Chez Christina Lavallée (g) et Shirley Beaudoin (dr), le lecteur Safe and Sound Pro II affiche des pics de densité de radiofréquences/micro-ondes entre 8 000 μW/m2 et 59 600 μW/m2. Selon les lignes directrices pour la prévention, le diagnostic et le traitement des problèmes de santé liés aux ondes publiées en 2016 par l’Académie européenne pour la médecine environnementale (EUROPAEM), les antennes cellulaires et téléphones sans fil ne devraient pas nous exposer de façon prolongée (plus de quatre heures) à plus de 100 μW/m2 le jour et à 10 μW/m2 la nuit.

Pour les habitants des régions éloignées qui se sentent coupés de la civilisation sans réception cellulaire et Internet adéquate, les nombreuses et puissantes antennes relais installées dans leurs quartiers ces dernières années, avec l’aide financière des gouvernements, sont une bénédiction. Mais parmi les personnes qui vivent le plus près des tours qui accueillent ces antennes, certaines disent qu’elles sont un véritable cauchemar qui mine leur santé.

En octobre 2019, l’entreprise de téléphonie cellulaire Telus érigeait deux tours au cœur de Blanc-Sablon, municipalité très peu polluée située à l’extrême est de la Côte-Nord. Elles ont été livrées par bateau et par hélicoptère puisque aucune route directe ne relie les 460 kilomètres qui séparent Natashquan et Blanc-Sablon. Une seule antenne est fixée sur la première, la seconde en compte 35.

Christina Lavallée, 79 ans, vit à moins de 150 m de cette deuxième tour. « Le 4 décembre 2019, je suis revenue d’un voyage à Ottawa et j’ai épinglé ma lessive sur la corde à linge, raconte-t-elle en entrevue téléphonique. Deux jours après, alors qu’il ventait beaucoup, j’ai déposé le linge sur ma table de salle à manger et je me suis dit, ‘’ Mon dieu, qu’est-ce qui se passe? ‘’ : j’avais de la misère à respirer. »

Un mois plus tard, bien avant que la COVID-19 n’arrive dans ce village de quelque 1 100 habitants, son état s’est aggravé. « J’étais tellement malade, je me levais tellement fatiguée, avec des maux de tête, des nausées et des douleurs au milieu de l’abdomen, raconte cette dame qui dit souffrir de fibromyalgie et d’ostéoporose depuis plusieurs décennies. Pourtant, quand je m’éloignais de la maison, je n’avais aucun symptôme. Je n’ai jamais eu de douleur dans l’œsophage comme aujourd’hui. »

Les autorités de santé publique se font rassurantes et disent que les antennes nous exposent à des densités de radiofréquences (RF) de loin inférieures à celles provenant des appareils sans fil domestiques. Mais les experts indépendants à qui nous avons parlé s’inquiètent particulièrement de l’exposition chronique, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, qui empêche au corps de récupérer, notamment la nuit alors qu’il devrait être en mode de réparation.

Mme Lavallée dit d’ailleurs avoir déconnecté son Wi-Fi et garde toujours son téléphone portable à un pied de son corps, en utilisant le haut-parleur. Son exposition aux antennes est toutefois constante, lorsqu’elle est chez elle. À défaut de déménager ou de blinder sa maison avec des matériaux métalliques, la seule façon de réduire son exposition est de s’éloigner des antennes. « Je suis obligée de dormir dans une autre chambre, la plus éloignée de la tour. » 

Selon le site Canadian Cellular Towers Map, les 35 antennes en question sont fixées à 20 m de hauteur et émettent des RF dans la gamme des micro-ondes (700 à 2 600 Mhz). La tour fait 30 m et est érigée devant la maison des jeunes, le presbytère et l’hôpital local sur un terrain appartenant au Centre de services scolaire (CSS) du Littoral. Celui-ci a signé avec Telus un bail de 10 ans entré en vigueur le 1er avril 2019. « En ce qui concerne le loyer qui est de 1 250 $ par année, ces revenus sont redistribués également entre les conseils d’établissement de notre territoire », explique Geneviève Boucher, secrétaire générale du CSS, dont le bureau est à Sept-Îles. Selon Telus, son projet de 23,3 millions de dollars a permis d'augmenter de 40 fois la puissance du service Internet actuel.

