Privée d’électricité depuis la mi-juin, Martine Deslongchamps doit notamment recharger chaque jour chez des voisins la pompe de sa douche de camping avec laquelle elle se lave. Elle utilise leur bouilloire pour chauffer l’eau qu’elle mélange à de l’eau froide dans un contenant de peinture de cinq gallons.
« Je suis vraiment chanceuse d’avoir des voisins si gentils, mais je suis fatiguée. Cet été, ça me prenait seulement deux bouilloires pour préparer ma douche parce que le soleil réchauffait ma maison. Maintenant il me faut une demi-heure pour chauffer quatre bouilloires et bientôt on va monter à six. Je dois aussi m’habiller chaudement : il fait 17 degrés Celsius chez moi en ce moment », me disait-elle le 25 septembre.
Hydro-Québec a coupé l’électricité dans la maison de Deux-Montagnes de cette enseignante à la retraite et lourdement handicapée, comme à 19 autres personnes, parce qu’elles refusent que la société d’État remplace son compteur d’électricité électromécanique par un compteur électronique à affichage numérique. Martine Deslongchamps dit ne pas tolérer les radiofréquences (RF) émises par les compteurs communicants ni l’interférence électromagnétique de hautes fréquences transitoires (HFT ou « électricité sale ») émise par ces appareils électroniques, incluant les compteurs « non communicants » (CNC) qui ne transmettent pas de données de consommation électrique par la voie des airs.
« J’ai de nombreux symptômes d'électrohypersensibilité (maux de tête, serrement thoracique, palpitation, douleurs ostéo-musculo-articulaires, fatigue, vertiges/pertes d'équilibre, problèmes digestifs et de concentration, saignement de nez, phosphène, bris de veines dans les yeux, vessie hyperactive, etc.) et je réagis à presque tous les types de CEM. De plus, j'ai des symptômes incommodants lorsque certains appareils produisant des HFT fonctionnent, comme le lave-vaisselle (il faut que je quitte la maison quand je l’utilise). Je réagis beaucoup à l’ordinateur, je l’utilise seulement 30 minutes deux ou trois fois par semaine et le débranche la nuit. J'ai un diagnostic de chimicosensibilité et des réactions respiratoires et cutanées importantes aux produits d'entretien, d'hygiène, vêtements et accessoires neufs comme les oreillers, la peinture, etc. Je sais que certaines personnes ne semblent pas avoir de symptômes évidents avec le CNC. Mais puis-je penser qu'avec mon hypersensibilité généralisée que je n'en aurai aucun alors que je possède des lettres de personnes électrohypersensibles qui ont des symptômes incapacitants avec le CNC? »
Elle explique sa condition : « J’ai notamment des hypersensibilités aux substances chimiques et aux champs électromagnétiques diagnostiquées par le Dr Louis Jacques [médecin spécialisé en médecine du travail, et santé publique et médecine préventive de l’Hôpital Notre-Dame affilié au Centre hospitalier de l’Université de Montréal] et confirmées en 2019 par l’IVAC [Indemnisation des victimes d’actes criminels]. »
Mme Deslongchamps dit avoir été hospitalisée à l’âge de cinq ans après que son père eut posé du tapis avec de la colle contact émettant des effluves pétrochimiques dans l’air. La Maison du 21e siècle a pris connaissance de la décision de l’IVAC qui confirme aussi qu’elle souffre notamment d’un syndrome stress post-traumatique (longtemps traité en psychothérapie) ainsi que de fibromyalgie avec fatigue chronique.
