Avec son ombrage extérieur et ses degrés élevés d'étanchéité et d'isolation, la maison solaire passive de l'architecte Roberpierre Monnier, sise à Ste-Catherine-de-Hatley en Estrie, est toujours fraîche en été. Depuis quatre jours consécutifs, les résultats sont encore intéressants, dit-il : sans climatiseur, sans déshumidificateur, que la déstratification pour l’instant ! Il est 12h37 le vendredi 5 juillet. Extérieur : 30,2 C et 78 % d'humidité relative (HR) à l’ombre. Intérieur : 24,4 C et 65 % HR partie supérieure de la maison. »
Après les neiges abondantes et les inondations, êtes-vous prêts pour les prochaines canicules? Les vagues de chaleur risquent de tripler d'ici 20 ans au Québec, selon un rapport fédéral. causent de plus en plus de surchauffes de bâtiments déclencheurs de problèmes de santé chez les personnes plus vulnérables à la chaleur extrême, dont les enfants, les aînés et les malades. Au Québec, l’été 2018 fut le plus chaud recensé en 146 ans et a causé 86 décès durant les vagues de chaleur de la fin juin et du début août, selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), dont 66 à Montréal, d’après la Direction régionale de santé publique. Selon Radio-Canada, l’été dernier la demande pour des climatiseurs aurait augmenté de 30 % par rapport à l’été précédent.
Certes, c’est un phénomène indissociable de la progression des changements climatiques, dont les nouvelles, relayées notamment par l’Agence France Presse, n’ont rien de rassurant (lire Un climat anxiogène au bas de cet article). En effet, nous n’avons plus le choix de nous adapter à un climat changeant, tout en tentant de limiter l’ampleur de ses conséquences catastrophiques.
Bref, en plus de se libérer du pétrole pour réduire nos émissions de dioxyde de carbone (CO2) et de planter des arbres pour capter ce gaz à effet de serre, il faut dès aujourd’hui penser à protéger nos maisons des canicules, notamment en plantant des arbres feuillus assez près pour les ombrager, en particulier à l’est et à l’ouest, car au sud il est plus facile d’ombrager le soleil à son zénith avec des surplombs de toiture, des marquises, etc. (Lire ici l'article de Michel Renaud Aménagements bioclimatiques : climatiser avec la nature.)
Faut-il climatiser?
Dans notre numéro d’été 2003, je publiais un article signé un an plus tôt dans Solplan Review par feu le docteur Rob Dumont, chercheur au Saskatchewan Research Council et pionnier des maisons passives. Bien que vrai à l’époque, son titre — La climatisation n’est pas nécessaire au Canada — ne s’applique plus aujourd’hui. « Dans la plupart des régions du Canada, écrivait-il, la nécessité d’un système central d’air climatisé dans les habitations domestiques n’est que le résultat d’une mauvaise conception de la maison et de mauvaises habitudes des habitants. » Non pas que ses recommandations ne soient plus valables, bien au contraire elles le sont plus que jamais. Par exemple : minimiser les fenêtres à l’est et à l’ouest, ombrager de l’extérieur, pâlir murs et toitures, isoler le grenier, ajouter des matériaux massifs, opter pour de l’éclairage et des appareils écoénergétiques, ventiler par les fenêtres le soir et la nuit, au besoin opter pour de petits ventilateurs, et à la limite pour un petit climatiseur de fenêtre. (Lire aussi « Une oasis dans la canicule », paru au printemps 2006.)
Il reste qu’aujourd’hui peu de gens peuvent se passer d’un climatiseur. Si c’est votre cas, je recommande plutôt une thermopompe murale à haute efficacité énergétique (voir les cotes ENERGY STAR sur le site de Ressources naturelles Canada) qui peut desservir un ou deux étages, voire un système central. Une thermopompe permet d’économiser au moins 30 % sur le chauffage des espaces desservis, soit bien davantage d’énergie que ce qu’elle consommera pour climatiser.
Fuites de gaz à effet de serre
Le problème avec les thermopompes et les climatiseurs, comme les frigos et autres appareils qui utilisent des gaz réfrigérants, c’est que ceux-ci peuvent fuir dans l’environnement. Le réfrigérant actuellement le plus populaire dans les immeubles, le R-410a, fait partie de la famille des hydrofluorocarbones. S’il fuit, il n’a aucun impact sur l’amincissement de la couche d’ozone qui nous protège des rayons ultraviolets cancérogènes, mais son impact sur le réchauffement climatique est 2 088 fois celui du CO2. C’est pourquoi les appareils du futur risquent d’utiliser des gaz sans impact sur l’ozone et à faible impact sur le climat, comme le propane (l’hydrocarbure R-290, 3,3 x l’impact du CO2) et le tetrafluoropropène ou R-1234yf, de la famille des hydrofluorooléfines (4x l’impact climatique du CO2).
