De grandes quantités de matériaux de construction hygroscopiques - par exemple, le bois de construction et la cellulose - peuvent agir comme des tampons hygriques et des redistributeurs hygriques.
Adapté de https://www.greenbuildingadvisor.com/article/hygric-buffering-and-hygric-redistribution
L'auteur est l'ancien rédacteur en chef de la publication américaine Green Building Advisor
L'eau est à l'origine de nombreux problèmes dans les bâtiments. Lorsque la pluie s'infiltre dans les murs par un appui de fenêtre sans solin efficace ou lorsque l'humidité de l'air en été entre en contact avec un tuyau d'eau froide et se condense, la moisissure ou la corrosion peut facilement se développer.
Une façon de gérer les fuites d'eau localisées ou les pics d'humidité intermittente, c'est de construire avec des matériaux hygroscopiques qui assurent le tamponnage hygrique et la redistribution de l'humidité.
Pour dire la même chose en termes plus simples, il s'agit d'installer des matériaux de construction capables d'absorber facilement l'humidité, comme une éponge, et la redistribuer au besoin. C'est le cas par exemple de la brique, du bois de charpente et de l'isolation cellulosique. Les constructeurs écologiques qui utilisent des matériaux naturels soulignent parfois que dans une maison aux murs épais en pisé, en bottes de paille ou en rondins, ces matériaux hygroscopiques agissent comme un amortisseur d'humidité.
Photo : Les chercheurs ont utilisé cette chambre d'essai scellée pour mesurer la capacité d'hygrométrie des murs en rondins de bois. Les tests effectués par les scientifiques de l'Institut biophysique Fraunhofer, en Allemagne, ont confirmé que les murs en rondins fournissaient une meilleure capacité de tamponnage hygrique que des planches de sapin bouvetées ou des panneaux acoustiques muraux.
Tamponnage hygrique
Ceux qui louangent les tampons hygriques comparent ces matériaux à la masse thermique, comme le béton en contact avec l'air intérieur d'une maison peut agir comme un volant d'inertie thermique, aidant à égaliser les pointes et les creux de température. De même, les matériaux hygroscopiques en contact avec l'air intérieur peuvent atténuer les épisodes de forte et de faible humidité relative.
Lorsque l'air l'air est très humide, les matériaux hygroscopiques peuvent absorber l'humidité; et quand l'air est très sec, ces matériaux relâchent l'humidité dans l'air intérieur, par évaporation.
Redistribution hygrique
Outre leur fonction de tampon hygrique, les matériaux hygroscopiques fournissent parfois une "redistribution hygrique" utile : l'eau s'éloigne d'un endroit humide par capillarité ou effet de mèche. Si l'eau pénètre dans un mur avec des colombages d'acier et de la fibre de verre, par exemple à cause d'un seuil de fenêtre qui fuit, ces matériaux ne peuvent pas absorber l'eau et elle s'accumulera sur la lisse basse. Mais si de l'eau pénètre dans un mur comportant des montants en bois et une isolation en cellulose, les matériaux peuvent absorber et redistribuer l'humidité. Si la fuite est mineure, les matériaux hygroscopiques peuvent absorber l'eau jusqu'à ce qu'elle s'évapore en toute sécurité, du moins en théorie.
Combien d'eau y a-t-il dans votre maison?
William Rose est architecte chercheur au Building Research Council de l'Université de l'Illinois. Dans son manuel de référence, Water in buildings - An architect's Guide to Moisture and Mold (L'eau dans les bâtiments - Un guide sur l'humidité et la moisissure pour les architectes), il a estimé la quantité d'eau contenue dans les matériaux de construction d'une maison. « Le bois d'une maison peut à lui seul contenir plus d'une tonne d'humidité, écrit-il. Ajoutez à cela la quantité d'eau stockée dans d'autres matériaux cellulosiques, tels que les revêtements de cloisons sèches, les livres et les tissus en coton (en supposant un taux d'humidité de 12 %), le gypse et d'autres matériaux minéraux, et l'eau stockée dans les bâtiments commence à être considérable... Il est évident que l'eau stockée dans les matériaux de construction est au moins cent fois plus importante que l'eau contenue dans l'air. »
C'est bien beau de parler des capacités d'absorption de l'humidité des épais murs de maçonnerie d'une vieille villa en Toscane. Les romantiques nous rappellent que pendant les étés italiens, la chaleur du soleil de midi et l'humidité relative peuvent être modulées par d'épais murs de maçonnerie, de sorte que lorsque vous rentrez à l'intérieur, l'air intérieur est moins rude que ce qu'il ne le serait autrement.
