Pour être vraiment durable, une ville doit non seulement favoriser les modes de transport écologiques et la densification urbaine, mais aussi offrir à sa population des milieux de vie sains, accessibles et agréables, rappelle le fondateur d’Écohabitation, Emmanuel Cosgrove. Entrevue.
Même certifiée LEED[¹] Or ou Platine, voire implantée dans un secteur certifié LEED pour l’aménagement des quartiers (LEED-AQ), une tour de 30 ou 40 étages n’aura jamais la faveur d’Emmanuel Cosgrove. En plus de conseiller les gens qui veulent verdir leur habitation, l’entrepreneur social est aussi consultant auprès des promoteurs et des villes par le biais de ses services Quartiers Écohabitation et Municipalités Écohabitation. Et s’il affectionne particulièrement les maisons de bois, il ne parle pas la langue de bois. « Il faut regarder comment les quartiers des années 1970 vieillissent, dit-il. On semble vouloir répéter les erreurs du passé. » Il cite en exemple le complexe d’habitation montréalais La Cité, érigé dans Milton Park avec la bénédiction du maire Jean Drapeau après la démolition de nombreux logements abordables. « C’est un géant où on a de la misère à trouver des locataires parce que c’est un désespoir pour la vie humaine. On ne se croise que dans l’ascenseur et le stationnement souterrain. Aujourd’hui, on remplace les bunkers de béton par des bunkers de verre, mais ce sera sûrement moins désirable dans un futur proche. Jamais je ne déménagerais là. »
Victo la pionnière
Parlez à n’importe qui de villes vertes et inévitablement Victoriaville sera rapidement mentionnée. La municipalité du Centre-du-Québec, pionnière en 1977 du recyclage au Québec par le biais de l’entreprise Récupération Bois-Francs, et sa consoeur L’Ancienne-Lorette (Capitale-Nationale) ont instauré la première collecte sélective de porte à porte en 1984. « La collecte à trois voies a débuté en 1998 et nous étions les premiers à le faire à la grandeur de la ville », précise son directeur du service de l’Environnement, Serge Cyr. Selon lui, Victoriaville récupère actuellement 50 % de ses rebuts recyclables et 60 % de ses déchets organiques.
D’autres villes sont encore plus performantes au chapitre de la récupération des résidus alimentaires, souligne toutefois Emmanuel Cosgrove. En effet, une étude réalisée en novembre 2014 par les consultants SOLINOV pour RECYC-QUÉBEC a comparé les performances de 28 municipalités en la matière sur trois années, soit de 2010 à 2013. Les leaders (Groupe 1) étaient ontariens : les régions de Halton et Peel ainsi que les villes de Newmarket et de Toronto avaient récupéré de 180 à 215 kilos de matières organiques annuellement par unités d’occupation (kg/u.o./an) desservies par la collecte des matières organiques. Les leaders québécois (Groupe 2, de 90 à 150 kg/u.o./an) : la municipalité et la MRC de Coaticook, Côte-Saint-Luc, Gatineau, Saint-Félix-de-Valois, Sherbrooke et la MRC de Témiscamingue. « Gatineau travaille fort avec les immeubles résidentiels pour offrir la collecte à trois voies de porte à porte, dit Emmanuel Cosgrove. Montréal est loin derrière. » Le Groupe 3 (60-80 kg/u.o./an) comptait : Chertsey, Dorval, Entrelacs, Laval, Lévis, Notre-Dame-de-la-Merci, Pointe-Claire, la Régie intermunicipale d’Acton et des Maskoutains, la MRC Rocher-Percé, Rosemont–La Petite-Patrie et Saint-Donat. Enfin, le Groupe 4 (20-50 kg/u.o./an) regroupait la MRC d’Arthabaska, Charlemagne, Drummondville, la MRC de Montcalm, le Plateau-Mont-Royal, la Régie régionale de gestion des matières résiduelles de Portneuf et Victoriaville. (Source : Éléments à considérer lors de l’implantation de la collecte des matières organiques pour maximiser la récupération des résidus alimentaires.)
