Utiliser l’inertie thermique du sol pour réchauffer ou refroidir l’air extérieur avant de l’introduire dans la maison : voilà le principe du puits canadien, ou puits provençal. Il s’agit d’une forme de climatisation écologique qui permet de faire de substantielles économies d’énergie si elle est soigneusement adaptée à la maison.
Le puits canadien — dont nous n’avons pas retracé l’origine canadienne — revient de loin. Il aura fallu attendre la canicule de 2003 pour que ce principe de climatisation naturelle, inventé par les Romains dans l’Antiquité, refasse beaucoup parler de lui en Europe.
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Son principe est simple : prélever de l’air, le faire circuler dans le sol, où la température est constante (entre 10 °C et 18 °C selon les saisons en France) et l’insuffler dans la maison. L’été, l’air sera rafraîchi, grâce à la différence de température. L’hiver, inversement, il sera réchauffé. L’atmosphère intérieure de l’habitation sera donc plus agréable l’été, et moins difficile à chauffer l’hiver. Patrick Foucher, propriétaire d’une vieille demeure à Andrest, dans les Hautes-Pyrénées, a installé son puits en juin 2006. Son principal objectif? Abaisser la température des chambres sous les combles, qui pouvait atteindre 35 °C en été.
Résultat : « Lorsqu’il fait 31 °C à l’extérieur, j’ai 18 °C à l’arrivée du puits, et 22 °C sous les combles, c’est vraiment efficace. » Reste à tester l’installation l’hiver. Mais pour Patrick, l’essentiel est déjà fait. L’installation de son système comprend un tuyau de 200 mm de diamètre, qui serpente sur 50 mètres dans son terrain, à entre 1,90 et 1,30 mètre de profondeur, afin de garder une pente de 2 à 3 %, nécessaire à l’évacuation des condensats (lire l’encadré). Le tuyau débouche dans une grange accolée à l’habitation. (Il aurait été préférable qu’il arrive au centre du bâtiment, mais Patrick ne se voyait pas casser les murs et la dalle du rez-de-chaussée).
L’air est pulsé par un ventilateur vers les trois chambres principales de la maison. Et le coût? Dans cet exemple français, le matériel et l’étude thermique, réalisée par le bureau d’études Fiabitat Concept, ont coûté 2 500 Euros (3 800 $ CAN), taxes incluses. Les tranchées ont été creusées par le propriétaire et un ami équipé d’une pelleteuse. Mais dans la plupart des installations, le terrassement représente la dépense la plus importante.
Combien faut-il compter pour un puits canadien? « Nous sommes parvenus à un prix plancher de 2000 € HT (environ 3 070 $ CAN avant taxes), avec du matériel réglementaire de bonne qualité. Si le prix est moins cher, le matériel sera inefficace, et pourrait créer des risques sanitaires », indique Frédéric Loyau, créateur, avec Ugo Degrigny, de la Scop Fiabitat Concept en 2003. Il cite certains particuliers qui tentent de poser un ventilateur de hotte pour aspirer l’air du puits, ou qui utilisent un tube en PVC dont les émissions de composés organiques volatiles (COV), de chlore et de métaux lourds polluent l’atmosphère intérieure. C’est sans parler des possibles infiltrations de radon (lire l’encadré à ce sujet). « Le puits canadien paraît simple, mais c’est un mirage. Si on veut faire les choses sérieusement, c’est beaucoup plus lourd, ajoute M. Loyau. » Préchauffage et rafraîchissement Pour une efficacité maximale du système, l’arrivée d’air doit être placée au centre de l’habitation. « Le puits n’a d’intérêt que s’il a un fonctionnement global sur tout le bâtiment, explique Xavier Belhomme, architecte français spécialisé en écoconstruction.
Quand on travaille sur du neuf, cela ne coûte pas très cher. Sur de l’existant, c’est plus difficile. » M. Belhomme a réalisé, en 1995, une construction bioclimatique de 125 m2 dotée d’un puits, à Saturargues, dans l’Hérault, et il reçu l’appui technique de l’association Gefosat1, qui organise des stages de formation sur le sujet. Le puits de 25 mètres a été couplé à une serre qui complète le préchauffage de l’air en hiver, et qui sert d’évacuation naturelle l’été. « Durant la belle saison, l’ouverture de la fenêtre de la serre permet de mettre en dépression la maison, et d’attirer l’air frais du puits », commente le propriétaire, Patrick Savary. L’atmosphère est ainsi renouvelée naturellement. L’air de l’extérieur, à 32 °C, arrive à 20 °C après son passage dans le puits, et il est soufflé dans les pièces par un ventilateur. La température intérieure atteint alors 26 °C. « L’hiver, l’air du puits arrive dans la serre, se réchauffe, puis est repris par une petite pompe en hauteur, avant d’être réinsufflé par le ventilateur », ajoute M. Savary. Cette fois, l’air extérieur aspiré à 5 °C atteint 10 °C à l’arrivée, puis grimpe encore de 10 °C dans la serre (située au sud), avant d’être ventilé. Température intérieure : 20 °C.
