Lettre n ° 1 de Katie Singer à Greta Thunberg (série complète sur https://www.ourwebofinconvenienttruths.com/letters/

Adaptation : André Fauteux

Chère Greta,

Après des siècles où trop de Blancs ne voient pas le racisme, les caméras des téléphones intelligents l’ont rendu indéniablement visible. Sans eux, nous ne serions probablement pas au courant du meurtre de George Floyd. Sans les médias sociaux, ta grève scolaire n’aurait peut-être pas lancé un mouvement international.
Cette lettre t’es adressée ainsi qu’à tous ceux qui se sont engagés à réduire les changements climatiques et les méfaits écologiques. Sans Internet, je doute qu’elle te parviendrait.

Laisse-moi me présenter. Je suis une grand-mère et écrivaine américaine blanche. J’habite au Nouveau-Mexique. Dans la maison que mon mari et moi louons, j’ai une pièce pour écrire. Nous avons de la nourriture dans notre réfrigérateur, un potager, un ordinateur, un téléphone et une machine à laver. J’ai ma propre voiture et plusieurs paires de chaussures. Je me considère privilégiée. Chaque jour, je remarque que ces commodités pourraient ne pas durer. Deux incendies de forêt viennent de se déclarer à proximité et l’air est donc devenu très enfumé. Je connais des gens qui ont évacué leur maison.

En 1997, je suis tombée sur la section 704 de la loi américaine de 1996 sur les télécommunications. Elle déclare qu’aucune préoccupation environnementale ne peut interférer avec le placement d’une antenne cellulaire. (Ici, « environnement » est censé inclure la santé publique.) De nombreux pays ont adopté des lois similaires, qui l’emportent essentiellement sur les lois de la nature. En lisant la section 704, je me suis demandée ce qui se cache derrière nos écrans. J’ai commencé à étudier les impacts de la technologie sur la faune et la santé publique. J’en ai appris beaucoup sur la consommation d’énergie d’Internet, les émissions de gaz à effet de serre, les demandes d’extraction de métaux précieux, les déchets toxiques et les risques pour les travailleurs. Je suis toujours en train d’apprendre. Je me demande encore comment rendre visible l’empreinte d’Internet et comment la réduire.

Je pense que si nous ne sommes pas conscients de notre contribution à un problème, nous ne pouvons pas faire partie de la solution. Cela s’applique à l’empreinte d’Internet.

Dans cette série de lettres, je partagerai ce que j’ai appris sur cette empreinte, je citerai les questions sans réponse et les solutions potentielles. Je rendrai compte des impacts environnementaux de la fabrication, de l’utilisation et de l’élimination ou du recyclage des appareils électroniques; des impacts environnementaux de la fabrication et de l’élimination des véhicules hybrides et électriques; des impacts environnementaux de la fabrication et de l’élimination des systèmes solaires et éoliens. J’écrirai sur la demande énergétique et les émissions de gaz à effet de serre de la 5G, la cinquième génération d’infrastructure sans fil. Je rédigerai quelques lettres avec des ingénieurs qui étudient ces questions.

Greta, je rêve que chaque internaute connaisse la chaîne d’événements engendrés du berceau à la tombe par une substance dans son appareil. Je répéterai probablement souvent que chaque téléphone intelligent contient plus de 1 000 substances, chacune avec sa propre chaîne d’approvisionnement énergivore, émettant des gaz à effet de serre et des déchets toxiques. Je rêve que chacun de nous en apprenne davantage sur l’impact des centres de stockage de données dans nos quartiers et sur les sites cellulaires à moins d’un kilomètre de chez nous.

Je n’ai rien à vendre, aucun gadget à approuver. Je souhaite que d’autres internautes se joignent à moi pour trouver des moyens de réduire notre empreinte. J’avoue qu’être seule à avoir cette information pourrait me rendre folle!

Je remercie ce site Web d’avoir publié cette lettre. Je remercie tous ceux qui découvrent l’empreinte d’Internet et s’engagent à en réduire leur part.

