© Duchesne & frères
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Nous sommes deux frères œuvrant dans le domaine de la construction depuis plus de dix ans. Baptiste et moi avons fait beaucoup de rénovation, ce qui nous a amenés à comprendre les faiblesses des bâtiments ainsi qu’à y trouver des solutions. Nous sommes menuisiers spécialisés en isolation (de par mon intolérance au froid!), particulièrement la cellulose, car nous croyons qu’il s’agit du meilleur produit abordable sur le marché. La cellulose nous aide à rendre les bâtiments plus hermétiques quand elle est soufflée à haute densité (jusqu’à 4 lb /pi3). Cela nous a aidés à concevoir et bâtir une maison avec un niveau d’étanchéité exceptionnel de 0,1 changement d’air à l’heure à 50 pascals (CAH50) en 2016-17 (la Springhouse, à Abercorn). Nous avons été sous-traitants plusieurs années et sommes maintenant complètement indépendants depuis 2017, ce qui fait que le 112 Western constitue notre première réalisation complète.

Saine, écoénergétique et durable

 © Duchesne & frères
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Afin de rendre nos projets écologiques, nous misons principalement sur trois principes :
1. l’utilisation de matériaux naturels et sains;
2. une haute efficacité énergétique, l’étanchéité de l’enveloppe étant encore plus importante que son isolation;
3. et la durabilité du bâtiment. Cette dernière débute par une conception sans trop d’excentricité afin que les habitants ne se tannent pas de leur maison avec les années et ne veuillent pas la faire remodeler. En outre, la durabilité passe par une gestion réfléchie de l’eau de manière à minimiser les risques d’infiltration, de dégradation et de moisissure. L’utilisation de matériaux nobles qui vieillissent bien et une bonne protection contre la vermine représentent autant de façons de garder le bâtiment longtemps en bon état.

Nous avons conçu cette maison de manière à ce qu’elle soit modifiable. Elle est présentement utilisée en tant qu’unifamiliale où le rez-de-chaussée sert d’entrepôt-atelier. Aux deux autres étages habite une famille recomposée dont chacun des conjoints et ses enfants jouissent d’un lieu qui leur est propre, créant un bel espace de partage mais aussi d’autonomie. Le bâtiment peut également être aménagé comme maison bigénérationnelle, voire un duplex ou un triplex. Et une bonne partie de la face nord se trouve exempte de fenêtres afin de pouvoir y ajouter une extension si désiré.

Le bâtiment a été implanté en retrait de la rue pour s’éloigner des fils électriques qui dégagent beaucoup de champs électromagnétiques (CEM) ainsi que pour ne pas faire d’ombre au jardin, car le sud donne sur le côté de la rue. Nous avons consulté l’électricien Jean-Claude Morin pour concevoir le système électrique. Les chambres ont reçu une attention particulière. Elles se situent du côté nord, le plus loin possible des lignes électriques, et le câblage est blindé contre l’émission de champs électriques dans les murs des chambres et sous les lits. Il n’y a pas de Wi-Fi et les planchers radiants sont chauffés par un système hydronique alimenté par une chaudière électrique située au sous-sol. Les ampoules aux DEL (diodes électroluminescentes) ont été testées avec le détecteur de bruit lumineux LightBee de Sensortech pour choisir celles qui émettaient le flux lumineux le plus régulier possible, avec le moins de scintillement. Toujours pour minimiser les CEM, les câbles électriques ont été installés de façon à éviter leur croisement, les compteurs sont non communiquants et posés sur un poteau plutôt qu’au mur. Enfin, la mise à la terre se trouve éloignée du bâtiment, elle a été enterrée et elle a aussi été doublée afin d’assurer son efficacité. Tous ces gestes ont coûté très peu. M. Morin a aussi mesuré les CEM dans la maison pour relever les corrections nécessaires.