Elle raconte que son électrohypersensibilité a débuté en 1984, alors qu’elle s’est mise à réagir aux champs électromagnétiques (CEM) émis par le radio-réveil branché au mur et reposant sur sa table de nuit. « À l’époque, je ne savais pas du tout de quoi il s’agissait. C’est seulement quand j’ai réaménagé ma chambre et que mes symptômes sont disparus que j’ai réalisé qu’ils étaient déclenchés par le radio-réveil. Puis, dans les années 2000, j’enseignais les technologies de l’information et des communications, entourée d’ordinateurs. Chaque fois que j’entrais dans le labo, j’avais des palpitations, des maux de tête et des pertes d’équilibre. »
Les nombreuses demandes d’accommodement écrites par Martine Deslonchamps à son député, à divers ministres et au premier ministre François Legault sont restées lettre morte, hormis des accusés de réception. La Régie de l’énergie, la Commission québécoise des droits de la personne et des droits de la jeunesse ainsi que le Protecteur du citoyen ont également rejeté ses plaintes.
Son médecin de famille, Dre Marilou Croteau, a pourtant recommandé, dans un billet médical, de ne pas remplacer son compteur électromécanique par un compteur électronique, afin de préserver sa qualité de vie. (Le compteur mécanique est aussi dit analogique ou « à roulette » car il affiche la consommation au moyen de cadrans à aiguilles pointant vers des chiffres imprimés, plutôt qu'avec un affichage numérique électronique.)
Des coupures légales, mais utiles?
La Régie de l’énergie autorise Hydro-Québec à couper le service du 31 mars au 1er décembre chez ses clients pour défaut de paiement ou parce qu’ils refusent l’installation d’un compteur communicant ou même d’un compteur non communicant (CNC, une « option de retrait » qui coûte 85 $ d’installation et 2,50 $ par mois pour la relève humaine des données).
Il est interdit de bloquer l’accès à un compteur électrique puisqu’il appartient à la société d’État. Seule l’embase dans laquelle il se branche appartient au propriétaire d’un immeuble.
Depuis 2012, Hydro-Québec a remplacé presque tous ses compteurs électromécaniques par des modèles numériques. « Nous comptons sur notre réseau environ 4,2 millions de compteurs communicants, explique son porte-parole, Cendrix Bouchard. Nous comptons environ 52 000 compteurs nouvelle génération non communicants. Nous comptons environ 215 compteurs mécaniques d’ancienne génération qui émettent des radiofréquences. » Où sont installés ces derniers et pourquoi? « En raison des règles de confidentialité applicables à tous nos clients, nous ne pouvons pas vous indiquer où se trouvent ces compteurs, ni les circonstances entourant leur présence ou l’identité de nos clients chez qui ils se trouvent », répond M. Bouchard.
Il confirme que Martine Deslongchamps fait partie d’un groupe marginal : « En ce moment nous comptons 20 clients dont le service est interrompu parce qu’ils refusent que nous remplacions leur compteur périmé. Hydro-Québec se doit de remplacer les compteurs lorsqu’ils sont périmés conformément aux normes de Mesures Canada. Pour chaque compteur non remplacé dans pareille situation, Hydro-Québec s’expose à une amende quotidienne de 2 000 $ de Mesures Canada, ces frais auraient un impact sur les tarifs de l’ensemble des clients du Québec. » Il ajoute que le compteur de Mme Deslongchamps « est bien périmé depuis le 1er janvier 2019, soit depuis 57 mois ».
Celle-ci croit que son vieux compteur est encore valide et qu'en fin de vie il pourrait être remplacé par un autre appareil électromécanique : « Selon Mesures Canada, s'il y a une facturation liée à un compteur, ce qui est mon cas, cela signifie que le sceau de celui-ci a été reconduit. Ray Thériault, ancien spécialiste en métrologie pour cet organisme, m’a confirmé que si elle le désirait, Hydro-Québec pourrait faire reconduire le sceau si le compteur répondait toujours aux exigences de Mesures Canada. »
Martine Deslongchamps croit que « la date de validité du compteur inscrite sur le document d'Hydro-Québec [« Échéance du sceau de Mesures Canada »] correspond à sa date de premption. Il est écrit que le compteur est valide de 1991/11/06 (j'ai déménagé le 13 octobre 1991 à ce domicile) jusqu'en 9999/12/11. » Or, c'est impossible : d’après une thèse de maîtrise en génie électrique déposée en 2008 à l’Université Clemson, « la plupart des compteurs d'électricité ont environ 40 ans et approchent de la fin de leur durée de vie prévue » [certains durent 50 ans].
