D’ici 2035, Hydro-Québec prévoit investir 45 à 50 milliards de dollars (G$) pour améliorer la fiabilité de son réseau et la qualité de son service, 90 à 110 G$ en projets de développement, dont 45 G$ pour hausser sa production hydroélectrique de 3 800 à 4 200 mégawatts (soit environ trois fois le complexe la Romaine), et 20 à 25 G$ pour ses charges d’exploitation additionnelles. Graphique : Radio-Canada

Préparez-vous à réduire votre consommation d’électricité en période de pointe hivernale ainsi qu’à produire et à stocker de l’énergie solaire, car les pressions sur le réseau hydroquébécois et ses tarifs se multiplieront au cours de la prochaine décennie. Alors qu’en 2018 elle baignait dans les surplus d’énergie invendue et craignait que l’économie d’énergie et la production d’électricité solaire ne plombent ses profits, Hydro-Québec vient de doubler sa cible d’efficacité énergétique, veut subventionner les panneaux solaires et tripler son parc éolien tout en planifiant la construction de nouvelles centrales.

En annonçant son Plan d’action 2035Vers un Québec décarboné et prospère le 1er novembre, le président d'Hydro-Québec Michael Sabia a déclaré au Téléjournal de Radio-Canada vouloir « faciliter l’installation de panneaux solaires chez plus de 125 000 clients et clientes ». 

Précédé par l’été le plus chaud de l’histoire, ponctué de feux nord-américains ayant brûlé l’équivalent de la superficie de l’Angleterre, le Plan d'action prévoit que la demande d’électricité doublera à l’horizon 2050. En début d’année, elle ne prévoyait pourtant d’ici 2032 qu’une hausse de 14 % de la demande, soit de 25 terawattheures (TWh). Mais outre la croissance économique attendue, les trois-quarts des besoins additionnels découlent de la volonté gouvernementale de décarboner notre économie d’ici 2050. On veut en somme électrifier les transports, entreprises et immeubles qui aggravent la crise climatique en brûlant des énergies fossiles. Tout un défi!

Pour y arriver, Hydro-Québec compte investir jusqu’à 185 milliards de dollars (G$) en douze ans pour optimiser son réseau et doubler sa capacité de production en un quart de siècle, du jamais vu dans l’histoire du Québec. (Voir ce que ça représente ici : https://www.lapresse.ca/dialogue/chroniques/2023-11-16/c-est-quoi-185-milliards-de-dollars.php.) À l’horizon 2050, elle prévoit vendre 150 à 200 TWh plus d’électricité que les 212,2 TWh vendus en 2022, dont 180,6 TWh au Québec. D’ici 2035, son président Michael Sabia veut ajout de 8 000 à 9 000 mégawatts (MW) de puissance additionnelle pouvant fournir 60 TWh d’énergie ou 60 milliards de kilowattheures (kWh). C’est l’équivalent de trois de ses plus grands ouvrages hydroélectriques : l’aménagement Robert-Bourassa (LG-2), Manic-5 et son petit dernier, le complexe de la Romaine comprenant quatre centrales totalisant 1 550 MW. Près de la moitié des nouveaux approvisionnements seront d’ailleurs hydroélectriques.

C’est une grande occasion de développement technologique ainsi que de création d’emplois et de richesse, faisait valoir M. Sabia en annonçant ce plan d’action, le 2 novembre. L’atteinte de cet objectif, qui nécessiterait de créer 35 000 emplois annuellement dans la construction en pleine pénurie de main-d’œuvre, serait impossible sans construire de nouvelles centrales hydroélectriques. M. Sabia n’écarte pas la possibilité d’avoir recours à l’énergie nucléaire.