Les systèmes résidentiels peuvent perdre jusqu’à 10 % de leur réfrigérant, ce qui est bien peu comparativement aux voitures et aux systèmes utilisés dans les commerces et industries (jusqu’à 35 %). Néanmoins, 10 % de fuite équivaut environ aux émissions de CO2 d’un système de chauffage hydronique résidentiel dont l’eau est chauffée au gaz naturel, selon une étude de Steven Winter Associates citée dans un excellent dossier sur les réfrigérants et les changements climatiques publié par l’éditeur vermontois Building Green en novembre 2017. Comme les petits systèmes ne contiennent que cinq livres de ce gaz, en général il est trop tard pour colmater une fuite, parce qu’il s’échappe complètement avant que l’on s’en rende compte en constatant la diminution de leur performance. De même, en fin de vie, il n’y a aucun incitatif pour récupérer une telle petite quantité de réfrigérant, alors il risque tôt ou tard de fuir complètement dans la nature, ce qui équivaut aux émissions de CO2 de brûler 1,6 tonne de charbon, selon cette même étude de Steven Winter Associates.
Pour comprendre l’impact de la climatisation, il faut lire le formidable billet d’humeur de l’énergéticien Thierry Salomon, cofondateur de l’association française Négawatts, publié dans le numéro 106 de l’excellent magazine hexagonal La Maison écologique. Il raconte qu’on prévoit qu’en 2050 il y aura 5,6 milliards de climatiseurs sur notre planète surchauffée, soit 4 milliards de plus qu’aujourd’hui. Parce que nos immeubles sont mal conçus, il faut en évacuer plusieurs (dont des hôpitaux), car ils deviennent invivables en cas de panne de la clim! La chaleur rejetée des immeubles et perdue par les compresseurs contribuent au dangereux effet d’ilôt de chaleur urbain et la clim augmente le nombre de bactéries et moisissures dans l’air ainsi que les angines estivales, les allergies, les légionelloses, les pharyngites et autres affections otorhinolaryngologiques. D’où l’importance d’en réduire l’usage et de désinfecter les ailettes de l’échangeur de chaleur mensuellement (j’y vaporise le produit Microgerme à base d’huiles essentielles et d’eau).
Autres conseils de la baubiologiste australienne Nicole Bijlsma, qui a découvert beaucoup de moisissures dans le climatiseur d’une famille dont la mère souffrait de sclérose en plaques et l’adolescente combattait le syndrome de fatigue chronique : le faire nettoyer de sa poussière et ses microbes (sans autre biocide que l’huile essentielle naturelle) au moins une fois l’an par un professionnel et éviter d’acheter un système trop puissant pour l’espace à climatiser, à défaut de quoi il favorisera la condensation et les moisissures en le refroidissant trop.
Études sur la surchauffe
Le docteur en génie mécanique Abdelaziz Laouadi, chercheur au Conseil national de recherches du Canada (CNRC) depuis 23 ans, dirige un projet de recherche sur la surchauffe dans les bâtiments dans le cadre du projet Bâtiments à résilience climatique et infrastructures publiques centrales financé par Infrastructure Canada. Ce projet de recherche de M. Laouadi vise justement à :
- Élaborer des lignes directrices pour la conception de bâtiments résidentiels à logements multiples et de maisons résilientes à la chaleur;
- Élaborer un cadre d’analyse du risque de surchauffe dans les bâtiments lors des vagues de chaleur et des projections climatiques;
- Élaborer et évaluer des mesures efficaces pour réduire le risque de surchauffe dans les bâtiments résidentiels neufs et existants.
Je lui ai demandé quels types de techniques de vitrage, d’ombrage et autres mesures il recommande pour réduire l’impact des vagues de chaleur. Voici sa réponse :
« Les fenêtres affectent la chaleur solaire qui pénètre dans les espaces intérieurs. Les mesures prises sur le terrain dans des immeubles de Toronto ont montré que les logements non climatisés qui font face au sud, à l’ouest ou à l’est sont de deux à quatre degrés Celsius plus chauds que ceux faisant face au nord.
