10 000 études indépendantes publiées depuis plus de 60 ans (orsaa.org). Le 17 avril dernier, la Suisse mentionnait les plus notables dans un communiqué à l’intention des cantons intitulé Téléphonie mobile et rayonnement : déploiement des réseaux 5G en Suisse (déploiement très contesté, particulièrement dans ce pays) : « Des preuves suffisantes d’un effet sur les flux cérébraux ont été établies d’après des critères scientifiques. Quelques indices démontrent par ailleurs une influence sur l’irrigation du cerveau, un effet nocif sur la qualité du sperme, voire une déstabilisation du patrimoine génétique, ainsi que des répercussions sur l’expression des gènes, sur la mort programmée des cellules et sur le stress oxydatif des cellules. On ne sait toutefois pas quelles en sont les éventuelles conséquences sur la santé, ni s’il existe des valeurs seuils en termes d’intensité et de durée du rayonnement. »

Les ondes bientôt classées cancérogènes?

Les chercheurs indépendants disent plutôt que les risques les plus probables —maladies neurologiques et cancer en tête — sont bien connus. Outre les chocs thermiques occasionnels, l’exposition constante aux RF crée un stress cellulaire et des modifications métaboliques (glycémie, calcium, etc.) qui favorisent l’inflammation chronique à l’origine des maladies.

L’année dernière, deux études — l’une simulant un signal de cellulaire et l’autre celui d'antennes cellulaires — ont démontré que l’exposition aux RF peut causer chez certains rats les mêmes types de tumeurs (gliome du cerveau et schwannomes de la myéline des nerfs) que développent certaines personnes après dix ans d’utilisation du cellulaire 30 minutes par jour. C’est ce qui vient d’inciter un comité d’experts à recommander au Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), affilié à l’OMS, de réexaminer les risques sanitaires que présentent les RF. En 2011, le CIRC les classait « peut-être cancérogènes » sur la base des études épidémiologiques humaines, notamment celles du Dr Hardell qui, comme plusieurs experts, estiment qu’elles doivent être reclassées comme « cancérogènes pour l’humain » de toute urgence.

Forme de cancer du cerveau la plus meurtrière, le gliome de type glioblastome a doublé en incidence depuis l’introduction des téléphones cellulaires en 1995 (pandora-foundation.eu). Le gliome est aujourd’hui le cancer le plus répandu chez les jeunes de 15 à 19 ans et celui qui tue le plus les 15 à 39 ans, selon une étude parue en 2015 dans Neuro-Oncology (lire saferemer.com).

Les études animales qui utilisaient de vrais cellulaires plutôt que d’imiter leurs signaux sont les plus éloquentes. Le chercheur Dimitris Panagopoulos a récemment « montré que la variabilité du signal résultant de transmissions dans le monde réel entraînait des effets biologiques néfastes accrus. Toutefois, cette composante des CEM n’est que l’un des nombreux stimuli toxiques auxquels nous sommes exposés. Je soupçonne que si l’on ajoutait ces myriades d’expositions toxiques supplémentaires, les impacts biologiques néfastes augmenteraient considérablement au-delà des effets réels des CEM, en raison d’effets additifs et synergiques », nous a écrit par courriel Ronald N. Kostoff, docteur en sciences aérospatiale et mécanique (1967). Ce chercheur affilié au Georgia Institute of Technology est un ancien employé de l’Office de recherche navale américaine. Auteur de plus de 200 articles révisés par des pairs, il est un expert des effets de la pollution et de la dépollution sur les maladies chroniques.

Statut de l’électrohypersensibilité

Depuis 2005 l’OMS affirme que l’EHS ne correspond pas à un diagnostic médical reconnu et qu’il n’existait aucune preuve concluante que ses symptômes seraient reliés aux CEM. Ce diagnostic a pourtant été posé pour la première fois par un médecin allemand, en 1932 (lire notre dossier Quand le vase déborde sur maisonsaine.ca). Pourtant, dans les années 1960, il fut baptisé « maladie des ondes radio » par le gouvernement soviétique, qui avait ouvert plusieurs cliniques pour la diagnostiquer et la traiter (http://www.cellphonetaskforce.org). Le dictionnaire médical Merriam-Webster cite d'ailleurs la littérature médicale russes pour la définir comme une maladie caractérisée par des maux de tête, de l'anxiété, des troubles du sommeil, de la fatigue et des difficultés de concentration, ainsi que par des modifications du système cardiovasculaire et du système nerveux central tenus pour être causés par une exposition prolongée à un rayonnement micro-ondes de faible intensité. » Les Soviétiques avaient constaté que des milliers de militaires et de travailleurs civils exposés à des doses chroniques de micro-ondes développaient de tels problèmes de santé à des doses des milliers de fois sous le seuil thermique et auxquelles des millions de personnes sont exposées aujourd’hui.