Le « gigantesque objectif d’augmentation de la production (…) nous préoccupe énormément, déclare l’organisme écologiste Équiterre. À quoi cette nouvelle énergie servira n’est pas très clair…. Le plan semble refléter les projections de demande énergétique du gouvernement, mais aucun plan de développement industriel n’a été rendu public jusqu’ici. »

« C’est un premier jalon dans la dénationalisation de l’électricité au Québec », affirmait dans La Presse l'analyste en énergie Jean-Pierre Finet, concernant l'octroi de 1 000 MW à TES Canada qui construira une usine qui produira de l'hydrogène vert à partir de l'électrolyse de l'eau. Un projet tellement énergivore qu'elle entend se construire un parc solaire et même un parc éolien dans un rayon de 30 km de Shawinigan. Comme l'écrivait la journaliste Hélène Baril : « Le gouvernement québécois risque de créer lui-même une pénurie d’électricité en garantissant à des entreprises énergivores des capacités électriques qui n’existent pas et qu’il n’est pas réaliste de tenter de construire », selon le Regroupement Regroupement des organismes environnementaux en énergie, Greenpeace Canada et une vingtaine d’autres organisations qui réclament un moratoire sur cette pratique qui nécessite des investissements massifs pour augmenter la production d’électricité.

De nouvelles centrales hydroélectrique prendront plus d’une décennie à réaliser (complétées en octobre, les quatre de la Romaine ont pris 15 ans), elles auront d’énormes impacts environnementaux et coûteront environ 18 ¢/kWh, estime la firme d’analystes et stratèges en énergie Dunsky. Comparativement, les centrales de la Baie-James ont coûté 3¢/kWh et la Romaine 6,4 ¢/kWh, selon Hydro-Québec. Celle-ci mise donc d’abord sur les solutions les moins chères et les plus rapides à déployer, qui s’avèrent aussi les plus écologiques : l’efficacité énergétique ainsi que les énergies solaire et éolienne.

Hydro vient de doubler ses objectifs d’économie d’énergie annuelle à l'horizon 2035. Ils passent de 1 800 MW actuellement à 3 500 MW de puissance, soit de 10 TWh à 21 TWh d’énergie (environ un dixième de la consommation actuelle). Son nouveau programme LogisVert offre de généreuses subventions pour l’isolation, le calfeutrage, les thermopompes aérothermiques et géothermiques, le chauffe-piscine solaire, la cuisinière à induction, la sécheuse à thermopompe. En construction, s’ajoutent l’échangeur d’air certifié ENERGY STAR, l’accumulateur thermique et les capteurs solaires thermiques pour l’eau chaude domestique. Bien que le programme ne sera officillement lancé qu'en janvier 2024, il est annoncé depuis avril dernier et l'aide financière est rétroactive à toutes ces dépenses faites depuis le 1er janvier 2023. Détails sur logisvert.ca.

Autoproduction solaire

La société d’État prévoit notamment faciliter « l’installation de panneaux solaires chez plus de 125 000 clients et clientes. L’autoproduction solaire pourrait satisfaire jusqu’à 45 % des besoins en électricité de ces ménages », chauffage exclu. Aujourd’hui, seulement quelque 800 autoproducteurs se prévalent de l’option de mesurage net qui leur permet de stocker sur le réseau hydroquébécois leurs surplus d’énergie renouvelable.

« L’objectif de 125 000 autoproducteurs au Québec est un pas dans la bonne direction, mais il demeure timide. L’avenir nous dira si les conditions auront été réunies pour dépasser cet objectif », dit le physicien Yves Poissant, spécialiste de l’électricité solaire photovoltaïque à Ressources naturelles Canada.

De plus, dès 2024, Hydro-Québec offrira des « solutions de résilience » fournissant une alimentation électrique d’appoint lors d’interruptions de service : batteries, accumulateurs de chaleur et projet pilote de déploiement de génératrices et bornes de recharge mobiles d’urgence.

En mars, Hydro lançait un appel d’offres d'achat de 1 500 MW d’électricité de source éolienne qui doit être livrée à partir de décembre 2027, alors qu'elle aura écoulé ses surplus d’énergie des dernières années. Comme tout le continent veut décarbonner le chauffage (exit le gaz et le mazout), « tout le monde va se retrouver avec la pointe en même temps en hiver. On ne pourra [alors] plus acheter à nos voisins de l’électricité », expliquait le physicien Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier, à l’émission Zone Économie du 2 novembre, à la télé de Radio-Canada.

