Texte paru pour la première fois en 2016.
Si vous voulez connaître l'avenir des maisons canadiennes, parlez-en au constructeur Peter Amerongen. Il s'agit des maisons à consommation « nette zéro » d'énergie, qui produisent plus d'électricité en une année (avec un système solaire photovoltaïque) que leurs occupants en consommeront. « Je travaille sur ma onzième maison nette zéro depuis 2007, incluant un duplex. Nous en avons construit trois l'an passé », affirme le président de l'entreprise Habitat Studio, d'Edmonton.
Comme ces constructions n'ont pas de banque de batteries, les surplus d'électricité solaire produits et non consommés instantanément sont exportés vers le réseau public. Ainsi, ces surplus crédités par le fournisseur d'électricité compenseront les kilowatts achetés le reste de l'année. Ces maisons en voie d'adoption massive partout en Occident seront un puissant outil de lutte contre les changements climatiques : en plus de réduire la combustion d'énergies fossiles pour produire de l'électricité, elles permettront à Hydro-Québec d'exporter davantage d'hydroélectricité dans des provinces et États électrifiés au charbon, au gaz, au mazout ou au diésel. (Lire notre article sur le premier sixplex québécois nette zéro, à Laval.)
Pour Peter Amerongen, qui construit des maisons depuis 35 ans, il n'y a rien d'écologique à construire des maisons trop vitrées. Celles-ci coûtent très cher et consomment énormément d'énergie à combattre l'inconfort — frissons en hiver et surchauffes le reste de l'année — qu'elles génèrent. « Même si l'exposition franc sud est rare en ville, il est possible de construire de très belles maisons à énergie nette zéro, mais ça prend un peu plus d'effort. C'est facile d'en construire des superbes très vitrées, mais on peut aussi le faire en plaçant le vitrage de façon stratégique. »
Un design rentable
Son secret : « Toujours utiliser du verre triple, avec coefficient de gain solaire de 0,57 au sud et de 0,37 sur les autres murs, où il est plus important de réduire les pertes de chaleur. » Il conçoit ses bâtiments à partir du logiciel gratuit HOT2000 développé par Ressources naturelles Canada (RNCan) depuis les années 1980 pour construire les maisons certifiées R-2000. Pour choisir les mesures d'efficacité énergétique les plus rentables, il s'inspire de l'index de valeur établi par le chercheur Anil Parekh de RNCan en collaboration avec le consultant Gary Proskiw (détails dans notre numéro du printemps 2016) afin d'optimiser la conception des maisons nettes zéro. « Nous ciblons une cote ÉnerGuide pour les maisons de 80 [sur une échelle de 100] avant d'ajouter le système photovoltaïque. » Typiquement, la résistance thermique de leurs murs est de R-40 et celle des toitures, de R-80. Les planchers du rez-de-chaussée et de l'étage sont en béton de 2,5 pouces d'épaisseur. « Ça semble faire une grande différence par rapport à la surchauffe et ne coûte pas plus cher qu'un plancher de béton décoratif. » [NDLR: la cote Énerguide pour les maisons est aujourd'hui exprimée en gigajoules par année.]
Quel conseil offre-t-il aux entrepreneurs et autoconstructeurs qui veulent se bâtir une telle maison? « La première règle est de simplifier les choses. La maison doit être très étanche et bien ventilée par un ventilateur récupérateur de chaleur. Faites l'analyse coûts-bénéfices en divisant le coût des mesures par la valeur des kilowattheures qu'elles procureront selon HOT2000. »
Peter Amerongen affirme que le mur à double ossature (2 x 4 po posés aux 24 po) est idéal. « C'est la façon la moins chère d'obtenir un mur à résistance thermique élevée. Nous utilisons quasiment la même quantité de bois qu'avec un mur à ossature 2 x 6 po posée aux 16 po. Ça prend des détails d'ingénierie particuliers, comme des panneaux de copeaux de bois orientés (OSB) au lieu de 2 x 4 dans les coins. Nous ne doublons pas complètement les murs, on n'en met pas plus qu'il n'en faut. En fait, ça donne à peine plus de bois que dans un mur en 2 x 4 aux 16 po. »
Surcoût de ces maisons : environ 50 000 $ pour 2 000 pieds carrés (185 m2) habitables, davantage pour les très grandes et le multilogement où un système géothermique est installé pour le chauffage et la climatisation. « Il nous faudrait une taxe sur le carbone au pays pour donner aux gens une bonne raison d'adopter ces maisons à grande échelle, dit-il. Je crois qu'il y aura un virage majeur vers celles-ci sous peu, mais je n'ai pas de boule de cristal! Mais que Dieu nous aide si elles ne deviennent pas la norme d'ici quelques années, pour le bien de nos enfants... »
Pour plus de détails
Vidéos de conférences données par Peter Amerongen : https://www.youtube.com/@SolarAlberta/search?query=amerongen
Webinaire donné en 2014 : Net Zero Energy in Very Cold Climates_Amerongen.pdf
Optimization of Net-Zero-Energy Houses