À nos enfants Mahé et Louna, sources intarissables d’inspiration!
Lac-Beauport, le 16 octobre 2018. Alors que la pelle mécanique vient tout juste de démolir notre résidence meurtrie par la mérule pleureuse, nous nous retrouvons devant un trou béant, celui du vide laissé par le douloureux souvenir d’une épreuve hors norme. Mais aussi devant un défi colossal : reconstruire en 180 jours notre maison de rêve!
Voici un bref résumé des dix défis que nous avons rencontrés lors de notre parcours d’autoconstructeurs LEED. Nous espérons ainsi vous sensibiliser à certains d’entre eux, afin de vous éviter de passer quelques nuits blanches!
Alors à vos marteaux, prêts? Rêvez!!!
1er défi : Ne laisser ni rien ni personne douter du succès de votre projet
Soyez déterminé et construisez votre phare!
Fier et droit à l’horizon, il éclaire vos plus sages décisions et vous guide dans les courants et tempêtes que vous rencontrerez tout au long de votre tumultueuse traversée.
Ce phare représente la somme colossale du travail de planification que vous aurez fait et partagé en amont, en ayant pris soin d’y inclure plusieurs scénarios pour parer à toutes éventualités.
Rendez votre phare visible en l’affichant sur un tableau dans votre lieu de vie afin de vous y référer et d’entretenir votre rêve.
Il est garant de la confiance que vous conserverez tout au long du processus de construction, car il représente autant l’audace que la sécurité de vos idéaux.
Ainsi éclairées, les périodes de doutes ne seront qu’opportunités supplémentaires pour bonifier votre projet et amener navire et équipage à bon port!
2e défi : Établir son rapport « échéancier vs coûts »
Un projet clef en main est rapide mais coûteux, alors qu’un projet d’autoconstruction est long mais plus abordable. Alors, où se situe votre limite?
Dans les consultations en construction écologique que j’offre, je constate que trop souvent, les autoconstructeurs ont une vision utopique d’un projet de construction. Ils se lancent dans l’aventure avec fougue et entrain, mais cela ne dure que les premières semaines! La fatigue et l’épuisement s’immiscent par la suite insidieusement et viennent compromettre la qualité et la faisabilité du projet. Ils succombent parfois dans l’infinition d’un projet pour cause de manque de réalisme dès le départ.
Ce qui, initialement, était considéré comme une dépense excessive peut parfois s’avérer un choix stratégique d’investissement en fin de projet. Ainsi, il est préférable de prévoir dès la conception un mode d’autoconstruction hybride. Celui-ci vise à choisir stratégiquement entre les mandats qui seront payants d’accomplir soi-même et ceux qui ne seront qu’une perte de temps et d’énergie pour une économie négligeable. Par exemple, nous avons choisi d’engager des sous-traitants pour nous livrer la coquille de la maison hors d’eau le plus vite possible afin de devancer les rigueurs du chantier hivernal. En plus d’amorcer le chantier avec vigueur, cette stratégie nous a aussi permis d’être couverts par le plan québécois de garantie de construction résidentielle, ce qui a sécurisé notre prêteur hypothécaire.
3e défi : Choisir d’être à la fois exécutant et donneur d’ordre
L’autoconstructeur porte deux casquettes bien différentes.
La première, celle de l’ouvrier « terrain » qui exécute la construction du chantier. Comme une fourmi, il travaille durement pour accomplir les mille et une tâches d’une construction et possède ainsi une vision microscopique de l’œuvre à accomplir. Sa force est dans l’exécution des détails.
La deuxième casquette est en fait un casque blanc : celui du chargé de projet. Sa mission? Veiller à l’organisation de l’armée de fourmis qui travaillent individuellement vers un objectif commun. Il possède une vision macroscopique et s’assure de coordonner cette synergie vers la réussite du projet en respectant budget et échéancier.