Quant aux compteurs communicants, leur durée de vie (du moins de leur batterie) est de 15 ans, selon le fabricant du modèle Focus AXR-SD, Landis+Gyr. Fournisseur de 80 % des compteurs communicants québécois, cette entreprise suisse a dû rembourser Hydro-Québec qui a dépensé 9,4 millions $ entre 2015 et 2018 pour remplacer 195 000 compteurs défectueux, soit 5 % de tous les appareils installés.
Mais pourquoi Hydro-Québec refuse-t-elle de remplacer les compteurs électromécaniques en fin de vie par des appareils similaires? « Aucun des fournisseurs connus d’Hydro-Québec, approuvés au Canada et par Mesures Canada, n’offre de compteur électromécanique sans affichage numérique, répond M. Bouchard. La Régie de l’énergie du Québec a autorisé l’installation de compteur dit ‘’nouvelle génération’’ ou d’un compteur numérique qui n’émet aucune radiofréquence et oblige une lecture manuelle par un employé d’Hydro-Québec. »
Pourtant, « aux États-Unis, une vingtaine de fournisseurs d’électricité américains offrent l’option d’un compteur électromécanique neuf ou remis à neuf n’émettant pas de RF », souligne Mme Deslongchmpas. C'est le cas notamment de Pacific Gas and Electric, en Californie, une des principales compagnies d'électricité américaines. « En raison de mon handicap, dit-elle, le CNC ne peut être considéré comme un accommodement raisonnable; il constitue simplement une deuxième option offerte à toute la population. »
L’entêtement d’Hydro-Québec, à sévir aussi radicalement auprès d'une vingtaine de clients, souvent très handicapées,1 laisse songeur…
Plus avantageux pour les compagnies d'électricité
Les compteurs communicants permettent à Hydro d’offrir des outils aux consommateurs pour suivre, comprendre et réduire leur consommation, dont les options tarifaires dynamiques visant à réduire la demande de pointe qui coûte une fortune à la société d’État, qui doit alors importer de l’électricité de source fossile polluante.
Mais selon l’expert en normalisation américain Timothy Schoechle, les compteurs communicants profiteraient davantage aux compagnies d’électricité qu’aux consommateurs. Leur installation a permis à Hydro-Québec d'abolir 700 postes de releveurs de la consommation des anciens compteurs. De plus, les nouveaux compteurs peuvent être désactivés et activés à distance, donc une fois de plus sans déplacer des employés. Idem pour leur mise à jour logicielle.
Selon un avocat de la compagnie d'électricité New Brunswick Power, les compteurs mécaniques perdent leur précision quand ils approchent de leur fin de vie : « Avec le temps, les compteurs analogiques ralentissent et enregistrent une consommation d'électricité inférieure à la réalité », a déclaré John Furey en 2020 devant la régie de l'énergie et des services publics de cette province, comme l'a rapporté CBC News. Les fournisseurs d'électricité perdent donc des revenus substantiels.
L’installation des compteurs communicants a coûté plus d’un milliard de dollars et la lecture à distance devait permettre à Hydro d’économiser 80 millions par année en coûts de relève humaine. Toutefois, les frais mensuels de 2,50 $ imposés aux gens choisissant un CNC ne couvrent pas les coûts de relève. En quatre ans (2015-2018), la lecture de 67 673 CNC a engendré un déficit de 2 millions de dollars, selon La Presse. Mais au cours des prochaines années, les compteurs communicants pourraient s'avérer rentables s'ils permettent à Hydro-Québec de réduire sensiblement la demande de pointe au moyen des tarifs dynamiques (plus chers entre 6h et 9h et de 16h à 20h par grands froids, et moins chers le reste de l'hiver).
