Extrait du livre Enfants difficiles, la faute aux écrans?, de la psychiatre Victoria Dunckley, 416 pages, traduit de l'américain et publié aux éditions Écosociété septembre en 2020. 
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Électrosensibilité et syndrome de l’écran électronique (SEE)

Certaines personnes affichent une plus grande sensibilité aux champs électromagnétiques (CEM) que d’autres. Qualifiées d’«électrosensibles» ou d’«électrohypersensibles», elles présentent des symptômes variés : maux de tête, stress, anxiété, dépression, insomnie, etc. Étant donné le caractère subjectif de ces symptômes, il est difficile de démontrer l’existence d’une relation de cause à effet, mais des recherches ont montré que certaines personnes qui se disent sensibles aux CEM présentent des marqueurs objectifs d’inflammation cutanée lorsqu’elles y sont exposées. Il peut également exister un lien avec d’autres sensibilités : les enfants qui souffrent d’allergies ou d’intolérances chimiques, saisonnières ou alimentaires, y compris d’ordre sensoriel, pourraient être plus affectés par les CEM que les autres. Ce phénomène pourrait s’expliquer par le dysfonctionnement de la barrière hématoencéphalique évoqué précédemment. Comme dans le cerveau, on trouve des « jonctions serrées » intercellulaires dans les barrières destinées à protéger l’intestin, les yeux, la peau et les poumons, des organes associés aux maux qui se multiplient aujourd’hui chez les enfants et les jeunes adultes : côlon irritable, autisme, eczéma, allergies, maladies auto-immunes, asthme, etc. Il est intéressant de noter que les personnes électrosensibles sont susceptibles d’avoir une résistance électrique plus faible (conductance plus élevée). La perturbation de l’activité électrique peut aussi provoquer une décharge excessive de calcium, ou dégrader les jonctions serrées dans certains tissus, ce qui expose l’organisme à divers dommages et symptômes.

Le SEE et l’électrosensibilité sont-ils deux facettes du même trouble? Il semble s’agir de problèmes distincts, mais dont certains effets (perturbation des rythmes circadiens, suppression de la mélatonine, hyperexcitation, etc.) se combinent et se renforcent mutuellement, et qui présentent plusieurs symptômes communs (troubles comportementaux, cognitifs ou liés à l’humeur, problèmes de sommeil, etc.). Toutefois, bien que la description clinique de ces deux troubles puisse être très semblable, l’existence du SEE a commencé à se manifester de façon évidente au tournant du millénaire, alors que les jeux vidéo étaient déjà très populaires mais que les technologies sans fil n’étaient pas encore aussi répandues. Les enfants étaient alors exposés à une certaine dose de rayonnement émis par leurs appareils électroniques, mais à beaucoup moins de CEM en général, était donné que le wifi et les appareils mobiles n’étaient pas aussi présents à cette époque. En outre, bon nombre de parents obtiennent aujourd’hui des résultats concluants en soumettant leur enfant à un jeûne électronique, mais sans couper le wifi à la maison. (On peut se demander s’ils obtiendraient des résultats encore meilleurs s’ils le faisaient.) Il semble donc que la dérèglement de l’organisme liée au SEE soit principalement due à l’usage d’écrans et à la stimulation (lumineuse, entre autres) qui y est associée. De même, de nombreuses personnes souffrant d’électrosensibilité «ressentent» les ondes émises par le wifi ou la téléphonie mobile sans qu’aucun écran ne soit présent dans la pièce, ce qui renforce l’hypothèse selon laquelle il s’agirait de deux phénomènes indépendants.

À l’heure actuelle, on estime que 3% des adultes souffrent d’une hypersensibilité aux CEM, ce qui ne représente qu’une faible proportion des victimes du SEE — lequel toucherait entre 15 et 20 % des enfants, selon les estimations. En raison de l’irritabilité de leur système nerveux, les personnes électrosensibles sont plus susceptibles de souffrir également du SEE. Les personnes touchées par le SEE, par contre, ne sont pas toujours électrosensibles. Les enfants présentant une forte sensibilité environnementale (dans le cas d’un trouble du spectre autistique ou d’allergies, par exemple) peuvent être plus vulnérables à ces deux types d’influence, tout comme les enfants souffrant de troubles épileptiques, de tics ou d’un TDAH [trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité].

Comment protéger son enfant ?

De par leur nature, il faut parfois plusieurs décennies pour pouvoir documenter adéquatement l’impact de facteurs environnementaux comme les CEM sur le fonctionnement et le développement de l’organisme. Des scientifiques affirment même que certains effets de l’exposition actuelle aux CEM ne se manifesteront clairement que chez les enfants de nos enfants, si des mutations de l’ADN sont transmises aux générations futures. Quoi qu’il en soit, lorsque le doute persiste, le principe de précaution est de mise.

Bien qu’il soit impossible, dans la société moderne, de se soustraire complètement à l’influence des CEM, voici quelques mesures à prendre pour réduire considérablement l’exposition des enfants :

  1. Désactiver l’accès à l’internet sans fil à son domicile. Cela peut sembler peu commode, mais essayez d’utiliser une connexion filaire pendant un mois et restez à l’affût des changements susceptibles de s’opérer chez votre enfant (ou d’autres membres de la famille). Selon certains experts, une personne électrosen- sible peut ressentir la différence en trois jours seulement. Les technologies sans fil et les routeurs émettent un rayonnement électromagnétique en tout temps, que la connexion internet soit utilisée ou non (toutefois, le téléchargement augmente considérablement l’ampleur de l’exposition)310. Si vous ne voulez pas renoncer complètement au wifi, éteignez votre routeur pendant la nuit, manuellement ou au moyen d’une minuterie.

