
Éditorial de la revue médicale britannique The Lancet, paru le 18 novembre 2025. Version d'origine : https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(25)02322-0/fulltext
L'augmentation de la consommation d'aliments ultra-transformés (AUT) dans l'alimentation humaine nuit à la santé publique, favorise les maladies chroniques dans le monde entier et aggrave les inégalités en matière de santé. Pour relever ce défi, il faut une réponse mondiale unifiée qui s'oppose au pouvoir des entreprises et transforme les systèmes alimentaires afin de promouvoir une alimentation plus saine et plus durable, selon une nouvelle série d'articles publiés dans The Lancet sur les AUT et la santé humaine, publiée le 19 novembre.
Les AUT constituent le groupe d'aliments le plus transformé dans le système de classification Nova, qui catégorise les aliments en fonction du degré et de l'objectif de leur transformation. Les AUT sont identifiés par la présence d'additifs sensoriels qui améliorent la texture, la saveur ou l'apparence des aliments. Une consommation élevée d'AUT est associée à un risque accru d'obésité, de maladies cardiovasculaires et d'autres pathologies. Cependant, la valeur du concept d'AUT n'est pas universellement acceptée. Certains détracteurs affirment qu'il n'est pas utile de regrouper dans la catégorie desAUT des aliments qui pourraient avoir une valeur nutritionnelle, tels que les céréales enrichies pour le petit-déjeuner et les yaourts aromatisés, avec des produits tels que les viandes reconstituées ou les boissons sucrées. Mais les AUT sont rarement consommés isolément. C'est le régime alimentaire global à base d'AUT, dans lequel les aliments entiers et peu transformés sont remplacés par des alternatives transformées, et l'interaction entre plusieurs additifs nocifs, qui entraîne des effets néfastes sur la santé.
Au cœur de l'industrie des AUT se trouve la transformation à grande échelle de matières premières bon marché, telles que le maïs, le blé, le soja et l'huile de palme, en une large gamme de substances et d'additifs dérivés des aliments, contrôlée par un petit nombre de sociétés transnationales. Les AUT font l'objet d'un marketing agressif et sont conçus pour être hyperpalatables, ce qui encourage une consommation répétée et remplace souvent les aliments traditionnels riches en nutriments. Dans de nombreux pays à revenu élevé, les AUT représentent environ 50 % de l'apport alimentaire des ménages, et leur consommation augmente rapidement dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Les dommages s'étendent à la santé de la planète. La production industrielle, la transformation et le transport des produits agricoles sont des systèmes à forte intensité de combustibles fossiles, et les emballages plastiques sont omniprésents dans les AUT.
L'industrie des AUT génère d'énormes revenus qui soutiennent sa croissance continue et financent les activités politiques des entreprises visant à contrer les tentatives de réglementation des AUT. Une poignée de fabricants dominent le marché, notamment Nestlé, PepsiCo, Unilever et Coca-Cola. Une approche globale, menée par les pouvoirs publics, est nécessaire pour inverser la tendance à la hausse de la consommation d'AUT. Les mesures prioritaires comprennent l'ajout de marqueurs ultra-transformés, tels que les colorants, les arômes et les édulcorants non sucrés, aux modèles de profil nutritionnel utilisés pour identifier les aliments malsains ; l'apposition obligatoire d'étiquettes d'avertissement sur le devant des emballages ; l'interdiction de la commercialisation destinée aux enfants ; la restriction de ces types d'aliments dans les institutions publiques ; et l'augmentation des taxes sur les AUT. La domination du marché et le pouvoir politique de l'industrie des AUT doivent également être combattus par une politique de concurrence plus stricte, en remplaçant l'autorégulation par une réglementation obligatoire et en luttant contre l'ingérence des entreprises. La société civile peut également contribuer à accélérer le changement, comme l'illustre le programme de politique alimentaire de Bloomberg Philanthropies, qui a facilité l'adoption de mesures politiques en Amérique latine et en Afrique subsaharienne en créant des coalitions pour promouvoir la réglementation de l'industrie, en évaluant les politiques une fois mises en œuvre et en apportant son soutien aux pays confrontés à l'ingérence des entreprises lors de l'adoption et de la mise en œuvre de politiques visant à réduire la consommation d'AUT.
L'équité doit être au cœur de la lutte contre les AUT. La consommation tend à être plus élevée chez les personnes confrontées à des difficultés économiques. Les efforts visant à abandonner les régimes alimentaires riches en AUT ne doivent pas aggraver les inégalités entre les sexes dans la cuisine ou l'insécurité alimentaire parmi les populations qui dépendent des AUT bon marché. Faisant écho aux recommandations de la Commission EAT-Lancet, la transformation des systèmes alimentaires nécessitera de réorienter les subventions agricoles vers les grandes entreprises transnationales. Au contraire, il convient de soutenir un large éventail de producteurs alimentaires afin qu'ils créent des aliments et des repas locaux, abordables, peu transformés, pratiques et attrayants pour les consommateurs. La taxation des AUT pourrait contribuer à financer des transferts en espèces pour l'achat d'aliments complets et d'autres aliments peu transformés afin de protéger les ménages à faibles revenus.
L'industrie des AUT est emblématique d'un système alimentaire de plus en plus contrôlé par des sociétés transnationales qui privilégient les profits des entreprises au détriment de la santé publique. La série du Lancet renforce les arguments en faveur de la mise en œuvre immédiate de politiques visant à relever le défi des AUT. Cela nécessite une réponse mondiale coordonnée et dotée de ressources suffisantes, avec des politiques globales et complémentaires qui s'attaquent aux pratiques néfastes des entreprises et brisent l'emprise de l'industrie des AUT sur les systèmes alimentaires mondiaux.
Les aliments ultra-transformés contiennent souvent :
- Beaucoup de gras (lipides saturés ou trans);
- Beaucoup de sel (sodium);
- Beaucoup de sucre;
- Peu de fibres.