Victoriaville demeure néanmoins une des chefs de file du développement durable à plusieurs égards. Par exemple, depuis 2010, la qualité de son eau potable est cotée « cinq étoiles » sur une échelle de cinq par Réseau Environnement, principale association des spécialistes québécois de l’environnement. Et, en 2016, sa teneur moyenne en trihalométhanes (THM), sous-produits nocifs générés par la chloration de l’eau, et sa teneur en matières organiques, étaient de 22 milligrammes par litre (mg/l). C’est presque quatre fois inférieur à la norme provinciale de 80 mg/l que plusieurs municipalités peinent à respecter. Pour réduire le coût du traitement des eaux usées, Victoriaville exige que l’eau de gouttières soit évacuée en surface et à au moins 1,5 m des bâtiments, les drains de fondations étant reliés aux égouts municipaux.
Cet automne, Victoriaville est devenue la première ville du Québec à intégrer 13 exigences de durabilité à son règlement sur les nouveaux bâtiments. Parmi celles-ci : l’installation de portes et fenêtres et d’un échangeur d’air certifiés ENERGY STAR, d’un évacuateur de radon, d’une isolation de toiture R-51, de toilettes certifiées WaterSense (4,8 litres par chasse) et de dispositifs favorisant l’accessibilité en fauteuil roulant.
Ces mesures obligatoires s’inspirent du programme volontaire Victoriaville Habitation DURABLE qu’a lancé la municipalité en 2011. Premier en son genre au Québec, ce programme offre une subvention et une attestation aux maisons neuves et rénovées qui répondent à des critères de salubrité et de durabilité. Les aides financières, qui atteignent jusqu’à 8 000 $ pour une construction neuve, dépendent d’une grille de pointage. En sept ans, Victoriaville a investi 2,1 millions $ pour financer la construction de 342 nouvelles unités d’habitation et 995 rénovations. Ce programme est tellement populaire qu’en 2016 le quart des maisons construites à Victoriaville ont reçu l’attestation Habitation Durable. Et la Ville a eu la brillante idée de l’exporter, si bien que six autres municipalités l’ont implanté sur leur territoire : Dixville, Petite-Rivière-Saint-François, Plessisville, Saint-Valérien, Val-David et Varennes. (Cliquer ici pour lire la liste complète des projets de développement durable entrepris par Victoriaville.)
Emmanuel Cosgrove souhaiterait toutefois voir une amélioration faite au programme afin de favoriser les habitations multiples, le paysagement écologique et le transport en commun. « Habitation DURABLE est une belle initiative, mais le résultat donne souvent des bungalows garage double entourés de pelouses. Ce n’est pas exactement ce que l’on recherche comme modèle de développement durable. Pour une ville, l’indice de réussite, c’est l’empreinte environnementale de ses citoyens, surtout la densité d’occupation qui réduit le recours aux voitures. Il faut aller à la racine du problème : le bobo, c’est beaucoup l’auto. » Pour ce spécialiste, la meilleure façon d’évaluer la durabilité d’une ville, c’est de comparer la superficie terrestre requise par habitant pour produire les ressources consommées par une population et pour absorber ses déchets. « Cotez-vous mieux que Longueuil? », demande-t-il en faisant référence à la municipalité qui accueille la plus grande concentration québécoise de logements certifiés LEED, plus précisément au Faubourg Cousineau de plus de 1 000 logements, en majorité des immeubles de 3 à 32 unités, dans l’arrondissement de Saint-Hubert. Plus d’explications sur le calculateur de votre empreinte écologique sont disponibles sur le site « Mon climat et moi », créé par la Fondation Monique-Fitz-Back pour l’éducation au développement durable.
