J'ai souvent dit à la blague que l'architecte Christian Ouellet (1937-2021)était mon gourou. J’ai eu le plaisir de le rencontrer en 1989, alors que j’étais un jeune reporter à l'hebdo Habitabec. Il m’a tout de suite épaté et converti aux maisons solaires, très économes en énergie et très bonnes pour la santé de leurs habitants.
Architecte, menuisier, maçon, ancien professeur d’architecture à l’université de Montréal, Christian a conçu une trentaine de maisons bioclimatiques1 en fonction de notre santé et de notre climat. Certains le trouvaient trop excentrique à leur goût! Mais je suis parmi ceux qui partagaient ses craintes et sa volonté de prudence face aux risques que pourraient présenter pour notre santé des doses répétées, et plus ou moins intenses, de champs électromagnétiques, de formaldéhyde, de radon, etc.
En 1995, à 60 ans, M. Ouellet venait de terminer son troisième mandat à la tête de la Société d’énergie solaire du Canada. C’est l’organisme sans but lucratif qui fait la promotion de l’énergie la plus saine qui soit, à part celle du vent (éolienne). Sa bonne humeur, son flair pour la nouveauté, ses convictions profondes, son sens de l’écologie, ses vastes connaissances de l’habitat bioclimatique et ses dons de pédagogue, en faisaient un des personnages les plus remarquables de l’industrie nord-américaine de l’habitat. Un travailleur acharné à qui je souhaitait un peu de repos pour son coeur fragile qui l'a heureusement soutenu pendant encore 26 ans!
Voici un texte signé par Christian Ouellet dans La Maison du 21e siècle, en mars 1995. En vous abonnant au magazine dans notre Boutique en ligne, vous obtiendrez gratuitement (via maisonsaine.ca/moncompte) les PDF de nos trois premières années d'édition (1994 à 1996).
1. Lire l'article de Louis-Gilles Francoeur, Le solaire, énergie méconnue.
André Fauteux
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En comparant les documents techniques des diverses compagnies de fenêtres, je cherche à obtenir les vitrages qui réduisent le moins les fonctions suivantes : transmission de la lumière, transmission de la vision, transmission de la chaleur solaire et transmission des rayons ultraviolets (UV).
D’abord, il faut savoir que les verres que l’on trouve dans le marché sont soit clairs, soit sélectifs ou à « faible émissivité » (verre énergétique communément appelé Low-E ou à faible-É). Ces derniers sont traités en surface, au moyen d’un enduit métallique infiniment mince ayant la particularité de laisser passer les rayons solaires à courtes fréquences, puis de limiter le retour vers l’extérieur des ondes infrarouges à longues fréquences du chauffage, des être vivants et des rayons solaires chauds transformés et dégagés par les objets.
Il existe également des verres réfléchissants, teintés. Il ne faut pas s’y méprendre, ceux-là ne font que réfléchir tout espèce de rayons. Ils n’offrent pas beaucoup d’avantages dans l’habitat.
À l’aide de verre clair ordinaire, on fabrique des unités scellées qu’on appelle souvent des verres thermos. Mais il faut savoir que ces vitrages ne sont pas plus éconergiques que des vitrages dans deux volets séparés. Sauf qu’ils contrôlent la « première » condensation, celle qu’il y a sur toutes les fenêtres doubles, même quand l’air intérieur est relativement sec.
Verre énergétique
Comparativement aux unités scellées de verre ordinaire, celles de verre sélectif à faible émissivité procurent typiquement les résultats suivants : résistance thermique accrue de 63 %, perte de lumière visible (qui pénètre à l’intérieur) de 10 % et réduction de gains solaires de 8 %. Si l’on remplace l’air par de l’argon, un gaz lourd sans danger pour la santé, l’efficacité thermique passe de 63 à 78 %, les autres conditions demeurant inchangées.
L’intercalaire est un petit séparateur, généralement en aluminium, qui relie les deux verres, à une distance d’un demi pouce. Les nouveaux intercalaires efficaces, en butyle ou en silicone, n’ont pas d’influence majeure sur les pertes de chaleur. Le seul effet significatif est la réduction de la possibilité de condensation sur le verre, près du cadre.
Les fenêtres contribuent grandement à égayer la vie à domicile. Mais elles ont également un rôle vital à jouer, tant au niveau de la santé physique que psychologique, d’autant plus qu’à l’exception du monde rural, nous passons jusqu’à 98 % de nos hivers à l’intérieur.
