J'ai eu le plaisir de visiter le 6e forum Building Green qui s'est tenu les 2 et 3 novembre derniers, à Copenhague. Ce salon professionnel est le plus grand du Danemark et porte sur les bâtiments durables à faible consommation énergétique. Même si la majorité des activités se déroulaient en danois, plus de 150 entreprises européennes y étaient présentes et d'éminents experts y ont donné des conférences en danois et en anglais.
Le thème de cette exposition était Constructions durables en milieux urbains. Voici une sélection de produits et extraits de conférences qui y ont attiré mon attention.
Matériaux durables pour un bâtiment sain
Innogie est un nouvel acteur dans le marché des panneaux photovoltaïques intégrés à la toiture. Cette entreprise danoise a remporté le Danish Design Award en 2016 pour son concept de toit solaire aux cellules PV en mince couche de tellure de cadmium (CdTe) appliquée entre deux verres conducteurs. Ce produit est conçu pour remplacer le revêtement de toit au lieu d'être simplement posé par dessus comme dans la majorité des installations. Son design particulier avec un cadre extrêmement mince permet d'installer une plus grande quantité de cellules solaires sur une surface donnée. Un tel design représente aussi un atout dans les climats froids où les cadres des panneaux solaires typiques favorisent l'accumulation de la neige, ce qui réduit la production d'électricité solaire en hiver. Innogie offre également l'option d'intégrer une pompe à chaleur et des batteries (reliées au réseau) afin d'augmenter la part de l'électricité solaire consommée localement.
Difficile d'ignorer Xella, l'un des commanditaires principaux de cette exposition, et son système de construction Ytong. Cette entreprise manufacture des blocs de béton cellulaire (autoclaved aerated concrete blocks) qui ont reçu la prestigieuse certification américaine Cradle to Cradle (C2C) de niveau bronze, dont le niveau or au chapitre de la salubrité. Ces blocs à base de sable, chaux, gypse et ciment sont à la fois solides et isolants. Une faible quantité de poudre d'aluminium est ajoutée, ce qui génère de l'hydrogène créant des microcellules remplies d'oxygène qui remplace l'hydrogène qui s'échappe complètement.
Inventés en Suède en 1929, les blocs de béton cellulaire ont plus tard donné naissance à la première marque de commerce pour un matériau de construction, Ytong. Extrêmement répandus en Europe et aux États-Unis, ces blocs inertes n'émettent aucun composé organique volatil, sont incombustibles et permettent de créer des murs à la fois étanches à l'eau et à l'air mais perméables à la vapeur d'eau. Considérant qu'un mur de 8 po (20 cm) a une valeur R de 10, il est toutefois nécessaire d'augmenter sa valeur isolante. Xella offre également les panneaux isolants intérieurs Multipor constitués des mêmes matériaux mais procurant une valeur isolante de R-3,4 par pouce. Puisque ces panneaux se montrent également perméables à la vapeur d'eau et possèdent une grande action capillaire, il n'est pas nécessaire d'utiliser un pare-vapeur derrière le Multipor. Ces blocs contribuent donc à modérer les fluctuations d'humidité à l'intérieur et évitent toute possibilité de condensation et de développement subséquent de moisissures. Depuis 1971, Xella fabrique aussi les fameux panneaux Fermacell, de gypse renforcé à 20 % de fibres de cellulose (papier recyclé).
Trois entreprises regroupées au même endroit exposaient des matériaux peu utilisés en Amérique du Nord mais fort intéressants. Byg Sundt, Hunton et Dansk Træfiberisolering présentaient des produits à base d'argile et de bois sous diverses formes. Ces deux matériaux ont de nombreux avantages : entièrement naturels, masse thermique intéressante, perméables à la vapeur d'eau... La danoise Dansk Træfiberisoleringdistribue des enduits à base d'argile et de panneaux d'argile de l'entreprise allemande Claytec. La norvégienne Hunton offre des panneaux de fibre de bois pour plusieurs usages : pare-air et contreventement extérieur pour les murs, pare-air et sous-couche pour la toiture, sous-couche pour les planchers... La danoise Dansk Træfiberisolering fabrique de l'isolant de fibre de bois en vrac, soufflée comme de la cellulose. Utilisée couramment au Canada il y a plusieurs décennies, la fibre de bois en vrac serait un produit à redécouvrir! Un matériau naturel, durable et sain, et une belle façon de valoriser les rebuts de l'industrie.