Par ailleurs, Emmanuel Cosgrove est particulièrement heureux qu’un nombre croissant de municipalités québécoises aient adopté le programme de financement innovateur pour des municipalités efficaces (FIME) lancé par l’Association québécoise pour la maîtrise de l’énergie. Ce programme permet à un propriétaire d’un bâtiment résidentiel d’obtenir un prêt municipal à des conditions avantageuses pour réaliser des rénovations écoénergétiques. Ce prêt, transférable au nouveau propriétaire lors de la vente de la propriété, est remboursé à même la taxe foncière grâce, en partie ou en totalité, aux économies d’énergie générées. Le site Web du FIME cite en exemple : « Une maison unifamiliale détachée construite en 2004 a bénéficié d’un prêt FIME de 8137,23 $ (remboursable sur 18 ans) pour réaliser des rénovations. Les résultats : une baisse de 24 % de la consommation d’énergie et des économies de 443 $ par année sur les factures énergétiques. » Les résultats sont assurés par un service d’accompagnement personnalisé effectué par Écohabitation. Plessisville, Varennes et Verchères ont été les premières à y adhérer, et Repentigny s’y prépare, selon M. Cosgrove.
Les grands défis et atouts montréalais
C’est généralement parce qu’elles ont de gros problèmes à régler que la plupart des villes se mettent au développement durable, commente Emmanuel Cosgrove. « Peut-être Montréal sera-t-elle un leader dans la gestion des eaux usées à la suite du Flushgate », dit-il en mentionnant les millions de litres d’eaux usées brutes déversées dans le fleuve pendant une semaine, fin 2015, pendant que la métropole déplaçait une chute à neige reliée à un gros égout.
Il en va de même pour la pollution de l’air par les particules toxiques émises par les poêles et foyers au bois qui sont responsables d’épisodes de smog dans la métropole. En effet, Montréal a interdit l’utilisation d’appareils à combustible solide durant les avertissements de smog et interdira, le 1er octobre 2018, saufamé lors de pannes d’électricité d’une durée de plus de trois heures, l’utilisation d’appareils à combustible solide non homologués EPA ou CSA, normes indiquant des émissions inférieures à 2,5 grammes de particules fines à l’heure. « Ça fait jaser partout. Sans cette initiative montréalaise, le monde ne serait pas sensibilisé à cette question de santé publique », souligne M. Cosgrove.
De nombreuses municipalités veulent réduire les coûts croissants et faramineux du traitement de l’eau potable et des eaux usées, explique Emmanuel Cosgrove. « Laval a été parmi les premières villes à offrir des rabais pour les toilettes à six litres par chasse dans les nouveaux développements, ainsi que dans les quartiers existants. En matière de gestion des eaux de pluie, pas mal de villes disent aux promoteurs qu’elles ne veulent plus recevoir les eaux pluviales maximales sur 100 ans. Il faut faire de la rétention complète sur place dans de gros bassins de rocaille sous terre. D’où l’intérêt pour le programme LEED de la part de villes comme Saint-Laurent dont les égouts municipaux et pluviaux ont atteint leur capacité de traitement. »
En effet, selon lui, en matière de durabilité des grandes villes, il convient plutôt de comparer leurs arrondissements. Et tous les quartiers centraux dirigés par Projet Montréal sont assez dynamiques, a-t-il souligné dès le début de notre entrevue. « Ça ne fait pas que des heureux, mais c’est plus agréable à y vivre, car ils ont été capables de dire non à la prédominance de l’auto. Si on marche dans ces quartiers comme le Plateau-Mont-Royal, Rosemont–La Petite-Patrie, Hochelaga-Maisonneuve et ceux du sud-ouest, comme Verdun et Saint-Henri, il y a eu énormément de travaux de pistes cyclables et de verdissement qui bloquent la circulation aux autos, et on a enlevé des places de stationnement pour faire des ilôts de plantes indigènes flambants neufs. Or, le verdissement se chiffre en économies de dépenses en matière de santé et de gestion des eaux usées. Projet Montréal a compris ça. C’est encore plus important en ville de créer des micro-écosystèmes qui amènent beaucoup d’espèces de la faune et de la flore et qui créent des microclimats qui combattent les ilôts de chaleur. » (Lire sur les services écologiques rendus par les abeilles à Montréal, par exemple.) Comme le confirme le consultant en énergie Philippe Dunsky : « Si on parle réellement de quartiers écologiques, je dirais Plateau Mont-Royal, le centre-ouest, Hochelaga-Maisonneuve et le centre-ville de Montréal. Car per capita, transports compris, leurs habitants consomment sûrement moins d’énergie — et émettent moins de polluants et de GES — que la grande majorité des quartiers du Québec. »
