© Schluter-Systems
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Quand on achète une pinte de lait, on veut qu'elle soit abordable, mais pas au point où le lait est dilué avec de l'eau, fait valoir Sylvain Racine en expliquant que c'est ce qui arrive souvent quand on achète un plancher radiant électrique. « Il faut toujours faire attention à la capacité du système, explique le vice-président de Schluter-Systems, soit viser 12 à 13 watts par pied carré (W/pi2) et ne jamais descendre à 10 W/pi2. Nous, à 3,25 pouces d'espacement entre les câbles, on est à 12,7 W/pi2, alors que certaines compagnies vendent leur fil moins cher et baissent la puissance du chauffage. Mais leur système est 30 % moins efficace. Comme le fil est recouvert de béton ou de ciment- colle, c'est toujours mieux de pouvoir contrôler la puissance au thermostat puisque si on en manque, on ne peut pas ajouter de câble. »

Fondée en 1975, Schluter-Systems est une entreprise allemande dont les solutions innovantes pour la pose de la céramique sont réputées mondialement. Son siège social nord-américain est établi à Ste-Anne-de-Bellevue, dans l'ouest de Montréal. Son système de chauffage radiant électrique incorpore plusieurs inventions qui font sa renommée.

Historique

. © Schluter-Systems
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En 1975, le carreleur Werner Schluter pose déjà des carreaux de céramique depuis neuf ans quand il fonde son entreprise, Schluter Tile. Il lance alors le premier profilé de laiton en L baptisé SCHLUTER-SCHIENE. Celui-ci permet de faire une transition rapide et abordable entre un plancher de bois et le chant (l'épaisseur) de la céramique, au lieu de devoir appliquer du ciment à la truelle comme autrefois.

En 1980, Schluter invente des profilés pour escaliers en céramique suivis, en 1982, d'un système de drainage (membrane et gouttière) évitant que le mortier d'un balcon ne soit  endommagé par la glace formée pendant les cycles de gel-dégel. En 1985, l'entreprise lance la ligne de produits DILEX permettant pour la première fois de concevoir des joints de mouvement durables et sans entretien.


 prévient les fissures de tuiles. © Schluter-Systems
prévient les fissures de tuiles. © Schluter-Systems

Puis 1987, une petite révolution s'annonce avec l'invention de la membrane de désolidarisation DITRA. Depuis plus de deux mille ans, la céramique était protégée contre les fissures en posant des couches de sable entre le substrat de béton et les carreaux, afin que les deux surfaces puissent bouger indépendamment l'une de l'autre, explique le site Web de l'entreprise. Or dans les années 1960, l'adoption du ciment-colle posé directement sur le béton ou le contreplaqué soumet la céramique au stress causé par le mouvement du sous-plancher créé par les variations du taux d'humidité et de températures. Une version améliorée et plus mince du lit de mortier avec couches de sable, la membrane DITRA intègre également les fonctions d'imperméabilisation et de gestion de la vapeur. « La force du système n'est pas qu'il est accroché fort, la membrane est juste retenue par un textile collé sous la membrane, explique Sylvain Racine. Mais si le contreplaqué prend de l'expansion, comme les carreaux de céramique ne sont pas collés directement dessus, la membrane les protège puisqu'elle est indépendante du contreplaqué. »

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Pose plus rapide

Selon lui, ce produit serait aujourd'hui utilisé sous 30 à 40 % des nouveaux planchers en céramique installés dans les maisons québécoises. « Certaines compagnies de ciment-colle permettent que l'on pose un contreplaqué de grade extérieur de 1 1/4 po si on n'utilise pas de membrane. Ce produit vedette (DITRA) coûte environ 3 $/pi2 pose incluse, un prix semblable à celui d'un deuxième contreplaqué. « Mais si vous avez 300 pi2 de plancher à installer, vous pouvez poser le contreplaqué et la membrane le matin et la céramique en après-midi, ça prend beaucoup moins de temps que de doubler le contreplaqué. La membrane est déroulée sur un film de ciment modifié selon la norme ANSI A118.4 ou ANSI A118.11 appliqué à la truelle. On pose les carreaux avec le ciment non modifié selon la norme ANSI A118.1, puis le coulis à joint. Les transitions sont faciles à faire avec un profilé en métal ou un joint souple DILEX, parce que la membrane mesure seulement 1/8 po d'épaisseur. Le joint DILEX est facile d'entretien car la poussière est facile à retirer de son profilé en gorge arrondie. »