Les militaires américains étaient aussi au courant, mais leurs études (Office de la recherche navale, NASA, etc.) sont demeurées secrètes jusqu’à tout récemment (magdahavas.com). L'ensemble des études a fourni « des preuves substantielles de la nature cumulative et de l’irréversibilité éventuelle de certains effets, qu’ils soient neurologiques/neuropsychiatriques, reproductifs, cardiaques, de mutations de l’ADN ou hormonaux. Certains peuvent affecter l’évolution de la race humaine », rappelait récemment l’Association planétaire pour l’assainissement de l’énergie, organisme consultatif reconnu par l’Organisation des Nations Unies (ONU), dans un exposé présenté cet hiver au Conseil des droits de la personne de l’ONU.

En 2000, les pays nordiques européens, dont la Suède qui a construit des chambres d’hôpitaux sans électrosmog pour accommoder les personnes atteintes d’EHS, l’ont reconnue comme une maladie professionnelle dont les « symptômes disparaissent dans les environnements non électriques ». « C'est le résultat d'un environnement déficient qu'il faut corriger », explique le neuroscientifique suédois Olle Johannson dont les études ont permis d'obtenir cette reconnaissance. Pendant des décennies, il a dirigé l'unité de dermatologie expériementale du célèbre Institut Karolinska qui décerne les prix Nobel. Au début des années 1980, il a démontré que les gens qui travaillaient constamment devant un écran cathodiques pouvaient développer des problèmes cutanés. Il baptisa cette condition la « dermatite de l'écran ». En Suède, environ 12 % des ingénieurs de l'industrie de l'électronique en souffraient ainsi que d'autres symptômes d'EHS.

Une récente étude française (Becoming Electro-Hypersensitive: A Replication Study) dément la théorie favorite de l’industrie des télécommunications selon laquelle les symptômes d’EHS seraient causés par le stress associé à la peur des ondes. Au contraire, explique l’auteur Maël Dieudonné, en général il se passe beaucoup de temps entre le moment où les symptômes apparaissent, celui où les victimes entendent parler des CEM et celui où elles reconnaissent que les ondes les déclenchent. Elles peuvent passer des mois ou des années à consulter des professionnels de la santé et à faire des recherches intenses, à nier que l’EHS les concernent, avant de finalement reconnaître qu’elles sont devenues intolérantes aux CEM.

Les chercheurs croient qu’une prédisposition génétique (comme l’excès de cristaux de magnétite au cerveau) et des lésions cérébrales sont à l’origine de l’EHS. En entrevue en 2015, feu le chirurgien cardiovasculaire William J. Rea, qui a traité des milliers d’hypersensibles à l’environnement de 1974 à 2018 à sa clinique de Dallas, au Texas (ehcd.com), m’expliquait les principales causes de l’EHS. Outre la surexposition aiguë ou chronique aux CEM, ce sont diverses sources d’atteintes cérébrales : pesticides, moisissures, produits chimiques utilisés dans le forage des gaz de schiste, formaldéhyde, monoxyde de carbone, métaux lourds (notamment des amalgames dentaires), commotions cérébrales et implants métalliques.

Sensibiliser progressivement

La limite du CS6 pour la fréquence 1800 mégahertz est de 4,5 millions µW/m2, alors que la limite recommandée par les experts indépendants qui ont signé la plus importante synthèse sur le sujet, le rapport BioInitiative, pour éviter les effets non thermiques, est de 30 µW/m2! François Contin a remarqué qu’il y a des antennes de téléphonie cellulaire sur un foyer de personnes âgées en face de l’école de son fils. « Elles donnent directement sur la cour d’école et j’ai mesuré une densité d’ondes de 2 000 microwatts par mètre carré (µW/m2) avec mon Acoustimètre. C’est souvent pire dehors parce que les murs de béton bloquent une partie du rayonnement, mais quand il y a du Wi-Fi à l’intérieur, j’ai des palpitations cardiaques. Heureusement, les enfants ne sont pas à 50 cm des routeurs, mais le jour où ils auront tous des tablettes, ils auront la tête dedans. »

M. Contin sait qu’il rame à contre-courant, mais il persiste. « J’ai parlé à des enseignants et au maximum de parents, et ce n’est pas toujours facile. J’y vais petit à petit. Tant que l’on n’est pas touché dans sa chair, même si on me croit, c’est difficile de réaliser de quoi il s’agit. »