En décembre 2019, un couple d’Ottawa faisait don à l’organisme Conservation de la nature Canada (CNC) d’une terre forestière comprenant neuf kilomètres de rive sur la rivière Rouge à Harrington, dans l'ouest des Laurentides. La terre de John et Louise Berryman constituait « un maillon essentiel d’un vaste corridor forestier qui relie la vallée de l’Outaouais au parc national du Mont-Tremblant. Elle abrite des forêts de feuillues typiques des Laurentides méridionales et des zones humides propices à la nidification d'oiseaux migrateurs », expliquait le CNC qui possède et protège désormais à jamais 685 hectares (ha) de nature uniquement à Harrington. (Un hectare correspond à 10 000 m2 ou 2,5 acres qui comptent 107 639 pi2.)
John Berryman, propriétaire du Centre Forestier Harrington, une entreprise vouée à la gestion durable des forêts et à la sylviculture, n’était pas peu fier de ce don. « Ce fut un plaisir de travailler avec CNC pour protéger la diversité naturelle de cet habitat forestier unique pour le bénéfice des générations futures. Notre don nous a prodigué le sentiment de nous rendre utiles grâce à la conservation de cet important domaine forestier riche en biodiversité, au cœur des Basses-Laurentides »1, disait-il alors en entrevue avec La Presse.
De plus en plus de citoyens contactent des organismes de conservation parce qu’ils souhaitent protéger la faune et la flore de la destruction de milieux naturels qui profitent également aux gens qui les visitent. Certains veulent donner leur terre alors que d’autres offrent des dons en argent permettant d’acquérir et de protéger des aires naturelles. « Les gens veulent léguer quelque chose de concret aux générations futures. Il y a certains avantages fiscaux à faire, ça s’appelle un don écologique », expliquait cet été au journal l’Info du Nord Marie-Lyne Després-Einspenner, directrice générale de l'organisme Éco-corridors laurentiens. Basé à Saint-Jérôme, cet organisme de bienfaisance accompagne notamment les citoyens désireux de créer des organismes de conservation qui collaboreront avec les municipalités à la création et à la mise en valeur d’aires naturelles protégées.
Aujourd'hui, un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction parce que 75 % de l’environnement terrestre se retrouve gravement altéré par les activités humaines, selon le groupe d’experts de l’Organisation des Nations unies sur la biodiversité. La construction excessive, l’agriculture intensive, la fragmentation des habitats, la pollution de l’air et de l’eau ainsi que la surexploitation des ressources déséquilibrent les écosystèmes. La perte de biodiversité menace les humains au moins autant que le changement climatique, selon Sir Robert Watson, ancien conseiller scientifique du gouvernement britannique et qui fut président de la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques.
Malgré ce scénario catastrophique, de généreux donateurs comme les Berryman contribuent à freiner la perte de biodiversité par la cession de terres privées, un des outils à notre disposition afin de protéger à jamais nos écosystèmes. Les aires protégées peuvent faire l’objet d’une multitude d’usages et d’activités : « de la conservation stricte à une sylviculture durable, d’une récréation extensive à l’aménagement des habitats fauniques », selon le Réseau de milieux naturels protégés (RMN), fondé en 1993 par sept organismes de conservation québécois.
Portrait de la situation
En octobre 2010, les pays participants à la 10e réunion de la Conférence des parties dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique – un traité international sur la diversité biologique créé par les Nations-Unies et entré en vigueur en 1993 – ont adopté le Plan stratégique 2011-2020 pour la diversité biologique2. Ces pays se sont engagés à protéger au moins 17 % des zones terrestres et d’eaux intérieures et 10% des zones marines et côtières avant la fin de 2020 en créant un réseau d’aires protégées gérées efficacement et équitablement. Malheureusement, selon le dernier rapport des Nations Unies sur la biodiversité, aucun des 20 objectifs mondiaux décrits dans ce Plan stratégique, notamment la réduction de moitié du taux de perte des forêts et autres habitats naturels, n’a pu être complètement atteint.
