Conçue par l'équipe d'Écorce Architecture Écologique et construite en 2022, Les Bases est une maison solaire passive de 148 m2 (1 590 pi2) spécialement créée pour Meggie et Jasmin, un couple de deux passionnés d'architecture qui travaillent dans le domaine, en tant que designer et entrepreneur général. Cette maison familiale évolutive incarne leur vision de l'intégration du bâtiment dans son écosystème et son contexte.
Nous l'avons conçue en puisant notre inspiration dans le riche tissu pavillonnaire et villageois de la région de Saint-Denis-sur-Richelieu, qui abrite de magnifiques maisons patrimoniales pleines de caractère. Notre intention était de créer un habitat unique qui s'intègre harmonieusement dans son environnement, en respectant le patrimoine architectural existant. Nous avons incorporé et réinterprété des éléments singuliers et représentatifs de ce contexte, tels les cheminées au toit et les jeux de volumes qui s'inspirent des anciennes maisons environnantes, en privilégiant la sobriété par la symétrie et la séparation fonctionnelle.
Un volume bas et délicat accueille les espaces de nuit, tandis qu'un volume plus haut et prédominant démarque les espaces de vie. L'entrée se situe au cœur de la maison, permettant une transversalité d'avant vers l'arrière.
Conception passive
De nombreuses décisions ont été prises afin de promouvoir et de démocratiser la construction écologique. Tout d'abord, l'aspect écologique a été mis de l’avant par la construction d’une enveloppe hautement performante, avec une isolation supérieure de 30 % par rapport au code de construction, ce qui permet d'atteindre un score de 47 sur l'échelle du Home Energy Rating System. Cela signifie que Les Bases est 53 % plus écoénergétique sur le plan du chauffage qu'une habitation standard neuve.
La maison fut conçue en s'inspirant des exigences du programme allemand passivhaus, en l'axant sur une grande étanchéité à l'air (de seulement 0,27 changement d’air à l’heure lors d'une dépressurisation de 50 pascals) et en tirant parti des avantages bioclimatiques comme la ventilation naturelle et l'orientation solaire de la majorité des fenêtres. Les ouvertures ont d'ailleurs été soigneusement conçues pour optimiser la luminosité naturelle mais en prévoyant de l'ombrage pour éviter de provoquer de surchauffe solaire. Le choix des matériaux complète cette approche en apportant une masse thermique significative pour stocker la chaleur solaire en hiver.
De plus, des principes tels que la charpente avancée, qui réduit la quantité de bois nécessaire à la construction tout en maximisant l'isolation, et l'utilisation d'une dalle monolithique sur sol, permettent de réduire l'empreinte carbone et l'impact environnemental global de la résience, tout en garantissant sa durabilité et sa résilience (en minimisant le risque d'infiltration d'eau et de moisissures, par exemple) pour les années à venir.
Nous avons suivi les principes passifs sans atteindre les niveaux d'isolation exigée pour obtenir la certification Passivhaus classique. Puisque nous ne voulions pas que ça coûte plus cher, nous avons suivi les critères de demande de chauffage de la certification Passivhaus Low Energy Building. Lors de la conception de cette maison, je suivais parallèlement ma certification de designer Passivhaus. L'exercice m'a permis d'apprendre et d'appliquer les principes de la certification, mais sans y aller à 100 % pour atteindre une charge de chauffage ne dépassant pas 15kWh/m2/an.
Voici les résistances thermiques de l'enveloppe :
Toit : R-62
Murs : R-33,25 (total) ou R-31,15 (effectif)
Dalle : R-24
Fenêtres : verre triple en PVC U = 1,19
Pour ce qui est des calculs fait dans le logiciel PHPP du programme Passivhaus, comme la mécanique, les ouvertures et autres éléments n'étaient pas certifiés passivhaus, il me manquait beaucoup de données pour arriver à une justesse des calculs. Nous avons donc fait calculer la cote américaine HERS par écohabitation et ça nous donnait approximativement 30kWh/m2/an pour le chauffage. Ce rapport avait été calculé avec un panneau de SONOclimat ECO4 (R-4) sur les murs, plutôt que le Neopor graphité (R-7,1).
Une attention particulière a été accordée au choix des matériaux et des composants de la maison, en privilégiant leur durabilité, leur caractère écologique et recyclé afin de s'inscrire dans la continuité des constructions d'époque, tout en favorisant les produits et les fournisseurs locaux, afin de créer un lieu de vie sain et respectueux de l'environnement et sa communauté. La résidence est ainsi en voie de certification LEED platine, soit le plus haut niveau d'excellence de ce système de certification des bâtiments durables.
Une maison passive ne coûte pas nécessairement plus cher. Plusieurs stratégies sont passives et réfléchies lors de la conception de la maison, ce qui permet d'en réduire la consommation énergétique du bâtiment durant toute sa vie. Par exemple, l'orientation de la maison et de la majorité des fenêtres face au soleil, les surfaces d'enveloppe extérieur optimisé versus le volume à chauffer, la ventilation naturelle pour en réduire la climatisation, la masse thermique, etc.
