L’empreinte écologique associée à notre besoin de se loger est de plus en plus documentée et des voix s’élèvent pour que nos maisons deviennent plus durables, plus efficaces et plus résilientes. Qu’est-ce qui définira la maison de 2030? Des spécialistes de l’habitation répondent à cette question.
En collaboration avec André Fauteux
S’agissant d’un horizon à court terme, la maison de 2030 risque de ne pas être si différente de celle d’aujourd’hui, admet d’entrée de jeu Emmanuel Cosgrove, le cofondateur, directeur général et porte-parole de l’organisme Écohabitation. Il espère toutefois que les constructions et les rénovations seront plus performantes sur le plan énergétique : « Améliorer l’efficacité énergétique est un moyen très peu coûteux de pallier notre manque énergétique au Québec. Le gouvernement se mobilise pour investir dans des projets massifs de production énergétique, que ce soit de nouveaux barrages, l’éolien ou même le nucléaire, mais ça sous-entend qu’on n’augmentera pas assez l’efficacité énergétique de ce que l’on construit et rénove. Au lieu de bâtir des mégaprojets, il serait plus avantageux pour le gouvernement de donner des incitatifs majeurs pour créer des habitations à haute efficacité. »
La façon dont on construit et rénove a beaucoup à voir avec les règlements et les programmes des gouvernements qui dictent les codes et déterminent les incitatifs. « La carotte et le bâton, ça passe par le gouvernement », résume Emmanuel Cosgrove avant de présenter quelques-uns des points du Manifeste pour un mouvement vers l’habitation durable, rédigé en 2018 par Écohabitation, ceci à l’intention des partis politiques du Québec durant la dernière campagne électorale provinciale.
D’ici 2030, un grand travail de sensibilisation à l’efficacité énergétique doit être fait auprès de la population. « S’il n’y a pas obligation ET subvention, ça ne fonctionnera pas, poursuit-il. C’est la carotte et le bâton. On l’a observé avec le temps : chaque fois qu’il y a eu des investissements en efficacité énergétique, c’était grâce aux programmes, et non pas parce que tout à coup, il y a eu un éveil massif » d’une prise de conscience écologiste.
L’avenir est dans les choses simples
En 2017, Écohabitation a mené une étude qui évaluait le potentiel d’efficacité énergétique des dix mesures résidentielles les plus rentables; au premier chef, l’installation d’une pomme de douche à faible débit et l’amélioration de l’étanchéité. « On concluait que ces mesures pouvaient libérer environ le tiers du manque qu’Hydro-Québec annonce pour l’électrification des transports, rappelle le cofondateur de l’organisme. Si dans toutes les maisons qui ne sont pas rénovées, ou qui le sont partiellement, on installait un pommeau de douche [avec un débit de] 1,5 gallon par minute, des coupe-froid et autres mesures rentables, on estimait les économies d’énergie réalisables à 30 térawattheures en moins de cinq ans, soit près du tiers de l’ensemble de la consommation d’énergie résidentielle de la province! » C’est pourquoi il aimerait voir des escouades subventionnées se déployer sur le terrain, sillonner les quartiers et offrir gratuitement ce type d’amélioration simple qui s’exécute en quelques minutes.
C’est ce qu’a fait avec succès Négawatts Production pendant 22 ans avant de fermer ses portes en 2018, Hydro-Québec ayant accumulé d’énormes surplus d’énergie. L’organisme sans but lucratif (OSBL), basé à Alma, avait déjà convaincu les citoyens de Métabetchouan (Lac-Saint-Jean), Québec et Laval de réaliser d’importantes économies, soit d’énergie, d’eau et d’essence, en informant correctement ces populations. Cet OSBL réussit à « produire » des négawatts pour trois fois moins cher que le coût du kWh produit par une nouvelle centrale hydroélectrique, prouvant ainsi qu’Hydro faisait fausse route en voulant construire une centrale hydroélectrique sur la rivière Ashuapmushuan.