  2. Remplacer toutes les ampoules fluocompactes à la maison. Choisir des ampoules à incandescence (premier choix), halogènes (deuxième choix) ou DEL. Toutes les ampoules à faible consommation d’énergie émettent un rayonnement, mais l’éclairage fluorescent émet également des rayons UV. Les ampoules fluocompactes ou DEL et les écrans à cristaux liquides émettent également une lumière bleue qui réduit la production de mélatonine. Le fait de fixer longuement un écran peut aussi endommager la rétine. (Voir la section « Un éclairage malsain», chapitre 7, page 240).

  3. Réduire les sources de rayonnement électromagnétique dans la chambre à coucher de l’enfant. Placez le radio-réveil de votre enfant sur une commode plutôt que sur sa table de chevet, éloignez sa lampe d’au moins 60 cm de son oreiller et placez sa tête de lit le plus loin possible des prises et fils électriques. Si le mur adjacent renferme du câblage électrique de fort calibre, déplacez le lit en conséquence. Retirez tout téléviseur ou autre appareil électronique de la pièce, et ne laissez pas votre enfant y introduire un téléphone portable, surtout en soirée. Le lit doit être un havre de repos.

  4. Se servir d’une ligne téléphonique fixe plutôt que d’un téléphone portable. Faites-en un mode de vie pour tous les occupants de la maison. Mieux encore, utilisez un téléphone avec fil. Revenez en 1985!

  5. Utilisez des écouteurs filaires. Si vous devez faire un appel sur un téléphone portable ou sans fil, employez un casque d’écoute à fil ou la fonction mains-libres. Éloignez-vous le plus possible du téléphone. Si vous téléchargez de lourds fichiers sur votre téléphone portable, tenez-vous à distance.

  6. Ranger les téléphones portables lorsqu’ils ne sont pas utilisés. Pour recharger un téléphone pendant la nuit, ou encore pour respecter les moments ou lieux «sans écran» que vous avez établis, laissez-le dans une autre pièce, idéalement après l’avoir éteint complètement.

  1. Ne pas déposer son ordinateur portable ou sa tablette sur ses genoux, ni laisser son téléphone portable dans sa poche. Cela vaut particulièrement pour les enfants. Comme nous l’avons vu précédemment, cette habitude pourrait mettre en péril la santé des spermatozoïdes chez les garçons et des ovules chez les filles, ou nuire à d’autres organes.

  2. Préférer si possible l’ordinateur de bureau à l’ordinateur portable. Le rayonnement émis par un ordinateur fixe est beaucoup plus faible que celui d’un ordinateur portable ou d’une tablette numérique. Les appareils portables émettent des champs plus puissants et combinent diverses fréquences, entre autres parce que différentes composantes sont regroupées dans un seul appareil. Les écrans d’ordinateur portable ou tactiles, les piles, les disques durs, les fils et les dispositifs sans fil sont tous des sources de rayonnement. En outre, le bout des doigts et la paume présentent une conductivité élevée, ce qui peut accentuer le problème. Les ordinateurs de bureau permettent également de maintenir plus facilement une distance d’environ 60 cm entre l’écran et les yeux, en plus d’éloigner les autres composantes de l’utilisateur. Si vous ne disposez que d’un ordinateur portable à la maison, procurez-vous au moins un clavier à fil et installez votre ordinateur portable comme s’il s’agissait d’un ordinateur fixe. À noter que la fonction wifi doit être désactivée manuellement dans un ordinateur portable ou une tablette pour empêcher l’appareil de chercher à se connecter au réseau sans fil.

  3. Retirer son enfant des programmes scolaires basés sur l’usage d’un ordinateur ou d’une tablette numérique. Tentez de soustraire votre enfant aux programmes scolaires nécessitant le recours à une connexion internet sans fil. Si un réseau wifi a été implanté dans l’école de votre enfant, demandez où se trouvent les routeurs et faites transférer votre enfant dans une classe sans wifi. Si c’est impossible, suggérez d’éteindre le routeur lorsque la classe ne l’utilise pas. En 2014, une enseignante de Los Angeles a obtenu la permission d’enseigner dans une salle de classe sans wifi après avoir constaté qu’elle-même et plusieurs de ses élèves affichaient divers symptômes ou malaises à la suite de l’implantation du wifi dans leur école. (Pour plus d’information au sujet du wifi à l’école, voir le chapitre 11.)

Intégrer le principe de précaution aux politiques publiques

Le principe de précaution peut se résumer ainsi : lorsque des études scientifiques laissent présumer l’existence d’un risque de graves répercussions sur la santé, il faut prendre les précautions nécessaires pour protéger la santé humaine et l’environnement. Cela peut signifier d’avoir recours à des solutions de rechange, et ce, même si les données scientifiques ne sont pas encore concluantes. Le principe de précaution peut contribuer à protéger l’ensemble de la population contre les risques liés aux CEM, mais il s’impose tout particulièrement dans le cas de l’exposition des enfants au wifi dans les écoles. Outre le fait que l’Organisation mondiale de la santé a récemment qualifié les champs de radiofréquences de «potentiellement cancérigènes », les données recueillies indiquent déjà que ceux-ci accentuent le niveau de stress infligé au cerveau et à d’autres organes en développement. Heureusement, il existe des solutions de rechange tout à fait acceptables.

Pour plus d’information sur les recherches scientifiques et le débat entourant les effets des CEM sur la santé, vous pouvez parcourir les sites de l’Environmental Health Trust (www.ehtrust.org) et de la National Association for Children and Safe Technology (www.nacst.org). Pour des explications scientifiques plus détaillées, consultez le site BioInitiative 2012 (www.bioinitiative.org).