En décembre 2020, seulement 12,5 % du territoire canadien était protégé. Par contre, la Colombie-Britannique et le Québec avaient quant à eux atteint la cible de 17 %. Selon le Registre des aires protégées au Québec, 253 344 km2 ou 16,75 % du milieu continental (terrestre et eau douce) et 18 992 km2 ou 12,22 % des milieux marin et côtier sont maintenant protégés. En avril 2021, le gouvernement du Québec s’est engagé à atteindre la nouvelle cible de 30 % d’aires protégées d’ici 2030 recommandée par cette même Convention sur la diversité biologique (CDB). Nous sommes tous concernés par cet objectif ambitieux, mais essentiel.
Notre belle province qui possède une immense superficie, soit plus de 1,5 million de km² en incluant sa toundra arctique, le climat subarctique d’une partie de la Gaspésie et ses forêts boréales de même que ses prairies du sud, recèle une grande variété d'écosystèmes. Sa faune et sa flore sont tout aussi diversifiées. Toutefois, c’est sa région sud, habitée par près de 90 % de la population et où la pression du développement est donc la plus forte, qui abrite le plus de caractéristiques écologiques notables.
Actuellement, 91 % des superficies protégées de la province se retrouvent dans le Grand Nord, où la majorité des terres sont publiques. Il existe donc une grande disparité dans la répartition spatiale du territoire québécois protégé. Au sud, ce sont pour la plupart des terres privées qui servent de barrières à l’appauvrissement de la biodiversité. « On retrouve présentement une superficie de 24 552 km2 d’aires protégées au sud du 49e parallèle », nous informait à la mi-juillet le service des communications du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. Cette superficie correspond à 9,0 % du réseau des aires protégées que l’on retrouve sur l’entièreté du territoire québécois(incluant les milieux terrestres, d’eaux douces, marins et côtiers). »
Certaines régions du sud font meilleure figure que d’autres, comme Montréal où 15,71 % du territoire est protégé, soit davantage que sur la Côte-Nord (14,94 %) ou dans les Laurentides (8,89 %), selon le Journal de Montréal qui citait le ministère de l’Environnement, le 5 décembre 2022.
En date du 10 juillet 2023, 8 % des terres privées du Québec étaient protégées, soit 1 513 sites totalisant 73 564 hectares (735,6 km2) situés de l’Abitibi-Témiscamingue aux Îles-de-la-Madeleine, nous apprend le répertoire en ligne du RMN. C’est moins d’un dixième d’un pourcent des aires protégées québécoises. Toutefois, comme il existe beaucoup moins de terres publiques dans le sud que dans le nord de la province, les citoyens et entreprises privées ont un rôle majeur à jouer en matière de protection et de conservation de notre précieuse biodiversité.
Cette semaine, le gouvernement annonçait la création de 3 000 km2 de nouvelles aires protégées dans le sud du Québec, essentiellement dans le Bas-Saint-Laurent, en Abitibi-Témiscamingue, en Outaouais et sur la Côte-Nord.
Le réseau québécois des aires protégées s’étendait sur 272 338 km2 au 31 mars 2023 Milieu continental (terrestre et eau douce) : 253 344 km2 ou 16,75 %*; Milieux marin et côtier : 18 992 km2 ou 12,22 % répartis ainsi : Aires marines protégées et territoires mis en réserve en milieu marin : 16 140 km2 ou 10,39 %; Portions de territoires en milieux marin et côtier associées à des aires protégées dont les objectifs de conservation ne visent pas spécifiquement le milieu marin (parcs nationaux, réserves de parcs nationaux du Québec et du Canada, refuges d’oiseaux migrateurs, réserves aquatiques projetées, réserves de biodiversité projetées, aires de concentration d’oiseaux aquatiques, etc.) : 2 853 km2 ou 1,84 %; Territoire du Plan Nord : 228 794 km2 ou 19,17 %. 9 % des aires protégées (24 552 km2) se trouvent au sud du 49e parallèle, territoire qui représente 28 % de la superficie de la province. * Le Québec a annoncé l’atteinte, en date du 31 décembre 2020, des cibles qu’il s’était fixé. L’atteinte de la cible en milieu continental au 31 décembre 2020 tient compte de l’engagement gouvernemental de protéger l’entièreté de l’île d’Anticosti dans le cadre de son inscription comme site du patrimoine naturel de l’UNESCO. En revanche, le territoire n’est pas encore comptabilisé entièrement au Registre des aires protégées au Québec. Source : https://www.environnement.gouv.qc.ca/biodiversite/aires_protegees/registre/ |
Il existe divers types d’aires protégées, comme les réserves écologiques et les parcs nationaux, qui répondent à des normes et critères spécifiques. La plus connue de ces aires protégées est le parc national du Mont-Tremblant. Ses quelque 1 500 km2 protégés représentent un des poumons importants des Laurentides et la plus grande zone de conservation au sud du Québec3.
