Vous avez beau y ajouter des légumes, des herbes et du bouillon de poulet, une soupe aux roches ne sera toujours qu’une soupe aux roches. C’est ainsi que décrit la maison en conteneurs maritimes d’acier un expert cité par le réputé site américain greenbuildingadvisor.com, qui déconseille ce genre d’habitation au grand public, tout comme l’organisme montréalais Écohabitation. Ceci parce qu’il faut construire une maison autour du conteneur, ce qui en augmente les coûts et la complexité.
Sur le Web, les passions se déchaînent entre les défenseurs et les dénigreurs de ces habitations qui font rêver les autoconstructeurs et sonner la caisse des revues d’architecture et de décoration.
Malheureusement, les pionniers québécois des maisons en conteneurs que nous avons contactés ne nous ont pas accordé d'entrevue. Il faut dire que Claudie Dubreuil (reportage de La Presse) et Bernard Morin (voir le reportage du New York Times qui l'a rendu célèbre) ont fermé leurs entreprises respectives (Collections Dubreuil et Maison Idékit/EM2 Espace Mobile). Pour sa part, l’architecte Pierre Morency, dont le chalet en conteneurs a remporté un Prix d'excellence en architecture de l'Ordre des architectes, a d’abord accepté notre invitation puis n'étais plus disponible.
Nous avons donc demandé à l’expert-conseil en maisons écologiques Yves Perrier, auteur du site guideperrier.ca, de commenter les cinq principales objections d’Écohabitation à ce sujet.
- Le métal doit être hyperisolé et requiert qu’on construise habituellement une enveloppe du bâtiment de l'extérieur parce qu'il crée un pont thermique énorme, notamment avec le béton. Il n’offrirait que l’avantage de la finition intérieure originale sans possibilité de masse thermique.
Y.P. : « Le métal ne doit pas être isolé davantage qu’un autre matériau, mais l’isolation doit être parfaitement continue pour éviter les ponts thermiques. Je ne comprends pas l’objection de la masse thermique. Si le métal est exposé au soleil et lié à une masse thermique, il peut au contraire devenir un formidable capteur et transmetteur d’énergie à la masse thermique. » (Mais alors il faut isoler de l'intérieur et on perd de précieux pieds carrés habitables ainsi que la populaire finition en acier ondulé.)
- Le métal étant recyclable à l’infini, un conteneur utilisé en construction ne sera pas sauvé de l’enfouissement. Étant une ressource polluante à produire, vaut mieux l’utiliser en faible quantité pour fabriquer des matériaux comme des toitures durables ou de la quincaillerie.
Y.P. : « Si le conteneur est en fin de vie et qu’il peut être utilisé tel quel pour un autre usage, je crois que c’est plus écologique que de le transformer. Ici, c’est une question de cycle de vie. C’est complexe. »![Tout comme celle de Bernard Morin, la maison de Claudie Dubreuil est également située à Sainte-Adèle, dans les Laurentides. © Marco Campanozzi, La Presse]()
Tout comme celle de Bernard Morin, la maison de Claudie Dubreuil est également située à Sainte-Adèle, dans les Laurentides. © Marco Campanozzi, La Presse - Le conteneur n’est pas plus solide qu’une bonne maison à ossature bois.
Y.P. : « C’est vrai. Mais, cela n’est pas la question. Ses qualités sont surtout la résistance aux chocs, l’étanchéité et la facilité du transport du conteneur. »
- Le conteneur peut avoir été contaminé plusieurs fois par des substances toxiques qui doivent être nettoyées, si bien que la plupart des projets sont axés sur des conteneurs neufs ou récents. En quoi est-ce écologique?
Y.P. : « La construction en conteneurs d’acier neufs est effectivement une aberration, cela ne signifie pas que la construction en conteneurs usagés et en fin de vie le soit. »
- Une maison-conteneur est complexe à construire (nettoyage, transport, trous à percer, jonctions, soudures, renforcement, branchements électriques...) et n’est pas bon marché.
Y.P. : « Effectivement. Le design influe sur le prix. Il faut que ce soit très simple et il faut prendre avantage des caractéristiques des conteneurs : résistance au feu, résistance à l’eau, aux insectes, aux balles de fusil, aux ouragans, simplicité d’installation... bref, c’est plus adapté aux pays en développement, mais là-bas, ils n’aiment pas ça. »
Alors, où se situe l’avenir de ce type de construction chez nous quand on constate que les entreprises Collections Dubreuil,Maison Idékit/EM2 Espace Mobile et Maisons Optimum ont fermé leurs portes?
Y.P. : « Dans les constructions commerciales, estivales, utilitaires. »
Est-ce seulement une solution de luxe et pour les régions éloignées où la construction est plus difficile? Tant qu’à usiner une maison et s’en servir pour livrer matériaux et marchandises, pourquoi ne pas la faire en bois, avec des dimensions humaines moins exiguës et sans avoir à modifier une coquille?
Y.P. : « Tout à fait d’accord. C’est une lubie de designer post-apocalyptique. »
Et vous, lecteurs, qu'en pensez-vous? (Merci de commenter au bas de cette page.)
Pour en savoir davantage
https://maisonsconteneurhighcube.com/
Maison conteneur : la fausse bonne idée
What’s Wrong With Shipping Container Housing? Everything.
Excellent dossier sur les risques sanitaires, le nettoyage, les protections respiratoires, les critères de sélection comme les certifications, les endroits où les acheter et les questions à poser : Conten’air vicié (magazine La Maison écologique, No 113, oct-nov 2019).
Reportage du New York Times sur l’autoconstruction de Bernard Morin, à Sainte-Adèle.