L'intolérance aux ondes
Bien que l’électrohypersensibilité (EHS) soit un handicap reconnu mondialement, il ne s’agit pas d’un diagnostic médical officiel, comme le déclarait en 2005 l’Organisation mondiale de la santé dans un aide-mémoire sur ce qu’elle nomme hypersensibilité électromagnétique (HSEM) : « Il n'existe ni critères diagnostiques clairs pour ce problème sanitaire, ni base scientifique permettant de relier les symptômes de la HSEM à une exposition aux CEM ». L’OMS n’a pas mis cet avis à jour pour tenir compte des dernières études sur le sujet. Pour sa part, l’Agence nationale française de sécurité sanitaire (ANSES) se penche sur l’EHS depuis 2017. Depuis l'année dernière, elle soutient une étude axée sur des visites à domicile afin de « mieux connaître les personnes électrohypersensibles, et ainsi renforcer la qualité des recherches scientifiques sur l’électrohypersensibilité et la prise en charge médicale ».
Dès 1932, un médecin allemand, Dr Erwin Schliephake, a décrit pour la première fois une « maladie des ondes hertziennes » chez des patients vivant près d’antennes radio. Cela fut rapporté notamment en 2016 devant la Federal Communications Commission américaine et dans le cadre d’un symposium sur l’impact des technologies sans fil sur la santé tenu en 2021 à l’Hôpital Women’s College, de l’Université de Toronto.
« Dans les années 1950, des cliniques ont été établies à Moscou, Léningrad et autres villes de l’Union soviétique et de l’Europe de l’Est pour traiter des milliers de travailleurs souffrant d’une nouvelle maladie professionnelle. Elle fut nommée maladie des ondes radio », raconte l’auteur américain Arthur Firstenberg sur son site Cellular Phone Task Force. Le principal « traitement » qui leur fut administré fut une réaffectation qui permettrait de cesser leur exposition quotidienne aux ondes2.
La controverse des compteurs communicants
Depuis une décennie, dans de nombreux pays, des milliers de citoyens et des centaines de médecins ont témoigné que les compteurs « nouvelle génération », souvent qualifiés à tort d’« intelligents », causent des symptômes d’EHS. Selon le neurochirurgien australien Vini G. Khurana, c’est particulièrement le cas de gens vivant à moins de 10 pieds d’un ou plusieurs compteurs communicants, voire d’un compteur collecteur qui relaie au fournisseur d’électricité les données de consommation de jusqu’à 500 compteurs avoisinants. Plus de détails sur les effets biologiques de ces compteurs sont disponibles sur ce site américain de l'organisme Physicians for Safe Technology (médecins pour la technologie sécuritaire) : https://mdsafetech.org/smart-meters.
Une récente décision de la Cour d'appel de la Norvège « énonce sans équivoque le droit d'être exempté, pour des raisons de santé, à la fois des compteurs ''intelligents'' émetteurs de micro-ondes et de l'"électricité sale" produite par celui-ci, à condition qu'un certificat médical indique que les symptômes du patient sont conformes à ceux attribués à ... l'électrohypersensibilité », nous informe Einar Flydal, l'initiateur de l'appel. Il ajoute : « La contribution de chaque compteur "intelligent" pris séparément semble minime, mais pour les personnes particulièrement sensibles, et dans les cas où il y a des "interférences constructives" entre plusieurs sources, l'installation d'un compteur "intelligent", en activité continue toute la journée, tous les jours de l'année, peut constituer un grave problème de santé. »
Selon Hydro-Québec, ses compteurs nouvelle génération transmettent nos données de consommation seulement six fois par jour, mais la société d’État a admis à La Presse, en 2012, qu’ils pulsaient des ondes environ 1 500 fois par jour pour assurer leurs activités de synchronisation intermittentes au réseau. De plus, la société d'État affirme que les émissions moyennes d'ondes produites par les compteurs communicants respectent les limites du Code de sécurité 6 de Santé Canada. Mais celui-ci ne vise qu'à éviter l'échauffement des tissus humains (ces appareils utilisent des hautes fréquences dont des micro-ondes) et font fi des effets non thermiques causés par les pics d'émissions, comme le cancer et les symptômes d'hypersensibilité. Ces derniers ne font pas consensus dans la communauté médicale mais ils ont été reconnus par les tribunaux européens comme pouvant être déclenchés par l'exposition aux ondes.