En 2022, selon l'Institut de la statistique du Québec, la « province naturelle des Laurentides méridionales » (couvrant le sud-ouest du bouclier canadien québécois, de l’Outaouais aux basses-terres du Saguenay–Lac-Saint-Jean)4 détenait 26 973 km2 d’aires protégés représentant 13,15 %5 de son territoire. Même si ce chiffre représente 0,65 % de plus que la moyenne canadienne, nous sommes loin des objectifs internationaux de 17 % qui ont été établis au Japon en 2010. C’est pourquoi les municipalités et les organismes de conservation comptent sur la générosité du public et des entreprises qui veulent bien céder volontairement leurs terres ou financer l’acquisition d’aires qui seront protégées à jamais.
Acquérir une terre privée pour la protéger, ça coûte cher. En 2021, une amante de la nature a versé 333 000 $ à la Ville de Sainte-Adèle afin de lui permettre de boucler l’achat de neuf terrains convoités pour la création du Parc du Mont Loup Garou. « Je donne car je reçois infiniment de la forêt; un organisme vivant, collaborateur, apaisant, expliquait alors cette donatrice qui souhaite garder l’anonymat. Donner et recevoir est un principe d'équilibre universel. La forêt et l'humain vivent en symbiose et il faut savoir reconnaître, remercier et surtout, respecter nos natures si intrinsèquement liées. »
En annonçant ce don, le Ville expliquait qu’une campagne de levée de fonds lancée en 2018 a permis de recueillir près d’un million de dollars en dons et subventions, auxquels s’est ajouté un investissement municipal du même montant. Sainte-Adèle a ainsi pu acheter près de 259 ha de terrains qui, jumelés aux 61 ha appartenant déjà à la Ville, représentent un grand terrain de jeu d’une superficie totale de 319 ha (788 acres) qui sera conservé à perpétuité.
Un bon exemple de conservation volontaire, et le plus grand projet de protection de terres privées de l'histoire du Canada, s’est concrétisé en 20226 dans le nord de l'Ontario. Chef de file canadien en la matière, l’organisme Conservation Nature Canada (CNC) a négocié l'achat de 1 450 km2 de forêt boréale de Domtar, l’entreprise de pâtes et papiers. Située près de Hearst, en Ontario, et nommée Terres boréales, la région est trois fois plus grande que l'île de Montréal et restera à jamais protégée de tout développement industriel. Catherine Grenier, présidente et chef de la direction de CNC, déclarait : « Le projet Terres boréales est une occasion unique d'agir concrètement pour la nature et pour la population. Il s'agit d'un projet modèle en matière de conservation moderne. »
Évidemment, lorsqu’une propriété renferme une forêt mature, un lac, un marais, une tourbière, des espèces fauniques et floristiques rares, ou de nombreuses autres caractéristiques naturelles d’intérêt, la conservation volontaire permet de protéger ce milieu à tout jamais. Par ailleurs, la meilleure manière d’inciter les propriétaires à participer à la conservation volontaire consiste à les sensibiliser et à les renseigner.
