Un couple des Laurentides a transformé sa maison construite en 1968 en modèle d’efficacité énergétique, en la rénovant et en participant au service de « maison intelligente » Hilo d’Hydro-Québec.
S’ils sont heureux de leurs économies d’énergie réalisées, ils ignoraient tout des ondes nocives émises par leurs appareils sans fil, dont leur passerelle Hilo et leur compteur intelligent.
« Je n’avais aucune notion de ça, c’est intéressant à savoir… On va essayer d’être un peu plus alertes, à la vigie de ça », a commenté Marie Colalillo dans le cadre d'une visite chez elle lors de laquelle j’ai tourné cette entrevue YouTube.
Cette dame et son conjoint ont acquis leur maison de Saint-Sauveur en décembre 2020. Ils ont profité des programmes Rénoclimat et Maisons plus vertes pour réduire leur facture annuelle d'électricité de 4 620 $ (385 $ par mois) à 2 808 $ (234 $ par mois) grâce à une réfection énergétique majeure. Ils ont notamment remplacé leurs fenêtres coulissantes par des modèles en aluminium certifiés ENERGY STAR, fait gicler du polyuréthane isolant sous un plancher en porte-à-faux et profité du remplacement du revêtement extérieur de la maison pour d'abord ajouter de l'isolant de polystyrène sur l’extérieur des murs. Pour ces travaux qui ont coûté environ 38 000 $, ils ont reçu 4 290 $ d’aides financières : 3 660 $ du programme Rénoclimat et 630 $ de Maisons plus vertes. Cette année, ils ont ajouté une thermopompe murale à 4 200 $, subventionnée à hauteur de 375 $ par Hydro-Québec, qui réduira davantage leur facture d'électricité.
Seul hic, Mme Colalillo dit que son rapport Rénoclimat « après travaux » est erroné car il affiche l'ancienne consommation énergétique de leur maison : 226 gigajoules (GJ) ou 62 884 kilowattheures par année. L’application Estimer les coûts à une résidence du site Web d’Hydro-Québec indique plutôt une consommation de 27 010 kWh (2 790 $ taxes incluses) à son adresse au cours de la dernière année. « On n’a pas eu une si belle expérience avec Rénoclimat, confie-t-elle. C’était l’enfer, vous ne savez pas le nombre d’appels que j’ai fait. Ils ont perdu notre dossier et je n’ai jamais eu le rapport initial d’évaluation avant travaux! » Suite à mes démarches, elle a finalement reçu le 5 décembre son rapport avec le rendement énergétique réel de sa maison : 137 GJ ou 37 989 kWh, soit 44 % moindre qu'autrefois. Si on se fie à sa facture d'Hydro, sa thermopompe lui économise donc quelque 11 000 kWh ou 1 100 $ par année. Toutefois, la maison la maison n'a pas besoin d'échangeur d'air : c'est un panier percé. Son étanchéité à l'air, mesurée par test d'infiltrométrie, a seulement baissé de 8,38 à 8,15 changement d'air à l'heure à 50 pascals (CAH à 50 Pa). L'ensemble des fissures dans l'enveloppe extérieure de la maison équivalent à un trou de 4,8 po2 à tous les 100 pi2. Elle pourrait bénéficier d'un scellement spécialisé, comme l'Aerobarrier, mais il faudrait ajouter un ventilateur récupérateur de chaleur si l'étanchéité chutait sous 3 CAH à 50 Pa. Deux investissements non négligeables en rénovation.
La firme Expertbâtiment, qui livre le programme Rénoclimat dans les Laurentides, a effectué la première évaluation énergétique (« avant travaux », donnant droit aux subventions) de la maison de Mme Colalillo au début de 2021. Ses travaux de rénovation étaient complétés en juillet 2021 mais elle n’a reçu sa subvention de Québec que deux ans plus tard, en juillet 2023. Le chèque du fédéral, lui, est arrivé en septembre 2022.