En 2000, des familles lavalloises avaient ainsi économisé 235 $ par année comparativement à 12 $, en moyenne, par foyer participant aux programmes d’efficacité énergétique d’Hydro-Québec au cours des années 1990. Trois ans après le projet pilote de Métabetchouan, 95 % des 300 familles participantes avaient maintenu leurs bonnes habitudes, comme l’abaissement du thermostat. La clé du succès de la méthode Négawatts : axée sur trois visites de chaque ménage, elle faisait appel à des conseillers formés en sciences humaines plutôt qu’à des techniciens. Ils réussissaient à faire passer les gens à l’acte en cernant leurs valeurs qui coïncidaient avec les bénéfices des gestes écologiques (économie pécuniaire, création d’emplois locaux, sauvegarde d’une rivière, etc.). Malgré ces succès, les gouvernements successifs n’ont jamais lancé de programme national d’efficacité énergétique à base communautaire, comme Négawatts et d’autres organismes le proposaient.
« Du jour au lendemain, on est capable de rendre les maisons plus efficaces et confortables, assure Emmanuel Cosgrove. Mais les initiatives les plus payantes sont souvent trop simples pour qu’on passe à l’action. On va installer une thermopompe parce qu’on a accès à une subvention, mais rien n’est fait pour encourager l’acquisition de pommeaux de douche. Le gouvernement investit des milliards dans les mégaprojets, alors qu’avec un programme proposant des solutions aussi simples, le retour sur investissement serait énorme. »
La fin des combustibles
Après l’installation des appareils carburant au mazout, Écohabitation espère que d’ici 2030 viendra le tour de bannir du bâtiment résidentiel les appareils carburant au gaz, à l’exemple de la municipalité de Prévost (Laurentides) qui se fait toutefois poursuivre par Énergir. « On souhaite que ça fasse boule de neige, dit M. Cosgrove. Le gaz, c’est une espèce en voie d’extinction qui tente par tous les moyens de rester en vie. Tout système au gaz n’a pas sa place. Ce sont des dinosaures qui doivent partir. Ça n’a pas de sens d’entretenir un réseau qui augmente les émissions de gaz à effet de serre (GES) ».
En outre, il espére que, dans les prochaines années, des agents frigorigènes naturels, comme le CO2 ou le propane, auront remplacé le R410, un puissant GES que l’on retrouve actuellement dans les thermopompes.
Densifier et documenter
On sent une plus grande ouverture pour la construction ou l’aménagement d’unités d’habitation accessoires (UHA) sur certains territoires au Québec, précise l’expert. Cette densification douce, qui consiste à ajouter un logement supplémentaire sur un terrain déjà habité, peut à la fois répondre à la crise du logement et ralentir l’étalement urbain sur des terrains zonés blanc (boisé constructible) ou vert (terrain non constructible sans autorisation de la Commission de protection du territoire agricole). Emmanuel Cosgrove espère que des milliers d’UHA s’ajouteront au parc immobilier québécois dans les prochaines années. Québec, Sherbrooke, Laval et Granby font partie des villes ayant assoupli certains règlements municipaux pour permettre la construction de ce type d’habitation, notamment en faveur de gens sans lien de parenté avec les propriétaires du terrain.
Afin de cartographier les secteurs en matière d’efficacité énergétique, les municipalités peuvent également réaliser par drone des caractérisations thermographiques de leurs quartiers résidentiels, et ainsi identifier les maisons en perte de chaleur. Montréal, Laval et Plessisville ont eu recours à cette technologie pour lutter contre les îlots de chaleur et évaluer l’efficacité énergétique des bâtiments.
Mais le vrai fléau, selon Emmanuel Cosgrove, c’est la volonté d’avoir une maison unifamiliale avec son grand terrain, en banlieue : « C’est le modèle qu’on a connu pendant bientôt un siècle et vers lequel toute la fiscalité nous mène à investir. » Il a l’impression que les gouvernements, avec leurs programmes de crédit de TPS et TVQ, les programmes d’accès à la propriété et les critères de financement de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), n’en font pas assez pour favoriser l’accès aux habitations multiples. Toutefois, dans le cadre de sa Stratégie nationale sur le logement, le SCHL a annoncé plusieurs mesures encourageant la construction rapide et la rénovation de logements abordables.