Voilà donc un défi que nous avons rencontré : porter à la fois le casque du donneur d’ordre et la casquette de l’autoconstructeur!
Cela peut facilement mener à des imbroglios. Par exemple, accaparé par la pose de l’isolation intérieure, j’ai oublié de préciser l’emplacement des sorties d’air aux ouvriers qui posaient le revêtement extérieur sans se poser de questions! Ce n’est qu’une fois accomplie ma tâche (micro) que j’ai réalisé le problème qui apparaissait (macro).
4e défi : L’accès aux bons sous-traitants
Choisir de déléguer certains mandats à des sous-traitants est sage mais encore faut-il trouver les bons. Un autoconstructeur LEED est passionné et déterminé à réaliser une maison unique qui correspond à des valeurs fortes. Il doit s’entourer de collaborateurs qui partagent et défendent cette vision pour atteindre ce même objectif.
Rencontrez le plus de sous-traitants possible et posez vos questions! Si votre approche environnementale n’est pas partagée et respectée, passez au suivant car votre mission n’est pas de convertir des collaborateurs du bien-fondé de votre vision, mais bien de vous entourer de sous-traitants déjà convertis!
Le simple fait de partager votre rêve avec le plus grand nombre de personnes vous apportera aussi une ouverture qui ne fera que bonifier votre meilleure idée. Cet exercice vous permettra aussi de composer une banque de sous-traitants au cas où… Par exemple, si votre excavateur vous fait faux bond une semaine avant les travaux, comme cela nous est arrivé.
En quoi le recrutement de sous-traitants représente-t-il un défi pour l’autoconstructeur? Tout d’abord, précisons qu’un autoconstructeur n’est pas très motivant ni très payant pour un sous-traitant. L’autoconstructeur surveille les dépenses avec rigueur au quotidien et est présent tous les jours sur son chantier pour s’assurer de la qualité et de l’avancement des travaux. Rien ne lui échappe, il connaît son projet par cœur, car il est à la fois un chargé de projet ET un client avec de surcroît des demandes qui sortent de l’ordinaire - LEED? Vous avez dit LEED??
Enfin et surtout, un autoconstructeur demeurera généralement un client non récurrent avec un potentiel de référencement limité…
Recommandation : quand vous trouvez un entrepreneur général qui partage votre vision, exploitez son réseau de contacts car il y de fortes chances qu’ils partagent eux aussi vos valeurs.
5e défi : Maintenir le rythme et garder le cap
Si l’adrénaline et l’excitation du début de chantier laissent place après plusieurs semaines à la fatigue et au découragement, sachez que c’est normal! Construire une maison représente un marathon.
Alors même si parfois certaines étapes demandent de mettre les bouchées doubles, il faut demeurer à l’écoute de vos besoins avec bienveillance et réalisme.
Ne négligez pas votre combustible! Veillez à fournir à votre organisme une nourriture de qualité en quantité suffisante (ce qui peut représenter de très larges portions lors d’un chantier hivernal de 12 heures de travail par jour).
Favorisez des périodes de repos salvatrices et pratiquez les microsiestes sur le chantier – pourquoi pas un hamac tendu entre deux colombages?
Prenez soin de votre santé mentale. Idéalement, consultez un psychologue pour vous accompagner tout au long du processus afin d’anticiper et préparer les périodes de creux émotionnels.
Restez connecté à la nature! Cela permet de demeurer émerveillé sur l’essentiel et de se donner le recul nécessaire sur les décisions importantes à prendre sur le chantier.
Enfin et surtout, gardez en tête qu’un couple sur deux se sépare lors d’un simple projet de rénovation, alors imaginez ce que représente une autoconstruction! Il ne sert à rien d’avoir la plus belle maison familiale si cette même famille se déchire lors du projet. Alors prenez soin de vous et de votre famille, le succès de votre projet extraordinaire en dépend!
