
Dossier basé sur deux articles de Robert J. Pierson parus sur le site d'Ecohome, associé anglocanadien de l'organisme québécois Écohabitation.
Au Royaume-Uni, comme il est devenu évident que la mousse de polyuréthane giclée (pulvérisée) peut parfois causer la pourriture prématurée des structures en bois comme les toits, plusieurs prêteurs hypothécaires, courtiers et assureurs refusent de traiter avec les propriétaires de maisons isolées avec ce produit subventionné et détaxé par le gouvernement. Cet isolant diffuse peu la vapeur et est carrément pare-vapeur à partir d'une épaisseur de deux pouces. En cas de condensation ou d'infiltration d'eau dans l'enveloppe du bâtiments, il ralentira ou empêchera l'assèchement du bois et autres matières poreuses mouillées, favorisant la pourriture. L'isolant devra alors minutieusement ébréché ou dissout, ce qui endommage souvent les matériaux sous-jacents et coûte plus cher que la pose du polyuréthane. Par exemple, les poutres en bois, les terrasses de toit et d'autres composants structurels peuvent être gravement compromis lors de l'enlèvement, parfois au point qu'ils doivent être entièrement remplacés. Le polyuréthane peut aussi masquer des infestations de termites et autres insectes. L'ampleur du problème est peu documenté, mais l'isolation des structures de toit au polyuréthane est une pratique peu répandue au Québec.
« Notre conseil est de ne pas paniquer, dit l'alliance des propriétaires britanniques. Si vous avez de la mousse pulvérisée dans votre toit depuis plusieurs années, que vous n'avez rencontré aucun problème et que vous n'envisagez pas de vendre votre maison dans un avenir proche, il est peu probable qu'il y ait une bonne raison de la faire enlever. »

Robert J. Pierson d'Ecohome explique que l'isolant de polyuréthane giclé est souvent présenté comme une option respectueuse de l'environnement en raison de son grand potentiel d'économie d'énergie. « En créant un joint hermétique, il réduit le besoin de chauffage et de refroidissement, ce qui peut réduire l'empreinte carbone globale d'une maison. Cependant, les avantages environnementaux vantés par les fabricants et les installateurs peuvent être éclipsés par des inconvénients importants, en particulier lorsqu'il s'agit de retirer et d'éliminer cette isolant problématique. Les allégations environnementales et de durabilité souvent faites au sujet de cet isolant méritent un examen minutieux, en particulier en regard de la loi canadienne C-59 portant notamment sur les déclarations environnementales trompeuses (ce que l’on appelle l’écoblanchiment), entrée en vigueur le 20 juin 2024. » Comme l'explique la firme d'avocats BLG, « des parties privées, comme des activistes environnementaux, de porter plainte directement au Tribunal de la concurrence dès la mi-2025 ».
Directeur technique et chef du service conseil chez Écohabitation, l'ingénieur Benjamin Zizi nuance au sujet de cette controverse (en utilisant le terme courant uréthane) :
« Ecohome ont leur propre ligne éditoriale [qui diffère de celle d'Éochabitation. On a eu des problèmes avec des toits qui ont de l'uréthane, parce que ceux-ci complétaient la cavité avec de la cellulose, et le tenaient avec du polyéthylène. Ceci fait qu'il y a deux pare-vapeurs et cause des problèmes de séchage.Pour l'uréthane, c'est loin d'être notre isolant préféré. Les toitures sont idéalement ventilées et très étanches. L'uréthane une fois sec peut craquer, de l'eau peut s'infiltrer, et de l'air aussi, avec un très faible pouvoir de séchage. Donc effectivement, les compositions avec l'uréthane directement appliqué sur le panneau d'appui d'une toiture sont plus à risque et moins résilientes que les compositions ventilées.Cependant encore une fois, plus à risque ne veut pas toujours dire automatiquement problématique. Les problèmes sont toujours multifactoriels. Je n'ai pas les informations suffisantes pour pouvoir dire qu'il y a eu beaucoup de statistiques de problèmes rencontrés ou non. »

