Sommité en causes du cancer, l'épidémiologiste Dr Anthony B. Miller a révisé la littérature médicale sur les radiofréquences en 2011 pour le Centre international de recherche sur le cancer, affilié à l'Organisation mondiale de la santé.
Sommité en causes du cancer, l'épidémiologiste Dr Anthony B. Miller a révisé la littérature médicale sur les radiofréquences en 2011 pour le Centre international de recherche sur le cancer, affilié à l'Organisation mondiale de la santé.

L'un des plus grands experts des causes, de la détection et de la prévention du cancer recommande que les champs électromagnétiques de radiofréquences (RF) utilisés par les appareils de communication sans fil soient classés cancérogènes, au même titre que l'amiante et la fumée de tabac.

Preuve incontournable
« La preuve indiquant que le sans-fil est cancérogène a augmenté et ne peut plus être ignorée », a déclaré le Dr Anthony B. Miller le 31 juillet dernier dans le cadre d'une conférence sur le sujet organisé par l'Environmental Health Trust et tenue à Jackson Hole, au Wyoming. Conseiller de longue date auprès de l'Organisation mondiale de la santé, ce professeur émérite de santé publique à l'Université de Toronto a dirigé l'unité d'épidémiologie de l'Institut national du cancer pendant 15 ans (1971-1986), à Toronto, en plus d'avoir collaboré avec les organismes américain et allemand dans ce domaine. Fin 2011, en tant qu'épidémiologiste senior au Centre international de recherches sur le cancer (CIRC, affilié à l'OMS), il fut chargé de réviser la littérature scientifique ayant mené un groupe de travail du CIRC à classer tout rayonnement RF comme un agent du Groupe 2B, « peut-être cancérogène pour l'homme ». Les RF comprennent les micro-ondes pulsées par les téléphones portables, les appareils Wi-Fi, les compteurs intelligents et les antennes de téléphonie cellulaires.

Or aujourd'hui Dr Miller déclare que les dernières preuves publiées sur le sujet démontrent que le rayonnement de RF émis par les technologies sans fil remplissent les conditions requises pour le reclasser en tant qu'agent « Groupe 1 cancérigène pour l'homme ». Il fonde son avis sur :
• la toute récente ré-analyse des données de l'étude Interphone, révélant que le risque de cancer double après 10 ans d'usage du cellulaire;
l'Étude nationale française CERENAT de 2014, indiquant que le risque de gliome (une forme très agressive du cancer du cerveau) est multiplié par cinq si on parle au cellulaire 30 minutes par jour pendant cinq ans;
diverses nouvelles publications suédoises démontrant notamment que le rayonnement de RF rencontre les critères d'agent causal du cancer, en oxydant les cellules humaines;
• les résultats préliminaires publiés en 2016 par le Programme national de toxicologie américain d'une étude démontrant que les ondes des téléphones cellulaires peuvent causer des gliomes et des tumeurs cardiaques chez les rats;
• une étude épidémiologique publiée en 2014 qui a révélé que les personnes atteintes de cancer du cerveau avaient des taux de survie réduits s'ils avaient utilisé un cellulaire ou un téléphone sans fil pendant plus de 20 ans. Le téléphone sans fil pose problème car sa base de recharge émet des ondes 24 heures sur 24 s'il est branché au mur.

L'avis du Dr Miller est partagé par les autres participants au colloque de Jackson Hole, dont la Dre Annie Sasco, qui a dirigé pendant neuf ans, au CIRC, un Groupe puis une Unité de recherche d’épidémiologie pour la prévention du cancer. « Nous aurions dû préparer une déclaration de Jackson Hole ou au minimum lancer un appel au CIRC pour réévaluation » du statut du rayonnement RF, nous a-t-elle précisé par courriel.

Pas seulement le cancer
Ces dernières années, un nombre croissant d'études publiées dans des revues scientifiques révisées par des pairs ont associé l'exposition chronique aux RF à divers symptômes et maladies reproducteurs, hormonaux, neurologiques, psychiatriques, dermatologiques... Les études sur les cellules, les animaux et les plantes appuient les soupçons suscités par les études épidémiologiques chez les humains.

En plus de la puissance des émissions et de la durée d'exposition, le facteur critique est la distance des antennes et appareils sans fil. Selon le gouvernement français, neuf cellulaires sur dix dépassent les limites règlementaires - visant seulement à prévenir l'échauffement des tissus humains - lorsque l'appareil est en contact avec le corps (lire tout sur ce « Phonegate » sur arazi.fr. D'ailleurs, les consignes de sécurité des fabricants recommandent d'éloigner les cellulaires à au moins 1 cm du corps, distance à laquelle la dose reçue est mesurée en laboratoire. Selon le manuel d'utilisateur du modem de marque FAST de Sagecom installé par Bell, cet appareil devrait être utilisé à au moins 7,9 po (20 cm) du corps de l'usager.
 
De plus en plus d'experts et de gouvernements recommandent déjà d'utiliser le plus souvent possible une connexion internet et un téléphone filés, la fonction haut-parleur et un casque d'écoute à tube d'air, de favoriser les textos, de réduire l'usage du Wi-Fi contrôlé par un modem ou routeur qui s'éteint facilement et de mettre ces appareils en mode Avion lorsque la communication sans fil n'est pas requise.

C'est notamment l'avis du Dr Hugh Scully, ancien président de la Société cardiovasculaire canadienne et de l'Association médicale canadienne. En 2013, il a affirmé devant les élus torontois qui voulaient offrir le Wi-Fi dans tous les parcs de la Ville Reine : « En tant que spécialiste cardiaque, je suis inquiet du fait qu'environ 20 % des gens ont une sensibilité du rythme cardiaque préjudiciable aux radiations électromagnétiques. » En 2015, la France a même interdit le Wi-Fi dans les crèches et les garderies et limité son usage dans les écoles primaires.

Une tendance qui se répand sur notre continent : en décembre dernier, le conseil aviseur de la santé environnementale et de la protection des enfants de l'État du Maryland a recommandé de préférer les connexions câblées au Wi-Fi dans les écoles et l'État du Massachusetts étudie présentement cinq projets de loi visant à limiter l'exposition au rayonnement de RF/micro-ondes.

À lire : Wi-Fi as a Very Substantial Threat to Human Health