La conservation volontaire
Au Québec, la conservation volontaire a débuté dans les années 1980 et repose sur l'engagement d'un propriétaire à préserver les richesses naturelles de son terrain.
Différentes options de conservation volontaire s’offrent aux propriétaires de terrains privés dans notre province. En fonction de leur choix de conservation, de leur volonté de garder ou non leur patrimoine, plusieurs avantages s’offrent à eux, comme le crédit d'impôt pour don de charité, la réduction des taxes foncières ou autres.
Les options légales de conservation volontaire sont la réserve naturelle, la servitude de conservation, le don ou la vente de propriété, ainsi que la désignation d’un habitat floristique. Dans cet article, nous traitons des deux premières options qui sont les plus populaires.
1- La réserve naturelle7
Une réserve naturelle est une propriété privée comportant un statut de protection reconnue par le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC). Un propriétaire décide de vouer sa terre à la conservation quand celle-ci possède des caractéristiques écologiques dont l’intérêt est légalement reconnu. La désignation d'un habitat floristique ou faunique, évalué par un biologiste certifié, permet au MELCC de protéger certains habitats en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables. De plus, sur demande d'un propriétaire privé, le MELCC peut encadrer la protection d'un terrain à perpétuité en définissant les activités autorisées compatibles avec la protection de l'habitat. Le propriétaire demeure responsable de la gestion et de la surveillance du terrain conformément à l'accord enregistré au Registre foncier et au Règlement sur les espèces floristiques menacées ou vulnérables et leur habitat.
2- La servitude de conservation8
Une servitude de conservation est une entente volontaire et légale entre un propriétaire foncier et un organisme de conservation qui restreint de façon permanente l'utilisation et les activités autorisées d’un terrain en vue de protéger et de préserver ses caractéristiques naturelles. Cette servitude de conservation permet au propriétaire de transférer certains droits d'usage à un tiers, comme une municipalité, un organisme de conservation ou le gouvernement, par le biais d'un don ou d'une vente. La servitude de conservation est assujettie aux lois du Code civil du Québec et peut offrir des avantages fiscaux aux propriétaires si l'entente et les activités permises respectent les directives d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) quant à la définition des dons écologiques.
Actions et témoignages de conservation volontaire
En mai 20169, la Ville de Blainville a reçu de l'entreprise Habitations L. Desjardins Inc. un don de 4 797 m2 de terrains situés en milieux naturels riches en biodiversité. Situé dans le Grand Coteau, cet endroit abrite plusieurs espèces floristiques d'intérêt, ce qui lui a conféré une valeur écologique significative. La gestion de cette propriété est maintenant assurée par Blainville. L'équipe de l’organisme Nature-Action Québec (NAQ), un pionnier en matière de solutions alternatives aux pesticides et de restauration des milieux naturels en milieu urbain, a joué un rôle clé dans la réalisation de ce don.
Au printemps 2018[10], CNC et Conservation Manitou ont acquis conjointement une propriété de 219 ha de la Fondation écologique Barbara Richardson à Mont-Blanc (anciennement Saint-Faustin-Lac-Carré), dans les Laurentides. La propriété est stratégiquement située près du Centre touristique et éducatif des Laurentides et de la Réserve écologique Jackrabbit. Cette acquisition a contribué à l’agrandissement d’un réseau déjà existant de terres protégées pour devenir un corridor écologique comportant plusieurs espèces fauniques. Le corridor abrite aussi des plans d’eau et des zones humides ainsi que diverses espèces animales et végétales vulnérables ou menacées, dont la grenouille des marais et le noyer cendré.
Pour sa part, la Ville de Saint-Sauveur11 a acquis en 2021 deux terrains par dons écologiques offerts par le promoteur Immo-Mc inc et par madame Nancy Guillemette, afin de créer la réserve naturelle du Mont-Christie. Ces quelque 149 ha de terres protégées sont situés dans le domaine immobilier du Mont-Christie au pied de la montagne du même nom. Les Sauverois profitent de ce territoire grâce à des sentiers d’interprétation de la faune et du milieu naturel et à des activités récréatives contrôlées (randonnée pédestre, raquette et ski de fond).