La voisine immédiate et belle-sœur de Mme Lavallée, Shirley Beaudoin, 86 ans, dit aussi souffrir depuis la mise en service des antennes de Telus. « Je vois très bien la tour de ma table de salle à dîner qui me sert de bureau où je travaille toute la journée, dit la propriétaire de l’Auberge Motel Quatre-Saisons. J’ai senti un échauffement de la jambe gauche aussitôt la tour installée. Il ne m’a jamais répondu. J’ai la moitié de la jambe enflée en permanence. Mon médecin m’a dit qu’on ne peut pas dire que c’est produit par la tour ».

Symptômes d'électrohypersensibilité

Leurs malaises sont des symptômes classiques d’électrohypersensibilité (EHS) documentés depuis la Seconde Guerre mondiale, selon le site de la toxicologue ontarienne Magda Havas. On peut lire sur son site web magdahavas.com les rapports Dodge et Glaser de la Marine américaine, qui a résumé des études soviétiques à la fin des années 1960. Selon l’Institut national de santé publique, à l’époque les opérateurs de radar pouvaient souvent recevoir des doses de RF/micro-ondes de loin supérieures à celles auxquelles le public est soumis aujourd’hui. Un argument fallacieux, selon Arthur Firstenberg, auteur du livre L’arc-en-ciel invisible – Une histoire de l’électricité et de la vie et webmestre du site cellphonetaskforce.org. « La densité de puissance n'est pas pertinente. Ces dames sont exposées 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et pas seulement de façon sporadique pendant les heures de travail. Et tout est numérique et pulsé aujourd'hui, ce qui est beaucoup plus dommageable que les signaux radar analogiques des années 50. »

L’EHS est aussi appelée maladie des ondes radio, hypersensibilité électromagnétique (HSEM) et syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques (SICEM). Elle a été reconnue comme maladie professionnelle en 2000 par le Conseil des ministres nordiques européens qui affirme que « les symptômes disparaissent dans les environnements non électriques ». Bien qu’elle reconnaisse que ces symptômes peuvent être handicapants, en 2005 l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié un avis concluant que la HSEM ne constitue pas un diagnostic médical : « Il n'existe ni critères diagnostiques clairs pour ce problème sanitaire, ni base scientifique permettant de relier les symptômes de la HSEM à une exposition aux CEM. » Or, les études de provocation (d’exposition humaine) citées par l’OMS sont contestées par les experts indépendants et l’organisme n’a pas mis à jour son avis pour tenir compte des études qui ont établi un lien entre l’exposition aux ondes et les symptômes d’EHS (lire notre dossier Quand le vase déborde : l’intolérance aux ondes).

Sur le site bioinitiative.org, un document de onze pages présente les effets biologiques documentés dans des études révisées par des pairs à des niveaux d’exposition jusqu’à des millions de fois en deçà des limites gouvernementales qui visent seulement à éviter les effets thermiques des micro-ondes. La chirurgienne Cindy Russell, directrice générale de l’organisme Physicians for Safe Technology (Médecins pour une technologie sécuritaire) et auteure de la résolution sur le sans-fil de l’Association médicale californienne qui prône la précaution en la matière, explique : « Nous devons nous pencher de toute urgence sur l'expansion continue et rapide des dispositifs et infrastructures sans fil du point de vue de la santé et de la sécurité, qui est aujourd'hui malheureusement éclipsé par des influences économiques et politiques. Les normes d'exposition dépassées doivent être revues. Bien que les mesures du rayonnement radiofréquence à proximité des tours de téléphonie cellulaire ou dans les habitations soient conformes aux normes de la Federal Communications Commission des États-Unis ou de Santé Canada, ces limites sont basées uniquement sur la chaleur, et non sur les effets biologiques du rayonnement radiofréquence, et ne tiennent pas compte des études montrant des effets néfastes non thermiques à des niveaux bien inférieurs aux normes actuelles. Les populations vulnérables ne sont pas prises en compte, comme les enfants, les femmes enceintes, les personnes souffrant de maladies chroniques ou d'électrohypersensibilité. »

Par exemple, une étude commandée par le Parlement européen (STOA, 2021) a conclu que les fréquences de 0,45 à 6 gigahertz (GHz) « sont probablement cancérigènes pour l'humain et affectent probablement la fertilité des mâles et aussi des femelles. Elles peuvent avoir des effets néfastes sur le développement des embryons, des fœtus et des nouveau-nés ».

