« Une maison, faut que ça respire », disent plusieurs personnes. Malheureusement, certaines d’entre elles ont une maison passoire qui gaspille une quantité faramineuse d’énergie et est chauffée par un vieux poêle à bois qui empoisonne leur voisinage. Et ça se dit écolo!
En fait, on peut avoir les deux : une maison saine et à haute efficacité énergétique, avec des matériaux muraux diffusant la vapeur plutôt que l’emprisonnant.
Une étude de Santé Canada l’a déjà démontré : les gens sont en meilleure santé dans une maison R-2000 (l’ancêtre fédéral de Novoclimat) parce qu’elle est à l’abri des moisissures et très bien ventilée (mécaniquement et par les fenêtres).
En rénovation, c’est la même chose, mais peu de gens pensent, après avoir scellé les fuites d’air, à mesurer la qualité de l’air intérieur (QAI). En novembre dernier, l’épidémiologiste Anne-Marie Nicol signait un article sur le sujet intitulé Rénovations écoénergétiques et qualité de l’air intérieur : prioriser la santé. « Les données probantes sur l’augmentation des taux de radon causée par les efforts en matière d’efficacité énergétique remontent aux années 1980 », écrivait cette scientifique du Centre de collaboration nationale en santé environnementale, ressource en ligne financée par l’Agence de santé publique du Canada. Les maisons étanches mais mal ventilées emprisonnent aussi les polluants émis par les matériaux, comme le formaldéhyde, ou l’humidité excessive favorisant la croissance des moisissures. « On doit penser à établir un équilibre entre la santé humaine et les objectifs climatiques », dit-elle en rappelant qu’en 2021, l’Environmental Protection Agency américaine publiait des lignes directrices sur la qualité de l’air en rénovation des maisons unifamiliales qui promeuvent la vérification des taux de radon avant et après les réaménagements. « Elles indiquent aussi clairement que les réaménagements écoénergétiques ne doivent pas remplacer l’installation de systèmes d’atténuation du radon et que les aires de vie commune ou de repos des sous-sols sont plus susceptibles d’être affectées par une hausse des taux de radon. »
Chez nous, les consommateurs qui participent aux programmes conjoints Rénoclimat/Maisons plus vertes de rénovation écoénergétique ont droit jusqu’à 5 000 $ d’aide financière, notamment pour l’installation d’un ventilateur récupérateur de chaleur (VRC). Ils reçoivent un rapport d’évaluation détaillé qui offre plusieurs recommandations, notamment en matière de QAI. Mais il faut lire la huitième page du rapport pour avoir les informations sur le contrôle de l’humidité, le radon, l’amiante et les gaz de combustion. Avant tout, il faut réduire à la source les polluants chimiques (dits composés organiques volatils ou COV) en optant pour des matériaux et produits non polluants. Pour plus de détails, lire mon dossier Rénover sans s’intoxiquer.
Outre l’hygromètre qui mesure l’humidité relative, le test de radon et le détecteur de monoxyde de carbone, de nouveaux outils accessibles permettent de contrôler la QAI avec précision. L’architecte Évelyne Bouchard, de Tandem Architecture, qui donnait cette semaine un excellent webinaire sur sa maison passive organisé par Bâtiment passif Québec, m’a fait connaître l’entreprise norvégienne Airthings. Celle-ci fabrique divers moniteurs de QAI, dont le View Plus (379 $). Il mesure en continu le radon, les particules fines, le CO2, l’humidité, la température, la pression atmosphérique et les COV. S’il vous indique par exemple que le taux de CO2 frôle ou dépasse 1 000 ppm, il faudrait penser à améliorer la ventilation mécanique et naturelle.
Le hic, c’est que bien des maisons n’ont pas d’échangeur d’air ou leur version plus haut de gamme, le VRC, qui n’est obligatoire en construction que depuis 2012. Et la plupart sont dotées de modèles bas de gamme non certifiés par le Home Ventilating Institute – voir son répertoire des 3 600 produits approuvés, notamment par le programme Novoclimat.
Ma maison fut construite en 1998, soit un an avant le lancement de ce programme gouvernemental auquel il faut inscrire son chantier afin qu’il subisse les inspections gratuites (isolation, étanchéité et ventilation) donnant droit à l’homologation d’une habitation ainsi qu’à une aide financière (2 000 $ ou 4 000 $ pour les premiers acheteurs).
Notre VRC avait été installé par un entrepreneur recommandé par le directeur du service technique de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. J’ai donc tenu pour acquis qu’il fut bien installé, mais personne n’a mesuré les débits d’air comme le font les inspecteurs Novoclimat. Rares sont les maisons qui introduisent au moins 7 litres d’air par seconde et en évacuent au moins 19 L/s selon les pièces et les usages, comme le prescrivent les Exigences techniques du programme Novoclimat. En octobre 2006, le magazine Protégez-Vous révélait qu’environ 75 % des maisons neuves québécoises, sur les 40 qu’il avait fait inspecter, présentaient des vices notables au niveau de leur système de ventilation. Comme seules les maisons Novoclimat sont systématiquement inspectées au chapitre de la ventilation, je doute que la situation se soit améliorée de façon notable.