Cependant, les maisons américaines ne ressemblent pas aux villas toscanes. La plupart des propriétaires gardent leurs fenêtres fermées et en été la plupart des maisons sont généralement déhumidifiées et redroidies par un climatiseur, ce qui réduit considérablement les besoins en matière de tampons hygriques.
Études en Europe
Il y a quelques années, j'ai assisté à une conférence au cours de laquelle un scientifique suédois spécialisé dans la construction a présenté un document qui
quantifiait l'effet de tampon hygrique des livres. Si vous êtes le type de constructeur qui a conclu que l'effet tampon hygrique des livres est un facteur déterminant, et que vous avez rempli vos murs d'étagères à livres du plancher au plafond, vous êtes chanceux. En plus, vos murs servent de masse thermiques stockant la chaleur et la restituant à l'air quand il fait froid.
Parmi les autres articles publiés sur le thème des tampons hygriques par des scientifiques européens spécialisés dans la construction, on peut citer un article belge qui traite d'une proposition de mesure appelée "valeur tampon hygrique" ou Moisture Buffer Value (MBV). Celle-ci « indique la quantité d'humidité absorbée ou libérée par un matériau lorsqu'il est exposé à des variations répétées de l'humidité relative entre deux niveaux. Lorsque l'absorption d'humidité du début à la fin de l'exposition à une humidité relative élevée est rapportée par rapport à un espace ouverte et à la variation en % de l'humidité relative, le résultat est la MBV dont l'unité de mesure est le kg/(m².%RH) ».
On peut supposer que les matériaux ayant une MBV élevée sont (dans certains cas) plus souhaitables que les matériaux ayant une MBV faible. Les chercheurs belges ont conclu que la MBV est une bonne indication de la capacité hygrique à long terme d'un matériau, mais moins utile pour prévoir sa capacité d'absorption de l'humidité à court terme. Il reste une difficulté pour les concepteurs de bâtiments, même si vous connaissez le MBV d'un matériau, il est difficile de savoir si cette donnée est utile.
Les murs en bois agissent comme des tampons hygriques
Une autre étude pertinente a été réalisée par cinq chercheurs allemand de l'Institut de biophysique Fraunhofer, Hartwig Künzel, A. Holm, K. SedIbauer, F. Antretter et M. Ellinger. Le titre de leur étude de 2004 était Moisture buffering effects of interior linings made from wood or wood-based products (Effets d'amortissement de l'humidité des revêtements intérieurs en bois ou en produits à base de bois).
Les chercheurs ont entrepris de comparer l'effet tampon sur l'humidité du plâtre ordinaire avec cinq autres types de revêtements muraux. Les chercheurs écrivent : « Pour déterminer les capacités d'amortissement de l'humidité de divers revêtements intérieurs [matériaux de finition], la salle d'essai ... a été recouverte de revêtements non traités constitués de panneaux d'épicéa fabriqués à partir de planches à rainure et languette, d'éléments [panneaux] acoustiques, d'unités [panneaux] d'isolation en fibre de cellulose, de rondins massifs en pin scandinave et de feuilles de panneaux de fibres de bois. En comparant les amplitudes d'humidité de l'air intérieur résultant d'un pic de production d'humidité dans la salle d'essai revêtue et dans la salle de référence enduite, les capacités de tamponnement de l'humidité des différents matériaux de revêtement testés ont pu être quantifiées. »
Les gagnants ? Les rondins non peints et les panneaux de fibres non peints. « Alors que les murs en rondins avaient la meilleure capacité tampon à long terme, l'effet tampon à court terme le plus important a été obtenu par les panneaux de fibres de bois. »
Bien qu'intéressants, les résultats de ces recherches ne sont pas très pertinents pour les besoins des décorateurs d'intérieur. Les panneaux de fibres non peints ne constituent pas un bon matériau pour les murs intérieurs, car ils sont mous et difficiles à nettoyer. De plus, très peu de propriétaires sont prêts à supporter les problèmes de fuites d'air bien connus [NDLR : qui sont souvent mais pas toujours] associés aux murs en bois massif.
