Me voilà de retour de Santa Fe, au Nouveau-Mexique, où j'ai assisté durant cinq jours à un séminaire passionnant sur la physique et la biologie du bâtiment (lire le syllabus) organisé par l'International Institute for Building Biology & Ecology. La biologie du bâtiment (ou bau-biologie) est une science du bâtiment créée en Allemagne en 1976. Les deux instructeurs en baubiologie, le consultant ontarien Stephen Collette et l'architecte américaine Paula Baker-Laporte, ont su faire partager avec brio leurs expériences et leur enthousiasme afin d'inciter à construire des bâtiments qui favorisent la santé humaine et planétaire.
Au-delà du contenu du séminaire, ce sont les rencontres que j'y ai faites qui m'ont le plus marquée. Je me rappelle une connaissance me citant une étude qui concluait que les personnes se disant hypersensibles aux champs électromagnétiques étaient incapables de reconnaître la présence ou non de certaines ondes dans leur environnement, et donc de savoir si celles-ci pouvaient s'avérer la cause de leurs souffrances. La prochaine fois qu'on me parle de cette étude biaisée, je vais rétorquer en leur parlant des personnes électrohypersensibles que j'ai rencontrées lors de ce séminaire. Toutes ont été très malades mais se sont rétablies, ou sont en voie de le faire, en prenant leur santé en main et en réduisant leur exposition à toutes formes de pollution.
Des gens inspirants
Shawn, un jeune homme dans la vingtaine qui travaillait dans les technologies de l'information, est devenu électrohypersensible à force d'être en contact étroit avec tant d'ondes électromagnétiques. Lucy, qui souffre d'électrohypersensibilité depuis plus de 20 ans et qui a dû quitter Toronto pour s'exiler dans les bois afin de retrouver sa santé. Dave, un prof de science devenu hypersensible aux produits chimiques peu après qu'un compteur intelligent eut été installé chez lui. Sherry, mère d'un enfant autiste, à la quête de solutions permettant à son garçon de s'épanouir pleinement. Laura qui a souffert ainsi que plusieurs de ses collègues à force de travailler dans un bâtiment malsain. David, un geek qui adore la physique et fait tout ce qu'il peut pour aider sa copine qui souffre d'hypersensibilité aux ondes.
Et d'autres... Margaret, qui souffre d'hypersensibilité aux ondes et aux produits chimiques et dont son ex-mari était convaincu qu'elle souffrait de schizophrénie. Jasen, devenu malade à force de travailler dans les technologies audiovisuelles et qui a compris l'origine de ses maux lors d'un voyage en Europe. Cheryl, devenue très malade tout comme ses enfants en déménageant dans leur nouvelle maison qui a rapidement été infestée de moisissures. Et Charlie, une femme incroyable atteinte de la maladie de Lyme qui a souffert d'hypersensibilité aux ondes, aux produits chimiques et à la moisissure, et qui s'en est sortie. Elle est devenue une encyclopédie ambulante et pourrait pratiquement décrocher des doctorats en biologie, médecine et soins dentaires.
Des sondes humaines
Plusieurs de ces personnes sont de véritables détecteurs de champs électromagnétiques sur deux pattes. Les plus atteintes savent immédiatement si un modem sans fil s'allume, ou si la personne à leurs côtés télécharge une vidéo sur son téléphone intelligent. Malgré les difficultés évidentes que pratiquement tous les participants ont vécues, entrer en contact avec eux fut extrêmement enrichissant et inspirant. Ils sont tous mus par le désir d'éduquer les autres autour d'eux, afin qu'ils ne perdent pas autant d'années qu'eux à découvrir la source de leurs maux et à trouver leurs solutions. Un très grand nombre souffre de la maladie de Lyme; il semblerait que cette maladie soit un élément déclencheur d'hypersensibilités. Avec l'arrivée récente de tiques infectées au Canada, nous aurions tout avantage à réduire les polluants dans notre environnement afin d'éviter des souffrances handicapantes à ceux qui contracteront la maladie.
Toute personne qui passe beaucoup de temps dans un bâtiment – autrement dit, tout le monde! – aurait avantage à en connaître davantage sur la physique du bâtiment, par exemple sur les besoins de ventilation. Comme tous les mangeurs devraient s'informer sur la qualité de leur alimentation! Et encore plus particulièrement ceux qui souffrent de maladies chroniques. Parfois, le bâtiment est à l'évidence l'élément déclencheur de maladies, comme l'intolérance aux moisissures dont souffrent les habitants d'un bâtiment qui en est infesté. Dans d'autres cas, bien que le bâtiment ne soit pas nécessairement la cause première d'une maladie, il peut néanmoins très souvent faire partie de la solution.
Plus que tout, je souhaite qu'on améliore les pratiques de construction pour que tous les bâtiments soient sains. Les bâtiments sains peuvent être carrément un outil de prévention pour la santé publique, aussi important que la bonne alimentation et l'activité physique.
Pour aller au-delà des témoignages anecdotiques, nous avons besoin d'études épidémiologiques afin de mieux cerner les différents polluants et les doses acceptables. Mais en attendant, il est sage d'être à l'écoute de ceux qui nous entourent et de réduire notre exposition aux polluants probables en adoptant la stratégie ALARA : As Low As Reasonably Achievable (aussi bas que raisonnablement atteignable).
