Selon le constructeur Peter Amerongen, il est facile de choisir entre un système solaire photovoltaïque (PV) et une architecture solaire passive. « Le système PV de notre maison Mill Creek NetZero produit 8 000 kWh d’électricité et le solaire passif, qui a coûté pas mal moins cher, 8 200 kWh! », affirme Amerongen, président de la compagnie Habitat Studio & Workshop, d’Edmonton. En effet, un système PV coûte environ 10 000 $ le kW une fois installé, et 40 à 50 cents du kWh produit, alors qu’Hydro-Québec nous vend son électricité à 8¢/kWh.
Forum d’experts
Ce constructeur albertain faisait partie des 90 personnes qui ont participé au Forum 2010 sur les maisons Equilibrium, organisé par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), qui a eu lieu à Montréal du 1er au 3 décembre. Il fut l’un des lauréats de l’Initiative de maisons de démonstration durables EQuilibrium, un concours lancé en 2006 par la SCHL et grâce auquel une douzaine de maisons de démonstration avant-gardistes ont pu être construites à travers le pays. Ces maisons saines et écologiques sont dites à consommation « nette zéro » car elles doivent produire des surplus annuels d’énergie, grâce à leurs panneaux solaires PV et thermiques.
Le design solaire passif consiste d’abord à orienter face au soleil la majorité des fenêtres et des matériaux massifs qui stockeront son énergie et la dégageront quand ils seront plus chauds que l’air intérieur. Afin d’emprisonner la chaleur, la maison doit être dotée de vitrages, être étanche à l’air et isolée avec des matériaux de qualité supérieure. Enfin, pour maintenir des températures intérieures confortables à l’année, il faut prévoir des stratégies d’ombrage et de ventilation naturelle et mécanique.
En construction, à part le système géothermique qui produit trois fois plus d’énergie qu’il n’en consomme, il n’y a rien de plus économique et écologique que le design solaire passif. Ses éléments ont réduit de 55 % les coûts annuels de chauffage de la Maison nette zéro Riverdale, le duplex solaire finaliste du concours EQuilibrium que Peter Amerongen a construit à Edmonton. La SCHL souhaite que ce genre de maison, qui consomme trois fois moins d’énergie qu’une résidence traditionnelle, devienne la norme au pays d’ici une vingtaine d’années (comme le prévoit d’ailleurs l’Angleterre d’ici 2020).
L’initiative EQuilibrium présente de nombreuses options d’habitations durables qui sont abordables et accessibles dès maintenant, explique son gestionnaire Thomas C. Green, chercheur senior à la SCHL. « Elle offre une vision efficace qui permet d’envisager des objectifs réalistes afin d’offrir aux Canadiens un mode de vie plus sain et plus durable, et de permettre à l’industrie du bâtiment d’atteindre ces objectifs. » D’ailleurs Peter Amerongen a déjà bâti deux autres maisons nette zéro tout en réduisant à 60 000 $ leur surcoût initial de 100 000 $.
Trois des équipes gagnantes du concours provenaient du Québec : le fabricant Maisons Alouette a construit la première, la maison ÉcoTerra, à Eastman; le promoteur EcoCité Developments et Construction Sodero ont érigé le triplex Abondance Montréal : Le Soleil, à Verdun; enfin, l’architecte promoteur Sevag Pogharian a conçu et construit la Maison nette zéro Alstonvale, à Hudson. Malheureusement incendiée, cette dernière sera éventuellement reconstruite.
Questionné au sujet des façons d’atténuer la pollution électromagnétique dans une maison, Pogharian a répondu : « Vous avez absolument raison, c’est important. C’est une chose que nous n’avons pas considérée mais nous le ferons lors de la reconstruction. »
Les incontournables
Voici les leçons que ces pionniers ont bien voulu partager afin de faciliter la construction de d’autres maisons qui envisagent une consommation d’énergie nette zéro :
La plupart des maisons EQuilibrium ont été isolées au polyuréthane, l’isolant à la résistance thermique la plus élevée (R-6) par pouce d’épaisseur et le plus efficace pour étanchéifier l’enveloppe d’un bâtiment. Toutefois, Peter Amerongen a plutôt opté pour une membrane pare-air scellée minutieusement et de la cellulose de 16 pouces d’épaisseur : « C’est l’isolant le moins cher et le plus éco-responsable, dit-il. Comme il s’agit de papier journal recyclé, sa fabrication émet moins de gaz à effet de serre. »
La maison Riverdale est dotée d’une double ossature en colombages de 2 x 4 po espacés de 24 po d’entraxe. Grâce à sa forme rectangulaire simple, la charpente n’a coûté que 10 % de plus qu’une maison traditionnelle et a requis presque la même quantité de bois que celle d’une charpente en 2 x 6 po espacés de 16 po d’entraxe (et qui sont plus dispendieux pour un même volume que les 2 x4).
