Les systèmes de récupération d’eau de pluie comprennent principalement quatre composantes : la surface de collecte (le toit), les gouttières pour acheminer l’eau, le réservoir et le système de distribution.

par Émilie Bédard, professeure adjointe à Polytechnique Montréal et Niloufar Naserisafavi, étudiante au doctorat en génie de l'environnement.

Article paru le numéro de novembre 2023 du magazine Inter-mécanique du bâtiment (IMB) de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec

La gestion durable des eaux est un enjeu important dans la lutte contre les changements climatiques. La récupération d’eau de pluie constitue une option intéressante pour réduire la consommation d’eau potable.

Pratique déjà bien connue dans les régions où l’eau se fait plus rare, l’installation au Québec de systèmes de collecte d’eau pluviale relève davantage, jusqu’à présent, d’une démarche écologique étant donné la perception d’abondance des ressources en eau. Toutefois, la fréquence des périodes de sécheresse et d’étiage augmente depuis quelques années, entraînant des restrictions de consommation d’eau potable pendant certaines périodes de l’année. Cette tendance est appelée à s’accentuer, ce qui devrait accroître l’intérêt pour la collecte et la réutilisation de l’eau de pluie dans diverses structures, comme les grands bâtiments souhaitant obtenir une certification LEED, ainsi que dans les secteurs agricole et résidentiel. Certains programmes sont mis en place par des municipalités ou des associations pour subventionner en partie ou en totalité les coûts d’achat et d’installation de systèmes.

Description générale d’un système

Les systèmes de récupération d’eau de pluie comprennent principalement quatre composantes : la surface de collecte (le toit), les gouttières pour acheminer l’eau, le réservoir et le système de distribution. De plus, il est recommandé d’installer un dérivateur afin d’éliminer les premiers millimètres d’eau de pluie récoltés. Ce premier volume d’eau sert à laver la surface de collecte qui peut être recouverte de pollen, de poussières, d’excréments d’animaux ou de matières organiques. La dérivation détourne ces résidus et contaminants du réservoir de collecte. La présence d’un grillage est également recommandée pour retenir les résidus de plus gros volume comme des feuilles mortes ou de petits animaux. Certains systèmes possèdent un traitement de l’eau, allant d’un simple filtre à sable à un système de désinfection plus complexe (chloration, ozonation ou UV). Dans tous les cas, l’eau issue des systèmes offerts peut servir à des usages où la potabilité n’est pas essentielle.

 Élargissement des usages possibles

Au Québec, l’utilisation de l’eau de pluie dans les bâtiments est encadrée par le chapitre III, Plomberie du Code de construction du Québec. Le code actuellement en vigueur permet une utilisation de l’eau de pluie dans les bâtiments qui se limite aux toilettes et urinoirs. Toutefois, la plus récente révision du Code national de plomberie (CNP – 2020) élargit les usages permis, comme l’illustre le schéma 1. L’utilisation de l’eau de pluie non potable provenant d’un système de collecte inclut désormais l’alimentation des machines à laver, des éviers de service installés au sol et des bacs à laver, des amorceurs de siphon et des réseaux d’irrigation. Pour évaluer les répercussions potentielles de l’élargissement des usages permis par le CNP, la Régie du bâtiment du Québec a mandaté un groupe de travail, dont l’un des objectifs était de déterminer si des adaptations étaient nécessaires avant l’adoption du CNP 2020 au Québec. Le document La récupération de l’eau de pluie des bâtiments pour une utilisation ne nécessitant pas de l’eau potable présente les travaux et les recommandations du groupe. Ce document met en lumière certains enjeux et facteurs de risque qui peuvent être associés à certains usages.

Schéma 1, Utilisation élargie de l’eau de pluie dans les bâtiments (Adapté de la Régie du bâtiment du Québec, 2022)

 

Enjeux et facteurs de risque

La conception et l’entretien des systèmes sont des éléments critiques pour assurer la qualité de l’eau de pluie récoltée. En ce qui concerne la conception, il est d’abord important de définir les besoins, les attentes et les usages prévus pour bien dimensionner le système. Généralement dimensionné selon une moyenne mensuelle de précipitations et une utilisation régulière de cette eau, un tel système a pour objectif principal de réduire la consommation d’eau potable. L’utilisation de  l’eau de pluie entraîne une baisse du niveau d’eau dans le réservoir et permet de libérer la capacité de stockage pour le prochain événement de pluie. Il est nécessaire d’estimer la taille optimale du réservoir selon l’eau de pluie fournie par le réservoir et la demande en eau prévue. On peut améliorer les performances du système en utilisant des modèles plus complexes tenant compte des précipitations et de la consommation d’eau du réservoir à plus petite échelle (quotidien ou hebdomadaire). Toutefois, si un système est installé uniquement pour limiter le ruissellement associé à des pluies abondantes sans l’utilisation anticipée de l’eau collectée, le réservoir ne suffira pas aux besoins. L’eau en excès sera évacuée par le trop-plein et pourrait entraîner des problèmes d’érosion des sols. Cette situation peut également affecter la qualité de l’eau dans le réservoir puisque des périodes prolongées de stagnation se produiront. Les matériaux utilisés pour la toiture et le réservoir peuvent également influencer la qualité chimique et microbiologique de l’eau.