Pourquoi la bau-biologie?
Docteure en génie du bâtiment spécialisée en énergie solaire, j'ai commencé à m'intéresser à la bau-biologie car certains des sujets qu'elle abordait avaient piqué ma curiosité. Par exemple :
- Pourquoi (quels avantages) et comment concevoir des murs sans pare-vapeur?
- Est-ce que les ions négatifs ont vraiment une incidence sur la santé? Si oui, comment concevoir des bâtiments, des systèmes de ventilation, qui favorisent leur présence?
- À quel point les ondes électromagnétiques sont-elles nocives? Comment réduire notre exposition à l'électrosmog dans nos maisons?
Après avoir entendu certaines des recommandations faites par des bau-biologistes, je voulais en savoir plus et les rencontrer pour en discuter. Honnêtement, au début, j'étais un peu sceptique, je pensais qu'ils étaient peut-être un peu trop hippies pour moi! Mais finalement, je me suis rendu compte que leurs recommandations étaient basées sur la science, et qu'elles se montraient bien raisonnables, à mon avis.
La formation en génie du bâtiment que j'ai suivie à l'Université Concordia est surtout orientée sur la performance énergétique des bâtiments, trop peu sur l'impact des bâtiments sur les gens. Je voulais combler cette lacune.
J'ai alors décidé de suivre la formation pour décrocher la certification Building Biology Practitioner. Il suffit de télécharger les documents pour un cours en particulier et de répondre aux questions en ligne afin de prouver qu'on a lu et assimilé le matériel. Pour aller plus loin, il faut suivre trois séminaires pour devenir un Building Biology Environmental Consultant, ou un Electromagnetic Radiation Specialist.
C'est surtout l'idéal de prévention de la bau-biologie qui m'a le plus marquée. J'aime bien son approche qui consiste à mesurer les contaminants avec des instruments scientifiques, pour ensuite réduire notre exposition aux produits toxiques autant que possible. Nous dépensons beaucoup de ressources afin de déterminer un niveau de toxicité « acceptable », qui ne causera pas trop de problèmes de santé à court terme chez des personnes en bonne santé. Mais évidemment, les enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées et les malades sont affectés davantage! Alors pourquoi ne pas tout simplement éviter les produits qu'on sait toxiques, au lieu de dépenser beaucoup d'argent et de temps à débattre afin de trouver à quel niveau tel ou tel produit est acceptable?
Comme mère, je suis plutôt horrifiée de l'état assez lamentable de nos écoles. Ventilation insuffisante, problèmes de moisissure… Mais bon, c'est pratiquement le même problème partout! Je vis au Danemark, où les garderies existantes n'ont pas de système de ventilation, et le niveau de CO2 moyen est de l'ordre de 4 000 ppm. Et il y a sûrement une foule de contaminants pire que le CO2 qui s'accumulent dans nos maisons.
Les solutions sont faciles, et même souvent pas très dispendieuses, il n'y a aucune raison de ne pas agir. La science va continuer d'évoluer, mais il ne faut pas attendre qu'on sache exactement tous les torts qu'une substance puisse causer avant de commencer à s'en protéger.
Pour les CEM, j'en ai conclu qu'on a suffisamment de preuves scientifiques pour commencer à se protéger dès maintenant. Il est clair que certaines personnes sont hypersensibles aux CEM, et celles-ci ont le droit d'être protégées. Comme il semble probable qu'une surexposition puisse mener à l'hypersensibilité, il me semble logique de faire attention afin de limiter l'exposition aux CEM pour tout le monde. Et comme les enfants sont proportionnellement plus exposés que les adultes, et qu'ils sont aujourd'hui en contact avec une multitude de technologies sans fil, comme les moniteurs pour bébés, les cellulaires et les tablettes, pratiquement dès leur naissance, nous devons absolument être très vigilants avec tout ça et appliquer le principe de précaution.
En fin de compte, concernant les ions négatifs, je n'en ai pas appris suffisamment au cours du séminaire de Sante Fe, mais en faisant des recherches, je suis tombée sur plusieurs articles scientifiques démontrant leurs bienfaits sur la santé. Il est donc tout à fait sensé d'essayer de concevoir nos maisons et systèmes de ventilation de façon à conserver les ions négatifs. Comme ils sont attirés par toute charge opposée, ils sont absorbés et détruits par les matières plastiques.
Pour en savoir davantage
buildingbiology.net (USA)
baubiologie.fr (France)
Baubiologie : les 25 règles de base
Concernant les pare-vapeurs, lire mon article sur le Forum Building Green 2016 de Copenhague
Sur l'ionisation, lire sur comment la combinaison air sec/champs électriques/plastiques génère de l'électricité statique qui augmente les infections dans les hôpitaux : Building health: The need for electromagnetic hygiene?
Valeurs indicatives en baubiologie SBM-2015 pour les zones de repos)
Champs électromagnétiques : douze façons de se protéger
Résumés de plusieurs études scientifiques sur l'électrohypersensibilité