Les propriétaires de maison et d’immeuble peuvent réduire la quantité de chaleur solaire qui pénètre par les fenêtres en :
- Installant des fenêtres avec des caractéristiques de faible gain de chaleur solaire (par exemple, du vitrage teinté ou vitrage sélectif spectral) ou un vitrage « intelligent» dont la pénétration de la chaleur solaire peut être gérée de manière dynamique dans le temps (vitrage électrochrome ou thermochromique).
- Installant des protections solaires efficaces à l’extérieur des fenêtres. Les produits d’ombrage les plus efficaces comprennent les stores extérieurs, les volets roulants, les écrans roulants et les porte-à-faux.
- Choisissant des fenêtres avec des stores hautement réfléchissants entre les vitres ou à l’intérieur.
S’assurer que les espaces intérieurs sont bien ventilés s’avère également une mesure efficace pour réduire la surchauffe à l’intérieur pendant une vague de chaleur. Les mesures de terrain de l’étude de Toronto référencée ci-dessus ont montré que pendant les périodes de chaleur extrême, les températures intérieures restaient supérieures à 30 °C et supérieures à la température extérieure pendant le jour et la nuit, alors qu’il faisait moins de 20 °C la nuit. Étant donné les températures extérieures plus basses la nuit, une ventilation nocturne appropriée, soit passive, en ouvrant des fenêtres, soit active, à l’aide d’équipements tels que des ventilateurs de circulation, pourrait réduire la surchauffe. »
Un enduit isolant
Pour ma part, j’ai ajouté un store vénitien d’aluminium blanc à l’extérieur d’une fenêtre en baie orientée à l’est. Je le descend durant les canicules et le laisse remonté le reste de l’année, même en hiver!
Mais comme cette solution ne suffit pas pour toutes mes fenêtres, et qu'un pin centenaire ombrage notre maison de Sainte-Adèle à l'heure du midi en hiver, je viens de faire appliquer un produit japonais fabriqué depuis 30 ans, le SketchNanoGard Thermique, sur la plupart de mes vitrages doubles pour combattre les pertes de chaleur en hiver et la surchauffe estivale. Cet enduit contient des nanoparticules métalliques à faible émissivité qui bloquent près de 100 % des rayons ultraviolets et jusqu’à 85 % des rayons infrarouges du soleil, soit respectivement 60 % et 51 % de plus qu’une fenêtre ordinaire. C’est comme si on ajoutait un vitrage à une fenêtre (mais pour une fraction du coût de son remplacement par un vitrage triple à haut rendement énergétique), sans nuire significativement au passage de la lumière visible.
« Par exemple, en été, dans des conditions optimales, la température peut être abaissée de 3 °C à 5 °C et en hiver, ce produit réduit les pertes de chaleur des fenêtres, explique Paul Rosa, vice-président de l’entreprise montréalaise Sketch Nanotechnologies qui le distribue au Canada. Dans tous les cas, au final, on réalise une économie marquée sur les coûts liés aux dépenses énergétiques tout en offrant clairement un plus grand confort aux occupants. » Toutefois, si votre maison a déjà une fenestration triple avec une orientation solaire parfaite (60 % du vitrage du sud-est au sud-ouest, ombragée en été et pas en hiver, ce qui est très rare), il serait préférable de ne pas traiter celles-ci afin de profiter des gains solaires hivernaux.
« Une fenêtre au verre double a typiquement une émissivité de 0,84 qui veut dire que 84 % de l’énergie passe par la fenêtre. Aussitôt que le soleil est caché, la chaleur générée soit par le soleil ou le système de chauffage va s’échapper immédiatement par une fenêtre non traitée. Il sera donc mieux de faire traiter toutes les fenêtres car avec SketchNanoGard leur émissivité chute à 0,14, ce qui signifie que seulement 14 % de l’énergie passe maintenant par le fenêtre », explique Paul Rosa.
Selon une étude effectuée par un professeur de génie du bâtiment à l’Université Ryerson, en Ontario, cet enduit permet de réduire de 16 à 18 % les coûts de chauffage et de climatisation d’une maison à Montréal dans le cas de fenêtres fixes (sans infiltration d’air). « Ce qui veut dire que votre système mécanique fonctionne moins souvent et dure plus longtemps », précise Chris Robinson, directeur technique chez Sketch Nanotechnologies.