Le gouvernement n’a pas voulu commenter ce cas précis de retard de livraison d'un rapport final Rénoclimat, mais c’est la première fois que j’entends parler d’un tel imbroglio. Selon une évaluation indépendante réalisée en 2022 par la firme Econoler, ce programme présente de nombreux avantages, dont l’amélioration du confort, de la qualité de l’air intérieur et de la valeur de revente des maisons, en plus de stimuler la rénovation et l’emploi de conseillers évaluateurs. La firme concluait aussi que « le coût unitaire de 75 $/GJ du programme Rénoclimat se situe parmi les plus bas des programmes résidentiels » d’efficacité énergétique québécois. La popularité du programme ne se dément pas : alors que le nombre d’évaluations après travaux avait atteint un sommet dépassant 10 000 au quatrième trimestre de 2020, selon le ministère de l’Environnement, 106 000 tests d’infiltrométrie ont été réalisés en 2022-2023 dans le cadre de ce programme et du programme Novoclimat (qui holomogue moins de 2 000 maisons neuves à haute efficacité énergétique par an).
Réduire la demande de pointe avec Hilo
Par ailleurs, en septembre 2022, le couple s’est abonné au service Hilo qui offre des récompenses en argent si l’on réduit sa consommation d’électricité durant les défis Hilo qui sont lancé jusqu’à 30 fois en hiver, de 4h à 11h et de 15h à 22h. Ils ont profité d’une promotion permettant d'économiser 600 $ sur la pose de huit thermostats intelligents et d'une passerelle Hilo, pour seulement 218 $. En contrepartie, ils ont dû s’engager à participer aux défis Hilo pendant trois ans.
Cette division d’Hydro-Québec permet au consommateur d’économiser jusqu’à 15 % sur sa facture d’électricité et de contrôler des appareils avec un cellulaire, et à la société d’État de réduire à distance sa consommation d'électricité (principalement de chauffage). « On décide si on participe le matin et/ou l’après-midi et quels thermostats sont inclus. On reçoit une alerte la veille pour nous rappeler de ne pas oublier qu’il y aura un défi. Tout est programmé à distance, on ne touche à rien mais on a quand même le contrôle, mon chauffage n’est pas barré », explique Marie Colalillo. Celle-ci a choisi le profil de consommation Modéré, moins exigeant que l’Audacieux et l’Extrême qu’elle pourrait choisir en tout temps.
Le matin de ma visite, bien qu’il ne faisait que 0 degrés Celsius (°C)dehors, est d'ailleurs survenu un défi Hilo. « Ce matin, j’ai reçu 5,03 $ de récompense, dit-elle. Avant 6h ils ont préchauffé la maison à 22 °C puis ils ont coupé le chauffage jusqu’à 10h avant de le repartir. La température de la maison est restée autour de 19 °C. L’an passé on a eu une ristourne de 112,76 $, sans parler des économies de chauffage. »
En réduisant la demande d’électricité, les clients d’Hilo permettent à Hydro-Québec d’augmenter ses réserves d’eau derrière ses barrages et ses lucratives exportations « d’énergie propre vers des marchés où elle remplacera de l’électricité produite à partir de combustibles fossiles » comme le gaz naturel, explique le site hiloenergie.com. Il omet d’ajouter qu’au plus froid de l’hiver, quand la demande de pointe d’électricité dépasse les capacités du réseau d’Hydro-Québec, celle-ci est obligée d’importer de l’électricité dispendieuse et polluante, provenant justement de centrales hors Québec carburant aux énergies fossiles.
Ondes probablement cancérogènes
Les prises, ampoules et thermostats intelligents ainsi que la passerelle Hilo communiquent entre eux et le réseau hydroquébécois avec le protocole ZigBee. Celui-ci utilise la même radiofréquence de 2,4 gigahertz que le Wi-Fi, mais il consomme moins d’énergie, étend la portée des appareils connectés et se connecte au compteur intelligent ZigBee d’Hydro-Québec.
