Une erreur d'Hydro-Québec a pourtant saboté un programme de récupération de la chaleur des eaux grises dans les maisons neuves
Une subvention moyenne de 600 $ est offerte à l’achat d’un récupérateur de chaleur des eaux de drainage dans le cadre d'un projet pilote ciblant 300 propriétaires ou locataires d’unifamiliales. Celles-ci doivent avoir été construites avant 2012 et être situées dans trois territoires du grand Montréal : les municipalités régionales de comté (MRC) de Deux-Montagnes et de la Rivière-du-Nord ainsi que l’agglomération de Longueuil.
Le Power-Pipe est un tuyau en cuivre dans lequel s’écoule l'eau de drainage provenant des douches. La chaleur de cette eau est transférée à l’eau froide alimentant le chauffe-eau et qui circule dans un serpentin de tubes en cuivre enrobant le dispositif. Ce système permettrait de réduire jusqu’à 40 % la facture annuelle totale d’eau chaude d'un ménage, soit entre 34 $ et 136 $. « Une eau froide à 9 °C (48 °F) passant dans le Power-Pipe pourra facilement atteindre une température de 25 °C (77 °F) », explique Solénove Énergie Québec, distributeur du dispositif et gestionnaire du projet pilote ayant reçu un appui financier dans le cadre du programme PISTE d'Hydro-Québec Distribution.
L’initiative vise à former les plombiers participants et à stimuler et tester la demande en offrant des subventions variant selon les régions. « En tenant compte de la subvention, d’un rabais que nous offrons et des taxes, le consommateur ne paiera que 335 $ à 530 $ pour un système habituellement installé pour 1 300 $ », explique le président de Solénove Énergie Québec, François Michel.
Économies prévues
Selon un communiqué émis par l'entreprise et approuvé par Hydro-Québec selon M. Michel, pour un ménage de quatre occupants, un système moyen peut faire économiser environ 1 500 kWh (120 $) d’électricité par année. Cet estimé concorde avec une étude de Ressources naturelles Canada qui a mesuré une économie annuelle de 1 825 kWh pour un ménage consommant 325 L (72 gal) d’eau chaude (trois douches de huit minutes et un bain) par jour. Pour une consommation réduite de 220 L (48 gal) d’eau chauffée à 60 °C (140 °F), l’économie varie entre 869 et 1 021 kWh (70 $ à 82 $)/an selon que le Power-Pipe mesure 40 ou 60 po (102 ou 152 cm), d’après une présentation faite par une équipe d’Hydro-Québec en mai 2010, lors d’un colloque américain, le ACEEE 2010 Hot Water Forum.
Curieusement, dans une demande d’approbation d’un programme de 6 millions $ soumis à la Régie de l’énergie, Hydro-Québec ne parlait plus que d’un gain unitaire moyen de 606 kWh/an (49 $) dans les unifamiliales, de 430 kWh (34 $)/an dans les duplex et triplex et de 350 kWh/an (28 $) dans les logements. La Régie a refusé d’autoriser cette dépense ciblant les maisons neuves, la jugeant non rentable pour la société et le projet d'Hydro-Québec - prévu pour juin 2012 - trop en retard.
Erreur d’Hydro-Québec
Or, le programme aurait été très rentable, fait valoir Solénove, si Hydro-Québec n’avait pas commis une erreur méthodologique dans son calcul. En effet, la société d’État a basé son estimation sur la nécessité d’installer deux systèmes dans les plex et trois dans les logements, alors qu’un seul ferait l’affaire. Selon le scénario d’installation prévu (52 % dans les unifamiliales, 42 % dans les logements et 8 % dans les plex), le gain unitaire moyen pondéré devrait être presque doublé pour atteindre 815 kWh/an au lieu des 483 kWh/an calculés par Hydro-Québec. Pour sa part, le Fonds en efficacité énergétique de Gaz Métro, qui subventionne le Power-Pipe depuis le milieu des années 2000, estime le gain unitaire moyen à 268 m3 (9 470 pi3) de gaz naturel. Cela équivaut à 2 770 kWh, soit près de six fois plus d’économies d’énergie que ne l’estime Hydro-Québec.
Solénove a présenté à la Régie de l’énergie une demande de révision partielle de sa décision et l’approbation d’un budget de 3 millions $ en raison des retards accusés dans le lancement du programme. La Régie a rejeté cette demande, ne la jugeant pas d’intérêt public.
Chez Hydro-Québec, le relationniste Louis-Olivier Batty affirme : « Quant aux hypothèses de calculs déposées auprès de la Régie de l'énergie lors de la requête R-3776-2011, celles-ci étaient spécifiques et connues des intervenants du milieu et de Solénove et n'ont faits l'objet d'aucune question de la part de Solénove lors des travaux et audiences de la Régie. C'est d'ailleurs ce qu'exprime la Régie de l'énergie dans sa décision rendue le 25 juillet 2012, à la page 14, au paragraphe 42. »
François Michel confirme n'avoir remarqué l'erreur d'Hydro-Québec après que la Régie ait refusé d'approuver le programme de 6 millions $. Il ajoute : « Hydro-Québec confirme qu'on ne peut pas avoir confiance aux chiffres qu'elle avance. La société d'État ne réfute toujours pas le fait qu'elle ait commis une erreur dans le calcul de la rentabilité de la mesure. Mais le pire dans tout ça, c'est qu'elle élimine un programme rentable pour éviter de reconnaître cette erreur. Au final, les clients d'Hydro-Québec paieront leur électricité plus cher à cause de cet entêtement.» En effet, Hydro-Québec ne propose aucun budget pour la récupération de la chaleur des eaux grises dans le Plan global d’efficacité énergétique 2013> qu’elle vient de soumettre à la Régie de l’énergie.
Selon le site Ecohabitation.com, cette technologie comporte plusieurs avantages : aucun besoin d’entretien, durée de vie de 50 ans, risque plus rare de manquer d’eau chaude et donc nul besoin d’acheter un plus gros chauffe-eau, réduction des émissions de gaz à effet de serre, aucun impact sur la pression de l’eau et possibilité de récolter deux points en vue de l’obtention de la certification LEED.
Dans un rapport sur les solutions abordables pour construire une maison visant une consommation d'énergie nette zéro, l'ingénieur Gary Proskiw ajoute au sujet des récupérateurs de chaleur des eaux grises : « Bien qu'ils ne réduisent la charge d'eau chaude de seulement 15 à 25 %, ils sont extrêmement robustes et fiables et ils augmentent l'offre effective d'eau chaude, en particulier pour les douches. »
Le Power-Pipe est fabriqué en Ontario, où cette mesure d’économie d’énergie est intégrée au Code du bâtiment de cette province depuis 2006. Plus de 15 000 systèmes de récupération de chaleur des eaux grises ont déjà été installés dans les nouvelles maisons ontariennes.
Pour plus de détails sur comment obtenir la subvention :
www.solenove-quebec.ca