Plus récemment, en avril 2023, la famille Saia a fait don d’un terrain de 14 ha situé à la ville de Saint-Jérôme. La propriété comprend des milieux humides, plus de 50 espèces floristiques dont certaines menacées ou vulnérables, une quinzaine d'espèces d’animaux, des tourbières et un marais ainsi que de vieilles forêts de feuillus nobles. La protection et la gestion perpétuelles de ce milieu naturel ont été confiées à l'Institut des territoires. Pour Pierre Sylvestre, le petit-fils du premier acquéreur (1959) de cette terre, c’est « une belle occasion de remettre quelque chose à la société »12. M. Sylvestre et les Saia considèrent ce geste comme un « retour en arrière pour la terre » et une façon d'honorer la mémoire de leur grand-père et leur grand-oncle. Par ce geste, les Saia disent vouloir inspirer d’autres propriétaires à les imiter.
À Val-des-Lacs, un citoyen choqué par une coupe forestière dans les sentiers qu'il empruntait depuis sept ans a pris le taureau par les cornes. Ariel Savions-Lemieux a raconté cet été à l'Info du Nord comment il a convaincu sa ville de vouloir déposer d'ici trois ans un demande de protection de 60 % de son territoire. Initié avec Éco-corridors Laurentiens grâce à une subvention de la Société pour la nature et des parcs du Canada, section Québec (SNAP Québec), le projet comprendrait des ententes avec des propriétaires privées et le gouvernement (54 % du territoire de Val-des-Lacs est constitué de terres publiques composées de forêts anciennes et de massifs forestiers intacts). La municipalité a demandé au ministère des Ressources naturelles et des Forêts de geler les projets de coupe forestière pendant trois ans. « On veut pouvoir faire les études sans que le territoire ne change. Mais ce n’est pas un moratoire, c’est une pause, il y a une certaine flexibilité là-dedans », a expliqué Ariel Savion-Lemieux au journaliste Martin Dumont. « Situé à la jonction du Parc du Mont-Tremblant, de la forêt de Ouareau, de l’aire protégée du Mont Kaaïkop, Val-des-Lacs pourrait servir de connexion entre ces différents sites et ainsi offrir une alternative aux espèces animales et végétales pour évoluer librement », précisait M. Dumont.
Les irritants
La démarche de conservation volontaire peut parfois demander de la patience, comme ce fut le cas du don concrétisé en 2021 par la famille De Volpi/Walker. Celle-ci « a passé près de sept ans à essayer de donner 300 acres [121 ha] de terres pour être utilisées comme réserve naturelle par les municipalités de Mille-Isles et Saint-Sauveur, écrivaient dans le journal Accès Laurentides les donateurs Katy et David De Volpi. Inutile de dire que les résidents de Mille-Isles et Saint-Sauveur finiront par bénéficier de nos efforts.»13
Certaines options de conservation moins courantes, comme la servitude réelle, peuvent aussi être plus laborieuses à mettre en place. « La démarche fût ardue et compliquée car il y a différents paliers de gouvernement et on ne sait pas par où commencer. On doit être bien accompagné », nous expliquait en entrevue Geneviève Poirier, présidente de La randonnée paysagère en souvenance de Robbie Cantley et de ses frères d'armes (LRPSRC).
Cet organisme sans but lucratif (OSBL) a été créé afin de réaliser les derniers souhaits de Kenneth Wayne Random qui possédait une propriété boisée de 0,6 ha dans le secteur de Terrebonne Heights, à Mascouche, au moment de son décès, en 2017. Il voulait créer un parc commémoratif afin d’honorer la mémoire de quatre jeunes soldats de la région qui ont donné leur vie durant la Deuxième Guerre mondiale.