Tenant compte notamment du climat local et des caractéristiques de la fenestration, une simulation énergétique est nécessaire afin d’optimiser les valeurs isolantes optimales et la puissance du système de chauffage. Par exemple, le niveau d’isolation des toitures varie de R-36 dans la maison ÉcoTerra à R-100 dans le duplex Riverdale, situé dans une région 14 % plus froide que le sud québécois. Il faut également magasiner ses électroménagers : alors que le logiciel HOT-2000 estimait qu’une laveuse pouvait consommer 802 kWh par année, Écocité a déniché un modèle ne consommant que 141 kWh/an.
• Dans une maison à consommation nette zéro, la consommation énergétique des appareils ménagers et des luminaires réunis est plus importante (de 60 % dans le cas de la maison ÉcoTerra) que celle requise pour le chauffage. C’est pourquoi le triplex Le Soleil est doté d’un interrupteur permettant d’éteindre tous les appareils non essentiels, comme le téléviseur, qui consomment de l’énergie en attente — les « charges fantômes » — lorsqu’ils sont éteints.
Faut se parler
Avant d’entreprendre un tel projet, l’idéal est de réunir tous les intervenants dans le cadre d’une charrette de conception durant un jour ou deux. Il est également sage de réunir des représentants municipaux et même des voisins lors de la conception, afin de s’assurer que l’architecture du bâtiment sera socialement acceptable. « Nous étions chanceux d’avoir [le constructeur] Robert Deschamps présent car il pouvait nous dire ce qui était possible et ce qui était trop cher ou moins cher », explique la promotrice Cheryl Gladu d’Écocité. « Cette maison était le bébé de tous. Contrairement aux chantiers traditionnels, nous avons réglé les problèmes en équipe et partagé nos difficultés pour traverser les périodes difficiles. »
Robert Deschamps a expliqué l’importance des communications sur le chantier : « Tous les matins, je faisais mon plan de match durant 15-20 minutes avec mes sous-traitants, par exemple les gens de ventilation et le plombier. Ainsi nous étions beaucoup plus efficaces sur le chantier. Nous avons surtout développé un esprit d’équipe et le désir d’en faire un peu plus. Le pare-vapeur, c’est notre cauchemar [car on le voulait le plus étanche possible], mais dans 90 % des cas, les sous-traitants trouvaient eux-mêmes les solutions pour le contourner afin d’éviter de le percer. Sinon, ils le réparaient. Mes gars sont fiers, je les connais depuis 20 ans. »
Beaucoup de constructeurs négligent le fait que le solaire passif permet de réduire la puissance et le coût du système de chauffage. C’est pourquoi Peter Amerongen a préféré doter sa maison de plinthes électriques et de panneaux solaires thermiques plutôt que d’un système au gaz naturel dont la combustion émet des gaz à effet de serre. L’expérience lui fait toutefois conclure qu’il aurait été plus payant d’opter pour un système géothermique, comme l’ont fait toutes les autres équipes. « Les capteurs solaires thermiques sont beaucoup moins rentables que prévu, explique-t-il, car les surplus de chaleur produits en été sont perdus » — à moins d’être stockés à grands frais.
L’autre erreur courante consiste à ne considérer que le coût d’acquisition. Un système géothermique a beau coûter 30 000 $ et plus, il peut réduire les coûts de chauffage des deux-tiers. « Il faut considérer les coûts sur le cycle de vie », explique Sevag Pogharian.
Dédoublements favorables
Les composantes qui remplissent plusieurs fonctions sont les plus rentables. Sevag Pogharian a coulé à même ses fondations un réservoir de stockage de la pluie. Le triplex Le Soleil est doté d’un placard qui sert de sécheuse, grâce à un tuyau d’eau chaude et à une bouche d’évacuation de l’échangeur d’air. De plus, une fenestration abondante réduit les besoins d’éclairage, surtout les impostes (installées en hauteur) qui illuminent loin dans la maison.
