Natachat est horticultrice, chargée de cours à l'UQAM et fondatrice de la firme de consultation agricole ÉcoGaïa.

Si votre récolte vous déçoit, peut-être pourriez-vous mieux planifier votre jardin dans l’entre-saison ou pendant l’hiver, et ce, afin de maximiser les fruits de vos efforts. Conseils de notre spécialiste. 

 Il est possible de tailler les végétaux vivaces et de les diviser en début comme en fin de saison, soit avant les grosses chaleurs ou les risques de gel.
© CLAUDIA BORDELEAU

Dans mon premier article sur l’autosuffisance alimentaire paru dans le numéro d’été 2024, j’abordais la planification d’une production à la maison, et je mentionnais la tendance bien établie des villes nourricières et de l’agriculture urbaine. Autant les locataires que les propriétaires peuvent se tourner vers ce genre d’initiative en faisant preuve de créativité et de savoir-faire. Dans le contexte économique actuel, il devient d’autant plus pertinent d’avoir des potagers ainsi que des serres à la disposition des communautés.

Une fois le jardin mis en place, trois aspects sont incontournables pour assurer sa réussite : l’entretien écologique des cultures, la bonne gestion des récoltes et la prolongation de la saison horticole. Si vous aimez jardiner, apprenez à cultiver une abondance végétale en harmonie avec la nature et dans une perspective de durabilité.  

L’ENTRETIEN DES CULTURES

Une manière facile de profiter de son jardin consiste à l’entretenir régulièrement tout en utilisant des pratiques plus écologiques. Cela permet d’optimiser le rendement de la production afin de maximiser le retour sur investissement. Quand on jardine, rien n’est plus décevant que de ne pas pouvoir profiter du fruit de ses efforts après tout le temps et les moyens investis. Il est donc essentiel d’apporter les soins nécessaires au sol ainsi qu’aux végétaux. (Détails sur le site web Espace pour la vie de la Ville de Montréal, dans nos références ci-dessous.)

Un sol sain permet de créer un environnement propice aux cultures, lesquelles vous le rendront au centuple. Or, certains individus préfèrent croire à la pensée magique plutôt que de déployer l’énergie nécessaire lorsque vient le temps d’aborder cette réalité. J’ai toutefois une bonne nouvelle pour ces derniers : il est possible de prévenir certaines problématiques horticoles en prenant le temps de bien se renseigner et en utilisant les bonnes méthodes de culture en début de saison, ainsi, cela facilitera les suivis durant la saison estivale. Plus d’excuses : à vos pelles et vos râteaux !

On peut prolonger la saison du jardinage grâce à des modules de production à l'intérieur de la maison. © NATACHAT DANIS

En premier lieu, renseignez-vous au sujet du type d’entretien à envisager en fonction de votre projet, mais aussi du temps nécessaire à y accorder afin de pouvoir l’intégrer à votre horaire. Encore mieux, établissez un calendrier d’entretien pour déterminer quand effectuer chaque tâche. Vous pourrez ainsi aborder le tout de manière plus méthodique sans trop vous casser la tête. Plusieurs tâches seront effectuées à l’ouverture du jardin tandis que d’autres seront plutôt prévues lors de sa fermeture.

Entre les saisons, il faudra effectuer certaines tâches selon leur pertinence. Par exemple, il sera peut-être nécessaire d’amender le sol afin d’améliorer ses différentes caractéristiques, sa composition (sableux, argileux, etc.) et sa teneur en nutriments pour favoriser sa fertilité. Le pH, notamment, est un facteur non négligeable pour certains types de cultures comme les bleuets qui requièrent un sol plus acide.

Ces corvées peuvent être réalisées à l’automne comme au printemps en fonction des besoins. Il est aussi possible de tailler les vivaces (tels les framboisiers, la ciboulette et autres fines herbes vivaces) et de les diviser en début ou en fin de saison, soit avant les grosses chaleurs ou les périodes de gel, de manière à prévenir les chocs thermiques. Même chose pour la plantation des variétés choisies. Certaines annuelles potagères seront mises au jardin au printemps, dès que le temps le permettra. D’autres variétés, dont l’ail, seront plantées à l’automne, et passeront l’hiver sous la neige abritées sous la paille.