Montréal se démarque également par la richesse de sa vie culturelle. Ils ont même permis à des organismes comme Les Amis du Champ des Possibles de transformer des terrains vacants en lieux d’animation culturelle. Le Plateau a notamment décontaminé une friche industrielle située aux abords de la voie ferrée et du monastère des Carmélites et permis aux citoyens derrière l’organisme Les Amis du Champ des Possibles d’y déployer des activités d’éducation, d’animation et de conservation. « Montréal foisonne d’évènements éphémères qui font leur place dans les politiques. Par exemple, La Pépinière prend des terrains et organise le festival de musique électronique sur des lieux inhospitaliers. »
Mais c’est avant tout au chapitre de la densification urbaine et de l’accès au transport en commun que Montréal se démarque. C’est le cas notamment de l’arrondissement de Saint-Laurent qui sera traversé par le Réseau électrique métropolitain et qui devrait avoir un jour une station de métro dans le quartier Bois-Franc. « Les quartiers en construction sont beaucoup moulés en hauteur autour de pôles de transport en commun, c’est très encourageant. À ce chapitre, Saint-Laurent sort du lot et [son maire] Alan DeSousa est le roi incontesté, celui à l’échelle canadienne qui encourage le plus la construction de bâtiments LEED. » Ancien vice-président du comité exécutif de Montréal, M. DeSousa fut honoré par l’Institut royal d’architecture du Canada, l’Ordre des urbanistes, le Conseil du bâtiment durable du Canada ainsi que la Fédération canadienne des municipalités pour son leadership en matière de développement durable, en particulier pour ses réalisations en urbanisme et en aménagement du territoire.
Selon le magazine Voir vert : « Saint-Laurent a entrepris en 2004 un important virage pour devenir un véritable chef de file en aménagement durable. Sous l’impulsion du maire Alan DeSousa, cet arrondissement montréalais a multiplié les initiatives pour se développer en adéquation avec les meilleures pratiques. Comme le règlement sur l’aménagement des stationnements axé sur le développement durable, la diminution des ratios et de la superficie des stationnements ou le recours aux revêtements perméables. « Dans cette même veine, l’Arrondissement a modifié plusieurs éléments de son règlement de zonage portant sur le cadre bâti. Ainsi, une plus grande densification aux abords des infrastructures de transport collectif est désormais obligatoire et la mixité des usages est encouragée. Il a aussi élargi par voie règlementaire la gamme des matériaux de revêtement permis pour inclure notamment les panneaux solaires, les toits blancs et le bois. « Avec ses propres bâtiments comme référence, Saint-Laurent est devenu un haut-lieu de la construction durable au Québec. Plus d’une cinquantaine d’immeubles y sont déjà certifiés LEED ou y visent une certification. »
L’arrondissement dirigé par M. DeSousa depuis 2001 a aussi lancé plusieurs programmes, plans et campagnes de protection de l’environnement. Saint-Laurent est « pionnier pour ses savantes négociations écolos avec les promoteurs, selon Jean-François Méthé, responsable de la certification LEED chez Écohabitation. En contrepartie de l’acceptation des tracés des nouvelles rues, l’arrondissement exige des promoteurs que leurs projets d’habitations soient certifiés LEED à 70 %. » Dans le quartier Nouveau Saint-Laurent, les deux plus importants ensembles de condos LEED à Montréal ont été construits par Sotramont (150 unités) et Rodimax (160 unités). En septembre 2017, Sotramont est d’ailleurs devenu le premier promoteur canadien à recevoir le titre de LEED Homes Power Builder décerné par le Conseil américain du bâtiment durable (USGBC) aux promoteurs qui ont fait de ces habitations durables leur produit standard. Selon Marc-André Roy, président de cette entreprise fondée en 1968, la synergie créée entre les professionnels et les sous-traitants permet à Sotramont de réaliser des habitations plus performantes et à meilleur coût. L’entreprise construit également dans le quartier Griffintown le plus important ensemble résidentiel au monde érigé en structure de bois massif lamellé-croisé (ou CLT, pour Cross-Laminated Timber). Il s’agit de trois immeubles de huit étages comprenant 434 unités de type condos, maisonnettes urbaines et unités locatives ainsi que des espaces commerciaux.