Dans ce cas de servitude réelle, le « fonds servant » LRPSRC a dû être mis au profit d’un autre immeuble, le « fonds dominant ». Pour ce faire, l’OSBL a fait appel à la Fiducie de conservation des écosystèmes de Lanaudière (FCL). Cette dernière favorisera conjointement avec la Ville de Mascouche certaines activités d’usages déterminés dans le contrat élaboré par LRPSRC et son équipe d’avocats. « Sans l’aide de FCL, le fonds dominant du projet, celui-ci n’aurait pas eu lieu », expliquait Geneviève Poirier.
Les organismes de conservation volontaire
Créés par des citoyens engagés, les organismes de conservation sont les principaux acteurs impliqués dans la protection des terres privées au Québec. Leur mission consiste notamment à soutenir et aider quiconque souhaite s’informer et participer à l’effort de conservation. Certains offrent l’analyse gratuite du potentiel de conservation d’une terre effectuée par un biologiste. D’autres nous dirigeront vers des scientifiques certifiés qui facturent leurs services.
L'acquisition de terrains, quelle que soit leur superficie, est un processus complexe surtout en zones urbaines ou périurbaines. Cependant, le travail en aval effectué par ces organismes est tout aussi complexe, comprenant des patrouilles, des suivis biologiques, l'entretien des sites, l'installation de panneaux d'information et le balisage des sentiers. Toutes ces actions sont nécessaires pour assurer la protection réelle et à long terme d'un site.
De nombreux OSBL œuvrent aux quatre coins du Québec pour faciliter la protection des petits et grands territoires à perpétuité. Un des plus connus est la Fiducie foncière de la vallée Ruiter, sise à Potton dans les Cantons-de-l’Est. Sa petite réserve écologique de 117 ha comprend un réseau de sentiers pédestres couvrant 30 km au cœur des montagnes Vertes. C’est un maillon essentiel du corridor appalachien s’étendant sur des milliers de km des deux côtés de la frontière.
Fondé en 1981, Nature Québec est un des plus vieux organismes du Québec œuvrant à la conservation des milieux naturels et à l’utilisation durable des ressources. Cet OSBL mène des projets et des campagnes en faveur de la biodiversité, la forêt, l’énergie, le climat ainsi que l’environnement urbain et il oriente ses actions pour que le Québec aime ses milieux naturels, en ville comme en région, les protège et les reconnaisse comme essentiels à son épanouissement. Cliquez ici pour faire appel à un de leurs membres qui se trouve dans votre région.
Créé en 1982, le réseau québécois des groupes écologistes (RQGE) agit comme instrument de réseautage pour les organismes voués à la protection de l’environnement et à l’émergence d’une société écologique. Le RQGE facilite les communications entre les groupes de base et favorise leur rayonnement. Autonomes, les membres du RQGE sont des groupes constitués de citoyen.ne.s concerné.e.s par des problématiques locales ou régionales pour lesquels ils détiennent une expertise bénéfique à la préservation des écosystèmes et des territoires, ainsi qu’à la transformation sociale et sociétale actuellement nécessaire.
Nature-Action Québec (NAQ) a été fondé en Montérégie en 1986 et ses diverses réalisations sont remarquables. Uniquement en 2022, ce regroupement a réussi, grâce à l’aide de ses nombreux partenaires, à protéger 181 ha de milieux naturels dans différentes régions du Québec. La majorité des acquisitions ont été financées par le Projet de partenariat pour les milieux naturels (PPMN) du gouvernement du Québec.
Le Réseau de milieux naturels protégés a pour mission de protéger l’environnement dans l’intérêt public en soutenant et en encourageant la conservation volontaire des milieux naturels par les organismes, les municipalités, les propriétaires et les citoyen.ne.s. Depuis sa création, RMN a réussi à préserver 73 196 ha de terrains privés.
Protec-Terre est voué à la protection des rares terres agricoles dites biologiques car exploitées sans engrais ni pesticides pétrochimiques. Il favorise la création de fiducies d’utilité sociale agroécologiques en offrant des services d’accompagnement, de formation et de recherche. Les élus ont aussi un rôle majeur à jouer parce que les gouvernements tardent à freiner la disparition de la nature. Pourtant, à elles seules, les forêts, les mers, les abeilles et les autres composantes de la nature nous épargnent des milliards de dollars chaque année en fournissant des « services écosystémiques » (production d’oxygène, régulation du climat, pollinisation, prévention des inondations, traitement des polluants, etc.).