Les risques sanitaires du rayonnement de radiofréquences émis par les appareils sans fil sont toutefois passés sous silence. Ces ondes, qui s'ajoutent à celles émises par les téléphones sans fil, les antennes et téléphones cellulaires ainsi que les autres appareils sans fil utilisant notamment le Wi-Fi, sont probablement cancérogènes, selon plusieurs experts dont la toxicologue Linda Birnbaum, ancienne directrice de l'Institut national américain des sciences de la santé environnementale (écouter ici l'entrevue qu'elle m'a accordée).
L’exposition chronique à des niveaux de radiofréquences des milliers de fois en-deçà des limites permises par le Code de sécurité 6 de Santé Canada a été liée à une foule de maladies et autres effets biologiques néfastes dans des milliers d’études révisées par des pairs. Les symptômes d'intolérance aux ondes et autres effets néfastes sont notamment détaillés dans les Lignes directrices EUROPAEM 2016 pour la prévention, le diagnostic et le traitement des problèmes de santé et des maladies liés aux champs électromagnétiques (CEM), publiées par l’Académie européenne de médecine environnementale.
Comme l’expliquait en 2017 une mise en garde émise par le Département de la santé publique de la Californie : « Certaines expériences de laboratoire et études sur la santé humaine ont suggéré la possibilité que l'utilisation élevée et à long terme des téléphones cellulaires puisse être liée à certains types de cancer et à d'autres effets sur la santé, notamment :
- le cancer du cerveau et les tumeurs du nerf acoustique (nécessaire à l'audition et au maintien de l'équilibre) et des glandes salivaires;
- une diminution du nombre de spermatozoïdes et des spermatozoïdes inactifs ou moins mobiles;
- des maux de tête et des effets sur l'apprentissage et la mémoire, l'audition, le comportement et le sommeil. »
En 2015, l’Association médicale californienne allait encore plus loin dans sa résolution sur les technologies sans fil qui affirmait : « La recherche évaluée par les pairs a démontré des effets biologiques négatifs de l'exposition aux CEM émis par les technologies sans fil, y compris les ruptures d'ADN à simple ou double brin, la création d'espèces réactives d'oxygène [radicaux libres], le dysfonctionnement immunitaire, les problèmes cognitifs, la synthèse de la protéine du stress dans le cerveau, l'altération du développement du cerveau, les troubles du sommeil et de la mémoire, le TDAH [trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité], le comportement anormal, le dysfonctionnement des spermatozoïdes et les tumeurs cérébrales. »
Limites d'exposition recommandées
Or, l’Organisation mondiale de la santé ne tient compte que des effets thermiques à court terme de l’exposition aiguë aux ondes, faute de preuves causales hors de tout doute d’effets non thermiques à long terme, comme le cancer. Santé Canada limite l’exposition à une densité de RF de 4,5 millions de microwatts par mètre carré (μW/m2) pour éviter des effets thermiques après six minutes d’exposition à la fréquence 1 800 mégahertz. Toutefois, pour éviter les effets non thermiques après une exposition de plus de quatre heures, les directives de l’Association médicale autrichienne et de l’EUROPAEM se fient aux Valeurs indicatives en baubiologie SBM-2015 pour les zones de repos, (voir le tableau ci-contre publié par l’Institut allemand de baubiologie ou biologie du bâtiment). Ces organismes recommandent de limiter l'exposition sous 100 μW/m2 le jour et sous 10 μW/m2 la nuit.
J'ai mesuré les niveaux de ces micro-ondes dans la maison de Mme Colalillo avec mon lecteur de radiofréquences Safe & Sound Pro qui capte la bande des fréquences 650 mégahertz à 10 gigahertz utilisées par la plupart des antennes et des appareils sans fil domestiques. Notez que les experts recommandent de se fier aux lectures maximales, les pics momentanés étant les plus nocifs, et non aux moyennes ultra-basses que les fabricants, gouvernements et fournisseurs comme Hydro-Québec aiment citer.