Enveloppe du bâtiment

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La structure du bâtiment consiste en une double ossature en 2 x 4 isolée avec 11 po de cellulose soufflée. Le contreventement est réalisé à l’aide de renforts d’acier fixés en diagonale, les matériaux subséquents (parement, fourrures et gypse) viennent solidifier davantage le bâtiment. À l’extérieur, nous avons utilisé une membrane pare-air renforcée, la Solitex Mento Plus de Pro Clima, fournie par foursevenfive.ca. En plus d’être un bon pare-pluie, cette membrane s’avère aussi très perméable à la vapeur (38 perms). De plus, elle est assez solide pour retenir la cellulose injectée à haute densité et pour ne pas requérir de panneau extérieur (en bois ou autre matériau). Bref, cette composition de mur permet un assèchement exceptionnel en cas d’infiltration d’eau ou de condensation en hiver. Pour sceller les joints de la membrane, nous avons utilisé du ruban adhésif de haute qualité, l’All Weather Flashing Tape, de 3M .

Nous avons choisi des matériaux très performants à cette étape, car l’étanchéité du bâtiment en dépend. Du côté intérieur, le pare-vapeur intelligent (MemBrain, de Certain Teed) n’a pas été scellé. Nous préférions faire le travail d’étanchéité à l’air par l’extérieur une seule fois, mais très bien. Chaque perforation du pare-air a eu droit à son bout de ruban. Des lattes de bois brut ont été utilisées comme fourrures afin de gagner un peu en épaisseur pour s’assurer que les broches en inox qui retiennent le parement extérieur ne perceront pas la membrane pare-air. Entre le parement et la fourrure, un grillage métallique galvanisé quadrillé de ¼ po (coût : 0,35 $/pi2) a été installé sur toute la surface des murs extérieurs. Nous avons fait ce choix sachant qu’un jour ou l’autre des rongeurs tenteraient de pénétrer dans les murs. Ayant fait beaucoup de rénovation, nous connaissons trop bien les dégâts que ces bestioles peuvent faire.

Le revêtement extérieur en épinette est embouveté à l’horizontale. Avec le temps il prendra invariablement une belle teinte grise. Nous l’avons traité au chantier avec un mélange fongicide de sulfate de fer, de tanin, d’acide borique (achetés individuellement en vrac sur Amazon) et des colorants pour le protéger du soleil. Le sulfate de fer associé au tanin oxydent le bois, ce qui lui donne une teinte grise égale. Autrement, le soleil, la pluie, l’ombre font vieillir le bois inégalement. L’oxydation protège aussi contre la moisissure, car elle élimine les sucres sur la surface du bois. Ces minéraux solubles dans l’eau coûtent bien moins cher que d’autres produits qui donnent ce même effet, comme le traitement LifeTime.

Outre le gypse, les murs intérieurs se parent aussi de peuplier faux-tremble embouveté.

Planchers radiants

Le chauffage radiant est posé dans des chapes de béton qui servent à la fois de masse thermique et d’isolant acoustique entre les étages. Le béton a été poli, puis nous l’avons fini à l’huile naturelle Écosélection. J’adore l’aspect du béton huilé, beaucoup plus riche qu’avec un scellant pétrochimique. Sur un des étages, le béton a été recouvert de liège du distributeur Lusimat. La sensation du liège est très agréable, toujours chaud au toucher (il s’agit d’un excellent isolant) et confortable, car il absorbe les impacts. Encore mieux que le bois franc et le tapis à ces égards, sauf qu’il se trouve vulnérable aux écorchures. Voilà pourquoi, en plus de l’huile, nous l’avons recouvert d’une cire Écosélection.

La pose de tuiles de liège directement sur la chape de béton n’a pas été de tout repos. Une fois la colle étendue et la tuile posée, il faut retenir tous les joints avec du ruban-cache vert de peintre avant de passer un rouleau, sinon les tuiles se déplacent, laissant la colle sortir par les interstices. Nous l’avons appris à nos dépens après avoir commencé sans ruban-cache…

Ensuite vint l’application de l’huile. Celle-ci ne pénètre à peu près pas, car entre la fine couche de liège de finition et sa sous-couche il y a de la colle qui empêche sa migration. La cire assure donc une protection additionnelle. Pour garder la cire sous une forme facile à étendre, nous l’avons fait fondre en la chauffant, puis l’avons diluée avec de la térébenthine avant de l’appliquer à la spatule. Le plancher a ensuite été poli avec une polisseuse commerciale. Les vapeurs de la térébenthine m’ont quelque peu incommodé avec de la nausée et un bon mal de tête. Malgré ce processus de finition laborieux, c’est somme toute un plancher très agréable.

