En tant qu'architecte spécialisé dans la création d'un environnement sain, que ce soit au travail ou à la maison, j'ai un déclic lorsque j'entends le commentaire suivant :  « Oh, mais je n'aime vraiment pas l'air conditionné et je préfère la ventilation naturelle en ouvrant les fenêtres, et ce n'est pas parce que je n'ai pas les moyens de me payer un bon système mécanique. »

Pour moi, il s'agit d'une personne qui a eu une mauvaise expérience avec un système de ventilation mécanique mal conçu1. Pour y remédier, il faut faire l'expérience d'une très bonne installation, ce qui ne se produira peut-être pas de son vivant. Les gens choisissent de prendre leurs vacances dans des climats doux où l'on peut dormir confortablement avec les fenêtres grandes ouvertes tout au long de l'année. Mais une climatisation bien conçue, tout comme le chauffage, est une question de confort et de santé. Dans la plupart des villes du monde, il est nécessaire d'avoir des systèmes mécaniques qui fonctionnent correctement. C'est essentiel pour préserver votre santé et votre bien-être. Il s'agit d'une médecine préventive.

Il faut reconnaître que la plupart des lieux de travail et des habitations sont très pollués. Ayant effectué des inspections de bâtiments tout au long de mes 50 ans de carrière en tant qu'architecte et urbaniste, je peux affirmer avec une certaine conviction que ce niveau de pollution est la vérité. Je le signale depuis des décennies. Malheureusement, je n'ai pas réussi à convaincre un grand nombre de personnes, malgré plus de 20 000 inspections de bâtiments.

L'expertise est moins respectée que par le passé. Je blâme :
1. Le parti républicain américain avec sa politique de dérèglementation, créant beaucoup d'emplois moins bien payés et nécessitant moins de compétences, et sa méfiance à l'égard des institutions gouvernementales depuis Ronald Reagan et aggravée par Donald Trump]. Le meilleur exemple en est la tentative de Trump de démanteler l'EPA [l'Agence américaine de protection de l'environnement] qui, pour moi, en tant que professionnel de la construction, était la réalisation la plus importante dont j'ai été témoin au cours de ma carrière.

2. La disponibilité de l'information sur l'internet fait que chacun croit être capable de devenir son propre expert. Toutes les opinions sont traitées sur un pied d'égalité.

3. Les entrepreneurs en mécanique qui réalisent l'essentiel de leurs bénéfices en augmentant le prix des équipements mécaniques et des gadgets importés pour la plupart de Chine. au lieu de fournir un service de base fiable et durable, nécessitant un minimum d'entretien.

L'installation de zones de traitement de l'air séparées au sein d'un même local est un autre exemple d'erreur. La futilité de cette dépense est l'une des raisons pour lesquelles tant de gens n'aiment pas la climatisation. En 1995, le Code national du bâtiment du Canada a publié une section sur la mécanique dont l'objectif était de créer un environnement intérieur sain tout en assurant le confort. Il prévoyait une ventilation mécanique avec une entrée d'air frais capable d'assurer un renouvellement complet de l'air dans toutes les zones habitées d'un bâtiment, et ce dans un délai de 3 à 4 heures [NDLR : « La norme révisée de l'ASHRAE propose un débit de ventilation de 0,35 » renouvellement à l'heure, écrivait le chercheur  C.Y. Shaw du Conseil national de recherches du Canada, dans une publication de 1987]. Pour ce faire, il ne faut pas dépendre de l'ouverture des fenêtres tout au long de l'année en raison de limitations climatiques évidentes qui deviennent de plus en plus extrêmes et imprévisibles avec l'augmentation des niveaux de CO2 et de température à l'extérieur. L'objectif était de diminuer ou de diluer les contaminants en suspension dans l'air du bâtiment au fil du temps. Le fait d'avoir des zones de ventilation séparées dans un bâtiment, permettant de fermer des pièces ou des sections pour économiser de l'énergie lorsqu'elles ne sont pas occupées, rend beaucoup plus difficile et coûteux le renouvellement complet de l'air dans l'ensemble du bâtiment. Bref, il est impossible d'échanger l'air partout si des zones ne sont pas ventilées.

Lorsque le Code national du bâtiment du Canada de 1995 a été publié, la section mécanique était considérée comme la plus progressiste au monde. Sauf que chaque province devait ensuite l'adopter, de même que chaque municipalité, et elles étaient autorisées à y apporter des modifications. Le Québec a permis à l'objectif de conservation de l'énergie de dominer l'objectif de création d'un environnement sain par le renouvellement de l'air frais. Il a exigé l'installation des échangeurs récupérateurs de chaleur qui est presque toujours un échec retentissant [NDLR : sauf dans les maisons certifiées Novoclimat, LEED ou Passivhaus (maison passive ou Passive House], dont les critères de conception et d'installation des systèmes de ventilation sont stricts et contrôlés par un inspecteur indépendant]. Ils ne déplacent pas une quantité d'air suffisante, de sorte qu'un renouvellement complet de l'air prend une éternité à se produire ou ne se produit jamais, la filtration des particules fines (PM 2,5) est minimale et nécessite un entretien régulier, les conduits sont inadéquats (soit trop petits, soit ondulés, ou pire dans les cavités murales qui ne peuvent jamais être nettoyées).

Récemment, l'Organisation mondiale de la santé et l'EPA ont toutes deux adopté la réglementation relative aux PM 2,5, selon laquelle toutes les particules microscopiques en suspension dans l'air de moins de 2,5 microns sont nocives. Au moins la réglementation canadienne de 1995 exigeant aux trois heures un renouvellement complet de l'air qui permettait de diminuer les contaminants microparticulaires, y compris le radon [gaz radioactif qui s'infiltre dans les maisons, est la deuxième cause du cancer du poumon et dont les concentrations augmentent dans les maisons modernes, plus étanches à l'air pour plusieurs bonnes raisons]. Je l'ai appliquée lors d'une rénovation à Boulder Colorado à cette fin. Malheureusement, au Canada, depuis 1995, nous n'avons pas suivi l'évolution de la qualité de l'air ailleurs dans le monde en ce qui concerne les microparticules en suspension dans l'air, y compris les virus et les bactéries.

La bonne réponse à quelqu'un qui se plaint de ne pas aimer l'air conditionné et de préférer la ventilation naturelle est qu'il rêve de ce qu'était le climat à une autre époque, dans des endroits comme la Floride, la Californie ou les Caraïbes. Pour commencer, nous devrions utiliser des pompes à chaleur (aussi appelées thermopompes) plutôt que des climatiseurs, car il serait trop coûteux d'envisager de faire entrer de l'air frais dans une maison tout au long de l'année sans profiter de l'avantage d'une pompe à chaleur qui réduit les coûts de chauffage significativement. C'est une machine intelligente comparée à un climatiseur, tout comme un iPhone comparé à un téléphone fixe. Non seulement une pompe à chaleur ou un système géothermique est nécessaire, mais aussi un humidificateur à vapeur, car tous les environnements chauffés deviennent trop secs et malsains en hiver.

  1. Lire la fiche technique Ventilation mécanique en saison de chauffe, sur le site de l'organisme Garantie de construction résidentielle, ainsi que la section 3 (systèmes mécaniques) des Exigences techniques Novoclimat de 2023