Champignon géant, la mérule pleureuse a forcé la démolition de la Maison Jaune. 

À nos enfants, Mahé et Louna 

1er juillet 2015 : nous venons de prendre possession de notre première maison située dans un décor de rêve pour les adeptes de plein air qui, tout comme nous, ont décidé de faire de Lac-Beauport, près de Québec, leur nid familial. Après plusieurs années de vie en ville, la famille grandissante pose ses valises dans la Maison Jaune, située en bordure de la rivière du même nom, entre montagne de ski et forêt boréale.

Nous recherchions un environnement sain pour élever nos enfants, les voir grandir et s’épanouir au sein d’une communauté active orientée vers le plein air.  

Bien que nécessitant quelques travaux d’aménagement et d’amélioration, cette Maison Jaune semblait répondre en tout point à nos aspirations. Bien orientée face au sud, sur un grand terrain plat semi-boisé avec une fenestration abondante… 

Le « cancer du bâtiment »

Mais le 25 décembre suivant, alors que nous célébrons en famille notre récente acquisition autour du repas de Noël, nous découvrons qu’une des fenêtres du salon est lézardée. Ce n’est qu’au moment de la remplacer que notre rêve de vie paisible se transforme en véritable cauchemar.

La mérule est un champignon lignivore qui s’attaque au bois si les conditions favorables à son développement sont réunies.

Un fléchissement anormal dans la tablette de fenêtre me pousse à ouvrir le mur extérieur pour comprendre le problème. Je découvre alors deux gros champignons qui semblent avoir grugé l’ossature et affaibli la charpente. Nous réalisons tout de suite que nous faisons face à un problème grave.

Notre premier réflexe est de contacter une firme spécialisée en microbiologie pour échantillonner le champignon. Le verdict brutal tombe rapidement : c’était la redoutable mérule pleureuse. Notre moral fait une chute vertigineuse en découvrant sur internet ce champignon que plusieurs qualifient de « cancer du bâtiment ». Ma femme Dominique racontait notre mésaventure sur maisonsaine.ca en 2018.

La mérule pleureuse est un champignon lignivore qui s’attaque au bois si les conditions favorables à son développement sont réunies : manque de ventilation, humidité excessive, température stable, obscurité. Le vide sanitaire au plancher en terre battue sous notre maison offrait cet environnement idéal à sa prolifération…

Une enquête plus poussée révèle que ce champignon ainsi qu’un cocktail de moisissures sont répandus dans l’ensemble du vide sanitaire mais que, par chance, les pièces de vie ne semblent pas contaminées… Mais pour combien de temps encore? 

Les experts nous confirment que l’ampleur de la contamination est telle que nous n’avons d’autre choix que de démolir notre maison : le coût des travaux de décontamination sont supérieurs à la valeur du bâtiment!

Découragés devant cette hécatombe, nous décidons de contacter d’autres sinistrés qui, comme nous, semblent bien désemparés devant le manque d’informations disponibles sur le sujet ou les solutions et recours possibles. Face à notre terrible désarroi de réaliser que l’investissement de notre vie part ainsi en fumée, nous décidons de raconter notre histoire dans les médias pour rendre utile notre lourd fardeau et ainsi commencer à accepter notre processus de deuil.

Le combat politique et médiatique des sinistrés de la mérule au Québec

Alors que nous entamons une campagne de sociofinancement pour recueillir le soutien de la population, nous rejoignons un collectif de sinistrés qui s’organise pour faire pression auprès du gouvernement québécois afin qu’il reconnaisse le problème et vienne en aide aux victimes de ce fléau.

Le Regroupement Mérule Pleureuse Québec est né en avril 2018 après plus de quatre années de bras de fer politique, entre espoir et désespoir, mené de front par les efforts intarissables des premières victimes du champignon, Maxime Boivin et Marie-Hélène Cauchon. 

Dominique et moi nous impliquons dans le nouveau conseil d’administration du regroupement et racontons notre histoire auprès des élus, des ministères et des médias pour les sensibiliser à cette cause.

L’organisme récolte ainsi de plus en plus de témoignages de propriétaires traumatisés par ce champignon. Pris dans un étau financier et émotif, plusieurs d’entre eux peinent à reconnaître et à admettre leur drame insoluble.

Le 8 février 2018, un rapport du comité interministériel sur l’état de la situation de la mérule pleureuse au Québec est rendu public. Il laisse présager une action gouvernementale pour développer une expertise sur la prévention et l’élimination de la mérule.

Le gouvernement reconnaît alors notre regroupement comme interlocuteur privilégié dans la documentation du problème et dans l’ébauche d’un programme de soutien financier pour les propriétaires dont la résidence principale est contaminée par la mérule.

Après de multiples rencontres et débats avec les représentants de la Société d’Habitation du Québec (SHQ), le Programme d’intervention résidentielle - mérule, premier du genre au monde, est né le 4 octobre 2018. Il vise à réduire le fardeau financier des propriétaires occupants dont le domicile est contaminé par ce champignon.

Le 15 octobre 2018, nous sommes les premiers à remplir une demande de subvention auprès de la SHQ. Malheureusement, notre demande est rejetée. Un recours juridique que nous avons déposé nous rend inadmissibles. Après tous ces efforts, c’est une immense déception…

Désirant aider nos prochains, nous décidons malgré tout de nous porter volontaires dans un projet de recherche sur la démolition d’une résidence touchée par la mérule.

La démolition de la Maison Jaune

Le 16 octobre 2018, à 7 h 30 et après mille jours d’un combat accablant, notre maison est démolie selon un protocole de gestion de déchets contaminés, entouré de biologistes et microbiologistes qui étudient la volatilité des spores (les semences) des diverses moisissures en présence.

Ce matin-là, notre famille est réunie pour un dernier au revoir à la Maison Jaune. Alors que Dominique et moi regardons incrédules ce spectacle saisissant, Mahé, 5 ans, voit sa chambre se faire éventrer sous ses yeux avec pour tout commentaire : « J’ai oublié un dessin! »

Son témoignage d’enfant remplie de naïveté nous ramène encore une fois à cette légèreté essentielle pour affronter la rudesse de nos responsabilités d’adultes : déménager, démolir… et reconstruire notre rêve d’une maison saine et écologique.

Pour en savoir davantage, visiter mon site de conception et design architectural écologique www.ecoconcept.ca