6e défi : Respecter toujours votre plan, sauf…
Comme mentionné précédemment, vous ne serez jamais trop préparé pour affronter un projet d’autoconstruction. Une planification rigoureuse en amont vous évitera de coûteuses erreurs de parcours, surtout lorsque l’émotion et la fatigue se mettront de la partie.
Ce plan doit être partagé avec tous les intervenants, votre conjoint(e) et vos fournisseurs, qui devront comprendre les différentes étapes du projet et les liens entre chacune d’elles.
Selon moi, une planification adéquate représente 98 % du taux de succès d’une autoconstruction verte. Vous serez ainsi sécurisé par un plan de match prévisible et quasi infaillible!
Il restera 2 % d’optimisation décisionnelle sur le chantier pour propulser votre construction à un niveau supérieur.
Ainsi, nous avons réalisé un diagramme de Gantt, outil souvent utilisé en gestion de projet. Il permet de visualiser à tout moment les étapes en cours, les contacts, les budgets et les échéanciers s’y référant ainsi que les sous-étapes reliées. En plus d’aider à éviter les oublis, il nous a permis de conserver une vision d’ensemble du projet et de nous assurer de respecter notre plan planifié à froid, en amont.
7e défi : Gérer le coup de main du beau-père
Bien que l’intention d’apporter sa pierre à l’édifice soit noble et sincère, le fameux « coup de main du beau-père » peut s’avérer une aide à double tranchant.
En effet, n’étant pas liée par un contrat légal, il se peut que cette aide ne prenne pas la forme que vous entrevoyiez initialement. Il faut alors s’assurer de préciser les attentes et engagements afin de pallier certaines incertitudes qui peuvent s’avérer coûteuses financièrement mais aussi… familialement!
De plus, même si, au vu de l’ampleur d’un chantier d’autoconstruction, toute aide peut sembler bienvenue, il faut accueillir ces bons samaritains avec doigté et jugement.
Savoir confier les tâches en fonction des compétences bien sûr, mais aussi considérer le temps et l’énergie qu’implique cette gestion de personnel dans votre chantier de construction.
Enfin, considérer avec discernement l’aspect légal du volontariat sur votre projet d’autoconstruction. Au Québec, la Commission de la construction et la Régie du bâtiment encadrent les chantiers et les visites inopinées d’inspecteurs sont une réalité qui peut être coûteuse si vous n’êtes pas en règle!
8e défi : Ne rien tenir pour acquis!
Vous avez été prudent et diligent dans vos choix de sous-traitants? Très bien! Le plombier engagé sur votre projet possède beaucoup d’expérience, il connaît ça la construction!
Mais n’oubliez jamais que sur un chantier d’autoconstruction, vous êtes l’entrepreneur général et que si un problème apparaît dans la durée de vie du bâtiment, vous en serez largement responsable. Pour pallier ce risque vous devez être bien informé et devenir expert parmi les experts.
Votre responsabilité est donc d’aller chercher le plus d’informations possible sur les produits, les types d’installation, les contraintes… Ainsi, vous inspirerez à la fois le respect de vos sous-traitants tout en étant en mesure d’agir comme filet de sécurité sur votre chantier.
Cela est d’autant plus vrai lorsque vous entreprenez une construction LEED. Les sous-traitants ne possèdent pas toujours les automatismes pour utiliser des produits sans composés organiques volatils polluants, par exemple…
9e défi : L’aménagement paysager : ce grand oublié…
Vous venez finalement de déménager, quelle fierté de profiter de la chaleur passive de votre nouvelle maison écologique!
Mais les premiers rayons de soleil du printemps font aussi disparaître cette belle couche de neige qui camouflait la dernière étape de votre projet : l’aménagement paysager.
Ce n’est qu’une fois complétée cette ultime étape que vous obtiendrez le Saint Graal de l’habitation écologique : la certification LEED!
C’est ce qui rend cette certification globale : l’aménagement paysager doit être écologique, bref en cohérence avec la maison, soit non polluant, économe en ressources comme l’eau, facile d’entretien et durable.