Mais en évaluant les liens entre les fenêtres et la santé, il est important de souligner qu’il n’y aura jamais rien - ni fenêtre performante, ni taux d’humidité idéal, ni mur qui « respire » ou non - pour remplacer la vie à l’extérieur. Il faut oxygéner son corps de la meilleure qualité d’air possible. Bref, il est primordial de jouer, de travailler ou tout simplement de flâner à l’extérieur en toute saison, nos vêtements modernes le permettant.
Air climatisé et humidifié
Je ne comprend pas les gens qui restent constamment dans leur maison au climat artificiel : air climatisé, l’été, et humidifié, l’hiver. Et dire que des médecins prescrivent souvent un taux d’humidité élevé à l’intérieur, pour combattre les problèmes respiratoires... Souvent, ces problèmes sont causés par des matériaux polluants qui, sous l’effet d’un taux d’humidité plus élevé, dégagent davantage de vapeurs chimiques irritantes!
Je reviens d’un colloque américain où il a été question d’études démontrant qu’un taux d’humidité relative de 25 à 28 % est tout-à-fait acceptable pour les humains. Seul un taux sous les 20 % serait dommageable. De plus, il semble qu’au-delà de 30 %, les humains ne perçoivent pas la différence entre 40, 50 ou 60 % d’humidité relative intérieure, ces deux derniers taux étant dangereux en hiver, car ils permettent la prolifération de bactéries et de champignons nocifs.
Souvent, on confond narines sèches et problèmes respiratoires. Personnellement, j’ai déjà réglé ce problème en badigeonnant mes narines d’un peu de Vaseline. Bref, une fenêtre performante ne devrait pas avoir pour but de permettre l’augmentation du niveau d’humidité intérieure, sans que le verre condense.
La lumière naturelle
Autre point qui nous intéresse : les verres performants filtrent les rayons ultraviolets (UV). Bien que plus d’UV traversent notre couche d’ozone érodée, il m’apparaît normal d’en laisser pénétrer le plus possible au travers des fenêtres, justement parce que nous passons autant de temps à l’intérieur.
Les autorités médicales ont peu étudié la quantité d’UV nécessaire à une bonne santé, depuis que la plupart des humains ne travaille plus à l’extérieur.
Il est bien connu que les rayons UV ont une fonction bactéricide. On l’utilise pour traiter l’eau potable et l’air des hôpitaux, notamment. Il est donc possible qu’ils équilibrent la prolifération des bactéries, champignons et moisissures nécessaires et non nécessaires dans une maison.
Le verre clair laisse facilement passer 75 % des UV par nombre de vitrage (le verre double, 60 %, et le triple, 50 %). Mais un verre sélectif à faible-É n’en laisse passer que 25 %, tandis que l’unité « quadruple », avec deux verres et deux pellicules à faible-É, qu’un-demi pour-cent.
Il faut bien se rappeler que les rayons UV proviennent du soleil, donc principalement du sud. Or, si l’on tient compte de ce point de vue d’orientation, on mettrait des verres clairs au sud, au grand dam des vendeurs de verre énergétique qui prétendent sauver les meubles et tapis de la décoloration. En fait, le seul vitrage véritablement efficace à ce chapitre est l’unité quadruple.
Cependant, ces unités coupent 60 % des gains de chaleur solaire et 40 à 55 % de la lumière visible. On fait donc face à des questions d’arbitrage entre les différents objectifs de confort et de décoloration. Je suis d’accord avec les experts de musées, cités dans Energy Design Update il y a quelque années, qui disaient que la seule façon d’empêcher totalement la décoloration due au soleil, c’est de placer nos tableaux, nos meubles et nos tapis à l’abri des rayons solaires. De toute façon, à un tapis, je préfère de loin un plancher de bois franc, moins sensible aux UV et combien plus sain pour le corps humain!
Certains prétendent que leurs plantes ont arrêté de fleurir à cause du verre énergétique. Je n’ai pas vécu cette expérience. Ni Amory Lovins, le gourou américain de l’efficacité énergétique. Il fait pousser une forêt tropicale dans sa résidence du Rocky Mountain Institute, dans les montagnes Rocheuses du Colorado, dans une serre vitrée de Caloriverre (Heat Mirror).
Mais, étant donné que le verre le plus réfléchissant réduise de moitié la lumière visible, on se demande si cela n’affecte pas la santé des gens plus vulnérables. Certaines personnes hypersensibles, à qui on a demandé de tester divers vitrages, sans savoir de quels types il s’agissait, ont paniqué en regardant à travers du verre énergétique [NDLR : de basse qualité, au début des années 90]. Il y a donc lieu de chercher à connaître l’effet des vitrages sur les humains. Comme tout nouveau produit dans la construction, on met une génération avant de connaître vraiment un matériau. En l’absence de données complètes, la prudence est donc de mise.