Pour sa part, l'expert en bâtiment Sylvain Brosseau, président du Groupe Burex, déconseille cet isolant depuis plusieurs années. « En 2017, j’ai donné une conférence au Palais des congrès en disant que le nouveau cancer du bâtiment était l'uréthane. » L'isolation d'un mur ou d'une solive de rive au polyuréthane pose souvent problème si le revêtement extérieur est fini en maçonnerie. « Les dossiers concernant le polyuréthane, on en reçoit une quinzaine par mois. C’est souvent les dégoulinures de mortier [posé entre des briques, par exemple] qui vont favoriser la rétention d'eau dans les plans de drainage parce que le mortier bouche les chanteplures [ouvertures laissées entre les briques afin de permettre l'écoulement de la pluie]. Par conséquent l'humidité demeure emprisonnée au niveau de la solive de rive. L'eau va percoler à travers le pare intempéries et va attaquer le panneau intermédiaire [de bois] puis va aussi dégrader les extrémités de solives. Ça, on voit ça de façon très fréquente. C’est un cas classique de défaillance qui ne pardonne pas parce qu’un autre sous-système aggrave le problème au lieu d’aider à la régler. »
Cela se produit par exemple parce que les solives de rives qui séparent les planchers sont souvent isolées au polyuréthane par l'intérieur, poursuit-il : « Autrefois, les solives de rive éteint isolées avec de la laine [minérale], certaines n’étaient même pas isolées du tout. Quand de l’eau descendait derrière la brique, les gouttelettes étaient absorbées par capillarité dans le bois, mais à la longue le bois arrivait à sécher. Aujourd'hui ce qui ce qui arrive c'est que toutes les maisons sont isolées avec de l’uréthane du côté intérieur, donc la solive de rive va baigner dans l'eau puis elle va pourrir. Les extrémités des solives qui vont se joindre à la solive de rive, vont boire l’eau par capillarité à un point tel que quand que les gens nous appellent, c'est le dernier six pouces d’une poutrelle [sur laquelle repose le sous-plancher] qui a décroché du mur de fondation. On en à la tonne, de ces problèmes-là. C’est pas l’uréthane qui est le problème, par contre il faut comprendre qu'un système parfait n'existe pas. La minute que tu as un problème d'infiltration d’eau, tu n’as pas de chance de te reprendre parce que l’eau demeure emprisonnée parce qu’elle ne sèche plus à cause de l’uréthane. »
Les toits sandwich non ventilés sont aussi à risque d'une moindre défaillance, ajoute-t-il. « Si pour x raison j'ai un problème d'infiltration d'eau ou de condensation et je n'ai pas de ventilation, les structures pourrissent ou bien corrodent les éléments d’acier. J’ai des dossiers à la tonne de toits d’entrepôts qui rouillent. Pourquoi a-t-on des soffites, un pare-air/vapeur au plafond, un isolant et un bon système d'aération, une entrée d'air et une sortie d'air dans les toits? C’est que si j'ai un problème de condensation, l’excès d’humidité va pouvoir sortir; si j'ai un problème d'infiltration d'eau, l'eau va être bloquée par mon pare-vapeur [au lieu de couler sur le plafond de gypse] puis va sécher. Un système parfait, ça n'existe pas, mais des systèmes trop restreints, ça ne donne pas de chance. »
Cet isolant pose aussi problème en cas d'inondation d'un sous-sol, précise ChatGPT :
« Lorsqu'un sous-sol isolé avec du polyuréthane est inondé, plusieurs choses peuvent se passer avec l'isolant :
Absorption d'eau : Le polyuréthane est généralement résistant à l'eau, mais il peut absorber une certaine quantité d'humidité, surtout si l'eau reste en contact avec l'isolant pendant une longue période. Cela peut conduire à une dégradation de l'isolant et à une diminution de son efficacité thermique.
Déformation : L'exposition prolongée à l'eau peut provoquer des gonflements ou des déformations du polyuréthane. Cela peut affecter la forme et la structure de l'isolant, le rendant moins efficace pour maintenir la température.
Détérioration de l'adhésif : Si le polyuréthane est fixé avec un adhésif, l'eau peut affaiblir ou dissoudre cet adhésif, entraînant un détachement ou un déplacement de l'isolant.
Moisissures et champignons : Bien que le polyuréthane soit résistant à la moisissure, l'humidité persistante dans l'espace peut favoriser la croissance de moisissures ou de champignons sur d'autres matériaux en contact avec l'isolant.
Effritement ou dégradation : Si le polyuréthane est en contact direct avec l'eau pendant une période prolongée, il peut se dégrader, s’effriter ou se désintégrer, réduisant ainsi ses propriétés isolantes.