En France, plusieurs personnes souffrant d’EHS ont gagné leur recours contre le fournisseur d’énergie Enedis et ont pu conserver leur compteur électromécanique. Cet été, la justice a ordonné le remplacement du compteur numérique Linky, pulsant les données sur le câble électrique, par un modèle classique, chez une femme hypersensible de 84 ans qui souffrait de terribles vertiges et maux de tête. « La nuit, lorsque Enedis interrogeait le compteur à distance, la vieille dame avait l'impression de recevoir des décharges électriques dans le corps », rapportait en juillet La Dépêche. « Dans un autre cas, précise Martine Deslonchamps, la cour a demandé de dépolluer [filtrer] l'électricité « sale » émise par les Linky environnants. »
Les compteurs communicants sont controversés pour d’autres raisons que les risques sanitaires. D’abord, à la suite d’un incendie survenu dans les embases de compteurs électriques d’un immeuble résidentiel montréalais, en 2013, la Corporation des maîtres électriciens du Québec (CMEQ) invitait les propriétaires « à faire inspecter aux cinq ans l'installation électrique de leur résidence par un maître électricien, en particulier les composantes exposées aux intempéries et aux écarts de température ainsi que les câblages en aluminium ». Malgré les nombreux compteurs numériques qui ont pris feu en Amérique du Nord, la porte-parole de la CMEQ, Danielle Dumas, est formelle : « Il n’y a aucun lien entre le type de compteur électrique en usage et la recommandation de faire inspecter l’installation électrique. » Ce n’est pas l’avis des auteurs du rapport The Discovery and Science of Smart Meter Fires (La découverte et la science des incendies de compteurs intelligents) qui racontent une tout autre histoire. Signé par deux experts en science des incendies et un ingénieur, ce rapport explique que les micro-ondes émises par ces compteurs peuvent faire surchauffer la gaine isolante de vinyle des câbles électriques des immeubles. Ceci parce que l’onde double ou quadruple en intensité après avoir rebondi sur une surface réfléchissante. Le feu survient typiquement à 15-25 pieds du compteur et entre un mois et deux ans après son installation.
Outre le risque d’incendie, il y a des risques de surfacturation, d’atteintes à la vie privée si les données de consommation devaient être partagées illégalement ainsi que des risques pour la santé de personnes surexposées à leur rayonnement de RF.