Les murs en bottes de paille avec des enduits naturels ont probablement d'excellentes capacités de tampon hygrique, mais les chercheurs allemands n'ont pas testé ce type de mur.
Plus sur la redistribution de l'humidité
Pour un autre point de vue sur la redistribution de l'humidité, il est utile de souligner que même les matériaux non hygroscopiques (y compris les matériaux hydrophobes comme l'isolation en laine minérale) peuvent parfois contribuer à la redistribution de l'humidité. Par exemple, quand une laine minérale est installée à l'extérieur d'un revêtement mural intermédiaire en panneaux de copeaux orientés (ou OSB pour Oriented Strand Board en anglais), cet isolant permet au revêtement humide de sécher vers l'extérieur.
Ce type d'évaporation n'est pas le même phénomène que l'effet de mèche d'une remontée capillaire, mais il met en évidence une caractéristique qui distingue la laine minérale de la mousse rigide. J'ai récemment téléphoné au scientifique du bâtiment Joseph Lstiburek pour lui poser quelques questions sur la redistribution de l'humidité [il en parlait dans son article Moisture Control for Buildings publié dans l'ASHRAE Journal en février 2002]. « Si vous installez de la laine de roche à l'extérieur du mur, la laine de roche finit par aspirer l'humidité de l'OSB, m'a dit Lstiburek. L'eau sort sous forme de vapeur et se condense sur les fibres de la laine de roche. Le liquide reste dans les espaces. Il n'est donc pas nécessaire qu'un matériau soit hygroscopique pour être un tampon hygrique - il suffit qu'il ait des espaces. »
L'analyse de Max Sherman
Il y a une douzaine d'années, lors du Westford Symposium on Building Science 2003 dans le Massachusetts, Max Sherman, scientifique senior au Lawrence Berkeley National Laboratory, a fait une présentation humoristique sur les problèmes de moisissures. Il a expliqué que le brouhaha autour des moisissures avait donné lieu à trois réponses, la première étant « l'approche Terry Brennan », qui peut se résumer ainsi : « Il faut s'y habituer » ou « Les moisissures arrivent ». Selon Sherman, les adeptes de Brennan, ayant compris le zen de la moisissure, acceptent sa réalité et s'adaptent.
Sherman a qualifié la deuxième réponse de « Joe Lstiburek » ou de « Tough Guy », qu'il a résumée par l'expression « les vrais hommes l'acceptent et le recrachent ». Sherman rappelle à l'auditoire (qui comprend Brennan et Lstiburek) que Joe vante parfois les vertus des assemblages de murs avec des tampons hygriques. Tant qu'un mur comprend des matériaux capables d'absorber l'humidité et que le niveau d'humidité ne dépasse jamais les limites supérieures du tampon, ce mur devrait résister à la défaillance.
La troisième approche, poursuit Sherman, est résumée par l'expression « Pressez-le jusqu'à ce qu'il pleure ». Les adeptes de cette approche croient qu'il faut tenir les moisissures à distance grâce à la déshumidification. Si une maison est équipée d'un déshumidificateur qui maintient l'humidité relative intérieure en dessous de 50 %, il est peu probable que les moisissures viennent la visiter. Bien entendu, la plupart des experts en science du bâtiment, y compris Brennan et Lstiburek, recommandent une combinaison d'au moins deux, et souvent des trois, stratégies décrites dans la présentation légère de Sherman.
Brennan, consultant et président de Camroden Associates à Westmoreland, New York, est également connu comme l'initiateur de l'analogie avec Wile E. Coyote [l'ennemi juré du Roadrunner dans une populaire dessin animé]. Brennan note que « la différence entre six pouces de ce côté-ci de la falaise et six pouces de l'autre côté est vraiment très grande ». C'est pourquoi il peut être judicieux, même dans une maison dotée de tampons hygriques et d'une faible humidité intérieure, de prendre en compte les avantages des matériaux tolérants à l'humidité. Sherman appelle une réponse à trois volets aux moisissures « l'approche autrefois connue sous le nom de redondance ».