L’architecture et le développement durable
L’architecte montréalais Rob Miners insiste sur une autre tendance qui deviendra plus courante en 2030, inflation aidant : la réduction de la taille des habitations. « Nous vivrons dans plus petit et plus dense », prévoit le cofondateur de la firme Studio MMA architecture + design. Membre du Conseil du bâtiment durable du Canada, ce bureau s’est fait connaître pour ses projets et stratégies écologiques qui préconisent des méthodes de construction respectueuses de l’environnement. En entrevue, on comprend rapidement l’importance que l’architecte accorde aux principes de développement durable, telles l’efficacité énergétique ainsi que l’utilisation efficace du site et des ressources.
Déjà dans les dernières années et surtout dans les grands centres, on a vu le nombre de pieds carrés fondre pour les condos et les unités locatives. Il n’est plus rare de trouver des habitations avec des aires habitables sous le seuil des 450 pieds carrés, comme dans les grandes villes européennes. Mais cette tendance dépasse aujourd’hui les frontières des centres-villes.
Le défi, en architecture, sera d’optimiser l’espace des clients tout en leur rappelant qu’il n’est pas nécessaire d’avoir 4 000 pieds carrés habitables pour qu’une famille de deux adultes et leurs enfants s’y sentent bien. Rob Miners espère que l’on transposera davantage à la banlieue cette conception urbaine de superficie habitable efficace : « En ville, on peut avoir un rez-de-chaussée de plex de 1 000 ou 1 500 pieds carrés, parfait pour une famille de quatre. Mais ce qui est vaste en ville peut sembler petit en banlieue. »
L’habitation plus petite aura la capacité de jouer avec les éléments de la nature, on portera une attention particulière à son orientation (notamment solaire) ainsi qu’à l’environnement dans lequel elle sera bâtie, agrandie ou rénovée. Concernant l’aménagement intérieur, la tendance des aires ouvertes est là pour de bon, selon l’architecte. La pièce centrale qui regroupe le salon, la salle à manger et la cuisine, est intéressante pour l’impression de grandeur qu’elle crée. En décloisonnant et en utilisant les zones de passage, on obtient un espace de vie rassembleur et vaste. Ce souci de créer un lieu où il fait bon vivre s’inscrit aussi dans une approche de conception durable, croit-il.« Dans tous les cas, il faudra trouver un équilibre pour arriver à la meilleure solution afin d’occuper les espaces dans le plaisir tout en respectant les principes de développement durable. Si on fait bien les choses dès la première fois [en construction neuve ou en projet d’agrandissement ou de rénovation], on habitera des lieux où le plaisir se transmettra d’une famille à l’autre, sans qu’on ait besoin de tout recommencer. »
En 2030, comment aurons-nous intégré davantage de considérations environnementales dans le design et le choix des matériaux? « Déjà, ça se fait de plus en plus dans une optique de durabilité, remarque Rob Miners. On choisit des matériaux qui ont fait leurs preuves [comme le bois et la céramique]. Et si de nouveaux matériaux arrivent sur le marché, on voudra en savoir plus avant de les proposer, s’assurer qu’ils représentent véritablement des choix durables plutôt qu’une mode passagère. »
Une maison résistante et résiliente
La maison de 2030 et ses occupants devront aussi mieux résister aux verglas et autres événements climatiques extrêmes de plus en plus fréquents. En mai dernier, la vice‐présidente au développement durable d’Hydro-Québec, Julie Boucher, admettait qu’on « parle beaucoup de changements climatiques, d’adaptation, de résilience. Chez Hydro-Québec, on va amener ça le plus loin possible, mais je pense qu’il faut aborder la question entre nous, socialement aussi, puis en tant que clients, afin de s’assurer d’être prêts quand des pannes se produisent. » Non seulement les pannes liées aux événements climatiques seront plus nombreuses, mais elles risquent aussi d’être plus longues. En plus de devoir mieux résister à l’infiltration d’eau et aux vents violents, la maison de demain devra être conçue pour avoir une plus grande autonomie électrique (panneaux solaires et batteries) et de chauffage (poêles à bois, accumulateurs de chaleur) en cas de rupture de service.