Je vous recommande donc ce que j’ai fait en 2008, quand ma femme disait sembler manquer d’air – 10 ans après que notre maison eut été construite! J’ai embauché un professionnel de la ventilation certifié Novoclimat (voir la liste pour toutes les régions disponible sur le site du Bureau de normalisation du Québec) pour venir mesurer les débits d’air de toutes les prises et sorties. L’entreprise Climatisation BS, de Laval, m’a été recommandée par François Vanasse, représentant chez Airia Brands, fabricant de mon VRC Lifebreath. C’est ainsi que j’ai découvert que notre sous-sol était surventilé et notre chambre et mon bureau sous-ventilés! Il a suffi de réduire ou de fermer certaines amenées d’air au sous-sol pour avoir plus d’air en haut!
Vous devriez vous en occuper dès maintenant, que vous soyez ou non un champion du scellement des fuites et infiltrations d’air. Faites-le rapidement si vous climatisez votre maison, car c’est en été que l’on mesure le plus de formaldéhyde dans l’air intérieur. La raison : l’humidité et la chaleur augmentent les émissions de ce gaz irritant pour les voies respiratoires. Il est émis par une foule de produits, dont ceux en bois aggloméré à la résine urée formol, comme les panneaux de particules utilisés pour fabriquer des armoires et meubles.
Aucune étude québécoise sur le sujet
Depuis peu, les programmes d’efficacité énergétique relèvent du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. J’ai demandé au Ministère si des études ont été publiées et sont en cours concernant l’impact des rénovations écoénergétiques sur la qualité de l’air intérieur. Il n’y en a aucune, me confirme son relationniste Frédéric Fournier qui a répondu à mes questions.
Le Ministère encourage-t-il les consommateurs et les entrepreneurs à mesurer les débits et la qualité de l’air pré et postrénovation?
« Une mesure de la qualité de l’air intérieur n’est pas une notion actuellement standardisée dans le monde scientifique. L’air peut contenir une multitude de contaminants pour lesquels des niveaux acceptables doivent être établis par des instances de santé telles que Santé Canada ou l’INSPQ » (Institut national de santé publique).
En rendant les maisons plus étanches, sommes-nous en train d’augmenter les niveaux de radon, de COV et de moisissures à l’intérieur?
« Oui, ce phénomène est connu depuis plusieurs décennies. C’est pour cette raison que depuis plus de 23 ans, Novoclimat oblige l’installation d’un VRC. Il y a 11 ans, cette exigence est même devenue réglementaire pour toute nouvelle construction résidentielle au Québec. Pour les habitations existantes Rénoclimat a la même préoccupation : lorsque le niveau d’étanchéité réalisé avant les travaux est bas, le rapport fourni au propriétaire va recommander l’installation d’un VRC. Un montant de 490 $ peut être reçu par le propriétaire qui installera un VRC. »
De même, le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) n’a pas publié d’études sur l’impact des rénovations écoénergétiques sur la qualité de l’air intérieur, confirme Orian Labrèche de son service des communications. « Cependant, notre équipe d’experts du Centre de recherche en construction mène actuellement un projet portant plus spécifiquement sur le radon. Ce projet s’intitule Étude sur le terrain des concentrations de radon dans les habitations écoénergétiques canadiennes. Notre équipe a retenu 25 maisons à Edmonton pour participer à l’étude et les résultats seront disponibles au printemps 2024. Aucune publication n’a encore été faite à ce sujet.
En résumé, l’analyse de la littérature scientifique à l’appui du projet susmentionné a montré que les rénovations énergétiques des habitations existantes ne devraient pas se limiter à l’amélioration de l’étanchéité à l’air des parties de l’enveloppe du bâtiment situées au-dessus du niveau du sol; l’ajout d'une ventilation mécanique équilibrée (ex. : un ventilateur récupérateur de chaleur ou d’énergie) est également important.
À titre d’information et de référence supplémentaires, nous aimerions souligner que Santé Canada recommande d’effectuer un test de détection de radon à la suite de rénovations importantes. Veuillez consulter la section 5.1 du Guide sur les mesures du radon dans les maisons - Canada.ca. »
Pour en savoir davantage
Consulter la section « Mesures de santé et de sécurité » de la publication de Ressources naturelles Canada intitulée Emprisonnons la chaleur et ces autres sections de son site :
Comment vous assurer que la ventilation de votre maison soit adéquate
Le programme Rénoclimat permet d’être admissible aux aides financières du programme fédéral Maisons plus vertes, notamment pour des mesures de résilience (membranes de toitures et de fondations, systèmes photovoltaïques et batteries).