L'osmose inverse est un des seuls moyens de filtrer les fluorures dans l'eau.
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Deux citoyens mettent la Ville de Montréal en demeure afin qu'elle cesse immédiatement de tenter de prévenir la carie dentaire en ajoutant du fluorure dans l'eau de ses usines de Pointe-Claire et Dorval qui desservent l'ouest de l'île. Ils s'appuient sur un nouveau rapport du programme national de toxicologie (NTP) américain concluant que l’augmentation de l’apport en fluorure diminue le quotient intellectuel (QI) chez l’enfant, selon 52 des 55 études analysées. 

Une ordonnance du tribunal a forcé le NTP à publier à la mi-mars son analyse systématique finale sur la neurotoxicité du fluorure. Sa publication avait été « bloquée par des responsables gouvernementaux et cachée au public depuis mai 2022 », selon le Fluoride Action Network. 

Décrit comme étant une ébauche confidentielle, ce rapport daté de septembre 2022 explique l’impact potentiel énorme d’une diminution du QI. « Des recherches sur d'autres neurotoxiques ont montré que de subtils changements du QI dans la population peuvent avoir un impact profond… Une diminution de 5 points du QI d'une population doublerait presque le nombre de personnes classées comme ayant une déficience intellectuelle. » 

Or, un graphique du rapport du NTP montre une forte baisse du QI d'environ 7 points sur une plage de fluorure de 0,2 à 1,5 mg/L. « C'est substantiel… C'est un gros problème », a commenté un examinateur du rapport qui tenait compte de toutes les expositions aux fluorures (dans l'eau, les aliments, la pâte à dents, certains médicaments, etc.).

Ces nombreuses sources d'exposition au fluor inquiètent particulièrement les experts du NTP. « Même dans les villes fluorées au taux optimal... les niveaux d’exposition individuelle… suggèrent des expositions totales très variables à l'eau à laquelle s’ajoute le fluorure provenant d'autres sources…  Nous n'avons aucune raison d'affirmer que nos résultats ne concernent pas certains enfants ou certaines femmes enceintes aux États-Unis. »

Selon le Fluoride Action Network, le charbon activé ne filtre pas les fluorures. « Les trois types de filtres capables d'éliminer le fluorure sont l'osmose inverse, les déioniseurs (qui utilisent des résines échangeuses d'ions) et l'alumine activée », explique sa page qui décrit divers moyens de réduire son exposition à ces produits.

La Ville de Montréal a toujours maintenu que « les produits utilisés pour la fluoration de l'eau aux usines Pointe-Claire et Dorval respectent les normes de qualité établies par le gouvernement du Québec, qui s’appuient sur les plus hauts standards reconnus » afin de réduire la carie dentaire sans compromettre la santé publique. « Nous sommes d’accord que les recherches se poursuivent quant aux aspects sanitaires et environnementaux de la fluoration de l’eau. Considérant l’état actuel des connaissances scientifiques, les principaux organismes de santé publique québécois et canadiens recommandent la fluoration de l’eau », répondait l'avocat de la Ville de Montréal, Steven Rousseau, dans une lettre adressée à l'avocat des plaignants le 1er mai.

Les plaignants, Ray Coelho et Manon Martel, sont membres de l’organisme Citoyens contre la fluoration et habitent ces deux municipalités. Leur mise en demeure dénonce l’utilisation du fluosilicate sodium et de l’acide fluosilicique, des produits étiquetés comme produits dangereux, toxiques et corrosifs selon le Règlement sur les produits dangereux (DORS/2015-17) adopté en vertu de la Loi sur les produits dangereux (L.R.C. (1985), ch. H-3). 

Ces produits sont souvent contaminés avec de l’arsenic ou du plomb et sont aussi classés comme nocifs pour les organismes aquatiques, en plus de n'être « soumis à aucun encadrement ou surveillance par un organisme gouvernemental ayant juridiction au Canada sur les sources d’un nutriment pour la consommation humaine », ajoute leur mise en demeure.