Une toute récente analyse (Balmori 2022) de 38 études portant sur des gens vivant dans des immeubles appartements à proximité d’antennes a conclu que 73,9 % (17 études sur 23) ont démontré que les ondes causent la maladie des radiofréquences, 76,9 % (10/13) ont trouvé une hausse des cancers et 75 % (6/8) ont vu des changements dans les paramètres biochimiques. Dans leur revue de la littérature en la matière, Levitt et Lai (2010) recommandaient de placer les antennes à au moins 500 m des lieux habités et à au moins 50 m de hauteur. En 2018, deux études majeures faites sur des rats ont prouvé clairement que l’exposition aux ondes cellulaires pouvait causer le cancer. Si les rats du Programme national de toxicologie américain ont été exposés aux émissions de téléphones portables, ceux du prestigieux Institut Ramazzini italien furent irradiés par de plus faibles densités simulant le rayonnement des antennes cellulaires.

Le premier sondage scientifique sur les problèmes de santé associés aux émissions des antennes cellulaires a été réalisé en 2003 auprès de 530 répondants français. L’étude fut réalisée par l’équipe du chercheur Roger Santini, enseignant au laboratoire de biochimie-pharmacologie de l’Institut national des sciences appliquées de Lyon. Selon le résumé de cette étude intitulée Enquête sur la santé des riverains de stations de base de téléphonie mobile : incidence de la distance et du sexe : « Dix huit symptômes, décrits dans la maladie des radiofréquences, ont été étudiés au moyen du test non paramétrique du CHI-CARRÉ avec la correction de Yates. Les résultats obtenus soulignent que certaines plaintes sont exprimées uniquement dans le voisinage immédiat (p<0,05) chez les femmes par rapport aux hommes. »

Dans leur livre Votre GSM, votre santé, on vous ment, Santini et ses coauteurs constatent « l'apparition possible à plus long terme d'un lien entre ces expositions et des maladies lourdes, telles des maladies dégénératives du système nerveux et certaines formes de cancers », parmi les effets documentés dans les études les plus récentes.

Facteurs influençant la réponse biologique aux ondes

Les effets biologiques visibles et invisibles des ondes dépendent de nombreux facteurs, explique la chirurgienne Cindy Russell. « La réponse aux rayonnements électromagnétiques sans fil, écrit-elle, varie considérablement d'une personne à l'autre, allant de l'absence de symptômes à quelques symptômes et à des symptômes retardés, ainsi qu'une différence dans les dommages biologiques silencieux, en fonction de l'équilibre du stress oxydatif. La distance, la pulsation (modulation), la puissance, la durée d'exposition et la fréquence du rayonnement influent sur les symptômes. Il existe des différences individuelles dans la génétique, le métabolisme, la nutrition, l'âge, les expositions toxiques antérieures et également les expositions antérieures aux rayonnements de radiofréquence (RFR) qui affectent la sensibilité d'une personne aux rayonnements sans fil. Les personnes sensibles aux produits chimiques peuvent également être électrosensibles, comme l'a écrit l’oncologue français Dominique Belpomme, en raison de différences métaboliques dans les voies d'oxydation. Avec l'augmentation des niveaux d'exposition, les gens peuvent développer des symptômes d'EHS ou une intolérance aux rayonnements de radiofréquence des appareils sans fil dans leur maison, ainsi qu'aux tours cellulaires adjacentes. Les compteurs intelligents ont été signalés comme pouvant provoquer chez certaines personnes des symptômes de type HSEM. Cela a été confirmé dans une étude publiée dans un article revu par des pairs (Lamech 2014). »

Shirley Beaudoin croit que la plupart de ses voisins n’ont ressenti aucun symptôme depuis l’érection de la tour parce qu’ils sont plus jeunes. « Ma sœur Emma est morte d’un AVC l’an passé. Après l’installation de la tour, son diabète s’est aggravé, elle avait des problèmes de concentration et était fatiguée tout le temps. Elle m’a dit : ‘’Je sens que je vais mourir cette année.‘’ Elle était tellement choquée, elle ne pouvait pas expliquer pourquoi elle était si malade. Je regrette de ne pas avoir porté plus attention à ce qu’elle disait. C’est elle qui m’a envoyé toute l’information sur les effets des antennes, mais je ne voulais pas m’impliquer. » Elle dit ne posséder ni cellulaire, ni téléphone sans fil. « J’ai tout enlevé ça. Mon modem Wi-Fi n’est pas installé dans mon bureau. J’ai une tablette que j’utilise parfois et je m’en éloigne le plus possible. » Aussi blinde-t-elle sa porte avec du papier d’aluminium.