La bonne nouvelle, c’est que la mesure la plus faible était sur son lit, soit de seulement 152 μW/m2, mais elle y montait à 17 800 μW/m2 si elle allumait son cellulaire. Elle m’a assuré qu’elle agirait désormais par précaution : « On va mettre nos cellulaires au minimum en mode avion dans la chambre », ce qui stoppe l’émission d’ondes tout en permettant d’utiliser certaines applications ne nécessitant pas de communication avec un réseau, comme le réveil-matin. Heureusement, sa chambre est à plusieurs mètres du compteur intelligent devant lequel la lecture à un mètre de distance était de 38 800 μW/m2. (Lire La Californie savait les compteurs « intelligents » nocifs. Pour s'en protéger, l'on peut demander à Hydro d'installer un compteur non communicant.)
De même, sa maison n’est pas affectée par l’antenne 5G située au coin de sa rue, à environ 100 m, et qui émet jusqu’à 49 500 μW/m2 à environ 5 m de distance. (Depuis 2022, des premières études de cas médicales témoignent des effets nocifs subis chez les voisins de ces antennes aux faisceaux peu pénétrants mais très concentrés dans une direction précise.)
Par contre, dans sa salle à manger, on atteint un pic record dans la maison (jusqu’à 76 000 μW/m2) sur son ordinateur portable. La densité de puissance chute à 3 000 μW/m2 une fois le Wi-Fi éteint, et à 720 μW/m2 (bruit de fond incluant le thermostat Hilo) après désactivation de la fonction Bluetooth. Je lui ai donc recommandé d'utiliser une souris filaire et de naviguer sur le Web en branchant son portable dans un modem ou routeur avec un câble Ethernet (plus rapide, plus cybersécuritaire et sans danger). Les méfaits du Wi-Fi pour la santé sont bien documentés.
Il faudrait tirer un câble Ethernet de quelques mètres à partir du salon où se trouve le modem Wi-Fi et la passerelle Hilo. J'ai mesuré une densité de 17 000 μW/m2 à environ un mètre de ceux-ci. Ironiquement, la passerelle est câblée au modem pour assurer la sécurité des données entrant et sortant de la maison, mais Hydro ne se préoccupe nullement des effets de son rayonnement sur le vivant à long terme.
Bref, la question se pose : si l’on veut aider Hydro à réduire la demande de pointe, vaut-il mieux recevoir 113 $ de récompense par année en utilisant des appareils soi-disant « intelligents » qui nous exposent à des ondes nocives, ou simplement utiliser des thermostats dont on programme nous-même les températures de consigne à divers moments de la journée et de la nuit? Rénover une maison inefficace, on l’a vu dans l’exemple de Mme Colalillo, est bien plus payant.
On peut certes blinder les ondes émises par les appareils communicant sans fil, mais il est toujours mieux de les câbler, par précaution. Comme l’explique l’expert en hygiène électromagnétique Stéphane Bélainsky, de la firme EM3E, coller un blindage trop proche d’un appareil à antenne réduit l'efficacité de ce blindage. « Si on désire grandement couper le signal [Wi-Fi ou ZigBee], enfermer l’appareil dans une boîte de carton plus grande de 15 cm de chaque côté et la doubler de papier d’aluminium ou de tissu de blindage. Mais la borne sera alors beaucoup plus difficile à utiliser puisque son signal sera grandement diminué. Blinder des appareils Wi-Fi et les utiliser ensuite pour télécharger des données est un peu ridicule, car les antennes des dispositifs à proximité des personnes seront toujours et encore plus actives : mieux vaut utiliser une connexion filaire et désactiver les multiples antennes de nos appareils. Ou si l’on désire utiliser une borne Wi-Fi, l'éloigner des êtres vivants et la désactiver lorsqu’elle n’est pas utilisée. Les émissions d’ondes inutiles composent la majorité de nos expositions domestiques. »
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