On devrait aussi repenser les fondations, selon Marco Lasalle, directeur du Service technique de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ). « Pourquoi les isoler de l’intérieur? De cette façon, on garde le mur exposé aux variations extérieures : en été, la fondation est chauffée, en hiver, elle est refroidie. En cas de panne en hiver, la fondation contribue au refroidissement de la maison. En revanche, si je fais l’inverse et l’isole de l’extérieur, la fondation contribue à stabiliser la température en tant que masse thermique qui libère la chaleur qu’elle a stockée. »
En octobre dernier, certaines régions du Québec ont battu des records de précipitations pour tout le mois en seulement quelques jours. De nombreuses maisons ont souffert de cette masse d’eau que les terrains et égouts n’ont pu évacuer en toute sécurité, occasionnant des inondations de sous-sols. D’ailleurs, bien qu’un sous-sol moins dispendieux à construire, M. Lasalle se questionne sur la pertinence de creuser et d’aménager un tel espace si vulnérable aux bouleversements climatiques. « Même si on sait que le sous-sol ne disparaîtra pas, on peut quand même faire attention aux matériaux qu’on y utilise. Arrêtons de travailler avec des matériaux organiques sous le niveau du sol. Pourquoi l’ossature et le faux plancher en bois, les plinthes en MDF [fibre de bois à densité moyenne] et le gypse? Il est important de considérer la diminution, voire l’élimination des matériaux susceptibles d’être détériorés par l’eau, comme la laine de verre également. »
Outre les montants métalliques, le béton et les isolants plastiques, Marco Lasalle recommande les planchers stratifiés (base de fibre de bois et couche de surface en linoléum, bois, liège, linoléum ou plastique simulant l’apparence de la céramique ou un autre de ces finis). Leur pose est flottante (sans colle, ni clous, donc désolidarisée du sol support) sur une sous-couche matelassée qui amortit les sons. Comme on parle de lames ou de panneaux d’ingénierie qui s’emboîtent les uns dans les autres, ils peuvent être retirés en cas de dégât d’eau pour être asséchés à l’extérieur et réinstallés plus tard. Sachez toutefois qu’Écohabitation déconseille ces produits à brève durée de vie et non recyclable en fin de vie. De plus, les couvre-sols de vinyle sont polluants tout au long de leur cycle de vie et il faut exiger que la base de fibre de bois à haute densité (HDF) soit certifiée soit NAUF (sans liant à base d’urée-formol) ou NAF (sans ajout de formaldéhyde).
Construction durable, choix durables
Radio-Canada révélait cet automne que le gouvernement Legault allait bientôt imposer la cotation énergétique des bâtiments, laquelle stimulerait leur amélioration afin de favoriser leur revente, sans toutefois cibler les petits immeubles résidentiels. Marco Lasalle espère que le gouvernement fera preuve de courage et imposera une cotation énergétique pour les maisons et plex, une étape essentielle si on souhaite adapter l’industrie aux nouvelles réalités environnementales et encourager la rénovation écoénergétique.