Mme Beaudoin dit qu’une vingtaine de personnes se sont opposées à l’érection des tours après qu’un avis annonçant la tenue d’une consultation publique concernant le projet de Telus a été publié dans les journaux. « Tout ça s’est fait 53 jours après que le bail a été signé. On a remis une pétition à la mairesse Wanda Beaudoin (son père était mon cousin). Depuis, elle est décédée du cancer, le même jour que ma sœur. »

La Municipalité a sondé l’avis de ses citoyens de 14 ans et plus. « Dans le village de Blanc-Sablon, c’est presque 94 % des répondants qui appuient la construction de la tour à l’emplacement prévu par Telus, rapportait Radio-Canada le 10 juillet 2019. Le sondage a également permis aux citoyens d’indiquer s’ils désiraient que d’autres emplacements pour les tours soient considérés. Sachant notamment qu'un autre choix entraînerait un délai d’un an ou plus pour que la haute vitesse pour Internet soit offerte dans la communauté, près de 90 % des répondants ont écarté ce choix. »

Pour optimiser la couverture cellulaire dans une zone donnée, les entreprises de télécommunication choisissent des sites élevés qui sont libres d’obstacles, comme des arbres ou des bâtiments pouvant bloquer ces ondes. Selon Mme Beaudoin, les gens de Telus « m’ont expliqué qu’ils voulaient que ça se fasse le plus vite possible et meilleur marché. Ils ont dit, ‘’Si vous n’acceptez pas cet emplacement, le projet sera remis d’un an‘’. C’était du chantage. On n’était pas contre l’Internet haute vitesse. On était contre cet emplacement ». Telus n’a pas répondu à notre demande d’entrevue.

Plainte et réponse de la Santé publique

Shirley Beaudoin a fait part de ses inquiétudes aux autorités de santé publique locales, en août 2020. Le Dr Stéphane Trépanier, médecin spécialiste à la Direction de santé publique (DSPu) de la Côte-Nord, lui a répondu dans une lettre datée du 22 février 2022. Après avoir questionné quatre citoyens se plaignant de malaises qu’ils liaient aux émissions des antennes, il a conclu que « les symptômes rapportés ne sont pas nécessairement apparus après la mise en fonction de la tour cellulaire ». « C’est me traiter de menteuse », réplique Mme Beaudoin. Pascal Paradis, relationniste au CISSS de la Côte-Nord, nuance : « L’investigation ne permet pas de faire de liens de cause à effet entre les symptômes ressentis et l’exposition aux ondes électromagnétiques émises par la tour selon une approche populationnelle. Les conclusions de l’investigation ne remettent pas en doute les symptômes ressentis par les citoyens.  Il a été mentionné aux citoyens concernés qu’il existe des cliniques spécialisées auprès desquelles leur médecin traitant peut les référer. »

La lettre du Dr Trépanier envoyé aux cinq citoyens concernés résumait ainsi la démarche adoptée par la Direction de santé publique dans la prise en charge de ce signalement : « La DSPu a contacté Santé Canada et Télus (sic) Québec afin d'obtenir les documents pertinents à cette tour et la réglementation en vigueur. Les deux organisations ont informé la DSPu que les tours cellulaires doivent respecter le Code de sécurité 6 [de Santé Canada, Limites d’exposition humaine aux champs de radiofréquences électromagnétiques dans le gamme de 3 kHz à 300 GHz], ce qui serait respecté selon leur modélisation. Toutefois, à la lecture des documents, aucune mesure objective terrain n'avait été effectuée pour le confirmer.

La littérature scientifique ne semble pas démontrer d'effets à la santé lorsque le Code 6 est respecté, bien qu'une très faible proportion de la population pourrait être hypersensible. En ce sens, il est important de mentionner qu'il est improbable que l'ensemble des personnes contactées soient hypersensibles. Les effets potentiels les mieux documentés sont les effets thermiques, ceux-ci étant associés davantage à l'appareil (ex. : téléphone) que la tour elle-même.

Considérant le nombre de personnes ayant signifié avoir des symptômes dans un même secteur géographique et le questionnement d'un médecin du territoire, la DSPu a choisi de demander une mesure objective des radiofréquences ainsi que de questionner les citoyens qui avaient signifié des symptômes. »

Le questionnaire envoyé aux plaignants l’a mené à conclure que « les symptômes sont principalement de nature non spécifique » et « pouvaient, règle générale, être mieux expliqués par des conditions existantes, la prise de certains médicaments ou le contexte ».

À la demande de la DSPu, un sous-traitant embauché par Telus, la firme Yves R. Hamel et associés, a mesuré la densité moyenne du rayonnement RF/micro-ondes à neuf endroits près de la même tour, en novembre 2021. À la lumière de ces mesures, le Dr Trépanier a écrit que « la DSPu ne peut conclure à un risque à la santé occasionné par celle-ci, ni aucune autre exposition environnementale. Les très faibles mesures rendent aussi plus improbable l'attribution des symptômes à l'hypersensibilité.

