Autrefois réservés aux habitations en milieu isolé du réseau d’Hydro-Québec, les systèmes de production d’énergie solaire photovoltaïque (PV) ont augmenté en popularité depuis 2006. C’est depuis lors que la société d’État accepte que l’on raccorde de petites installations d’énergies renouvelables à son réseau par le biais de son option tarifaire de Mesurage net. Elle permet aux autoproducteurs d’énergie renouvelable d’injecter sur son réseau, plutôt que dans de coûteuses batteries, les surplus d’énergie non consommée et d’obtenir en contrepartie un crédit sur leur facture d’électricité. Celui-ci s’applique en fonction des tarifs en vigueur lors des périodes de facturation de 62 jours concernées : 6,319 ¢ le kilowattheure (kWh) pour les 40 premiers kWh consommés quotidiennement et 9,749 ¢ le kWh pour le reste de l’énergie consommée.
En février 2009, le docteur en physique Yves Poissant, expert en PV à Ressources naturelles Canada (RNCan), est devenu l’un des premiers Québécois à installer sur le toit de sa maison un système PV relié au réseau hydroquébécois. D’une capacité de 1,3 kilowatt (kW), ce système sans batteries avait coûté 10 000 $ à l’époque, incluant les panneaux PV, le contrôleur de charge, les câbles et l’installation, ce qui revenait à 7,69 $/W de puissance installée. En 2011, il n’y avait que seulement 14 systèmes PV reliés au réseau public. En 2018, ce nombre s’élevait à 179 et aujourd’hui, ce sont « 737 clients qui participent à Mesurage net », confirme Cendrix Bouchard, relationniste chez Hydro-Québec.
Ce qui peut sembler contre-intuitif, c’est qu’un système PV classique relié au réseau ne peut pas alimenter la maison en énergie en cas de panne du réseau. En effet, une telle installation ne comprenant pas de batteries, l’énergie produite ne peut être stockée à domicile pour utilisation future. C’est pour des raisons de sécurité qu’Hydro-Québec exige que les systèmes PV raccordés à son réseau soient hors fonction en cas de panne, afin d’éviter qu’ils y injectent du courant qui pourrait électrocuter ses travailleurs.
Avant 2006, si un propriétaire désirait avoir une certaine autonomie énergétique durant une panne d’électricité, la seule option possible était d’installer un système solaire autonome avec une banque de batteries (pouvant facilement doubler son coût) et d’y destiner une partie ou la totalité des circuits électriques 110-120 V de la maison (un système PV ne produit pas assez d’énergie pour chauffer une résidence). Bref, autrefois, il n’était pas possible d’injecter sur le réseau d’Hydro-Québec les surplus de kWh solaires autoproduits.
Cet état des choses a commencé à changer avec l’arrivée de l’onduleur SunnyBoy Storage, fabriqué aux États-Unis par SMA. Ce fut le premier onduleur à offrir une certaine autonomie aux systèmes PV reliés à un réseau de distribution externe. Cet onduleur offre deux possibilités : opérer en mode batterie de secours ou en mode batterie de secours limité. Dans le premier cas, en cas de panne du réseau, un commutateur automatique débranche le système PV du réseau public et alimente les circuits électriques critiques de la maison en puisant dans une banque de batteries de secours. Le système PV peut alors continuer de produire de l’électricité et d’alimenter directement les charges électriques ou de recharger les batteries.
En mode batterie de secours limité, un commutateur automatique n’est pas nécessaire. Dans ce cas, un commutateur manuel et une prise électrique doivent être greffés à l’onduleur. Il suffit alors d’y brancher un appareil et l’onduleur sera alimenté tant et aussi longtemps qu’il y aura suffisamment d’énergie stockée dans la batterie. Lire les détails dans le manuel d’utilisation : https://bit.ly/3jDxCCY.
Aujourd’hui, le nec plus ultra des onduleurs hybrides est le Sol-Ark. Commercialisé en 2020, ce produit américain fabriqué en Chine fait tout : gestion du courant fourni par un système d’énergie renouvelable (PV, éolien, etc.), des batteries, le réseau public ou une génératrice. Offert en versions de 5 kW (7 849 $) à 15 kW (12 999 $), il permet de commencer avec un petit système PV et d’ajouter davantage de panneaux et de batteries plus tard quand le client aura plus de budget. Ainsi, il pourra augmenter la puissance de son système pour électrifier plus d’appareils et de circuits à l’énergie solaire ou avec une génératrice.
