Lire dans notre numéro d’hiver 2021 le texte du professeur d’architecture Avi Friedman, Des logements abordables respectueux de l’environnement.

Une hausse de 18 000 $ sur une maison neuve de 300 000 $, terrain et services exclus, ça demande tout un ajustement de la part des consommateurs et des professionnels de la construction.

Selon Statistique Canada, le prix des constructions résidentielles a augmenté de 6,1 % au Québec, de septembre 2019 à septembre 2020. Et la tendance se maintient. « À l'échelle nationale, les prix des logements neufs ont augmenté de 0,8 % en octobre, après avoir enregistré une hausse de 1,2 % en septembre ». Sur 12 mois, « en octobre, Montréal (+8,7 %) a enregistré sa plus importante hausse d'une année à l'autre depuis février 2003 ».

Ajouté le 22 décembre 2020 : D'octobre 2019 à octobre 2020, le prix d'un logement neuf a bondi de 7,2 % selon l'Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) citée dans le Journal de Québec. L'indice Pribec du Conseil de l'industrie forestières du Québec, qui représente un panier d'une vingtaine de matériaux de bois totalisant 1 000 pieds mesure planche, est passé de 525 $ avant la pandémie à 1 200 $ cet été et 860 $ actuellement.

Tout cela cause bien des maux de tête aux consommateurs mais aussi aux constructeurs qui doivent honorer leurs contrats, explique le fabricant de maisons Alain Culis, qui dirige Énergéco Concept, à Mont-Tremblant. « On n’a pas le choix d’absorber le surcoût quand le contrat à prix fixe est signé avec le client; celui-ci ne peut donc pas être facturé davantage d’autant plus que son prêt ne le lui permet pas. On perd un bon bout de nos profits, alors il faut se remettre en question tout le temps. On travaille sur d’autres solutions et on a bon espoir. »

De multiples causes

La pandémie a le dos large, mais les blocus ferroviaires autochtones, la grève des débardeurs du Port de Montréal, la très forte demande aux États-Unis et au Canada ont aussi contribué à créer une pénurie de matériaux qui pourrait même inciter les Suédois et les Allemands à exporter du bois ici, selon le directeur du Conseil de l'industrie forestière, Michel Vincent. Le prix du bois d’œuvre était 40 % plus élevé en octobre qu’au début de l’année, dont le 2x4 qui a vu son prix jusqu’à tripler. « Cette envolée a haussé le coût de composantes comme les poutrelles et les fenêtres, mais les prix qui ont culminé en septembre ont passablement diminué depuis », affirme Paul Cardinal, directeur du service économique de l’APCHQ.

Au bout du compte, toutefois, les hausses de prix semblent permanentes,selon Alain Culis. « C’est en dents de scie, il y a des matériaux qui vont baisser un peu et d’autres qui remontent un peu. Et avec les augmentations de fin d’année qui arrivent, on est pas mal au même stade. Beaucoup de matériaux ont vu leur prix multiplié par deux à trois. L’augmentation des prix paraît abusive. On se pose la question à savoir quels sont les justificatifs. Il ajoute que le coût plus élevé des matériaux est aussi liée à la très forte demande qui l’oblige à agrandir son unité de production en usine, en plus d’occasionner des retards dans les dates de livraison. Des retards qui sont aussi liés au fait que bien des travailleurs ayant perdu leur emploi à cause de la pandémie bénéficient de la très généreuse prestation canadienne d’urgence qui ne les encourage pas à réintégrer le marché du travail. « Pour les fenêtres, les manufacturiers ont des problèmes de main-d’œuvre, cite en exemple M. Culis. Pour recevoir des portes-patio, ça prend 8 à 10 semaines au lieu de 3 ou 4. »

 © maisonenergeco.com
© maisonenergeco.com

Demande très forte

Tandis que les chantiers de construction se sont tus pendant presque deux mois durant le confinement, les scieries ont écoulé leur bois aux États-Unis avant de cesser leurs activités, précise Paul Cardinal. « Au retour, la demande était plus forte que ce que tout le monde avait anticipé, dit-il. Ça n’a pas vraiment ralenti cette année, les mises en chantier sont en avance de 3 % au troisième trimestre, par rapport à janvier-septembre 2019. »

C’est ce que confirme l’écoconstructeur Robin Gauthier-Ouellet, président d’Écohabitations Boréales, à Sainte-Adèle. « Nous avons déjà rattrapé nos six à sept semaines d’arrêt et le volume des ventes est extraordinaire depuis six mois. » Il prévoit construire une dizaine de maisons certifiées Novoclimat et LEED en 2021, incluant quatre petites de 650 à 1 400 pi2. « J’aurais pu en signer deux à trois de plus », dit-il, préférant miser sur la qualité que la quantité. Pour un même plan et sur le même terrain, il a calculé que ses maisons certifiées coûtent de 5 à 8 % plus cher que celles répondant aux exigences minimales du Code de construction. Il faut dire que ces dernières sont moins payantes pour leurs propriétaires, étant moins saines, moins écologiques et plus énergivores car peu étanches à l’air. Or, selon un sondage Léger effectué en juillet 2019 pour l’organisme Écohabitation, la moitié des Québécois ne connaissent pas les bénéfices des maisons écologiques, dont le surcoût est récupéré notamment grâce aux subventions (Novoclimat, SCHL, etc.) et à leurs économies de chauffage, d’au moins 20 %.