Également en 1987, la membrane d'étanchéité souple KERDI fait son apparition. « Contrairement au système d'imperméabilisation traditionnel, KERDI est collée directement au substrat et les carreaux sont installés directement sur la membrane en utilisant du ciment-colle. Ce système protège le lit de mortier contre l'infiltration d'humidité, en plus de réduire les risques de fuites, d'efflorescence et de prolifération de la moisissure dans les environnement humides (ex. : douches, cuisines, etc.). »

Dans les années 1990, l'entreprise est rebaptisée Schluter-Systems. En 1998, elle commercialise un système de chape en béton léger qui peut accueillir des tuyaux d'eau chaude. Baptisé BEKOTEC, ce système modulaire permet de construire une chape sur de grandes surfaces et de la recouvrir d'assemblages de céramique à l'épreuve des craquelures, et ce sans requérir de trait de scie ni de joints de contrôle dans le béton. « Puisque BEKOTEC est un système de chape flottante, l'assemblage résiste à un grand registre de températures et réduit la transmission du son », selon l'entreprise.

Les années 2000 sont encore plus prolifiques. En 2001 apparaissent un espaceur simplifiant l'application de coulis pour créer des joints uniformes entre les carreaux et le profilé, puis un drain de douche doté d'une large bride de collage. Cette dernière permet de créer une connexion étanche à toute membrane d'étanchéité sur le dessus de l'assemblage plutôt que sous le lit de mortier.

La membrane de désolidarisation DITRA est améliorée en 2008 : DITRA-XL a une épaisseur de 5/16" (7 mm) qui permet de créer des transitions égales entre des carreaux de céramique et un plancher en bois de 3/4" d'épaisseur. Comme toujours, elle permet d'installer les carreaux sur une seule couche de contreplaqué ou de panneau de copeaux orientés (OSB) sur des solives posées tous les 24 po.

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En 2010, l'entreprise diversifie sa gamme de produits avec le KERDI-BOARD qui joue à la fois le rôle de panneau de construction et de support de pose, en plus de constituer un système d'étanchéité collé. Ce panneau en mousse de polystyrène extrudé est « recouvert d'un matériau de renfort sur chaque face et d'un feutre non-tissé, assurant un ancrage efficace avec le ciment-colle ». Depuis 2016, il sert aussi à construire des bancs et des seuils de douche.

Viennent ensuite un drain linéaire encastré pour les douches et douches vapeur (2011) puis une plaque d'inox carrée (2013) que l'on recouvre de la membrane KERDI et d'une tuile en céramique sans cadre de coulis, afin de créer un caniveau pratiquement invisible.

Schluter-Systems est réputée pour les excellentes formations qu'elle offre à ses sous-traitants ainsi que les vidéos explicatifs produits dans un studio de télé aménagé dans son siège social de Ste-Anne-de-Bellevue, relate Sylvain Racine. « Nos produits ne peuvent pas seulement se vendre, ils doivent être compris, et il faut l'essayer pour le comprendre. C'est facile : nous avons récemment formé une designer et elle a réussi à construire elle-même une douche en deux heures et demi. En général, les menuisiers font presque tout le travail. C'est si efficace que cela donne aux carreleurs le maximum de chances d'avoir un plancher parfaitement installé. »

 comprend un bris thermique qui accélère le chauffage du plancher. ©Schluter-Systems
comprend un bris thermique qui accélère le chauffage du plancher. ©Schluter-Systems