Comment utiliser ces connaissances ?
S'il est facile de décrire des exemples de tampons hygriques ou de redistribution hygrique, il est beaucoup plus difficile pour les constructeurs de se faire une idée de ce que ces tampons signifient pour la conception des bâtiments. La plupart des spécialistes de la construction s'accordent à dire que certains assemblages de murs qui semblent risqués sont rendus plus sûrs par la redistribution hygrique. L'exemple classique est celui d'un mur à double ossature isolé avec de la cellulose injecté à haute densité. Dans un climat froid, l'humidité a tendance à s'accumuler du côté froid de ce type de mur pendant les mois d'hiver, ce qui entraîne un revêtement mural humide. Pourtant, lorsque ces murs sont démontés et inspectés, le revêtement mural est presque toujours en bon état.
L'absence de moisissure ou de pourriture est souvent attribuée à deux facteurs : la redistribution de l'humidité par la cellulose (qui extrait l'humidité du revêtement et la redistribue vers le centre du mur) et l'assèchement vers l'extérieur en avril et en mai. En outre, il n'existe pas de moyen facile de comparer les avantages et les inconvénients de l'isolation en fibre de verre soufflée avec les avantages et les inconvénients de l'isolation en cellulose. L'eau a plus de chances de s'écouler rapidement à travers la fibre de verre qu'à travers la cellulose, et c'est une bonne chose, n'est-ce pas ? La fibre de verre humide sèche plus rapidement que la cellulose, ce qui est également une bonne chose... Mais d'un autre côté, la cellulose offre à la fois un tampon hygrique et une redistribution de l'humidité, caractéristiques absentes de l'isolation en fibre de verre... La cellulose doit donc être préférable, n'est-ce pas ?
Pour peser tous les facteurs pertinents, les observations sur le terrain peuvent être aussi - sinon plus - précieuses que la modélisation hygrothermique. Lors de notre récente conversation téléphonique, M. Lstiburek a fait remarquer que l'isolation cellulosique ne peut pas faire de miracles. « Un mur de masse construit avec plusieurs épaisseurs de briques est un exemple spectaculaire de répartition hygrique, m'a dit Lsitubrekt. L'eau de pluie pénètre, est évacuée, stockée et redistribuée dans un matériau insensible à l'eau. Mais la redistribution hygrique ne fonctionne pas de cette manière avec la cellulose. Certes, la cellulose évacue et stocke l'humidité, mais celle-ci se retrouve d'un seul côté du mur en raison du gradient thermique. La redistribution de l'humidité vous permet de gagner quelque chose, mais pas suffisamment pour vous mettre à l'abri des problèmes. Si vous avez une fenêtre qui fuit, la cellulose ne vous sauvera pas par rapport à l'isolation en fibre de verre. »
Peser la valeur des matériaux hygroscopiques
De nos jours, pour réussir l'assemblage d'un mur ou d'un toit, les concepteurs doivent tenir compte des codes énergétiques locaux, des scientifiques du bâtiment, des revues techniques et de leur propre compréhension de ce qui s'est avéré efficace sur le terrain. Lorsqu'il s'agit de peser tous ces facteurs, les considérations relatives au tampon hygrique ne retiennent généralement pas beaucoup l'attention du concepteur - et c'est probablement ce qu'il convient de faire. De mon point de vue, voici comment la distribution et le tamponnage hygriques s'intègrent dans les considérations de conception des murs et des plafonds :
• Les matériaux hygroscopiques présentent de multiples avantages, notamment des avantages acoustiques et des capacités de tampon hygrique qui peuvent compenser les variations de l'humidité relative à l'intérieur.
• Les murs les plus performants sont conçus pour rester secs. Cet objectif peut être atteint grâce à l'utilisation de bons solins extérieurs, d'un écran pare-pluie ventilé entre le bardage et la barrière étanche et d'une couche d'isolant sur la face extérieure du revêtement mural.
• Les assemblages de murs et de toits qui comprennent des matériaux hygroscopiques sont parfois mieux à même de faire face à des entrées d'eau mineures ou à l'accumulation d'humidité que ceux qui n'en contiennent pas, mais les concepteurs ne doivent pas compter sur ce fait pour les mettre à l'abri des ennuis.