Comme plusieurs gérants d'estrade, Mario Dumont discrédite le nombre croissant de personnes qui se disent intolérantes aux champs électromagnétiques (CEM), dont les radiofréquences (micro-ondes) émises par les antennes, compteurs de nouvelle génération et autres appareils sans fil. M. Dumont est tout simplement ignorant au sujet de ce syndrome, comme bien des médecins et autres personnes qui croient qu'il serait déclenché par l'effet nocebo (la peur que les ondes soient nocives).
Pourtant, dès l'an 2000, le Conseil des ministres nordiques (de 11 pays européens) a reconnu l'«intolérance électromagnétique» comme maladie professionnelle. Ses symptômes, incluant la fatigue, la nausée et les problèmes de mémoire et de concentration, disparaissent dans les «environnements non électriques », affirmait son rapport. En 2012, l'Association médicale autrichienne publiait même une ligne directrice sur le diagnostic et le traitement des problèmes de santé liés aux CEM. Celle-ci le confirmait : « La principale méthode de traitement doit consister dans la prévention ou la réduction de l'exposition aux CEM...»
La confusion est entretenue notamment par les nombreuses désignations de ce syndrome. L'oncologue parisien Dominique Belpomme préfère distingue la sensibilité et l'hypersensibilité électromagnétiques du syndrome d'intolérance aux CEM (SICEM) qu'il considère comme une « condition pré-alzheimer ». Nous sommes tous électrosensibles, car nos cellules corporelles produisent et réagissent à l'électricité. Mais très peu de gens sont électrohypersensibles (EHS), c'est-à-dire capables de sentir l'électricité. Selon le Dr Belpomme, le cerveau des personnes EHS contient des quantités anormales de magnétite (minéral ferromagnétique) transmise génétiquement ou leur corps contient passablement de métaux lourds ou d'implants métalliques qui agissent comme des antennes captant les ondes. Pour sa part, le SICEM est déclenché par une surexposition (parfois aiguë, souvent faible, mais chronique) à des substances - CEM, moisissures, pesticides ou solvants - qui endommagent le cerveau.
Je connais deux médecins de santé publique qui suivent des personnes atteintes du SICEM et qui leur prescrivent divers moyens de se protéger des CEM. Ces médecins refusent d'en parler publiquement, craignant les railleries ou les représailles de leurs collègues et patrons, voire du Collège des médecins. C'est qu'en 2005 l'Organisation mondiale de la santé (OMS) affirmait au sujet de ce qu'elle appelle (à tort selon le Dr Belpomme) l'hypersensibilité électromagnétique (HSEM) : « Il n'existe ni critères diagnostiques clairs pour ce problème sanitaire, ni base scientifique permettant de relier les symptômes de la HSEM à une exposition aux CEM. »
Selon le Dr Belpomme, cette affirmation est « un recul permanent de nature politique qui n'a rien de scientifique. L'OMS sera obligée de réviser son jugement dans les mois qui viennent. C'est un déni sociétal qui ne tient pas compte des connaissances actuelles, qui évoluent en permanence. »
La «maladie des ondes radio» fut décrite pour la première fois en 1932 par le médecin allemand Erwin Schliephake. Il avait remarqué que ses symptômes (grave fatigue, maux de tête intolérables, grande susceptibilité aux infections, etc.) étaient induits à proximité d'un transmetteur radio à des densités d'ondes ne provoquant pas d'effets thermiques. Dans les années 1950, des chercheurs russes ont nommé cette condition «maladie des micro-ondes».
S'il est vrai que les études de qualité en la matière sont rares, c'est surtout par manque de financement des chercheurs indépendants au profit des amis des industriels. Les industries des télécommunications et de l'électricité n'ont certes pas intérêt à financer des études qui pourraient leur nuire, pas plus que nos gouvernements qui imposent les compteurs intelligents sur nos maisons et le Wi-Fi dans les écoles. D'autant plus que l'État récolte annuellement des millions de dollars de taxes et d'impôts que génèrent ces industries, sans parler des revenus des baux pour l'installation d'antennes, notamment sur le toit des hôpitaux... Mais à quel coût pour notre société aux prises avec diverses épidémies sanitaires?