Les onduleurs hybrides comme le Sol-Ark se distinguent de plusieurs façons. « Ce sont les seuls appareils qui peuvent interagir à la fois avec le réseau et hors réseau », explique son distributeur québécois Martin Lambert, propriétaire du détaillant Écosolaris à Saint-Jérôme. Ce sont des appareils trois en un : on y retrouve le contrôleur de charge, l’onduleur et le module de communication dans un seul boitier. D’autres compagnies, comme Schneider, offrent chacun de ces éléments séparément, ce qui complexifie l’installation. De plus, Sol-Ark propose des prix beaucoup plus compétitifs, explique Maxence Pelletier, directeur PV et stockage d’énergie chez Ecosolaris.
« Ils sont visionnaires, explique Martin Lambert. Ils permettent de gérer nos appareils en fonction des tarifs différenciés dans le temps [qu’Hydro-Québec compte proposer ou imposer un jour]. Chez moi, je peux débarquer Hydro-Québec durant les heures de pointe [qui se produisent en semaine l’hiver, de 6h à 9h et de 16h à 20h] puisque je recharge mes batteries au solaire. C’est là où le marché s’en va. En plus, ces onduleurs permettent la lecture et l’intervention à distance, ce qui est important pour régler les problèmes qui peuvent survenir dans le marché hors réseau. » Cet onduleur possède trois entrées distinctes : une pour les panneaux PV, une pour le réseau électrique et une pour une génératrice. Il y a une sortie qui va alimenter les appareils électriques qui sont branchés en général sur un panneau secondaire.
Coût et retour sur l’investissement
Yves Poissant avait payé son système PV de 1,3 kW relié au réseau (et sans batteries) 7,69 $/W installé. Depuis 2019 le prix moyen a chuté autour de 3,11$/W pour 3 kW et de 2,66$/W pour une installation de 6 kW de puissance. Selon cet expert fédéral, sur la durée de vie de 30 ans de ces systèmes, une installation de 6 kW et plus reliée au réseau a déjà atteint le seuil de la parité avec le coût de l’hydroélectricité qui est de 9,749 ¢/kWh pour la portion au-delà des 40 premiers kilowattheures consommés quotidiennement.
Les coûts sont toujours similaires en 2022. Maxence Pelletier confirme qu’il faut compter entre 2,5 $ et 3 $ le watt pour un système PV relié au réseau sans batteries de taille moyenne (environ 5 kW). Pour une maison autonome dotée d’un petit système de 3 kW avec une réserve de batteries de 10 kWh, on parle d’environ 20 000 $ installation incluse, ou 6,66 $/W, précise le spécialiste. Pour une installation hybride raccordée au réseau, on installera moins de batteries (5 kWh de réserve) et plus de capteurs PV (5 kW) au même prix.
Chez Ecosolaris, environ 70 % des installations sont autonomes du réseau et avec batteries, et 30 % sont hybrides. Martin Lambert explique que ses clients ne l’appellent pas pour trouver des moyens d’économiser l’énergie. « Les gens veulent l’autonomie énergétique ou la résilience en cas de panne du réseau. Ils ne veulent pas arrêter de se brosser les dents à l’eau chaude. » Écosolaris choisit de ne pas faire d’installations sans batteries, même si elle reçoit une bonne demande pour ce type d’installations.
La plupart des vendeurs de systèmes PV misent sur les maisons autonomes puisque la division HILO d’Hydro-Québec se lancera l’an prochain dans la vente de systèmes (à tout le moins de batteries) reliés à son réseau pour prendre le relais en période de pointe hivernale. Selon Yves Poissant, un système PV bien installé à Montréal produit environ 1 200 kWh d’électricité solaire par année par kilowatt installé (un panneau PV convertit entre 15 % et 21 % de la radiation solaire en énergie électrique). Ainsi, un système de 5 kW (par exemple avec 14 panneaux de 360 W ou 26 de 190 W) produira environ 6 000 kWh ou 600 $ d’électricité par année. On parle donc de 33,3 ans pour récupérer les 20 000 $ investis pour un système hybride connecté au réseau avec batteries, période qui sera en réalité moindre puisque le coût de l’électricité augmentera avec les années. Maintenant, en 2022, un système solaire PV relié au réseau sans batteries a un retour sur investissement de l’ordre de 12-14 ans, ce qui en fait un investissement rentable sur la durée de vie du système.