D’autres tâches pourront être exécutées en début ou fin de saison, comme l’ajout de paillis. Au printemps, il sera toutefois préférable d’attendre pour que les semis germent et poussent plutôt que de les étouffer. De plus, l’ajout de bois raméal fragmenté (BRF) trop hâtif risque de nuire temporairement aux nouvelles pousses en monopolisant l’azote du sol dont dépend leur croissance. C’est que les bactéries du sol requièrent aussi de l’azote pour décomposer le bois (ce nutriment retourne éventuellement au sol). Rappelons que le BRF est répandu pour aider à prévenir la croissance des adventices (souvent appelées à tort « mauvaises » herbes), pour préserver l’humidité du sol, et ainsi, l’enrichir et améliorer sa structure. Le paillis de paille permet quant à lui de protéger certains végétaux durant l’hiver, comme l’ail et les fraises. Finalement, on pourrait ajouter un système d’irrigation ou purger un système existant selon le moment de l’année, tailler les arbres fruitiers vers la fin de l’hiver ou au début du printemps pour favoriser leur fructification, et ajouter du compost au pied de ces derniers.

Diverses tâches font partie de l’entretien estival régulier, comme le désherbage, l’aération du sol, le retrait des feuilles et des fleurs fanées, le pinçage des fines herbes, l’élagage d’intervention, et l’ajout d’engrais dans le cadre d’un plan de fertilisation régulier. Cela peut sembler beaucoup pour les néophytes, mais c’est en mettant en place des conditions gagnantes dès le début de la saison que l’on obtient les meilleurs résultats et que la corvée de l’entretien régulier s’en trouve allégée.

Passer du temps au jardin permet d’observer la présence de ravageurs, de sécheresse de pourriture due à un mauvais drainage de l’eau, voire de détecter des maladies dont la plupart sont fongiques, et permet donc également d’agir plus rapidement. L’observation permet aussi de constater les carences en nutriments. Par exemple, si vous remarquez la présence de la pourriture apicale appelée « cul noir » sur vos tomates, c’est que vos plants assimilent sûrement mal le calcium et qu’il serait bon de revoir vos pratiques d’arrosage. En effet, un arrosage en dent de scie contribue à cette problématique.

Revenons sur les adventices, ces plantes indicatrices des caractéristiques d’un sol. Le pissenlit et le plantain, par exemple, adorent les sols compacts et acides, tandis que la verge d’or préfère les sols humides. Pour sa part, le chénopode blanc (chou gras) privilégie les sols riches et bien établis. En trop grand nombre, ces plantes sont néfastes pour les cultures établies auxquelles elles font concurrence, notamment en ce qui a trait à l’eau et aux nutriments. Toutefois, même en cas de bonnes conditions de sol, il y aura toujours des mauvaises herbes à arracher qui par ailleurs diffèrent en fonction du milieu. C’est l’ajout de paillis et le sarclage qui feront la différence. Mieux vaut prévenir que guérir !

Parlant de guérir, outre l’optimisation des récoltes, la seconde raison – et non la moindre – pour entretenir régulièrement son jardin, c’est que cela favorise votre bien-être personnel. Il faut savoir apprécier le temps passé au jardin, sans le voir comme une corvée. C’est une pause que l’on s’accorde. La période de désherbage peut s’avérer une étape grandement méditative. Goûter à l’instant présent tout en pratiquant une activité physique régulière essentielle à la préservation d’une santé globale, permet de diminuer le niveau de stress. Le jardinage est une activité modérément intense des plus bénéfiques. Selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies du gouvernement américain (U.S. Centers for disease control and prevention), « s’adonner pendant deux heures et demie par semaine à une activité de ce niveau permettrait de réduire le risque de cancer du côlon, de maladies du coeur, d’hypertension artérielle, d’obésité, d’ostéoporose, de diabète de type 2, et de décès prématuré. »

La récolte est généralement la période préférée des jardiniers.
© NATACHAT DANIS

Le jardinage écologique favorise l’harmonie avec son environnement, car il demande de composer avec lui. Rappelons également que la récolte contribue à l’entretien des végétaux en les rendant plus robustes et productifs, en plus d’apporter un peu de bonheur aux jardiniers reconnaissants.

