M. Savard est directeur général de l'organisme Vivre en ville

Enfin, on peut se dire que c'est peut-être bientôt derrière nous. Je ne parle pas de la pandémie, mais du monde d'avant en matière d'urbanisme et d'aménagement. Au printemps prochain, le gouvernement adoptera une première Stratégie nationale d'urbanisme et d'aménagement des territoires. Les attentes sont très élevées.

La semaine passée, en même temps que l'équipe de Vivre en Ville organisait avec brio le Grand Rendez-vous Collectivités viables sur le thème, plus que jamais d'actualité, « Traverser les crises », nous avons remis notre mémoire sur la Stratégie nationale. Nous y mettons de l'avant la priorité absolue de sortir de l'ère de l'étalement pour entrer dans celle de la consolidation.

Pour ce faire, deux actions sont essentielles: assumer le leadership de l'État en aménagement du territoire, et imposer un « Test territoire » aux décisions gouvernementales et municipales.

ÉTALEMENT ZÉRO

La Stratégie nationale doit mettre fin à l’ère de l’étalement urbain que l’on connaît au Québec depuis des décennies. Nous devons maintenant entrer dans l’ère de la consolidation des villes et villages. Il faut construire beaucoup de logements, aux bons endroits. Au-delà des mesures contraignantes, pour atteindre l’étalement zéro, il faudra en donner les moyens au milieu municipal, tant financiers que l’expertise technique.

Comme le reconnaît le document de consultation gouvernemental, nos pratiques actuelles encouragent l’étalement urbain, soit le mode de développement le plus coûteux sur tous les plans : économique, environnemental et humain. Dépendance à l’automobile, perte de superficies agricoles, dégradation, voire disparition de milieux naturels et augmentation de la vulnérabilité sont autant d’effets collatéraux de nos façons d’occuper notre territoire.

LEADERSHIP DE L’ÉTAT

Pour tourner la page sur ce mode de développement insoutenable, l’État devra jouer un rôle assumé. La Stratégie nationale doit affirmer la légitimité de l’intervention gouvernementale et de la mise en place de règles communes. Son plan d’action devra intégrer des changements législatifs, des mesures budgétaires, des politiques qui confirment le rôle de leader, d’arbitre et de soutien de l’État.

La protection du territoire agricole et d’une future zone naturelle permanente, le développement d’écoquartiers partout au Québec, la résolution de la crise du logement, la revitalisation des centres-villes exigent un leadership gouvernemental pour agir de manière concertée.

On s’attend à voir des actions transformatrices être mises en œuvre dès 2022.

TEST TERRITOIRE

Pour faire preuve d’exemplarité et assumer le leadership attendu, l’aménagement du territoire doit devenir une priorité.

Construire des écoles, des maisons pour aînés, des épiceries, des bureaux, c’est de l’aménagement. Dès qu’on investit dans des bâtiments ou des infrastructures, on marque et on transforme le territoire et les milieux de vie. Chacun des projets, des politiques et des programmes gouvernementaux devra être soumis à un « Test territoire ». Parfois, le projet ne passera pas le test, il faudra alors le revoir.

Le ministère de l'Aménagement du territoire et du Soutien aux collectivités devra avoir, pour tout ce qui touche au territoire, un rôle prépondérant similaire à celui que joue le Conseil du Trésor en matière de gestion des ressources.

Afin de s’assurer de l’atteinte des cibles nationales reliées à l’aménagement du territoire, de la lutte contre les changements climatiques à la santé en passant par la préservation du patrimoine naturel et culturel, la planification municipale en aménagement du territoire devra également intégrer une analyse prévisible de ses effets.

Il devra y avoir un « avant » et un « après» l'adoption de la Stratégie nationale.

Désormais, mettons la qualité des milieux de vie, la protection du territoire québécois et l’urgence climatique au cœur de nos décisions d’aménagement.