De marque Lepage Millwork, nos fenêtres hybrides (PVC/aluminium) se voient dotées d’un vitrage triple avec deux films faible émissivité (Low-E) garanti 20 ans. Ces fenêtres ont un excellent rapport qualité-prix. Les modèles fixes de 4 x 6 pi installés au sud ont coûté moins de 500 $ chacun. Les fenêtres ont été installées au centre du mur (au niveau de l’isolant, pour être protégées du vent). De la tôle sert au soufflage extérieur. Malheureusement, le service après-vente de ce fabricant de Rivière-du-Loup était pitoyable. Il y avait des imperfections sur plusieurs fenêtres et nous avons attendu près de cinq mois avant qu’un représentant ne vienne les voir. Il m’a dit qu’il m’enverrait des pièces pour régler le problème, ce qu’il n’a jamais fait. J’ai fini par lâcher prise.

Nous avons posé des tuyaux de PVC perforés sous la dalle sur sol ainsi qu’un tuyau d’évacuation jusqu’au toit pour le radon. Une fois la maison finie, une mesure (sous la dalle) de la concentration de ce gaz radioactif, faite par Radon Environmental, indiquait 815 becquerels par mètre cube d’air (Bq/m³). C’est plus de quatre fois le niveau de 200 Bq/m³ auquel Santé Canada recommande de prendre des mesures correctrices. Vive la prévention!

Les petites toitures posées autour de chaque étage servent essentiellement à protéger les façades des intempéries. Elles font aussi de l’ombre l’été et embellissent le bâtiment qui autrement ne serait qu’un cube. Elles sont faites en pruche. La structure de la galerie est aussi en pruche grisaillée et les planchers de celle-ci en cèdre rouge recyclé.

Le terrain est aménagé en jardin nourricier; il y a un grand potager, des arbres fruitiers, des vignes.

 Dispositif biogéométrique pour le système électrique. © biogeometry.ca
Dispositif biogéométrique pour le système électrique. © biogeometry.ca

Harmonie des formes et de l'énergie

Les dimensions des fenêtres ainsi que la forme des fermes de débord de toit ont été choisies selon des principes de la biogéométrie (BG), faisant suite aux deux formations que j’ai suivies à Montréal sur cette science de la qualité énergétique. J’aime beaucoup les principes d’équilibrage (centrage selon la BG) de l’énergie subtile. Ce que je trouve attirant de cette méthode réside dans son application en architecture. Je me suis aperçu qu’il était difficile d’en tenir compte dans la conception parce qu’il y a tellement d’autres informations avec lesquelles jongler (normes du bâtiment, règlement municipaux, budgets, course du soleil, etc.). Par contre, beaucoup d’efforts peuvent être faits après (centrage des lignes telluriques, des matériaux, des pièces, du terrain), les possibilités sont presque infinies. Des pièces de plastique attachées sur les conduits qui, selon leur forme, créent un balancement des systèmes électriques ou d'eau. C'est la façon la plus facile de travailler la biogéométrie, car sinon le reste du travail est surtout à l'aide des pendules qui, pour ma part, me demande un très grand effort de concentration et de lacher prise!

Pour le moment, la seule réelle indication du bien-fondé de cette pratique vient du fait que depuis notre aménagement dans une maison précédente, mon fils se plaignait de dormir très mal. Avec l’aide des pendules biogéométriques, j’ai pu voir qu’il y avait rencontre de deux champs telluriques au niveau de sa tête. J’ai tourné son lit d’un quart de tour et ce fut réglé! D’autres gestes en lien avec ces principes suivront.