Plancher radiant électrique isolé et durable

Enfin, en 2014, Schluter-Systems lance un système de plancher radiant électrique, DITRA-HEAT, qui intègre la technologie de désolidarisation. En 2016, DITRA-HEAT-TB (pour Thermal Break ou Bris thermique) voit le jour. Ceci est le premier système du genre comportant un isolant thermique. En évitant de chauffer le sous-plancher et en rapprochant le fil du plancher, celui-ci se chauffe plus rapidement, de 70 % dans le cas du béton. La membrane est formée de rondelles, qui permet d'accrocher le fil chauffant entre celles-ci. « Au lieu d'être par dessus, le fil est encastré dans la membrane; on peut donc appliquer un ciment-colle à la truelle sans risque d'endommager le fil », explique Sylvain Racine.

Bref, ce système élimine tous les inconvénients des anciens systèmes de câbles chauffants posés sur une structure en bois, résume-t-il : « On n'a plus besoin de deux contreplaqués et il n'y a donc plus de problème de niveau car la céramique n'arrive pas à 3/4 ou à 1 po au-dessus du bois franc. Pas besoin d'installer non plus un gabarit pour recevoir les fils chauffants. Si le plancher est de niveau pas besoin de ciment autolissant pour niveler et couvrir le fil, seulement besoin de ciment-colle. Pour le poseur, c'est merveilleux car il n'a pas besoin d'attendre que le ciment sèche, tout se fait le même jour. Et même si le contreplaqué se contracte ou prend de l'expansion avec les variations de température et d'humidité, il n'y a pas de risque que les carreaux se fissurent.''

DITRA-HEAT-TB fait fureur dès son lancement, dit M. Racine. « Durant les dix premiers mois, soit de mars à décembre 2014, nous avons vendu 5 millions de pieds carrés au Canada. C'est un système complet : s'il y a un problème, nous vous aidons du début a la fin. »

Sain et confortable

Ce système moderne ne génère pas de champs magnétiques élevés comme le faisait le système traditionnel doté d'un simple conducteur qui créait une boucle électromagnétique autour d'une pièce. « Aujourd'hui, nous utilisons deux fils torsadés, dont les champs magnétiques s'annulent mutuellement, ainsi qu'une gaine en cuivre tressé recouverte de PVC. Cela crée un fil beaucoup plus résistant et le cuivre élimine le champ électrique car il sert de mise à la terre. »

Ce qui est le plus bénéfique pour le consommateur, c'est le confort accru offert par ce système isolé. « Sur les dalles de béton de sous-sol ou de condo, les gens se plaignaient souvent qu'un fil chauffe de façon moins efficace, raconte M. Racine. Au lieu d'un textile mince, nous utilisons une fibre plus épaisse, de 1/8 po (3 mm) en tant que barrière thermique. Ainsi la température de la céramique devient égale plus rapidement. »

Le chauffage radiant, c'est bien connu, offre un plus grand confort que les systèmes à convection car il chauffe d'abord les corps et les objets qui ensuite chaufferont l'air. Il ne « grille » pas les poussières comme un élément chauffant le fait et ne les propulse pas dangereusement pour les poumons comme contrairement à une fournaise.

Mais, pour en profiter pleinement, encore faut-il savoir bien l'installer et l'utiliser, précise le vice-président de Schluter-Systems. Il faut d'abord éviter de chauffer les endroits couverts, comme sous un frigo et sous des armoires qui risqueront d'être endommagées par des poches de chaleur. De plus, on ne posera pas de fil chauffant le long des murs. « Il faut laisser un espace vide de 3 pouces pour éviter d'endommager le fil durant des travaux et pour éviter de créer une surchauffe s'il n'y a pas assez de ciment-colle au pourtour.