Le secret : un mélange d’oxyde d’indium (In2O3) et d’oxyde d’étain (SnO2) qui possède une grande conductivité électrique et une transparence optique. Le tout est combiné à un solvant d’acétone. L’entreprise mentionne que l'odeur de vernis à ongle disparaît essentiellement en quatre heures, car le verre est peu poreux et elle ne s’incruste pas dans les tissus. Je l'ai testé sur une fenêtre chez moi à l'insu de ma femme qui est sensible aux vapeurs chimiques. De retour à la maison en fin d'après-midi elle n'a senti aucune odeur. J'ai donc fait traiter presque toutes nos fenêtres (toujours à son insu!) et quitté la maison pendant que les applicateurs portaient un masque au charbon activité. Après environ huit heures à ventiler avec la hotte de cuisine (les premières heures il faut éviter d'ouvrir les fenêtres et que des mouches s'y collent), ma femme est rentrée tard en soirée et trouvait que ça sentait bon dans la maison! Ouf, aucun mal de tête ni chicane de couple n'ont suivi! Ma conclusion : l'odeur dure au moins 6-8 heures et disparaît complètement le lendemain.
L’enduit est peinturé sur le vitrage après que celui-ci a été gratté avec une lame de rasoir, lavé, préparé avec un ruban masquant le cadre de fenêtre, puis recouvert d’un apprêt à base d’acétone qui optimise l’adhésion de l’enduit. Le temps de pose varie selon le type de fenêtre, mais la préparation prend typiquement 15 minutes par fenêtre et l’application, 5 minutes. Si le ruban masquant est appliqué sur la bordure du vitrage comme c'est arrivé chez moi sur quelques fenêtres, lorsque celui-ci est enlevé on remarquera la démarcation entre l'enduit bleu et la portion de vitrage non traitée. Chris Robinson reviendra donc finir le travail chez nous prochainement.
L’entreprise offre aussi le SketchNanoGard Autonettoyant, produit antistatique et hydrophilique qui augmente la productivité des panneaux solaires photovoltaïques jusqu’à 7 % en prévenant l’accumulation de poussière et de résidus.
Un climat anxiogène
© Météomédia
Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), 2018 fut la quatrième année la plus chaude recensée depuis le début des relevés, avec une augmentation d’environ 1,0 °C par rapport à l’époque préindustrielle (1850-1900). Et le 21e siècle compte 17 des 18 années records.
Les glaciers fondent, les océans se réchauffent, les feux de forêt se répandent et les changements climatiques augmentent la fréquence des évènements météorologiques extrêmes, comme les records de chaleur — 28,5 ºC ce mardi 11 juin à Kuujjuaq et 21 ºC au Royaume-Uni l’hiver dernier.
En décembre 2018, le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, affirmait qu’il serait « immoral » et « suicidaire » de ne pas atteindre les objectifs de l’Accord de Paris visant à limiter le réchauffement global à +2 ºC, et idéalement à +1,5 ºC, par rapport à l’ère préindustrielle. Or, pour atteindre cette dernière cible, il faudrait réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO2) anthropiques (relatives à l’activité humaine) de 45 % d’ici 2030 par rapport à 2010 et « il faudrait atteindre un «bilan nul» des émissions aux alentours de 2050, ce qui signifie que les émissions restantes devraient être compensées en éliminant du CO2 de l’atmosphère », affirmait en octobre dernier le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Malheureusement, cela semble de plus en plus impossible, faute de volonté politique, industrielle et citoyenne.
Or, le 30 novembre dernier, à l’aube de la COP24 (24e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques), le secrétaire général de l’OMM, Petteri Taalas, affirmait que « la température risque d’augmenter de 3-5 degrés d’ici la fin du siècle si la tendance continue ». De plus en plus d’experts avouent avoir sous-estimé les impacts des changements climatiques qui se manifestent plus tôt que prévu. Ce fut le cas de l’ouverture du passage du Nord-Ouest, reliant les océans Atlantique et Pacifique à travers l’Arctique, emprunté par un navire de croisière en 2016, alors que la plupart des experts annonçaient qu’il serait libéré des glaces seulement en 2050.
En Antarctique, la glace fond environ six fois plus vite que dans les années 1980. Ce qui fait dire à Karel Mayrand, directeur québécois de la Fondation David Suzuki, que « les scientifiques sont beaucoup plus alarmistes que les écologistes ». En effet, selon un article signé par des chercheurs suédois et allemands dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, les changements climatiques risquent de transformer la Terre en étuve : un point de rupture pourrait être atteint « dans quelques décennies seulement », avec une température de 4 à 5 ºC plus élevée et un niveau de la mer de 10 à 60 mètres plus haut qu’aujourd’hui.