GESTION DES RÉCOLTES 

C’est évidemment la période préférée de la plupart des jardiniers. Pour améliorer votre expérience, choisissez des végétaux qui vous permettront d’échelonner les récoltes tout au long de la saison. Ainsi, vous profiterez plus longtemps des aliments frais et des bienfaits qu’offre le jardinage.

Cuisiner et transformer les produits du jardin au fur et à mesure des récoltes permet d’augmenter la quantité de fruits et légumes contribuant à l’alimentation quotidienne tout en réduisant la facture d’épicerie. Planifier les repas en fonction des récoltes avant qu’elles ne se gâtent permet également de prévenir le gaspillage alimentaire. Qu’il est désolant de cumuler les pertes lorsque l’on a travaillé si fort en amont ! Or, en prévenant la pourriture et la mise aux rebuts, vous gagnerez en abondance. De plus, les aliments gâtés et les résidus de table enfouis dans un site d’enfouissement, plutôt que compostés, émettront du méthane (CH4) en se décomposant dans un milieu anaérobique (sans oxygène). Rappelons que le méthane est un gaz à effet de serre dont le potentiel de réchauffement planétaire est 25 fois plus élevé que celui du CO2.

Profitez des dernières récoltes pour préparer vos lactofermentations, vos herbes salées et vos réserves d’herbes séchées. Chaque année, plusieurs formations sur le sujet sont offertes. La maitrise des savoir-faire ancestraux, c’est tendance !

PROLONGER LA SAISON DE CULTURE

Tel que mentionné dans mon article précédent, il est possible de prolonger la saison du jardinage en cultivant des aliments dans des modules de production à l’intérieur de la maison, mais aussi à l’extérieur, dans des tunnels ou des serres et sous des couvertures flottantes. Pour y arriver, il faut bien identifier ses besoins et les façons d’arriver à ses fins en fonction de ses moyens. Une fois cette réflexion faite, vous pourrez déterminer le type de projet qui vous convient et établir la liste du matériel à vous procurer en vue de construire votre installation. N’oubliez pas de contacter la municipalité pour en savoir plus concernant les réglementations en vigueur selon les installations envisagées. 

Profitez au maximum de vos récoltes en apprenant à transformer vos aliments afin d’avoir accès à des produits frais à l’année, tout en évitant le gaspillage. © NATACHAT DANIS

CONCLUSION

Malgré les aléas de notre climat, il est tout à fait possible d’accéder à l’abondance alimentaire tout en préservant l’environnement. Il suffit de considérer trois aspects essentiels : l’entretien approprié des cultures, la récolte et la transformation des aliments, et finalement, la prolongation de la saison du jardinage qui favorise une plus grande autosuffisance en aliments frais pendant plus longtemps.

Natachat Danis propose diverses conférences sur le jardinage écologique sur la page facebook.com/p/Éco-Gaïa-100063727023990 de son entreprise Éco Gaïa. Elle parlera également de la maison nourricière du futur dans le cadre de notre grande conférence gratuite L’habitat vers 2030, le dimanche 17 novembre, au collège André-Grasset (détails sur maisonsaine.ca/formations).

Sur Internet, on trouve facilement les divers établissements d’éducation reconnus et organismes communautaires qui offrent des formations sur la production horticole et la transformation alimentaire.

Pour en savoir davantage

www.espacepourlavie.ca/potager
www.quebec.ca/agriculture-environnement-et-ressources-naturelles/
www.agriculture/agriculture-urbaine (onglet Quoi planter)
www.agrireseau.net/marketing-agroalimentaire/documents/111829/fiches-pour-le-demarrage-entransformation-alimentaire