Réduire la superficie

Que faire si vous planifiez en acheter une alors que les prix des matériaux s’envolent? Réduire la superficie habitable est évidemment le moyen le plus payant, confirme Robin Gauthier-Ouellet. « En général, les gens ont des attentes un peu trop élevées en ce qui concerne la taille de la maison versus le budget dont ils disposent. Heureusement, un bon dessinateur peut la retrancher de 10 à 15 % de manière beaucoup plus efficace qu’une personne moins compétente, en tenant compte des besoins d’ergonomie et d’espace habitable. Par exemple, dans une grande chambre à coucher, on peut facilement aller chercher des pieds carrés. Tout se trouve dans l’efficacité de la conception. »

Les grandes fenêtres coûtent beaucoup plus cher qu’un mur très isolé, mais sont très en demande, dit-il. « C’est probablement une des plus grandes demandes de nos clients et pour eux ce n’est pas nécessairement négociable, mais si on réduit les pieds carrés de la maison, de facto on réduit la taille des fenêtres », précise Robin, qui installe toujours des fenêtres certifiées Energy Star au vitrage triple, exigées par le programme Novoclimat.

Après avoir réduit la taille de la maison, certains clients au budget limité renoncent à la toiture en tôle à baguette – sans vis apparentes – qu’affectionne Robin, mais qui est jusqu’à quatre fois plus chère qu’un revêtement en bardeaux d’asphalte. La géothermie est une autre option dont plusieurs rêvent mais font leur deuil. Il faut dire qu’une maison solaire passive, très écoénergétique et très confortable à l’année, se tire bien d’affaire avec des convecteurs électriques et une ou deux thermopompes murales.

Les bons côtés

La pandémie aide d’ailleurs les constructeurs et rénovateurs puisque les gens ont investi massivement dans leur maison en 2020, fait-il remarquer. « En cas de crise, les gens sont plus enclins à mettre plus de sous sur leur domicile. Ils choisissent d’être confortables et d’avoir du bonheur. Ils se sont aussi tournés un peu plus vers l’écologie », ajoute le nouveau président de Plein Air Sainte-Adèle, qui constate d’ailleurs « un engouement incroyable pour le plein air ».

La hausse des prix est aussi profitable pour l’environnement, parce qu’elle favorise les constructions en usine et multilogement, très économes en ressources et en chauffage. Robin vient d’ailleurs de construire ses bureaux de Sainte-Adèle au bas du premier immeuble à vocation mixte certifié LEED v4 Or dans les Laurentides. À l’étage se trouvent trois appartements dont les locataires profitent chacun d’une ventilation conforme aux exigences Novoclimat, tout comme l’enveloppe hyper isolée et hyper étanche. Le test d’infiltrométrie mesurant les fuites d’air a confirmé que l’immeuble de 7 000 pieds carrés ne subit que 1,1 changement d’air à l’heure à une dépressurisation de 50 pascals. « On était très fiers », dit Robin, car c’est au bas mot de deux à trois fois plus étanche qu’une maison classique.

Pour sa part, Alain Culis rappelle les avantages de la construction en usine. « On n’est pas retardé par la météo et en hiver, on peut fabriquer normalement, au chaud et au sec. On fait des économies majeures sur le temps parce qu’on n’est arrêté par les intempéries, les pertes de matériaux ou les problèmes de main-d’œuvre sur chantier en hiver. » Autant de facteurs qui permettent de construire plus facilement des maisons saines et hyperperformantes à prix accessible. « On peut garantir qu’il n’y aura pas de champignons dans les murs. On travaille avec du bois séché et on fait test d’humidité sur tous les matériaux qu’on utilise. »

Beaucoup de rénos en vue

Au cours des huit premiers mois de l’année, la valeur des rénovations professionnelles a chuté de 21 % au Québec, sans doute à cause de l’autorénovation faite par les bricoleurs confinés, ajoute Paul Cardinal, de l’APCHQ, qui ne s’inquiète toutefois pas de cette tendance qui serait passagère. « On s’attend à être positifs au quatrième trimestre et à une bonne augmentation en 2021. Les entrepreneurs sont très occupés. Il y a une pénurie de main-d’œuvre et la demande va continuer d’être forte. La revente est en feu et on sait que les gens qui achètent une maison existante dépensent 16 000 $ par année en rénovation, en moyenne au cours des trois premières années. »

Les détaillants s'adaptent

L'instabilité de prix des matériaux fait mal également aux détaillants, commente Richard Darveau, président de l’Association de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT). « Toute l’industrie est sous le choc face à de telles montagnes russes et réfléchit à des mécanismes qui pourraient encadrer un marché trop imprévisible, trop fluctuant. » Ses membres explorent plusieurs pistes complémentaires ou parallèles afin d’éviter le genre de crise vécue cette année :

« 1. Un observatoire neutre des matériaux qui monitorerait, à 10 000 pieds dans les airs, les fluctuations dans les prix et les disponibilités des produits;

  1. Deux sondages par année, fin hiver et fin été, pour connaître les intentions d’achats et de travaux des propriétaires résidentiels;
  2. Des règles de conduite pour prévenir les pénuries où des quantités maximales pourraient être vendues par client;
  3. Des avantages fiscaux pour les marchands et bannières qui achètent local de manière régulière, par exemple par des commandes d’avance, fermes et récurrentes, etc. »