De grandes entreprises étaient aussi présentes, telles que VELUX avec ses puits de lumière, Saint-Gobain avec ses vitres haute performance et Gaia Solar avec ses panneaux solaires intégrés. Des artisans locaux y trouvaient aussi leur place, tels que PermaByg, une petite entreprise danoise offrant la construction de bâtiments sains préfabriqués à base de murs de paille, panneaux de fibre de bois et enduits de chaux, ainsi que HouseNglass, qui se spécialise dans l'intégration de solariums aux maisons.
Conférences locales et internationales inspirantes
En plus des nombreux exposants, plus d'une quarantaine de conférences et ateliers se sont déroulés au cours des deux journées de Building Green.
Une conférence organisée par le Teknologisk Institut portait sur l'isolation intérieure des bâtiments existants et la moisissure. Contrairement au Canada, il n'est pas obligatoire au Danemark d'installer une membrane pare-vapeur. Ce qui peut paraitre assez surprenant, considérant que ce pays est doté d'un climat hivernal relativement froid avec beaucoup de précipitations. La spécialiste de l'Institut, Britt Haker Høegh, a montré beaucoup d'exemples où des experts, appelés à investiguer des résidences privées, ont constaté une détérioration importante des murs due à de la moisissure. Dans la plupart des cas, il s'agissait de bâtiments en maçonnerie rénovés en ajoutant de l'isolation à l'intérieur. Souvent, aucun pare-vapeur n'avait été installé, de sorte que l'air humide s'était condensé à l'interface entre l'isolant et la maçonnerie. Par contre, dans de nombreux autres cas, une membrane pare-vapeur a été installée du côté chaud de l'isolant, mais d'importantes fuites d'air avaient permis à l'air chaud et humide de se condenser au contact de surfaces froides derrière le pare-vapeur. Cette accumulation d'eau n'ayant aucune possibilité de sécher à cause du pare-vapeur, la formation de moisissures s'est ensuivie.
L'expérience danoise met en évidence que la réponse traditionnelle du contrôle de l'humidité dans l'enveloppe du bâtiment, soit la présence d'un pare-vapeur du côté chaud de l'isolant, s'avère insuffisante pour préserver la durabilité de l'enveloppe. En réalité, sur le terrain, de nombreux détails sont difficiles à exécuter avec soin, de sorte qu'il est pratiquement impossible de construire un mur 100 % étanche à l'air et à l'eau. Un mur qui comporte un pare-vapeur et souvent un revêtement extérieur se montrant également peu perméable à la vapeur d'eau se comporte comme un sac de plastique et n'offre aucune possibilité de séchage si jamais de l'eau parvient à s'infiltrer.
Cette problématique peut être résolue par une autre stratégie : favoriser l'échange et le stockage de vapeur d'eau dans l'enveloppe du bâtiment. En utilisant des matériaux perméables à la vapeur d'eau, l'eau est libre de se diffuser à travers l'enveloppe. La clé pour éviter la condensation réside dans le choix d'un matériau intérieur hygroscopique, c'est-à-dire qui absorbe la vapeur d'eau, tel que l'argile, la terre crue ou le bois brut non fini.
La conférence la plus attendue était celle du docteur en chimie allemand Michael Braungart, cofondateur et directeur scientifique de McDonough Braungart Design Chemistry, la firme américaine derrière la certification Cradle to Cradle. Son discours est rafraichissant : « Cessez de devenir moins mauvais, devenez bon! » Il s'est même attaqué à la mode du développement durable, affirmant qu'être durable ne suffisait pas : « Si en vous demandant comment va votre relation avec votre mari, vous me répondez durable, j'aurai bien de la peine pour vous! » Il affirme haut et fort qu'il faut cesser de se culpabiliser, mais plutôt célébrer l'innovation et créer des produits qui purifieront l'eau et l'air et supporteront la biodiversité.
Parsemée d'exemples saisissants, sa présentation exceptionnelle fut inspirante et fort divertissante. Même teintée d'un bon cynisme déculpabilisant, lorsqu'il souligne que ne pas prendre soin de notre santé combat les changements climatiques et la surpopulation! « Vous voulez réduire votre empreinte écologique?, dit-il. Prenez l'ascenseur! Car savez-vous que dans le système alimentaire industriel, il faut dix calories d'énergie pour produire une calorie alimentaire? Et en plus, vous allez mourir plus tôt… »