La douche a été conçue de manière à pouvoir réutiliser l’eau en la faisant circuler en boucle. L’eau peut être accumulée dans un bassin encavé dans la base de douche pour ensuite être pompée, filtrée, réchauffée, puis réutilisée à travers une pomme de douche secondaire. J’ai conçu ce système moi-même, les systèmes de ce genre coûtant très cher.

Pour minimiser l’utilisation de la sécheuse, nous avons créé un garde-robe sèche-linge qui, en plus d’être chauffé, se voit doté d’une grille de retour de l’échangeur d’air afin d’y évacuer l’humidité.

Finition et isolation

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Le bois du parement extérieur et de la finition intérieure provient de la scierie Lauzé, de Saint-Édouard-de-Lotbinière. Le peuplier est du bois de second grade. Tout leur beau bois est destiné à une usine de cercueils située dans le même village. Nous avons utilisé le peuplier tant pour le revêtement mural et de plafond que pour les moulures, les portes, l’escalier et des tablettes. J’ai été très satisfait des produits Lauzé; la qualité et le prix étaient excellents. Ils ont un séchoir et font l’usinage sur place. J’ai acheté 9 000 pieds mesure de planche de bois. Ce fut un des meilleurs achats réalisés dans le cadre de notre construction.

Nous avons utilisé près de 90 litres d’huile Écosélection sur tout le bois de finition intérieur, incluant la finition des planchers. Nous avons aussi utilisé des peintures naturelles de chez Distribution Tockay. Ces produits ont toutefois le désavantage d’être mats et donc peu lavables.

La dalle de béton est isolée avec 5 po de polystyrène expansé (R-20). Les murets de béton R-25 ont pour leur part 2 po de polyisocyanurate avec face d’aluminium et 3,5 po de laine de roche Rockwool. Les murs hors sol sont remplis de 11 po de cellulose haute densité (R-40) et les combles en ont reçu 19 po en vrac (22 po avant tassement, R-70).

Étant spécialisés en isolation à la cellulose, nous avons développé des techniques pour améliorer son injection dans les murs à double ossature. Nous séparons les murs avec de la membrane brochée à chaque montant du mur intérieur au mur extérieur pour créer des cavités individuelles de 16 po de large (les ossatures aux 24 po sont plus difficiles à souffler de façon homogène). De cette manière, il s’avère plus facile de contrôler la densité de l’isolant. Une fois la cellulose soufflée avec un tuyau de 3 po de diamètre, nous inspectons la densité au toucher et nous en réinjectons avec un tuyau de 1,5 po et une plus haute pression d’air aux endroits où elle se trouve moins compactée. Le haut des murs représente toujours un point faible où il faut très souvent hausser la densité. Lorsque vous voulez faire souffler vos murs à la cellulose, je conseille que vous embauchiez le spécialiste à l’heure, car il s’avère primordial que le travail soit bien fait, sinon votre mur hyperisolé perdra toute sa valeur. J’ai déjà vu un sous-traitant sortir un prix presque équivalent du coût en matériel. Ou c’est un concurrent très généreux ou c’est du travail bâclé qu’il offre. La norme minimale de 3 lb/pi3 fonctionne pour des murs en 2 x 6 po, mais plus on épaissit le mur, plus la densité doit être élevée. Pour garantir une densité de 3 lb/pi3, l’entrepreneur doit viser 3,25 lb/pi3 pour que les zones moins denses atteignent le minimum requis. Nous préférons densifier plus que la norme minimale pour contribuer à l’étanchéité de la composition du mur.

La maison mesure 32 x 40 pi pour une superficie habitable de 3 420 pi2 de plancher. Il y a 190 pi2 de fenêtres orientées sud–sud-est et 245 pi2 sur les autres façades, pour 435 pi2 au total.

La construction s’est terminée en février 2018.

Coût, main-d’œuvre familiale non incluse (autoconstruction) : 205 000 $

Conception et construction : Duchesne & frères, Sutton, 450 522-1573

Propriétaire occupant : David Duchesne daviduchesne@hotmail.com