Les compteurs non communicants
En général, les personnes atteintes d’EHS qui optent pour le CNC disent ne pas en souffrir parce qu’il ne pulse pas de RF/micro-ondes dans l’air comme un compteur communicant et ne semble pas produire plus d’interférence de hautes fréquences transitoires (HFT) (l’« électricité sale ») que d’autres appareils électroniques, selon l’électricien Jean-Claude Morin et deux techniciens en hygiène électromagnétique, Stéphane Bélainsky d’em3e.com et José Lévesque de vert-techno.com, qui ont mesuré l’électricité sale émise dans des maisons avec des compteurs numériques. « Dans une maison avec déjà un peu d'électricité sale, nous ne pouvions mesurer de différence entre le compteur non communicant et le compteur mécanique, explique José Lévesque, également vice-président du Rassemblement Électrosensibilité Québec. Mais quelques-uns de nos membres ne semblent pas de cet avis et disent ressentir des désagréments avec le non communicant. »
Comme l’expliquait M. Bélainsky dans notre numéro d’automne 2021 : « Un compteur non communicant ne semble pas ajouter aux hautes fréquences transitoires dans les maisons, mais cette affirmation pourrait être erronée car il pourrait y avoir une émission subtile ou hors des plages des instruments. Pour la mesurer, il faudrait d'abord avoir une source d'électricité propre et ceci est presque impossible aujourd'hui. Si on obtient un compteur qui fait du bruit électromagnétique, on peut déduire que c'est lui et non pas un contaminant extérieur. Ce qui est certain, c'est que les compteurs mécaniques ont moins de chance de "salir" le courant domestique que les récents. Il faut aussi retenir qu'un dispositif peut être "propre" et éventuellement devenir sale à cause de nombreux facteurs comme le vieillissement, les surtensions, les défauts de fabrication, etc. »
L'interférence électromagnétique
L'interférence électromagnétique a été remarquée par le bruit survenant dans les moniteurs pour bébés, téléphones portables et hauts-parleurs sans fil après l'installation de compteurs communicants. Ceux-ci peuvent même affecter les disjoncteurs d'interrupteurs de défaut de terre installés à proximité, selon un rapport de consultants indépendants texans.
Les HFT représentent la forme de CEM la plus nocive qui soit, selon le physicien Paul Héroux, professeur de toxicologie des champs électromagnétiques (CEM) à la Faculté de médecine de l’Université McGill. Il s'inquiète de l'exposition à long terme à ce phénomène peu étudié en médecine mais qui est reconnu comme bioactif et bénéfique si bien ciblé. « Nous savons qu’elles peuvent aider à régénérer un os fracturé qui ne guérit pas. Elles pénètrent les membranes cellulaires plus facilement que la fréquence 60 Hertz », disait-il dans notre article Épidémie de cancers : l'électricité sale comparée à la radioactivité, publiée dans notre numéro d'automne 2008.
Cet article parle d'une étude du Dr Samuel Milham, ancien épidémiologiste en chef de l’État de Washington, qui a remarqué dans une école californienne que l'exposition aux HFT augmentait l'incidence de cancers de l’utérus, de la peau et de la glande thyroïde, ce qui l'a mené à postuler que l'électricité sale serait un cancérogène universel car il est rare qu'un polluant cause le cancer dans plusieurs organes. Publiée en 2013 dans la revue Electromagnetic Biology and Medicine, son étude Dirty electricity, chronic stress, neurotransmitters and disease est citée dans la Ligne directrice 2016 EUROPAEM pour la prévention, le diagnostic et le traitement des sujets atteints de problèmes de santé et de maladies en lien avec les champs électromagnétiques, de l'European Academy for Environmental Medicine, qui rapporte : « Une première preuve épidémiologique fait le lien entre l'électricité sale et la plupart des maladies de civilisation incluant le cancer, les maladies cardiovasculaires, le diabète, le suicide, le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité. »
L’interférence, ou « bruit » électromagnétique, est reconnue par Hydro-Québec et la Federal Communications Commission américaine en tant qu’ondes « non intentionnelles » émises dans l’air et sur le câblage électrique par tous les compteurs numériques.
Les HFT sont générées par les blocs d’alimentation à commutation des appareils électroniques. Les CNC d’Hydro-Québec ont une alimentation à commutation générant beaucoup plus de HFT qu’une alimentation capacitive à diodes Zener.
« Tous les systèmes digitaux génèrent un certain niveau de bruit électrique, si faible soit-il, explique Paul Héroux. On pourrait demander à Hydro-Québec si ses unités ont des éléments pour minimiser ces parasites, ou si on ignore cette situation parce que la majorité des gens ne perçoivent pas ces perturbations. À mon avis, plutôt que de jouer à l'autruche, Hydro devrait fournir l'électricité sans CNC et ses frais associés à tous ses clients qui ont un diagnostic d'hypersensibilité électromagnétique. »
Réponse de Cendrix Bouchard d’Hydro-Québec : « Nos compteurs ne comportent aucun « atténuateur de parasites (hautes fréquences transitoires) pour ce qui est de l’alimentation électrique de la maison. Mais Hydro-Québec s’assure de respecter les normes en vigueur pour ce qui est de l'exploitation du réseau de distribution électrique. » En effet, les compteurs doivent respecter des normes (ANSI et IEC) en matière de HFT et de suppression des surtensions, mais elles ne visent qu’à protéger l’équipement, pas la santé humaine, animale ni végétale.
