Dr John Molot a déjà rédigé un rapport qui a incité le gouvernement ontarien à créer un groupe de travail sur la santé environnementale. © johnmolot.com

Un récent avis de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), selon lequel la sensibilité chimique multiple serait d'origine psychologique, « est erroné et potentiellement préjudiciable aux soins des patients, à l'éducation des professionnels et du public et à la recherche orientée de manière appropriée », selon un ancien conseiller du gouvernement ontarien et de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), le Dr John Molot. Selon ce professeur de médecine à l'Université de Toronto, cette condition est plutôt causée par le stress oxydatif et l'inflammation chronique causés par les polluants chimiques (tels les composés organiques volatils ou COV) qui causent par exemple l'hyperréactivité respiratoire.

Intitulé Syndrome de sensibilité chimique multiple, une approche intégrative pour identifier les mécanismes physiopathologiques, l’avis scientifique de l'INSPQ a été publié en ligne le 30 juin dernier. Il définit la SCM comme « un trouble chronique caractérisé par de multiples symptômes récurrents non spécifiques, provoqués ou exacerbés lors d’une exposition à des odeurs présentes dans l’environnement, à de faibles concentrations tolérées par la majorité des gens. Chez les personnes touchées de façon plus sévère, cette atteinte chronique affecte le fonctionnement normal au quotidien et produit des invalidités sociales et professionnelles ». Cette synthèse concluait que les symptômes de SCM, qui touchent plusieurs organes et systèmes, seraient déclenchés par le stress chronique plutôt que par les faibles doses de polluants :  « Les mêmes altérations et dysfonctionnements y sont trouvés et mesurés. À la longue, la répétition presque inévitable de ces épisodes de stress aigu entraîne chez les personnes atteintes le développement d’une neuro-inflammation, d’un stress oxydatif et d’une anxiété chronique. » Les auteurs de l’avis de l’INSPQ disent se fonder sur les avancées réalisées en neurosciences depuis les années 2000, notamment par les imageries cérébrales fonctionnelles. Ils sont catégoriques : « Sur la base de ces nouvelles connaissances, les auteurs du présent avis invalident l’hypothèse d’une association entre la SCM et la toxicité des produits chimiques trouvés aux concentrations environnementales habituelles. »

Ce que réfute le Dr Molot dans une réponse publiée le 15 octobre par l'Association pour la santé environnementale du Québec (ASEQ). Celle-ci demande aux Québécois de réclamer que la SCM (ou MCS, acronyme de Multiple Chemical Sensitivity) soit reconnue comme une condition médicale et que l'INSPQ retire son rapport de son site Web. « Le paradigme de la toxicologie change et ne se limite plus au principe de toxicologie de Paracelsus, selon lequel « c'est la dose qui fait le poison » (ce principe est connu sous le nom de réponse monotone, ce qui signifie qu'une réponse plus importante est observée à mesure que la dose augmente), écrit le Dr Molot. Des réponses non monotones (une réponse peut également se produire à des doses plus faibles ainsi qu'à des doses plus élevées) se produisent également (par exemple, les perturbateurs endocriniens)... »

« Près de la moitié des patients atteints de SCM/MCS ont des migraines concomitantes, jusqu'à 70 % sont asthmatiques et près de 90 % signalent des effets indésirables dus à l'exposition à des produits de consommation parfumés », ajoute cet expert qui est médecin depuis 50 ans et spécialisé en médecine environnementale depuis trois décennies. Il est l'auteur d'un rapport qui a incité le gouvernement ontarien à établir un groupe de travail sur la santé environnementale. En 2018, le rapport final de ce groupe d'experts déplorait que plus de 740 000 Ontariens vivaient avec des maladies environnementales incomprises (fatigue chronique, fibromyalgie et SCM) dont on situe souvent l'origine « dans la tête ». Parmi ses recommandations : celle de légiférer afin de rendre les hôpitaux sécuritaires pour ces patients, bref de les dépolluer. 

Selon la réponse écrite par le Dr Molot pour l'ASEQ, l'avis de l'INSPQ comprendrait plusieurs erreurs :
• Il fait fi des récepteurs TRP qui régissent  le comportement cellulaire à la suite d'un stimulus et qui affectent la plasticité et l'excitabilité du cerveau;
• il fait une mauvaise interprétation de l'imagerie fonctionnelle cérébrale qui montrerait que les personnes atteintes par la SCM réagissent différemment aux odeurs;
• il ne mentionne pas qu'une méta-analyse a lié l'exposition chronique aux particules fines au risque accru de dépression et d'anxiété.