Une ventilation adaptée
Ces très bons résultats sont obtenus en dépit de la faible profondeur d’enfouissement de la conduite d’air, à 80 cm. « Dans une région chaude, il n’est pas nécessaire de creuser trop profondément, explique Stéphane Bedel, de Gefosat. 70 à 80 cm seront suffisants pour rafraîchir la maison. Dans les régions froides, où le puits canadien vise surtout à réchauffer la maison l’hiver, il faut envisager une profondeur minimale de 1,50 m. » Complément essentiel du puits canadien, la ventilation permet de faire circuler l’air dans toutes les pièces du bâtiment. Une simple ventilation mécanique contrôlée (VMC) complètera efficacement l’installation du puits.
La situation sera différente avec une VMC double-flux (à récupération de chaleur), souvent installée dans les régions les plus froides : cette dernière réchauffant déjà l’atmosphère grâce à un échangeur thermique, l’utilité (et la rentabilité) du puits canadien sera alors moins appréciable. Pour Frédéric Loyau, de Fiabitat Concept, la meilleure ventilation repose sur l’insufflation constante de l’air du puits dans la pièce principale, avec des entrées d’air dans les chambres, et des extracteurs dans la cuisine et la salle de bains qui se déclenchent en cas de présence dans la pièce. On évite ainsi que les flux d’air se dirigent en permanence vers les pièces les plus éloignées, et les moins utilisées.
L’installation d’une serre, comme dans l’exemple de Saturargues, constitue aussi une excellente solution. Bien dimensionner son puits Pour bien dimensionner son puits, l’idéal consiste à faire réaliser une étude thermique par un professionnel, qui tiendra compte du volume de la maison, du débit nécessaire en hiver et en été, du choix de la ventilation, de l’architecture (bioclimatique, matériaux, isolation, serre…), de la nature du sol, et de la place disponible pour l’enfouissement du tuyau. Un particulier, qui projette de construire une maison bioclimatique en Isère, a créé un site Internet2 particulièrement bien fourni. Il y expose le dispositif de son futur puits, et propose, pour les matheux, une notice de calcul de dimensionnement.
Quelles économies d’énergie?
Quelles seront les économies d’énergie réalisées? La réponse varie bien sûr en fonction de la conception de la maison. En France, dans une construction neuve dotée d’une isolation réglementaire, avec une VMC classique et une déperdition d’air importante, le puits pourra réduire de 1 500 kilowattheures (kWh) la facture annuelle de chauffage ou de climatisation. Ainsi, plus l’énergie utilisée sera chère, plus l’économie sera substantielle. Dans une maison bioclimatique, mieux isolée, avec moins de déperdition d’air, l’épargne ne sera que d’environ 450 kWh par an.
En conclusion, l’installation d’un puits est surtout conseillée dans les régions où les écarts de température entre l’air et le sol sont importants. « Si la maison ne surchauffe pas et ne subit pas de fortes amplitudes l’hiver, le puits devient inutile», observe Frédéric Loyau. Il devra aussi être couplé à un type de chauffage et à un mode de distribution pertinents. Très rentable avec un système qui réchauffe l’air (convecteurs, poêle à bois), il sera moins intéressant avec un chauffage par rayonnement (plancher chauffant, radiateurs radiants) qui traverse l’air sans le réchauffer. En été, le puits se révèlera utile dans une maison à faible inertie, où les matériaux peu massifs absorbent mal les pics de chaleur.
Raphaël Baldos Journaliste spécialisé en environnement raphaelbaldos@gmail.com - Article paru en janvier 2007 dans le magazine français Les Quatre saisons du jardin bio.
1. www.gefosat.org
2. http://pulligny38.free.fr/linotte
Pour en savoir davantage :
• COSTIC, Note technique SAVOIR-FAIRE, NSF 27.006, Climatisations basse consommation : Les puits enterrés, 1998.
• Bruno Herzog, www.batirbio.org
• Christian Nancy, www.construire-sain.com
• Fraicheur sans clim, Thierry Salomon, éditions Terre Vivante, 2004 www.terrevivante.org
En France, trois entreprises réalisent des études et proposent du matériel pour réaliser des puits canadiens :
www.fiabitat.com
www.canada-clim.com
www.aeroplus.org
Études thermiques et logiciel de simulation thermique :
www.izuba.fr
Fabricants de matériaux pour les puits canadiens :
www.helios-fr.com www.weberhaus.fr
Au Québec, des puits canadiens ont été réalisés notamment par :
Emmanuel Cosgrove à Montréal : www.ecohabitation.com
Alain Hamel au Saguenay : www.aetaconstruction.com