Pour l’APCHQ, la construction durable en tout point est ancrée dans son ADN, dit-il : « C’est au cœur de chacune des actions que l’on pose et c’est un des piliers centraux de notre planification stratégique, assure Marco Lasalle. On ne le souligne plus nécessairement parce que tout ce qu’on fait est fait dans ce sens-là : construisons pour que ça dure. » Il en profite pour ajouter que l’accès à la propriété ne devrait pas être incompatible avec développement durable. « Pour l’acheteur d’une première maison, , on associe trop souvent l’innovation aux surcoûts. Pourtant, en augmentant la qualité et la performance, on diminue les coûts [d’utilisation et de remplacement des matériaux et systèmes]. On en fait la démonstration avec notre concept du Mur Parfait. » Réalisé depuis 2018 avec l’Université Laval et la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois, ce projet de recherche vise à développer des maisons qui dureraient des centaines d’années sans problème de condensation. Il sera testé dans deux maisons, l’une classique et l’autre selon le concept du Mur Parfait, construites à Bécancour par Construction R. Turcotte.
Vers quelle certification se tourner?
En 2015, La Canadian Home Builder’s Association (CHBA) lançait la certification Net Zéro décernée aux maisons neuves ou rénovées qui peuvent produire autant d’énergie propre (en général solaire) qu’elles en consomment chaque année. « Jusqu'à 80 % plus économes en énergie que les maisons neuves typiques, les maisons Net Zéro sont extrêmement bien construites avec une isolation supplémentaire, des fenêtres hautes performances et une excellente étanchéité à l'air pour minimiser les besoins de chauffage et de climatisation. Les appareils électroménagers, l’éclairage et les systèmes mécaniques sont tous aussi économes en énergie que possible », peut-on lire sur le site de la CHBA. Jusqu’à maintenant, 1 483 maisons canadiennes ont été certifiées Net Zéro ou prêtes pour la consommation nette zéro. Bien que l’APCHQ ne soit pas membre de la CHBA, six projets québécois ont déjà été certifiés. Le premier fut la rénovation du duplex centenaire montréalais de Fellipe Falluh qui sera éventuellement doté de panneaux solaires photovoltaïques (détails dans notre numéro d’hiver 2023). Comme Hydro-Québec craint de manquer d’électricité en période de pointe d’ici 2027, il faut s’attendre à ce qu’on nous propose des aides financières encourageant cette certification.
Les constructions hyperperformantes du point de vue énergétique, comme la maison passive, gagnent en popularité. La conception Passivhaus, telle que spécifiée par l’Institut Passivhaus de Darmstadt, en Allemagne, qui décerne cette certification, permet de réduire les coûts de chauffage jusqu’à 90 %, notamment en doublant les niveaux d’isolation par rapport aux normes. Ces constructions sont aussi hyper-étanches (maximum de 0,6 changement d’air à l’heure à une pression de 50 pascals simulée par test d’infiltrométrie), chauffées surtout par l’énergie solaire passive traversant des vitrages triples, mais sans toutefois surchauffer en été, dotées d’électroménagers et d’une ventilation à récupération de chaleur à très haute efficacité, etc.).
Très peu de bâtiments nord-américains ont reçu cette certification allemande, celle-ci fait exploser les coûts de construction et pénalise le chauffage électrique qui, dans la plupart des pays, est alimenté par des centrales thermiques émettant beaucoup de gaz à effet de serre. Toutefois, plusieurs experts, comme Emmanuel Cosgrove, s’en inspirent, et certains convoitent plutôt la certification du Passive House Institute américain (phius.org) dont les exigences techniques sont plus adaptées au contexte nord-américain. (Voir la liste des concepteurs et entrepreneurs québécois de maisons passives sur batimentpassifquebec.com.)
L’architecte Rob Miners est l’un de ceux qui préfère s’en inspirer et trouver un équilibre accessible et réaliste entre haut rendement énergétique et plaisir à habiter une maison saine, écologique et performante.