Certaines précautions peuvent tout de même être prises pour limiter l'exposition aux champs électromagnétiques (limiter l'utilisation du cellulaire ou utiliser le haut-parleur, utiliser un casque d'écoute, envoyer des messages textes, etc.). Certaines cliniques spécialisées peuvent aussi évaluer la possibilité d'hypersensibilité si le médecin traitant le désire. » Ne voulant pas nommer de telle clinique, Pascal Paradis affirme que « la santé publique laisse le choix au médecin traitant de faire une démarche auprès de la clinique souhaitée ».

Les lectures moyennes contestées

Les lectures moyennes faites par la firme Yves R. Hamel se situaient à plus de 99 % sous la limite d’exposition spécifiée par le Code 6, qui autorise par exemple une densité moyenne de 4,5 millions microwatts par mètre carré (μW/m2) pour la fréquence 1 950 mégahertz. Toutefois, rappelons que les lignes directrices du Code 6 ne visent qu’à éviter un échauffement des tissus humains après une exposition de six minutes.

Parler d’exposition moyenne est un non-sens du point de vue biologique, affirme la Dre Cindy Russell : « Les mesures des radiofréquences sont généralement moyennées dans le temps, ce qui réduit faussement les chiffres de l'exposition. Cependant, les niveaux de pointe sont les plus importants en termes de dommages biologiques aux structures et membranes cellulaires. Si vous faites la moyenne de la vitesse du vent d'un ouragan, cela semble correct dans l'œil du cyclone, mais c'est différent lorsque le bord frappe votre maison et que le toit se détache.  En outre, les valeurs de RF peuvent varier en fonction de l'heure de la journée. Il est essentiel de réaliser des enquêtes sanitaires précises et indépendantes et de surveiller les niveaux d'exposition aux radiofréquences. »

Chez Shirley Beaudoin et Christina Lavallée, un lecteur Safe and Sound Pro II, mesurant les RF/micro-ondes dans la bande de fréquences 650 MHz à 10 GHz, affiche des pointes entre 8 000 μW/m2 et 59 600 μW/m2. Selon des lignes directrices pour la prévention, le diagnostic et le traitement des problèmes de santé liés aux ondes publiées en 2016 par l’Académie européenne pour la médecine environnementale (EUROPAEM), les antennes cellulaires et téléphones sans fil ne devraient pas nous exposer de façon prolongée (plus de quatre heures) à plus de 100 μW/m2 le jour et à 10 μW/m2 la nuit. Une étude suédoise a démontré que la densité de puissance médiane mesurée pour les champs RF entre 30 MHz et 3 GHz était de 16 μW/m2 dans les zones rurales, de 270 μW/m2 dans les zones urbaines et de 2 400 μW/m2 au cœur des villes (Hardell et al., 2018).

À défaut de pouvoir réduire les sources d’exposition ou de déménager, l’EUROPAEM recommande d’installer « certains matériaux de blindage RF pour les murs, fenêtres, portes, plafonds et planchers ». Shirley Beaudoin a d'ailleurs blindé sa porte patio avec de la moustiquaire métallique. « C'est bien mieux depuis », nous a relaté l'ancienne chiroptraticienne Julie Galipeau qui l'a conseillée et qui nous a parlé des mésaventures des riverains de la tour. « Je leur ai conseillé de prendre soin de leur santé avant de lutter contre la tour, dit-elle. Il faut absolument blinder au moins le mur le plus exposé au rayonnement. Il y a des gens qui ont préféré déménager à cause des antennes. »

Shirley Beaudoin avait acquis un terrain pour y construire un motel, mais aujourd’hui il jouxte celui de la tour. Durant la dernière campagne électorale fédérale, elle a écrit au ministre d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, François-Philippe Champagne, pour lui mentionner que son projet était remis en question. « Il ne m’a jamais répondu. À cause de la tour, il faudrait qu’on pose des matériaux à l’épreuve des ondes. »

Le Ministère nous a référés à un haut fonctionnaire pour une discussion contextuelle (« background ») en nous demandant de ne pas citer son nom. Il nous a expliqué que les questions sanitaires relèvent de Santé Canada et qu’il est rare que son ministère intervienne dans un dossier concernant l’emplacement des antennes. En général les compagnies de télécommunications s’entendent à ce sujet avec les municipalités qui règlementent le zonage, dit-il. Les promoteurs doivent répondre aux questions du public dans le cadre d’une consultation prévue par la Circulaire des procédures concernant les clients (CPC) 2-0-0-3