Considérez donc avec justesse les coûts de cet entretien à court et à long terme. Trouvez l’équilibre entre les surfaces durables (sans entretien), perméables (gestion des eaux) et l’intégration des végétaux.
La quantité, l’emplacement et l’essence de bois choisis pour votre patio, par exemple, seront déterminants dans son coût à long terme. Alors pourquoi ne pas réduire sa superficie et utiliser une essence plus durable comme le cèdre rouge ou blanc, ou encore le mélèze?
Et tant qu’à éviter le bois traité, protégez le tout de suite avec une teinture de qualité (Sansin, par exemple) et votre projet sera unique et durable!
Un conseil : pour que le gazon ne soit jamais plus vert chez le voisin… utilisez du trèfle nain! Mélangé à une graminée à pelouse, il ne nécessite pas d’arrosage, pousse lentement et demeure vert tout l’été!
10e défi : C’est pas fini… tant que c’est pas fini!
Qui ne connaît pas un autoconstructeur installé dans sa maison presque finie… depuis 10 ans?
Vous êtes épuisé d’avoir couru tout le long de votre projet après les échéanciers serrés et les lourdes responsabilités, mais maintenant que le déménagement est effectué, le temps qui était contracté semble désormais se dilater jusqu’à l’infini…
Ainsi, les moulures de finition, la dernière retouche de peinture ou la main courante de l’escalier ne sont plus des priorités et le souci de les faire finit par disparaître sous la routine quotidienne, telle une trop longue liste de tâches à accomplir qu’on choisit paresseusement d’ignorer.
Or, insidieusement cette réalité devient une charge pesante qui nuit à votre fierté d’avoir complété votre projet d’autoconstruction. Elle peut même vous mener jusqu’à cultiver une amertume désagréable et toxique.
N’attendez pas de vendre votre maison pour terminer ces détails, faites-en une priorité afin de jouir au quotidien du produit fini de votre dur travail. Ainsi vous capitaliserez sur la satisfaction et la fierté d’avoir accompli quelque chose de grand et noble, l’autoconstruction de votre maison de rêve!
En conclusion, j’espère que ce partage de notre expérience vous inspirera à relever le défi de l’autoconstruction.
Tout au long de votre parcours, vous rencontrerez d’autres défis qui vous feront évoluer vers de nouveaux horizons. Car, au-delà de la grandeur matérielle que représente la construction de votre maison de rêve, cette démarche noble et audacieuse vous permettra de repousser vos limites et de bâtir la confiance qui vous fera rayonner dans toutes les sphères de votre vie.
Alors foncez, l’avenir vous attend!
Épilogue : Deux mille jours…
Pour notre part, la route a été longue et sinueuse, parfois surprenante et souvent terriblement angoissante.
Il s’est écoulé deux mille jours et autant de nuits entre la découverte de ce terrible champignon qu’est la mérule pleureuse et l’accomplissement final de notre maison de rêve.
Deux mille jours d’efforts inlassables, de doutes, de joies et de peines au travers desquels nous avons marché toute la famille main dans la main. Et ce, souvent au bord du précipice avec fébrilité, mais avec l’intime conviction que ce qui ne nous détruit pas nous renforce!
Nous resterons éternellement reconnaissants pour le soutien que nous avons reçu de nos proches et aussi de parfaits inconnus qui ont partagé avec nous le chemin et l’indignation face au fléau de la mérule pleureuse. Ils ont tous contribué à ce que cette improbabilité devienne réalité, à ce que ce projet un peu fou fasse triompher l’espoir sur l’adversité. Une réussite qui confirme qu’ensemble tout est possible. Merci!
PS : Un dernier conseil : rêvez! Et ne laissez rien ni personne vous empêcher de réaliser vos rêves…
Pour en savoir davantage, visiter mon site de conception et design architectural écologique www.ecoconcept.ca