Quant au vitrage triple, sa double fonction est isolante : il accroît le confort hiver comme été et il atténue les bruits extérieurs. « Durant la saison de chauffage, la température intérieure de ce vitrage est de 4 degrés Celsius plus élevée que celle d’un vitrage double. Ce dernier absorbe tellement votre chaleur corporelle qu’il donne l’impression qu’il fait 10 °C plus froid que la température de l’air mesurée par un thermostat », explique Liam O’Brien, l’étudiant en génie de l’Université Concordia qui a effectué la modélisation énergétique de la maison EcoTerra. Les rideaux et les stores isolants (idéalement automatisés) sont donc essentiels pour assurer le confort et l’économie d’énergie quand le soleil est absent durant l’hiver.
Autre exemple : une toiture solaire novatrice, conçue par le professeur Andreas Athienitis de l’Université Concordia pour les maisons Ecoterra et Alstonvale, contribue à la fois à chauffer l’air, à sécher les vêtements et à stocker la chaleur dans la dalle de béton, en plus de produire de l’électricité. Le système de récupération thermique installé sous ce toit de métal permet de refroidir les minces films PV (de marque Unisolar) qui sont collés sur la tôle, augmentant par le fait même l’efficacité énergétique et la durabilité des cellules solaires. Ce toit prototype a coûté environ 8 000 $, mais celui que le professeur Athienitis a installé chez lui a seulement coûté 5 000 $. « La neige ne reste pas sur mon toit car la pente est de 40 degrés plutôt que 30 pour la maison ÉcoTerra dont le système de 2,8 kW produit environ 2 600 kWh par an. Mon système de 1,9 kW génère de 2 300 à 2 400 kWh, mais l’endroit est aussi plus ensoleillé, dit le directeur scientifique du Réseau de recherche sur les bâtiments solaires (solarbuildings.ca).
Autre conseil important : pour minimiser les risques d’infiltration d’eau, il est préférable de concevoir une toiture simple à deux pentes, ce qui minimisera l’accumulation de neige et de glace.
Faut-il climatiser?
Selon le Consortium Ouranos sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques (ouranos.ca), en 2030 à Montréal, les besoins en chauffage diminueront de 17 % mais les besoins en climatisation seront trois fois plus importants qu’à l’heure actuelle. « Aujourd’hui, 4 % des heures annuelles affichent des températures supérieures à 30 °C », explique Roland Charneux, vice-président chez Pageau Morel et Associés, une entreprise de génie mécanique et électrique spécialisée dans l’écoconception. « En 2030, ce sera le cas 9 % du temps. »
C’est pourquoi l’équipe d’Abondance Montréal a choisi de climatiser le triplex Le Soleil qui est situé en milieu urbain où il n’y a pas d’arbres procurant d’ombre. Heureusement, la géothermie permet de rafraîchir l’air à peu de frais, et la chaleur qui est ainsi envoyée dans le sol empêche le puits géothermique de geler avec les années, à force d’y extraire de la chaleur en saison de chauffage.
Par ailleurs, lorsque les nuits sont fraîches, il est possible de climatiser l’immeuble gratuitement. C’est l’approche préconisée dans certaines maisons EQuilibrium, situées en milieu rural ou plus ombragé. À Hudson, à l’ouest de Montréal, la maison Alstonvale sera dotée d’une cheminée thermique qui, par un effet de cheminée (l’air chaud monte spontanément), évacuera naturellement l’air de la maison avec l’aide d’une fenêtre située dans la partie inférieure et qui servira de prise d’air frais.
Enfin, les dispositifs d’ombrage posent problème au début et à la fin de la saison de chauffage, alors qu’ils interceptent souvent le soleil qui est plus haut dans le ciel qu’en hiver. C’est pourquoi Peter Amerongen a fabriqué une marquise dotée d’un mécanisme — semblable à celui d’un filet de basketball — qui permet d’ajuster son inclinaison. « L’angle idéal est de 80 degrés en hiver, ce qui augmente nos gains solaires de 16 %, et de 20 degrés en été pour optimiser l’ombre. »
Amerongen donne tout le crédit de cette idée au physicien et pionnier de l’efficacité énergétique Amory Lovins, du Rocky Mountain Institute (rmi.org) qui disait : « N’importe quel système qui n’effectue qu’une seule fonction est une erreur. Essayez toujours de récupérer votre investissement en double! »
Pour en savoir davantage, voir le site du Forum EQuilibrium de la SCHL