La certification américaine LEED (Leadership in Energy and Environmental Design), pour sa part, évolue avec l’industrie et continuera de rehausser ses préalables et options en fonction des nouvelles données, exigences et technologies. La version LEED v5 de la certification devrait être dévoilée prochainement. Le Conseil du bâtiment durable du Canada a déjà indiqué que cette version mettra l’accent sur la décarbonation, soit l’utilisation de matériaux et systèmes de chauffage à impact minime ou nul sur les changements climatiques. En 2007, Emmanuel Cosgrove s’est fait construire la rédience Edelweis, première au Québec certifiée LEED v4 (et au niveau Platine. Non seulement dirige-t-il également l’entreprise Évaluations Écohabitation, laquelle a accompagné de nombreux propriétaires canadiens convoitant la certification LEED Canada pour les habitations (ecohabitation.com/leed), mais il en est aussi évaluateur senior. Il remarque que« l’on n’a jamais vu autant de projets LEED pour les Habitations qu’en ce moment : à ce jour, au Québec, 5 269 unités dans 560 projets ont été certifiées et 7 699 autres unités sont en cours (en fait, ces statistiques sont sous-estimées. Ce système d’évaluation décerne trois niveaux de certification (Argent, Or ou Platine) en fonction de crédits (points) obtenus pour les gestes posés dans huit catégories :
- Emplacement et maison (dans un contexte socialement et écologiquement viable, notamment avec accès aux transports en commun);
- Matériaux et ressources (écologiques, utilisés efficacement et en réduisant les déchets);
- Aménagement écologique des sites (avec impact minime sur le terrain et favorisant l’infiltration des eaux de pluie);
- Qualité des environnements intérieurs (réduction ou élimination des polluants afin d’améliorer la qualité de l’air);
- Gestion efficace de l’eau (réduction de la consommation à l’intérieur comme à l’extérieur);
- Innovation (nouveautés et performance exemplaires);
- Énergie et atmosphère (haute performance énergétique de l’enveloppe du bâtiment et des équipements, utilisation des énergies renouvelables);
- Priorité régionale (achat local).
Parmi ceux-ci, Emmanuel Cosgrove affirme que la densification douce des villes et villages et l’accès au transport collectif comptent parmi les mesures ayant les plus grands impacts environnementaux.
Quant au programme Novoclimat du gouvernement du Québec, Marco Lasalle de l’APCHQ est catégorique : « Une norme comme celle de Novoclimat ne devrait pas être un objectif à atteindre, mais bien le minimum acceptable dans tous travaux de construction. Et ce n’est pas parce qu’on fait quelque chose de durable que ça coûtera plus cher. On en a fait la démonstration mathématique; si on achète aujourd’hui une maison neuve qui n’est pas Novoclimat, on paie trop cher. » Or, l’homologation volontaire de maisons répondant aux Exigences techniques Novoclimat est extrêmement marginale : « D’avril 2017 à mars 2021, un total de 7 281 unités comprises dans 1 470 bâtiments résidentiels ont été homologuées par le programme Novoclimat, ce qui représente 4,1 % du nombre total de nouvelles constructions résidentielles », selon la dernière évaluation du programme, signée par la firme Econoler en janvier 2022.
D’ici 2030, le gouvernement Legault compte réduire de 37,5 % les émissions de GES de la province (tous secteurs confondus) par rapport au niveau de 1990. Il espère ensuite, en 2050, avoir réussi à faire du Québec un état carboneutre. On estime que 99 % du parc immobilier de 2030 est déjà bâti. Avec les mises en chantiers qui diminuent (jusqu’à 50 % à Montréal depuis un an), l’impact sur la réduction des GES et la consommation énergétique des constructions neuves sera à peine significatif. La solution passera plutôt par le réaménagement, la mise à niveau et l’optimisation de ce qu’on occupe actuellement, bref, par la rénovation et la réparation des habitations existantes, tout en poursuivant la densification douce. Pour y arriver, Emmanuel Cosgrove persiste et signe : « Il faudra donner accès à du financement innovant pour faciliter les travaux de rénovation qui augmentent réellement l’efficacité énergétique et réduisent l’impact environnemental, comme le propose son nouveau programme JeRénovÉco, présentement à la recherche d’investisseurs. Le gouvernement devra trouver la « carotte et le bâton » susceptible d’inciter les Québécois à transformer leur vieille maison en maison moins gourmande, résiliente et, surtout, plus durable