Pour minimiser les dégâts, il est essentiel de résoudre la source de l'inondation et de sécher soigneusement le sous-sol dès que possible. Dans certains cas, il peut être nécessaire de remplacer l'isolant endommagé pour restaurer pleinement les capacités d'isolation et éviter des problèmes futurs. »
Les difficultés et risques de l'élimination du polyuréthane
Robert J. Pierson poursuit :
« L'un des défis les plus importants de l'isolation en mousse pulvérisée - à la fois à cellules fermées et à cellules ouvertes - est son adhérence tenace aux matériaux de construction. Cette mousse est conçue pour se dilater (l'expansion du liquide appliqué est de 30 à 60 fois son volume d'origine) et se lier fermement aux surfaces, remplissant chaque fissure et crevasse pour créer une isolation et un pare-air continus. Bien que ces propriétés le rendent efficace en tant que système d'enveloppe du bâtiment, cela rend également l'élimination incroyablement difficile. Et, si vous recherchez soigneusement en ligne, vous découvrirez également qu'à moins que l'applicateur ne le mélange parfaitement, la mousse giclée est également connue pour rétrécir et se fissurer, éliminant cette étanchéité à l'air et cette efficacité magiques. (Lire Isolant de polyuréthane : les dangers d’une installation bâclée.)
Lorsque la mousse pulvérisée doit être enlevée, que ce soit en raison de problèmes d'humidité, de réparations structurelles, d'un changement de stratégie d'isolation ou en cas de problèmes de santé associés à la mousse pulvérisée dans les maisons, le processus est exigeant en main-d'œuvre et coûteux. »
Comme l'explique le Répertoire toxicologique de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail du Québec : « Les polyuréthanes sont obtenus par le mélange de deux constituants :
- une partie constituée d'une résine de polyols, de catalyseurs (amines secondaires ou tertiaires), des agents d'ignifugation, de stabilisants;
- une autre partie constituée d'isocyanates. »
Les isocyanates et autres composés organiques volatils émis par le polyuréthane posent de sérieux risques au moment de son application : ils peuvent proquer l'asthme et la pneumopathie d'hypersensibilité, d'où l'importance de porter un respirateur lorsque le polyuréthane est giclé. Mais il est préférable de poser tout isolant plastique à l'extérieur de l'enveloppe du bâtiment car leurs ignifugeants (aussi appelés retardateurs de flamme) peuvent causer des problèmes d'allergie. C'est ce qu'a constaté le baubiologiste Ralph Baden, qui oeuvre pour le gouvernement du Luxembourg, chez un enfant dormant sous un plafond isolé au polyisocyanurate (des panneaux de polyuréthane). Ses symptômes cutanés ont disparu après l'enlèvement de cet isolant. Rappelons que les isolants plastiques sont combustibles (puisque fabriqués à partir de pétrole) et doivent être protégés par un matériau coupe feu, d'autant plus qu'ils dégagent des fumées hautement toxiques en cas d'incendie. « En cas de feu, le polyuréthane et ses retardateurs de flamme peuvent dégager des gaz toxiques tels que le cyanure d'hydrogène, le monoxyde de carbone, et des particules fines. Ces substances sont dangereuses en cas d'exposition prolongée ou en forte concentration, pouvant entraîner des problèmes respiratoires graves, des troubles neurologiques, et d'autres effets délétères pour la santé », comme le rappelle ChatGPT.
Le polyuréthane est l'isolant au plus haut potentiel de toxicité, selon l'évaluation du réseau américain des bâtiments sains (Healthy Building Network), rebaptisé Habitable Future. « Les retardateurs de flamme halogénés sont considérés comme très préoccupants car ils peuvent être persistants et toxiques», écrit l'organisme.
Le processus d'enlèvement pose donc des risques pour la santé et la sécurité. « La mousse pulvérisée peut libérer des produits chimiques nocifs et de la poussière dangereuse lorsqu'elle est perturbée, ce qui nécessite l'utilisation d'équipements de protection et d'équipements spécialisés, écrit Pierson. De plus, l'élimination de la mousse nécessite une manipulation prudente pour se conformer aux réglementations environnementales, ce qui augmente encore le coût et la complexité du projet.
Cette difficulté d'enlèvement non seulement ajoute au fardeau financier pour les propriétaires, mais complique également toute rénovation ou réparation future. Si un toit doit être réparé ou remplacé, ou si d'autres éléments structurels sont endommagés, la présence d'une isolation en mousse pulvérisée peut augmenter considérablement le temps et le coût nécessaires pour terminer le travail. »
Et les défis ne s'arrête pas là, comme le précise Pierson.