Selon le livre Le guide de l'habitat sain, des médecins français Pierre et Suzanne Déoux, pour éviter de créer de l'inconfort, il faut éviter de dépasser une température de 28 °C. L'idéal est entre 19 et 23 °C, selon M. Racine. « Le bon coté du chauffage radiant, c'est que tout ce qui peut accumuler la chaleur devient un élément du système de chauffage et que la céramique est l'un des meilleurs matériaux pour l'accumuler et la transférer rapidement. »

Comme un système radiant chauffe d'abord et surtout par rayonnement, il évite la stratification importante des températures associée aux systèmes à air chaud : elles seront plus homogènes du plancher au plafond. Dans son propre salon à toit cathédrale, il règle le thermostat afin que le plancher soit à 24 °Celsius parce qu'on y retrouve une grande fenêtre perdant beaucoup de chaleur. La température requise dépend de plusieurs facteurs, dont l'épaisseur de la céramique, la performance thermique de l'enveloppe du bâtiment et la localisation de la sonde de température dans le plancher. « Si la sonde est située près d'un gros congélateur au sous-sol ou sous un tapis, elle sera plus au chaud et arrêtera trop vite le chauffage du plancher. »

Le système DITRA-HEAT est le seul mode de chauffage utilisé dans son salon doté d'un plancher en ardoise sur structure en bois[1] . « Autrefois, avec un calorifère, on savait que la chaleur était surtout au plafond. Mais avec le chauffage radiant, la chaleur va partout et la source est directement sous vos pieds ».

Prix du système DITRA-HEAT-TB : de 6 $ à 12 $ le pied carré selon la taille de la pièce, thermostat (200 $) et pose en sus.

Pour en savoir davantage

schluter.ca/schluter-ca/fr_CA

 Certifié LEED Or, le siège-social nord-américain de Schluter-Systems est situé à Sainte-Anne-de-Bellevue. © Schluter-Systems
Certifié LEED Or, le siège-social nord-américain de Schluter-Systems est situé à Sainte-Anne-de-Bellevue. © Schluter-Systems

Une philosohie durable

« Schluter-Systems a toujours été orienté vers la céramique, relate Sylvain Racine. Si l'on fait en sorte qu'elle ne brise pas et que les douches en céramique ne coulent pas, les gens vont l'utiliser de plus en plus. »

Le siège social nord-américain de l'entreprise démontre d'ailleurs avec éloquence l'engagement de Schluter-Systems envers le développement durable. Cet édifice de 66 000 pi2 a été certifié LEED Or en 2012. « On a manqué le niveau platine par 2 points car la STM (Société de transport de Montréal) a enlevé une route d'autobus desservant nos bureaux », explique M. Racine.

L'immeuble ne compte pas moins de 75 000 pi2 de murs et de planchers en céramique incorporant évidemment les diverses technologies Schluter, mais également plusieurs attributs écologiques : matériaux sains et souvent locaux, 60 % d'économie de chauffage (radiant et à air chaud) et 40 % d'économie d'eau, toit blanc réfléchissant l'énergie solaire, urinoirs sans eau, captage de l'eau de pluie, mur végétal humidifiant l'air et filtrant les eaux grises, ventilation récupérant 90 % de la chaleur de l'air vicié, chauffe-eau solaire, préchauffage de l'air via un puits canadien et un mur solaire, dalles radiantes hydroniques et système de chauffage et climatisation 100 % géothermique (sans élément électrique d'appoint). L'immeuble est tellement bien isolé que l'eau des planchers (6 po en béton) n'est chauffée qu'entre 35 et 40 °C (de 95 à 104 °F). « Cela génère des économies immenses, dit M. Racine, car monter la température au-delà aurait pris un système d'appoint au gaz. Ça nous a pris deux ans pour avoir la signature de notre ingénieur : nous l'avons convaincu de l'efficacité en faisant fondre la neige sur notre trottoir d'entrée ! »