Concernant l’entretien du système, des études ont établi un lien entre la fréquence de nettoyage du réservoir et la présence d’Escherichia coli, une bactérie nuisible à la santé. Il est donc recommandé de nettoyer régulièrement le réservoir et les gouttières. La ville de Berkeley en Californie a défini des fréquences d’inspection et d’entretien pour les différentes composantes du système : inspecter le grillage tous les 3 mois, inspecter et retirer les débris du toit et des gouttières tous les 6 mois, inspecter et nettoyer le réservoir et la plomberie une fois par année. À la lumière de ces renseignements, une conception simple et des directives d’entretien claires permettent d’améliorer la qualité de l’eau récoltée.

Pour les utilisations à l’intérieur du bâtiment, le système nécessite un double réseau d’approvisionnement différencié afin d’éviter un raccor dement accidentel à l’eau de pluie pour un usage exigeant de l’eau potable. Si le réseau d’eau potable est raccordé au réservoir d’accumulation d’eau de pluie, un dispositif anti-refoulement doit être présent. De plus, certaines utilisations n’exigeant pas une eau potable peuvent quand même générer des aérosols susceptibles de contenir des micro organismes présents dans l’eau de pluie. Pensons notamment aux chasses d’eau, aux fontaines esthétiques ou à l’irrigation par système d’arrosage extérieur pour les espaces verts communs (généralement pour les parcs ou les bâtiments à usage mixte de haute densité). Dans ce cas, une mauvaise qualité microbiologique de l’eau de pluie peut présenter un risque pour la santé de personnes vulnérables.

Réglementation et normes en vigueur

Il n’existe pas de réglementations nationales au Canada concernant la qualité de l’eau de pluie. Bien que quelques provinces comme l’Ontario et l’Alberta aient émis des lignes directrices pour certains paramètres de qualité dans la collecte et la gestion de l’eau de pluie, cette pratique émergente est encore peu réglementée. En 2018, le Comité technique mixte sur les systèmes de collecte de l’eau de pluie a élaboré la norme CSA B805-18/ICC 805-2018 sous l’égide de l’Association canadienne de normalisation (CSA) et de l’International Code Council (ICC). Cette norme précise les critères de performance minimaux pour les systèmes de collecte d’eau de pluie et fournit des lignes directrices détaillées pour la conception et l’installation du système et du sous-système, y compris le dimensionnement du réservoir de stockage et le niveau de traitement de l’eau selon l’utilisation finale. Les critères établis par la norme CSA B805-18 concernent la conception, les matériaux, l’installation et l’exploitation des systèmes de récupération d’eau de pluie pour les applications d’eau potable et non potable. Ils sont adaptés aux utilisations résidentielles unifamiliales, multirésidentielles et non résidentielles, mais ne conviennent pas aux besoins industriels, agricoles, commerciaux ni à la récupération de l’eau de surface.

https://www.premiertechaqua.com/fr-ca/gestion-de-leau/recuperation-deau-de-pluie

Mieux encadrer une utilisation accrue

Les Nations Unies ont fixé des objectifs de développement durable à atteindre d’ici 2030, notamment d’augmenter considérablement le recyclage et la réutilisation de l’eau en toute sécurité à l’échelle mondiale. En utilisant l’eau de pluie pour des applications où la potabilité n’est pas essentielle, y compris les chasses d’eau et l’arrosage extérieur, il est possible de réduire jusqu’à 30 % la consommation d’eau potable d’un immeuble situé au Canada. Si un cadre réglementaire était adopté, nous pourrions faire un pas important vers une mise en oeuvre plus large des mesures d’adaptation au changement climatique en mettant l’accent sur la gestion des eaux de pluie. Toutefois, les données sont insuffisantes pour déterminer les fréquences d’entretien et d’échantillonnage ainsi que les cibles microbiologiques et chimiques à respecter dans un contexte climatique québécois. Il est donc important de réaliser des études au Québec afin de répertorier les systèmes de réutilisation d’eau de pluie existants, de documenter leurs caractéristiques (construction, exploitation et entretien), le plan d’entretien et les appareils de plomberie desservis, d’évaluer la qualité de l’eau issue des systèmes résidentiel, commercial et institutionnel, et de définir les paramètres et méthodes requises pour suivre et assurer la qualité de l’eau.

Émilie Bédard est professeure adjointe au département des génies civil, géologique et des mines de Polytechnique Montréal. Ses travaux visent principalement à réduire les risques d’infection liés à l’eau. Elle s’assure d’une meilleure compréhension des systèmes d’eau et des facteurs favorisant la présence et l’amplification des bactéries opportunistes aux points d’utilisation de l’eau.

Niloufar Naserisafavi est étudiante au doctorat en génie de l’environnement. Elle travaille sur les systèmes alternatifs d’approvisionnement en eau. Son projet porte sur les systèmes de collecte des eaux de pluie et vise à adapter la conception des systèmes aux climats continentaux froids en tenant compte de la qualité de l’eau et de la planification stratégique des systèmes à l’échelle de la ville.

RÉFÉRENCE

1 — La récupération de l’eau de pluie des bâtiments pour une utilisation ne nécessitant pas de l’eau potable

bit.ly/LarecuperationdeleaudepluiePublicationRBQ

Un système Rewatec de Premier Tech Aqua en action.