Saint-Laurent abritera deux ensembles immobiliers industriels vantés pour leurs mérites écologiques. Le Centre corporatif Saint-Laurent, du Groupe Montoni, premier parc industriel composé de bâtiments LEED à voir le jour au Canada, et l’Éco-Campus Hubert-Reeves, sur la pointe sud du Technoparc Montréal, qui vise la création d’un environnement de travail en symbiose avec la nature. Selon le site Web du Technoparc, il s’agirait d’une première nord-américaine qui permettra de protéger un territoire de plus de 10 hectares, qui comprend un marais. « En cédant la partie nord pour en faire un lien avec le parc nature des Sources, c’est plus de 46 % du territoire qui est reconnu comme une zone protégée et plus de 67 % des milieux humides qui seront bonifiés. Les mesures hydriques prises permettront d’assurer une alimentation en eau adéquate en quantité et en qualité afin de garantir un niveau d’eau suffisant pour maintenir l’intégrité des milieux humides, le tout sous la supervision d’une équipe qualifiée en ornithologie, biologie et aménagement. »
Cette prétendue symbiose avec la nature est par contre contestée par un groupe d’ornithologues et de biologistes qui réclament l’arrêt des travaux et la création d’un refuge faunique. Le prolongement du boulevard Alfred-Nobel à travers le boisé situé au sud du Technoparc entraînera l’assèchement de la portion sud du milieu humide. Situé en bordure de l’aéroport de Montréal, ce site accueillerait la plus grande concentration d’oiseaux et un nombre exceptionnellement élevé d’espèces de milieux humides (des castors, des chevreuils, des coyotes, des renards et 70 espèces d’oiseaux) par rapport au reste de l’île de Montréal. Parmi ces espèces se trouve le petit blongios, espèce en voie de disparition et protégée en vertu de la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs ainsi que par la Loi fédérale sur les espèces en péril.
« Ce développement verra la destruction de 15 hectares de milieux humides, champs et forêts afin d’y construire sept nouvelles tours de bureaux et plusieurs grands stationnements pour voitures. Les études de la faune sur lesquelles la Ville et l’arrondissement se sont basées ne sont qu’une manière disgracieuse et biaisée favorisant seulement les intérêts personnels du promoteur, [et] celles-ci sont contestées en cour », affirme Joël Coutu, porte-parole de l’organisme Technoparc Oiseaux. Selon lui, l’ensemble et la future station du Réseau électrique métropolitain (REM) vont « tuer des centaines d’oiseaux et détruire de façon irréparable les derniers grands milieux humides sur l’île de Montréal. Le maire DeSousa disait dans un communiqué de presse ‘‘En fait, ce type de compagnie veut s’implanter dans un milieu où la biodiversité est protégée… et cela est une des principales valeurs de notre administration!’’ Ceci est du Lavage Vert à son pire ». Les milieux humides du Technoparc Montréal sont des refuges pour un minimum de 182 espèces d’oiseaux, des mammifères, incluant des castors qui en transforment les lieux, des reptiles, amphibiens, insectes et poissons ainsi qu’une grande variété d’arbres et de plantes. Il n’y a aucune raison économique persuasive justifiant ce développement. En ce moment, plusieurs bâtiments du Technoparc Montréal sont encore vacants. Saint-Laurent possède plusieurs terrains vacants pouvant être destinés à ces projets. » La Ville de Montréal s’est donné comme objectif de protéger 8 % d’aires naturelles et à ce jour, seulement 3,5 % le sont en milieu terrestre, rappelle l’organisme.