« En fait, le développement de la SCM/MCS peut précéder l'apparition de symptômes de santé mentale, écrit-il. La position de l'INSPQ selon laquelle les COV ne pénètrent pas dans le cerveau est erronée. »

Dans les années 1990, le Dr Molot a été le conseiller médical du Groupe de travail fédéral sur les normes d'émission des matériaux, présidé par la SCHL. Il a été membre du groupe de travail de sept personnes sur la ventilation et la qualité de l'air intérieur du Conseil national de recherches, formé pour élaborer et recommander des changements au Code national du bâtiment (2020) afin de garantir qu'un niveau minimum de qualité appropriée de l'air intérieur sera atteint dans les bâtiments nouvellement construits. Il siège actuellement au Comité canadien sur la qualité de l'air intérieur et les bâtiments.

Le MSSS refuse de se mouiller quant au retrait demandé du rapport controversé de l'INSPQ ni le fait que des personnes soient psychiatrisées sans fondement. « Nous ne pouvons nous prononcer pour l’INSPQ », affirme Marie-Hélène Émond, relationiste au ministère de la Santé et des services sociaux (MSSS) du Québec. Elle explique ainsi la position du Ministère : 

« Le MSSS reconnait que les personnes atteintes de SCM sont réellement souffrantes et que leur état nécessite un soutien médical et social approprié. Ainsi, nous prenons acte du fait que les auteurs du rapport proposent que des centres d’expertise spécialisés dans le syndrome SCM soient mis en place et qu’une veille scientifique se poursuive.

Les travaux sont déjà en cours au MSSS pour les suites à donner à ce rapport. Ces travaux seront concertés entre les divers secteurs concernés (santé publique, soins et services en santé mentale, etc.).

Plus récemment, le MSSS a également pris connaissance de la publication du Dr Molot sur le site de l'Association pour la santé environnementale du Québec (ASEQ) et demeure au fait des revendications de la part de l’Association pour la santé environnementale du Québec (ASEQ).

Mentionnons que le MSSS a mis à la disposition des établissements un Guide de qualité de l'air intérieur dans les établissements du réseau de la santé et des services sociaux afin de les outiller dans la mise en place de leurs mesures internes. Il est de la responsabilité des établissements, en tant qu'employeur et pourvoyeur de soins, de mettre en place les mesures nécessaires et qui correspondent à leur réalité. »

« C'est de la pure foutaise, cette déclaration de Marie-Élène Émond, répond Ginette Langevin, une citoyenne hypersensible de l'Outaouais qui a fait une grève de la fin en mai dernier pour réclamer l'accès à des soins de santé sans parfum. Depuis plus de 10 ans que j'envoie, chaque année, un courriel, un cri de détresse, au MSSS, aux premiers ministres, l'un après l'autre. Plus de 12 ans que je ne trouve aucune résidence pour personnes âgée semi-autonome parce qu'aucune ne veut se passer de ses nettoyants à fragrances, parce qu'aucune n'a le courage de demander à son personnel de ne pas porter de produits parfumés. J'ai publié dans le journal l'an passé, j'ai téléphoné aux bureaux de circonscriptions, j'ai signalé à ma députée, j'ai fait deux plaintes à la Protectrice du citoyen, j'ai fait une grève de la faim, etc... Et j'ai participé à un vidéo avec d'autres personnes de notre Collectif Santé sans produits parfumés, vidéo qu'on a fait parvenir à M. Legault, M. Dubé, Mme Blais, M. Lacombe, et l'INSPQ. Ils nous ignorent. Certain.e.s adjoint.e.s rejoint.e.s au téléphone ont fait preuve de complaisance à en donner envie de vomir... Il semble bien qu'ils ont épuisé leur potentiel de compassion, ces ministres. Que nous compromettions notre santé chaque fois que nous devons passer un examen en clinique ou à l'hôpital leur paraît ''normal'' ? Les établissements, publics ou privés, comme les grandes bannières des résidences Chartwell, Sélection Retraite, et autres mettent sur le dos du gouvernement l'utilisation de produits ''recommandés'' par la CNESST. Mais sur la liste desdits produits, pas de molécules de fragrances. Nous avons parlé à quelques fournisseurs et ils indiquent clairement que l'ajout de fragrances est fait à la demande du ''client''. Tout le monde se lance la balle pendant que nous sommes victimes de négligence et maltraitance par défaut d'accommodement et d'accès. Beaucoup de détresse dans notre groupe. Mais qui s'en préoccupe ? »

L'ASEQ invite les Québécois à écrire au premire ministre François Legault, au ministe de la Sant Christian Dubé, et aux trois ches des partis d'opposition afin de réclamer le retrait de l'avis de l'INSPQ que le Dr Molot qualifie d'erroné : https://aseq-ehaq.ca/agir/

Pour en savoir davantage : https://aseq-ehaq.ca/exigez-un-changement-pour-la-scm-mcs-agissez-maintenant-1/