D’ici 2035, Hydro veut même plus que tripler la capacité éolienne du Québec avec l’ajout de 10 000 MW sur les 4 000 MW actuels. Cela représente de 1 000 à 1 500 nouvelles éoliennes géantes (jusqu’à 120 m ou la taille d’un édifice de 31 étages) qui occuperont l'équivalent de 15 fois la superficie de l'île de Montréal, a spécifié Michael Sabia, qui étudie les possibilités des éoliennes marines. (Visionnez sur notre chaîne youtube.com/maison21e notre entrevue avec le président de l’Union des producteurs agricoles qui s’oppose à leur implantation dans le garde-manger de la province.)

Hausses de tarifs en vue

Tout cela aura un prix, notamment pour les entreprises qui verront leurs tarifs d’électricité augmenter sensiblement. Les ménages québécois jouissent déjà du tarif domestique parmi les plus bas des pays du G7 et la loi no 2 adoptée en février plafonne ses hausses annuelles au niveau de l’inflation ou à 3 %. « On ne peut pas imaginer qu’on va rester à 3 % d’augmentation des tarifs annuellement, ça ne tient pas la route avec les investissements qu’on nous annonce. Une loi la limite à ce niveau jusqu’à 2025, mais une loi ça se change », a dit, en riant, Normand Mousseau qui avait coprésidé, en 2013, la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec.

Mais les ménages prêts à adopter des comportements et des nouvelles technologies écoénergétiques et de déplacement de la demande, comme les thermopompes, les véhicules électriques, les contrôleurs de chauffe-eau et les accumulateurs thermiques, ne seraient toutefois pas pénalisés. « Même si on augmente les tarifs, au total votre facture énergétique n’augmentera pas », expliquait M. Mousseau. Pour sa part, le plan d’Hydro parle de baisses ou de hausses limitées de la facture pour les participants à ses programmes.

Une équipe de spécialistes offrira d'ailleurs un accompagnement adapté à chaque clientèle afin de permettre de faire les meilleurs choix en matière d’énergie. Les subventions seront augmentées pour couvrir jusqu’à la moitié du coût d’achat d’équipements écoénergétiques. « Nous visons ainsi l’installation de 700 000 équipements énergétiques performants ou connectés chez nos clientes et clients résidentiels et commerciaux d’ici 2035, ce qui permettrait de faire passer de 3 % à 25 % la proportion de résidences dotées de tels équipements. De plus, nous encouragerons la réalisation de rénovations écoénergétiques, par exemple l’amélioration de l’enveloppe thermique des bâtiments existants. À terme, nos initiatives devraient permettre d’améliorer notablement la performance énergétique de 100 000 bâtiments. Ces initiatives seront complémentaires à celles du gouvernement du Québec. » (L'organisme médical Physicians for Safe Technology déconseille toutefois l'utilisation des objets connectés, plusieurs médecins qualifiant le rayonnement micro-ondes de « tabac de notre génération ».) 

Il faudra aussi innover pour aider les ménages moins fortunés : jusqu’ici ce sont les plus riches qui se prévalent de la plupart des subventions et les propriétaires d'immeubles à logements n'ont pas intérêt à les isoler ni les sceller puisqu'en général ils ne paient pas la facture de chauffage. Heureusement, sans préciser si elle augmenterait les tarifs des clients résidentiels dont l’appel de puissance dépasse 50 kilowatts puissance, la société d’État dit qu’elle compte accentuer « l’effort de sensibilisation et d’encadrement » de propriétaires énergivores, dont ceux qui possèdent des maisons imposantes ou des immeubles locatifs mal isolés.

Hydro souhaite aussi quadrupler (à un million) le nombre de ménages qui opterait d’ici 2035 pour ses options tarifaires flexibles qui permettent de réaliser des économies moyennes de 150 $ par année. Celles-ci exigent de déplacer l’utilisation d’appareils énergivores comme le système de chauffage et la sécheuse électrique à l’extérieur des heures de pointe qui se situent entre 6h et 9h ainsi que de 16h à 20h par grands froids. Ces options comme le service Hilo exigent toutefois d'avoir un compteur et des objects communicant par micro-ondes pulsées et polarisées nocives (maisonsaine.ca/electrosmog).