Dans les Laurentides, la Société de protection foncière de Sainte-Adèle a permis de sauvegarder 400 ha de milieux naturels pour le bénéfice de la collectivité et des générations futures. Pour découvrir les différentes terres qui composent cette Réserve naturelle des Pays-d'en-Haut, consultez le lien suivant dans la section Nos terrains.
En résumé
La conservation volontaire de terres privées permet de protéger une bonne partie de la biodiversité québécoise à des fins durables pour les générations futures. Toutefois, les Québécoises et les Québécois peuvent tous s’impliquer dans ce mouvement centenaire mis sur pied à la fin de la Première Guerre mondiale, et non seulement les grands propriétaires terriens. En effet, la sensibilisation et l'éducation du public quant à l'importance de la biodiversité et de la protection de l'environnement sont également des éléments clés pour garantir la conservation à long terme des milieux naturels.[14] Après tout, sans le travail acharné des citoyens qui s’impliquent au sein d’organismes comme la Coalition verte à Montréal, nos derniers espaces sauvages urbains continueraient de disparaître rapidement sous l’asphalte et le béton. « Le Canada a déjà perdu 90 % de ses zones humides urbaines et en plein milieu de l’île de Montréal, le plus grand écosystème non protégé de marais précieux situé juste au nord de l’Aéroport international Montréal-Trudeau est menacé », affirme le site Web de cet organisme qui milite pour la protection de la partie naturelle du parc industriel Technoparc, dans l’arrondissement Saint-Laurent.
Les membres des organismes de protection des milieux naturels et les propriétaires terriens doivent continuer de travailler avec les élus et les entrepreneurs qui ont à cœur la conservation pérenne du plus grand nombre de milieux naturels. L’enjeu est mondial. Les solutions doivent être collectives.
Ressources
Réseau de milieux naturels protégés
Importance des aires protégées
Livre blanc pour la protection de la biodiversité au sud du 49e parallèle, novembre 2021, groupe de travail formé de partenaires du milieu universitaire et d’acteurs de la conservation, dont le Centre de la science de la biodiversité du Québec et le Réseau de milieux naturels protégés
Étapes de la démarche de conservation volontaire en terre privée
Faire don de son terrain pour l'environnement
La conservation volontaire : vous pouvez faire la différence
Des aires protégées menacées par les tronçonneuses
Ressources : Conservation volontaire
Les réserves naturelles : comment protéger les attraits naturels de votre propriété
La conservation volontaire au service du plein air
Fiducie de conservation des écosystèmes de Lanaudière
Un couple de Pleasant River fait don d’une terre au Fonds de la nature de la N.-É.
Terres protégées dans les Laurentides
Un premier don écologique à Blainville
Références
[1] Terres protégées sur la Rouge
[2] Plan stratégique pour la diversité biologique 2011-2020 et les Objectifs d’Aichi
[3] Comment le Canada protège-t-il son territoire et sa biodiversité?
[4] Les Laurentides méridionales, soit 163 000 km2 de superficie.
[5] Vitrine statistique sur le développement durable
[6] Plus grand projet de conservation de terres privées de l’histoire du Canada
[7] Les réserves naturelles : comment protéger les attraits naturels de votre propriété
[9] Un premier don écologique à Blainville
[10] Conservation de la nature Canada et Conservation Manitou font l'acquisition d'une propriété de la Fondation écologique Barbara Richardson
[11] Saint-Sauveur : La réserve écologique du Mont-Christie verra le jour cet été
[12] Saint-Jérôme : Une première aire protégée à perpétuité
[13] Commentaire de Katy et David De Volpi dans le Journal Accès du 28 avril 2023 concernant le don de leur terrain.