Dans notre numéro d’hiver 2022, Paul Héroux expliquait : « Bien que non communicant, le compteur Centron fabriqué par Itron sur l'extérieur de ma maison émet des radiofréquences environ aux six secondes, ce qui correspond au rafraîchissement de l'affichage. Une bonne manière de les détecter est d'utiliser une radio AM réglée entre deux stations. Ce n'est pas facile à documenter hors d'un laboratoire, parce qu'il y a d'autres champs dans l'environnement et sur le réseau. Bien qu'à un mètre de distance mon lecteur ne mesure pas grand-chose, il ne tient pas compte de la propagation d'ondes sur le réseau électrique de la maison.
Chez certains individus, le niveau de sensibilité humaine peut être plus bas que le seuil de détection de la plupart des instruments. Documenter cela en détail sur le terrain demande un effort considérable et ne changera pas l'avis de ceux qui font semblant de dormir vis-à-vis de ce problème. »
« De plus, ajoute Mme Deslongchamps, peut-être que certaines personnes EHS ne parlent pas de leurs symptômes avec le CNC car elles appréhendent qu'on dise qu'elles ont un problème de santé mentale (effet nocebo) puisque les instruments ne semblent rien indiquer.... ou elles ne les distinguent pas, ne font pas le lien avec le CNC car il y trop de CEM dans leur environnement. »
Le rapport Le point de vue médical sur l’hypersensibilité environnementale, publié en 2007 par la Commission canadienne des droits de la personne, explique l’origine des HFT ainsi : « Ce bruit vient d’un mauvais câblage et du “hachage” du signal 60 cycles dans les nouveaux dispositifs électroniques éconergétiques. Une intervention sur le câblage et l’ajout à l’appareil électrique de circuits accordés à faible coût sont deux façons d’éliminer ce problème. Il est aussi possible de brancher des filtres Graham-Stetzer dans les prises électriques pour éliminer ces hautes fréquences. Plusieurs effets bénéfiques pour la santé ont été attribués à ces filtres, qui créent un environnement électromagnétique plus “sain”; ils ont eu notamment des effets positifs sur la sclérose en plaques, les problèmes de comportement et l’asthme chez les écoliers, et sur le diabète.
« Stéphane m'a dit qu'il était préférable de diminuer les HFT à la source, précise Martine Deslongchamps. Que le système électrique devait être en bonne condition et exempt d'anomalie (erreurs de câblage qui sont des infractions au Code de l’électricité) pour de bons résultats. De plus, les filtres génèrent un champ magnétique sur une distance de deux pieds, selon la toxicologue Magda Havas, mais celui-ci se propage dans l’ensemble d’un circuit mal câblé, tel qu’expliqué par l’expert Sal La Duca sur maisonsaine.ca dans le dossier Champs électromagnétiques : douze façons de se protéger. Avec ces filtres certaines personnes EHS ressentent des symptômes, comme le confirme Mme Havas dans le même dossier. Je ne suis pas contre les filtres, mais je ne veux pas que les gens pensent que cela est toujours miraculeux ou qu'en raison de ceux-ci le CNC ne pose plus aucun problème. Je connais une personne qui a des filtres et cela n'améliore pas sa situation. Les normes canadiennes sur le matériel électrique n’exigent pas d’essai et n’imposent pas de limite pour ce qui est de l’électricité sale. »
Aujourd’hui, Martine Deslongchamps rêve de se construire une maison saine tout en étant prisonnière de sa maison actuelle, car elle ne tolère pas les environnements irradiés par des antennes, des téléphones portables ni autres technologies sans fil (Wi-Fi, Bluetooth, etc.). Elle s’est construit un gazebo blindé lui permettant de profiter de l'extérieur sans être exposée aux ondes. (Elle utilise aussi un poêle de camping au propane à l’extérieur pour réchauffer ses aliments.)