Pourtant, dès 1991, l'équipe du chirurgien cardiovasculaire texan William J. Rea avait démontré que l'on pouvait déclencher et éliminer des symptômes d'intolérance électromagnétique lors d'une expérience réalisée dans des conditions contrôlées et en double aveugle (à l'insu des chercheurs et des sujets). Les chercheurs ont d'abord stabilisé le système nerveux des sujets avec une diète saine et en les plaçant dans un environnement non pollué. Ils ont ensuite déterminé les fréquences précises auxquelles réagissaient 16 % des participants - de façon reproductible et souvent à retardement. Leurs symptômes étaient neurologiques, cardiaques, dermatologiques, respiratoires, digestifs, oculaires et musculo-squelettiques. En 2011, le biophysicien Andrew A. Marino, professeur de neurologie à l'Université de la Louisiane, réussissait le même exploit avec une collègue médecin, également intolérante aux ondes.
De quoi valider les prétentions de nulle autre que la Dre Gro Harlem Brundtland, mère du concept de développement durable, ancienne première ministre de la Norvège et ex-directrice générale de l'OMS. En 2002, elle demandait à des journalistes de mettre leurs cellulaires en mode avion, car ils lui donnaient un bon mal de tête. Depuis un accident survenu avec son four à micro-ondes, elle disait pouvoir détecter un cellulaire caché jusqu'à quatre mètres de distance!
«Environ 3 % des Canadiennes et des Canadiens ont reçu un diagnostic d'hypersensibilité environnementale, et ils sont beaucoup plus nombreux à souffrir d'une sensibilité quelconque aux traces de produits chimiques et/ou aux phénomènes électromagnétiques présents dans l'environnement», affirmait en 2007 le rapport Le point de vue médical sur l'hypersensibilité environnementale, publié par la Commission canadienne des droits de la personne. Des sondages ont montré que 10 % des Européens se plaignent d'intolérance aux ondes, et la toxicologue environnementale ontarienne Magda Havas, professeure d'études environnementales et des ressources à l'Université Trent, a remarqué que réduire l'exposition aux CEM améliore la santé (rythme cardiaque, glycémie et symptômes de sclérose en plaques) d'une personne sur trois. Le chercheur britannique Isaac Jamieson a pour sa part découvert que les champs électriques (combinés aux particules fines et aux microbes) peuvent déclencher des allergies, de l'asthme et des infections.
Il est donc primordial de protéger les enfants et autres personnes hypersensibles à toute forme de pollution. Il faut comprendre que les faibles expositions aux micro-ondes sont des agressions cumulatives qui à terme épuisent le système nerveux et que l'apparition des symptômes est précédée par des effets subtils que le Dr Belpomme a observés : circulation sanguine réduite au cerveau, hausse des protéines de choc thermique, baisse de la mélatonine (hormone du sommeil et anti-cancer), hausse de l'histamine, etc.
Et il faut comprendre aussi que les compteurs intelligents, qui émettent de très brèves salves de micro-ondes 24 heures sur 24, peuvent faire déborder le vase, car à long terme la dose reçue de ces appareils peut dépasser celle reçue d'une antenne ou d'un téléphone cellulaire, dont les torts à long terme sont de plus en plus documentés.
Des pays éclairés comme l'Allemagne et l'Autriche recommandent déjà de réduire notre exposition au Wi-Fi, en favorisant les connexions câblées et en mettant le routeur en mode avion autant que possible. Un jour, même les gérants d'estrade diront que c'est une mesure de précaution tout à fait sensée...
Pour en savoir davantage: Quand le vase déborde: l'intolérance aux ondes