Nous avons voulu démontrer qu'une construction qui se rapproche du standard de l'industrie, pouvait être plus performante et donc consommer moins d'énergie et ainsi en réduire l'impact écologique sur sa durée de vie. La maison Les Bases est toute simple, puisque notre objectif était de démontrer que n'importe quel entrepreneur peut réussir à construire ce genre de maison. Les matériaux utilisés sont simples, mais permettent d'aller chercher un peu plus de performance d'enveloppe.
On voulait vraiment arriver à un résultat qui démontrait qu'il était possible de construire une maison au prix actuel du marché, en faisant des choix plus performants et/ou écologiques. La maison Les Bases a été construite à 500 000$ sur 1 590pi2 ce qui en fait un coût de construction d'environ 315$/pi2. La marché actuellement est autour de 350$/pi2 pour une maison neuve standard avec des matériaux standard.
C'est donc au travers des choix qui ont été faits que nous avons pu réaliser une maison qui n'est pas plus chère qu'une maison standard construite par un entrepreneur standard. Par exemple, plusieurs principes passifs ont été intégrés, nous avons opté pour une dalle monolithique sur sol, réduisant l'excavation, le coût des fondations et indéniablement la quantité de m3 de béton utilisé. Nous avons choisi des matériaux locaux et écologiques comme le bois certifié FSC et des matériaux locaux et durables comme la toiture métallique, un comptoir de granit du Lac St-Jean et d'autres produits québécois qui utilisent des produits recyclés tels que Egger et Uniboard, afin que la maison vieillisse bien et soit pérenne. Nous avons également un bon système mécanique avec thermopompe.
En sommes la maison est 53 % plus efficace sur le plan énergétique qu'une habitation standard neuve. D'ailleurs le coût d'électricité par mois pour la maison tourne autour de 90 $. Pour nous aider, nous avons bâti la maison selon les principes du Advanced Framing [charpente avancée réduisant l'utilisation du bois], une méthode encore peu répandue au Québec. Cela nous permet d'optimiser la structure selon le nécessaire requis afin de maximiser l'isolation de l'enveloppe entre les colombages et ainsi en augmenter la performance énergétique.
Nous voulions également une maison qui serait plus performante dans le temps et qui gérait mieux les risques d'infiltration d'eau. Pour ce faire, nous avons réalisé une enveloppe qui permet de respirer et s'assécher en cas d'infiltration d'eau ou de condensation. Malgré un test d'infiltrométrie atteignant un taux de changement d’air à l’heure de 0.27 CAH@50Pa, donc assez étanches, les produits ont été sélectionnés pour atteindre une meilleure perméance de l'enveloppe.
Notre enveloppe est composée ainsi :
Revêtement de bois extérieur - atelier du bois David Gilbert
Fourrures
Pare-air/pare-pluie Aeromax R2, de Salola
Revêtement intermédiaire de Néopor graphité - basf 1-1/2'' R-7,1 et perméance à la vapeur de 4 perms
Colombages de bois 2x6 aux 24'' c/c sans linteaux aux endroits non requis et avec des linteaux, une seule sablière, sans colombages excédentaires pour le soutien des linteaux, etc.
Laine de roche 6'' R-24, imputrescible et permettant une meilleure gestion de l'eau si un jour il y en a. Nous savons que ce n'est pas le meilleur isolant d'un point de vue écologique, nous réalisons également des projets avec de la laine de chanvre. Dans ce projet, nous voulions vraiment tester un standard que les entrepreneurs connaissent et utilisent pour rendre la maison plus performante.
Pare-vapeur hygrorégulant intelligent Hygromax, de Salola
Charpentier-menuisier, technologue en architecture, architecte et concepteur certifié en maisons passives, Emerick dirige la firme écorce architecture écologique qu'il a fondée à Québec en 2015 avec sa conjointe Camille Eustache qui est en voie de devenir architecte également. Ils se sont donnés pour mission « de démocratiser la conception de bâtiments sains, écologiques et locaux ». Le nom de l'entreprise « prend racine de la proximité que nous avons avec le bois en contexte québécois et de sa faible énergie intrinsèque, due à sa captation de carbone durant tout son cycle de vie. Pour nous, réaliser une architecture écologique débute par l’utilisation de matériaux locaux à faible empreinte environnementale, et le bois, étant un matériau renouvelable, est l’essence même de ce que nous devrions utiliser pour réaliser des projets écoresponsables. Ajoutons à cette idée les principes fondamentaux de l’enveloppe du bâtiment. Il est primordial dans l’optique de pérennité d’un bâtiment, d’avoir une enveloppe performante et bien réfléchie. Au même titre que l’écorce est indispensable pour la protection du cœur de l’arbre, l’enveloppe l’est tout autant pour le milieu de vie intérieur d’un habitat. écorce représente donc la symbiose d’une enveloppe écologique et performante, par la représentation métaphorique de matériaux locaux, sains et écologiques. L'identité visuelle de la firme reflète son processus créatif, explique-t-il : « Ce qu’écorce exprime visuellement est la conjonction de deux notions liées à la nature et sa protection. D’abord, l’impact de chaque geste sur l’environnement, telles les ondes dans l’eau qui se propagent bien plus loin qu’une simple goutte qui tombe. Ensuite, le temps que prends la nature à se régénérer, visible à chaque cerne d’un tronc, du cœur de l’arbre, jusqu’à son écorce, qui nous amène à une notion de slow living, de slow building. »