VÉ-PV intégrés
Autre nouvelle tendance, nous sommes sur le point de voir l’intégration des véhicules électriques (VÉ) aux systèmes PV. Le système du fabricant québécois dcbel offre déjà à la fois un onduleur pour système PV, un contrôleur de flux bidirectionnel d’énergie en cas de panne et le chargeur de VÉ résidentiel qui serait le plus rapide au monde. Bien qu’il soit jusqu’ici plus approprié pour les climats chauds et plus ensoleillés que le nôtre, il y a là un énorme potentiel. Il faut bien garder en tête que la voiture n’est pas toujours à la maison et qu’il ne faudra pas vider sa batterie en alimentant nos appareils domestiques, mais il y aura néanmoins de belles synergies à exploiter en cas de panne d’électricité.
Certaines voitures électriques récentes, comme l’Ioniq 5 de Hyundai, ont été spécialement conçues afin de permettre les applications V2L, c’est-à-dire Vehicle-to-Load (véhicule à la charge). Avec cette option, la voiture peut se connecter à l’entrée réservée à une génératrice d’un onduleur Sol-Ark afin d’alimenter les charges de la maison en cas de panne. Mais pour l’instant, on parle plutôt de situation d’urgence, il n’y a pas encore de contrôles intelligents qui pourrait rendre une telle connexion utile au quotidien.
Maison solaire passive autonome dans les Laurentides
Ken Lester est propriétaire d’une magnifique maison conçue et construite par Jim Iredale, de Landmark Passivhaus, de Mont-Tremblant. Ce dernier a modélisé cette maison avec le logiciel PHPP (Passive House Planning Package), du Passivhaus Institut (Passive House Institute ou PHI) allemand. Elle ne consomme que 14 kWh/m2 de chauffage par année. Jim a déjà construit cinq maisons adhérant aux critères du PHI et planche sur quatre autres projets actuellement. Selon cet entrepreneur qui construit des maisons haut de gamme depuis plus de 30 ans, le coût élevé de la certification des maisons passives est un frein important. Il préfère prédire la performance de ses maisons à l’aide de PHPP et la démontrer par la suite avec les données de consommation énergétique.
Au Québec, il n’y a que la maison Ozalée à Montréal, conçue par l’architecte Lucie Langlois en 2018, qui a obtenu la certification officielle de l’institut allemand. Il y a également deux maisons certifiées par PHIUS, la division américaine du mouvement Passive House. Elles ont été construites par Construction Rocket dans les Cantons-de-l’Est, à Abercorn et Bromont.
En plus d’être un bijou architectural et d’efficacité énergétique, la maison de Ken Lester est totalement autonome en énergie. En effet, elle est alimentée par 21 kW de panneaux PV installés au sol. Il s’agit de modules bifaciaux qui produisent de l’énergie lorsque l’avant ou l’arrière de leurs cellules sont éclairées. Ses 54 modules PV ont une superficie de 114 m2 (1 227 pi2) et produisent environ 15 000 kWh d’électricité par année. Toutefois, comme en hiver il y a moins de soleil, une génératrice est requise afin de combler tous les besoins de la famille, à hauteur de 10 000 kWh annuellement. Martin Lambert et Maxence Pelletier ont conçu et fourni le système facile d’installation car précâblé dans l’atelier jérômien d’Écosolaris.
Chaque matin d’hiver, Ken est prêt à déneiger ses panneaux avec entrain. « C’est un mode de vie! », dit-il. La construction s’est terminée en 2020, juste avant les ruptures de stock et les hausses majeures de prix des matériaux de construction et systèmes solaires. « En rétrospective, je me trouve vraiment chanceux que tout se soit déroulé aussi parfaitement. J’apprécie pleinement la vie rurale dans la magnifique région des Laurentides et suis infiniment satisfait de savoir que les besoins de ma famille seront comblés, peu importe les aléas de la vie. » Comme ils cultivent un grand potager en été, ils se régalent de leurs propres légumes maison.
Cette magnifique propriété constitue certainement une des plus grosses installations solaires autonomes au Québec. Jim utilise la maison de Ken comme un laboratoire, afin d’en apprendre encore plus sur la performance au fil du temps. Les deux sont dorénavant très bons amis, devenus des complices de l’avant-garde en habitation performante!