Elle trouve sa situation injuste et ironique : « Hydro-Québec me refuse un accommodement alors que pendant près de trente ans, j'ai travaillé auprès de personnes dites “handicapées” en m’assurant que l'accommodement proposé améliorait les conditions de faisabilité, de viabilité, d'apprentissage et de réalisation de la tâche et de la personne. Dans sa politique sur l'hypersensibilité environnementale, la Commission canadienne des droits de la personne déclare que “Pour être efficaces, les mesures d'adaptation pour les personnes ayant une hypersensibilité environnementale doivent reposer sur des stratégies novatrices permettant de réduire ou d'éliminer les déclencheurs dans l'environnement”. Le CNC , au contraire, augmentera les déclencheurs dans mon environnement. Mon compteur électromécanique ne produit pas de RF.
Un accommodement raisonnable doit assurer le droit à l'égalité, à l'équité dans la différence et à l'exercice de ses droits. Il doit être adapté au handicap, au degré de ce handicap, aux restrictions générées par ce handicap, aux besoins spécifiques de la personne ayant ce handicap. En raison de mon handicap, le CNC ne peut être considéré comme un accommodement raisonnable; il constitue simplement une deuxième option offerte à toute la population. »
- Lire l’histoire de Francine Lajoie qui est dans la même situation que Martine Deslongchamps :
Privée de courant, une dame qui se dit électrosensible se bat contre Hydro-Québec | Radio-Canada.ca
- Ces patients russes et est-européens fabriquaient, inspectaient, réparaient ou utilisaient des équipements à micro-ondes. Certains travaillaient dans des installations radar, d'autres pour des stations de radio ou de télévision ou des compagnies de téléphone. Ils « n'étaient exposés au rayonnement micro-ondes que pendant les heures de travail. Et ils étaient exposés à des niveaux de rayonnement inférieurs à ceux auxquels le grand public est aujourd'hui exposé plusieurs heures par jour, voire tout le temps, à cause des téléphones cellulaires et des technologies Internet sans fil », explique Arthur Firstenberg.
« Les patients de ces cliniques souffraient de maux de tête, de fatigue, de faiblesse, de troubles du sommeil, d'irritabilité, de vertiges, de troubles de la mémoire, de dysfonctionnements sexuels, d'éruptions cutanées, de perte de cheveux, de perte d'appétit, d'indigestion et, parfois, de sensibilité à la lumière du soleil. Certains ont souffert de palpitations cardiaques, de douleurs lancinantes dans la région du cœur et d'essoufflement après un effort. Beaucoup ont développé une instabilité émotionnelle, de l'anxiété ou de la dépression, et quelques-uns ont souffert de manie ou de paranoïa…
« Bien qu'environ 15 % seulement des travailleurs des micro-ondes se soient plaints de leur maladie et que 2 % seulement aient cessé de travailler (Sadchikova 1960, Klimková-Deutschová 1973), les analyses de laboratoire ont révélé des anomalies chez la majorité d'entre eux. Le taux de cholestérol sanguin était élevé chez 40 % des travailleurs du secteur des micro-ondes (Klimkova-Deutschova 1974), le taux de triglycérides était élevé chez 63 % (Sadchikova et al. 1980), la glycémie à jeun était élevée chez 74 % (Klimkova-Deutschova 1974) et 70 % présentaient une activité thyroïdienne anormale. Des changements cardiaques objectifs ont été constatés chez 18 % à 35 % des travailleurs du secteur des micro-ondes, en fonction de la durée du travail. »