Un frein à l'étalement rapide
À l’extérieur de Montréal, Emmanuel Cosgrove souligne l’effort de municipalités à croissance rapide qui veulent freiner l’étalement urbain. « Saint-Colomban a dit aux promoteurs qu’elle ne veut plus de nouvelles constructions. Elle a imposé un moratoire complet depuis deux ans. » Tout comme Lac-Mégantic qui doit reconstruire son centre-ville rasé par l’explosion d’un train rempli de pétrole. « Malgré toute la jungle de pressions qu’ils reçoivent de la part de gouvernements et promoteurs qui veulent imposer leur façon de faire, les élus prennent le temps de dire ‘‘Wo! wo! minute! ’’. Ils ont embauché des gens de l’extérieur, un excellent urbaniste spécialisé en planification intrégrée, pour ne pas tout faire n’importe comment et à la hâte. »
De même, en Outaouais, la municipalité rurale de Chelsea, voisine de Gatineau, résiste à l’envahisseur. « Ses citoyens y sont assez présents, c’est un des codes postaux les plus riches au pays et parmi les premières villes à avoir interdit les pesticides sur les pelouses. Ses champs sont reluqués depuis 15 ans par les promoteurs, mais le développement a été arrêté net. On y fait plutôt place aux cyclistes. Le seul projet d’envergure fut le développement de la ferme Hendricks où on a reparti la culture soutenue par la communauté et où il y a des constructions sur la partie rocailleuse. »
Emmanuel Cosgrove salue Terrebonne qui conserve 600 hectares de milieux naturels à perpétuité dans le cadre du développement Urbanova, présenté comme le plus grand projet immobilier écoresponsable au pays. Toutefois, il déplore que ce quartier, tout comme le Chambéry, à Blainville, soit inaccessible au commun des mortels. « Chambéry est un éléphant blanc de grosses cabanes avec un stationnement blanc et un toit blanc. Il n’y a pas grand chose là en bas du million de dollars. Et Urbanova a aussi de la misère à vendre ses unités, contrairement à Saint-Hubert où il y a des maisons abordables. Les promoteurs qui visent le haut de gamme paient souvent le prix. C’est en plein ce qu’on ne veut pas encourager en termes de bâtiment vert. »
Il cite plutôt en exemple la municipalité à la fois rurale et industrielle de Bromont, première au Québec à retenir la démarche Natural Step. Créée par un oncologue suédois, celle-ci repose sur la participation de citoyens et groupes intéressés par un projet. Deux années de réflexion impliquant plus de 500 personnes ont permis de déterminer collectivement les aspirations pour Bromont en 2030, afin d’adopter un plan de développement durable qui concilie leurs besoins avec les ressources naturelles disponibles. Selon M. Cosgrove, l’ancien urbaniste de la Ville, Jean-François Vachon, « était un génie pour encourager les petits développements intégrés. Il a permis notamment de construire des condos avec des stationnements en périphérie pour éloigner les voitures des quartiers habités. »
Il salue également la résilience de Saint-Camille, petite municipalité de 525 habitants située à 35 km au nord-est de Sherbrooke. Afin de combattre l’exode rural, les élus ont innové en modifiant le zonage de ce territoire à 60 % forestier pour autoriser l’aménagement de fermettes. Vingt-deux familles habitent désormais le secteur du Rang 13. « Ils ont redéveloppé le cœur du village pour ramener du nouveau monde, parce que les villages se vident. C’est un modèle intéressant. » Comme l’explique la Municipalité sur son site Web : « Il est possible de voir cette initiative comme un incubateur grandeur nature permettant de déterminer et de mettre en place un nouveau modèle mutualiste de revitalisation pour les régions rurales. Les principes qui sous- tendent l’établissement de ces nouveaux arrivants à Saint-Camille dans le cadre de ce projet sont la solidarité, l’autogestion, la diversification économique, le respect du tissu communautaire en place, de même que le respect de l’environnement. »
[1] Leadership in Energy and Environmental Design, certification récompensant les quartiers et immeubles favorisant notamment l’économie d’eau et d’énergie, l’aménagement écologique des sites, l’usage de matériaux locaux et recyclés, la gestion écologique des rebuts de chantier, la qualité des environnements intérieurs et l’innovation du design.
La maison Écohabitation d'Emmanuel Cosgrove : http://www.ecohabitation.com/actualite/nouvelles/maison-ecohabitation-premiere-maison-leedr-platine-canada