Permettez-moi d’en dire un peu plus sur Internet, la plus grande chose que l’humanité ait construite. Pour tweeter, envoyer un texto, créer et diffuser une vidéo, publier sur les réseaux sociaux, rechercher en ligne, faire une recherche GPS, acheter quoi que ce soit en ligne, assister à une réunion Zoom ou faire n’importe quelle activité en ligne, vous avez besoin de trois choses : un appareil, les réseaux d’accès déployés au niveau international et le stockage de données.

La production de chaque appareil (tablette, téléphone intelligent, ordinateur de bureau, ordinateur portable, montre intelligente, etc.) commence par la conception (par des robots énergivores) et l’extraction des minerais. Pour extraire les métaux de leurs minerais, ces derniers doivent être fondus et/ou affinés.

La fusion et le raffinage dépendent de centrales électriques plus ou moins émettrices de CO2 selon qu’elles sont alimentées au charbon, au gaz fractionné, à l’énergie nucléaire et/ou à l’hydroélectricité. Dans la plupart des cas, les énergies renouvelables ne peuvent pas alimenter la fusion ou l’affinage, car les fonderies doivent être maintenues à 1800 ° F pendant six ou sept ans à la fois.

Les réseaux d’accès alimentent des sites cellulaires qui reçoivent et transmettent des signaux entre des appareils mobiles. Les réseaux d’accès dépendent de l’électricité, des batteries, des câbles à fibres optiques, des antennes, des satellites et des systèmes de refroidissement.

Les centres de stockage de données dépendent d’ordinateurs et de systèmes de refroidissement (climatiseurs ou refroidisseurs à évaporation qui utilisent de l’eau et de l’électricité).
Chaque appareil a une chaîne d’approvisionnement qui dépend de l’expédition entre divers immeubles. L’expédition dépend des aéroports et des avions, des routes et des camions, des chemins de fer et des trains, des voies de navigation et des navires.

Chaque composant électronique et pièce d’infrastructure a une durée de vie utile limitée. Ils deviennent tôt ou tard des déchets électroniques. Le recyclage de l’électronique en vaut la peine; et, bien sûr, le recyclage demande également de l’énergie et génère des polluants et des gaz à effet de serre.

En effet, chacune des opérations consommatrices d’énergie et émettrices de déchets toxiques et de gaz à effet de serre d’Internet dépend de toutes les autres. Elles s’interconnectent par des lignes électriques, des conduites de gaz naturel, des cargos, des réseaux d’accès aux télécommunications et des centres de stockage de données pour former une gigantesque super-usine mondiale.

Greta, je reconnais que sans accès à Internet, les opportunités éducatives, économiques et sociales de quiconque sont extrêmement limitées. Je crois en l’accès universel – afin que les trois milliards de personnes qui ne sont pas encore en ligne aient des opportunités comme vous et moi. Je me demande également comment nous pouvons parvenir à un accès universel tout en réduisant simultanément la consommation d’énergie, les émissions de gaz à effet de serre, l’extraction de terres rares et d’autres minerais. Appelez ceci une question sans réponse. À moins d’en discuter, nous ne découvrirons pas de solutions.

Merci d’avoir lu cette lettre. Merci de vous être montrée intéressée par ces informations sur l’empreinte d’Internet.

Cordialement,

Katie Singer

KATIE SINGER écrit sur la nature et la technologie. Elle vit aux États-Unis. Son dernier livre, intitulé An Electronic Silent Spring (Steiner Books, 2014), s’inspire du livre Printemps silencieux de Rachel Carson qui, en 1962, révéla pour la première fois les dangers des pesticides. Katie a parlé de l’empreinte d’Internet au Forum 2018 des Nations Unies sur la science, la technologie et l’innovation et, en 2019, lors d’un panel avec le climatologue de la NASA, le Dr James Hansen.

Pour en savoir davantage, voir ses sites www.DearGreta.com, www.KatieSinger.com et www.ElectronicSilentSpring.com. Cette lettre a été initialement publiée par Wall Street International Magazine et Other-News.