Impact sur le recyclage des matériaux et la durabilité
« Les défis associés au retrait de l'isolation en mousse pulvérisée vont au-delà de la difficulté immédiate de s'en débarrasser. Les qualités mêmes qui rendent la mousse pulvérisée difficile à enlever entravent également le recyclage possible des matériaux de construction. Une fois que la mousse pulvérisée a collé au bois, au métal ou à d'autres substrats, il devient presque impossible de séparer la mousse du matériau sans causer de dommages. En conséquence, les matériaux qui pourraient autrement être recyclés sont souvent rendus inutilisables et finissent par être jetés comme déchets allant directement à la décharge.
Ces déchets présentent un problème environnemental important. L'industrie de la construction et de la démolition est déjà un contributeur majeur aux déchets de décharge, et l'incapacité de recycler les matériaux contaminés par l'isolation en mousse pulvérisée rend ce problème encore pire. Au lieu d'être réutilisés ou recyclés, ces matériaux contribuent au problème croissant des déchets de construction, sapant les revendications de durabilité souvent associées à l'isolation en mousse pulvérisée.
En outre, l'élimination de l'isolation en mousse pulvérisée elle-même est problématique. La mousse pulvérisée est composée de produits chimiques synthétiques qui ne se décomposent pas facilement dans l'environnement. Lorsqu'elle est retirée d'un bâtiment, la mousse doit être éliminée de manière à minimiser l'impact environnemental, nécessitant souvent des méthodes de manipulation et d'élimination spécialisées. Ces processus s'ajoutent à l'empreinte carbone globale du matériau, ce qui nuit davantage à ses avantages environnementaux revendiqués.
Remettre en question les revendications environnementales de l'isolation en mousse pulvérisée
Compte tenu des difficultés associées au retrait, à la réparation et au recyclage, la durabilité environnementale de l'isolation en mousse pulvérisée est remise en question. Bien que le matériau puisse offrir des économies d'énergie à court terme, les coûts environnementaux à long terme peuvent être importants. L'incapacité à recycler les matériaux de construction qui ont été contaminés par de la mousse pulvérisée, combinée aux défis de l'élimination en toute sécurité de la mousse elle-même, suggère que l'isolation en mousse pulvérisée n'est peut-être pas aussi écologique qu'elle est souvent décrite.
Pour les propriétaires et les constructeurs engagés dans la durabilité, il est essentiel de peser ces impacts environnementaux à long terme par rapport aux avantages immédiats de l'isolation en mousse pulvérisée. Des matériaux d'isolation alternatifs, tels que la cellulose, la laine minérale ou même certains types de fibres naturelles comme le bois et le chanvre, peuvent offrir une solution plus durable sans les difficultés associées à l'enlèvement et à l'élimination.
Les implications plus larges pour les pratiques de construction durable
Les problèmes entourant l'isolation en mousse pulvérisée soulignent l'importance de prendre en compte le cycle de vie complet des matériaux de construction lors de la prise de décisions de construction et de rénovation. Les pratiques de construction durable ne devraient pas seulement se concentrer sur l'efficacité énergétique immédiate d'un matériau, mais aussi sur son impact environnemental à long terme, y compris la façon dont il est enlevé, éliminé et s'il peut être recyclé.
Dans le cas de l'isolation en mousse pulvérisée, l'expérience britannique des maisons dont la mousse pulvérisée devient invendable sert de mise en garde, illustrant les pièges potentiels de s'appuyer sur un matériau qui, bien qu'efficace à court terme, peut créer des défis importants à long terme. Alors que les propriétaires et les constructeurs nord-américains cherchent à créer des maisons plus durables et respectueuses de l'environnement, il est crucial de considérer le plein impact environnemental de l'isolation en mousse pulvérisée et d'explorer des alternatives qui peuvent offrir un meilleur équilibre entre l'efficacité énergétique et la durabilité à long terme. »
1. La section 6 de la partie 5 de la loi C-59 modifie la Loi sur la concurrence pour, notamment :
b) améliorer l’efficacité des dispositions qui traitent de comportement anti-concurrentiel, notamment en permettant au commissaire d’examiner les effets des accords et des arrangements antérieurs, en veillant à ce que l’ordonnance rendue en cas de refus de vendre puisse permettre de remédier au refus de fournir un moyen de diagnostic ou de réparation et en exigeant que les indications visant les avantages d’un produit pour la protection ou la restauration de l’environnement soient appuyées par des épreuves suffisantes et appropriées et que les indications visant les avantages d’une entreprise ou de ses activités pour la protection ou la restauration de l’environnement soient appuyées par des éléments corroboratifs suffisants et appuyés.
Sources : https://www.ecohome.net/latest/