Celle-ci plaide que la ville n'a pas le droit d'utiliser ces produits pour prévenir les caries parce qu'ils ne sont pas classés en vertu de la Loi sur les aliments et drogues (L.R.C. (1985), ch. F-27) comme le sont les produits de fluorure utilisés avec un objectif thérapeutique et dans les dentifrices. « Les citoyens et citoyennes de ces municipalités sont en droit, pour protéger leur intégrité et leur santé, d’exiger que les produits ajoutés à l’eau potable soient au moins de qualité pharmaceutique et sanitaire et qu’ils répondent à toutes les exigences légales pour un objectif thérapeutique », affirme un autre membre de Citoyens contre la fluoration, Gilles Parent, coauteur du livre La fluoration : autopsie d'une erreur scientifique.

Lorsqu'on a demandé aux experts du NTP si leur méta-analyse avait déterminé une dose sécuritaire de fluorure, ils ont répondu qu'ils n'avaient trouvé « aucun seuil évident » pour l'exposition totale au fluorure ou pour l'exposition au fluorure de l'eau. Bref, qu’il n’y a pas de concentration de fluorure dans l’eau qui soit sans risque d’effet neurotoxique, au moins pour les groupes plus à risque comme les femmes enceintes, leur fœtus et les enfants en bas âge. 

La fluoration, une pratique discutable

L'organisme rappelle que la fluoration n’a aucun rôle dans le traitement de l’eau potable. D’ailleurs, selon le site web de la Ville de Montréal, « la fluoration est une étape supplémentaire, indépendante des étapes de traitement de l’eau potable » et qui « consiste en l’ajout d’un agent de fluoration dans l’eau potable afin de prévenir la carie dentaire ».

Or, cette pratique dite « thérapeutique » a été enrayée presque partout au Québec et est régulièrement remise en question pour de nombreuses raisons partout où elle est employée, selon la mise en demeure. « Dans un premier temps, on impose un médicament sans prescription à toute une population qui, individuellement, n’a pas donné son consentement informé et dont le besoin n’a pas été identifié, soulevant ainsi plusieurs questions éthiques. »

« Nous espérons que cela influencera la Ville de Montréal à rejoindre les 80 municipalités du Québec qui ont dit non à cette mesure qui s’apparente à une forme de médication imposée, souvent sans le consentement libre et éclairé de la population, affirme la directrice générale de l'organisme Eau Secours, Rébecca Pétrin. Pour combattre la carie dentaire, il existe d'autres outils plus efficaces que de mettre des fluorures dans toute l'eau municipale sachant qu'il y en aura moins de 1 % qui sera bue; notamment de faire davantage d'éducation dans les écoles, de distribuer des dentifrices au fluorure, de promouvoir l'application du fluorure directement sur les dents et surtout de lutter contre les boissons et aliments sucrés tout en faisant la promotion de l'eau municipale! »

Le NTP est un organisme interagences fédéral des États-Unis géré par l’Human Health Services (HHS). Son rapport est basé sur six années de révision de la littérature sur les effets biologiques de la fluoration. « Notre méta-analyse confirme les résultats des méta-analyses précédentes et les étend en incluant des études plus récentes et plus précises, écrivent les experts du NTP… Les données soutiennent une association inverse consistante entre l'exposition au fluorure et le QI des enfants. »

La phase de révision de son rapport par des pairs a donné lieu à de nombreux débats passionnés entre experts. Un employé gouvernemental a commenté : « Les données n'étayaient pas l’assertion d'un effet à un taux inférieur 1,5 mg/L… toutes les conclusions dans ce document doivent être explicites sur le fait que les résultats des études incluses ne s'appliquent qu'aux concentrations de fluorure dans l'eau supérieures à 1,5 mg/L. » Les experts du NTP ont réfuté ce commentaire : « Plusieurs des études de la plus haute qualité dévoilant des QI inférieurs chez les enfants ont été réalisées dans des zones fluorées de façon optimale (0,7 mg/L)... de nombreuses évaluations quantitatives du fluorure urinaire dépassent celles qui seraient attendues de la consommation d'une eau contenant du fluorure à 1,5 mg/L. »

Selon le Journal Métro, un comité composé d’experts de la Ville de Montréal, de Polytechnique Montréal et de la Direction régionale de santé publique doit soumettre un rapport d’analyse et de recommandation ce printemps.