En 2004, des citoyens ont dû être secourus par hélicoptère dans leur patelin de Tingwick à cause de pluies torrentielles qui ont fait déborder les rivières autour de Victoriaville. En 1985, une tornade a arraché le toit d’un bungalow sur la rive sud près de Trois-Rivières. « Le toit et le plafond de leur maison a abouti sur le terrain de l’église, avec verres et armoires », relate l’architecte retraité André Bourassa. Lors de notre conversation téléphonique pour cette entrevue, il était accompagné de sa femme, Micheline Gaudreau, qui prépare la relève au sein de leur cabinet d’architectes, Bourassa Gaudreau & Associés, qu’ils ont fondé en 1984.

André et Micheline ont un message pour les gens qui s’inquiètent des changements climatiques : ils sont imprévisibles et causeront certainement de plus en plus de dommages, alors vaut mieux s’y préparer en améliorant nos maisons, en adoptant un mode de vie plus frugal et en faisant preuve de résilience.

« Les gens voudraient qu’on leur dise si et quelle sera la catastrophe à venir mais on ne peut pas tout prévoir. Les principaux risques sont en fonction de chaque secteur, alors il faut consulter les plans de mesures d’urgence que les municipalités doivent mettre en œuvre, explique André. C’est le cas, par exemple, depuis les grosses inondations de 2017. Toutes les municipalités ont dû revoir leur définition de zones humides et inondables. Le ministère de la Sécurité civile peut aussi nous dire si on vit dans un corridor venteux où les arbres tombent plus souvent. »

Certaines mesures requises pour s’adapter aux changements climatiques, par exemple pour résister aux vents violents et aux feux de forêt, vont parfois à l’encontre des principes de l’architecture bioclimatique. Par exemple, le principe selon lequel il est préférable de construire à proximité d’arbres brisant les vents dominants. « Certains architectes affirment qu’il est préférable d’utiliser des résineux comme brise-vents près des maisons, explique Micheline, mais les arbres feuillus peuvent aussi contribuer à ralentir le vent bien que les branches puissent plus facilement casser. » Selon le Conseil national de recherches du Canada, il est recommandé de bâtir à au moins dix mètres des arbres, en particulier des conifères dont les résines sont de véritables carburants qui alimentent les incendies. « On peut, par exemple, remplacer par des revêtements métalliques ou de la maçonnerie les revêtements de bois et de vinyle qui sont moins résistants à la chaleur et au feu, et utiliser une toiture métallique au lieu de bardeaux d’asphalte, ajoute André, mais ça ne changera rien si votre forêt brûle ».

Pensez résilient ET écologique

À l’heure du je-me-moi, les catastrophes naturelles ont le don de nous faire apprécier nos voisins, poursuit André. « Les changements climatiques nous ramènent à la solidarité plutôt qu’à l’individualisme. Il faut se demander si notre maison est résiliente pour qui et pour quoi. Durant la crise du verglas, des gens faisaient le tour des maisons avec leur génératrice pour dépanner leurs voisins. »

Être un bon citoyen planétaire, c’est aussi ne pas oublier qu’une maison résiliente face aux aléas climatiques ne veut pas nécessairement dire qu’elle sera écologique. « Par exemple, si le montant du compte de taxes reste le même peu importe la consommation d’eau, les gens ne sont pas encouragés à adopter des technologies et comportements qui l’économisent. »

Selon la publication fédérale Votre guide de préparation aux urgences, il est important de consacrer au moins 20 minutes à la préparation de votre propre plan d’urgence. Utilisez les listes publiées dans le guide pour préparer une trousse d’urgence qui vous permettra d’affronter les 72 premières heures d’un événement catastrophique qui sont les plus critiques.

L’autonomie en eau et en énergie est particulièrement importante à la campagne, où les aqueducs gérés par les municipalités sont moins nombreux et le réseau électrique souvent plus désuet. « Peu importe que l’on craigne les tornades, les verglas ou les tremblements de terre, assurez-vous que votre maison soit autosuffisante pour au moins une ou deux semaines », conseille André. « Et n’oubliez pas d’avoir une réserve d’aliments secs, en conserve et en pots Mason, ajoute Micheline, mais sans exagérer ni se doterd’une carabine pour se protéger des pilleurs. »

Grâce à un système solaire photovoltaïque et à des batteries, vous pourrez électrifier le frigo, la pompe du puits, voire le chauffe-eau et certains autres systèmes mécaniques essentiels durant un nombre d’heures et de jours dépendant de la puissance des capteurs et surtout de la capacité des piles. « Il faut un minimum d’autosuffisance en énergie, par exemple grâce à une cuisinière et un poêle à bois ou à gaz, rappelle Micheline. Assurez-vous au préalable de disposer d’une installation sécuritaire en la faisant inspecter par un expert. »  

Pour ces deux architectes, le mot clef est sobriété tant sur le plan individuel que collectif, surtout en ce moment car les prix des matériaux et des produits du bâtiment ont explosé cette année pour plusieurs raisons. Les retards de livraisons de maisons, causés par la fermeture des chantiers durant la pandémie, ont notamment causé une énorme demande et de nombreuses ruptures de stock depuis leur réouverture. « Le magasin planétaire n’en peut plus. Cette année, des fournisseurs nous disent - et on est obligé de dire à nos clients - qu’on ne peut pas faire telle ou telle chose avant six mois. Par exemple, on manque de membranes pour terminer des toitures déjà commencées. »

Élargir sa zone de confort

L’efficacité et l’économie énergétiques sont évidemment à l’ordre du jour alors que l’on doit réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre. André questionne : « Est-on vraiment obligé de régler la température à 20-21 °C pour se rafraichir l’été, quand on climatise? Lors d’une mission avec Hydro-Québec en Suisse, j’ai appris que ce pays recommande de ne pas abaisser la température en bas de 26 °C durant l’été. J’insiste très fort sur ce point : ça ne coûte rien, c’est plus confortable et c’est simple à faire. »

André s’inspirer du Manifeste pour une frugalité heureuse et créative proposé par des professionnels du bâtiment européens pour faire face aux crises de notre temps. « Une frugalité heureuse, c’est élargir sa zone de confort. C’est d’autant plus important en milieu urbain parce que quand on climatise, on rejette la chaleur dans la rue, ce qui contribue à créer des îlots de chaleur. » D’ailleurs pour assurer le bon fonctionnement d’une thermopompe, il est recommandé de nettoyer ses filtres tous les mois et de faire faire une inspection tous les deux ans, cette dernière étant obligatoire en France depuis 2020 (détails dans le texte Maintenance des Pac : les textes sont parus, l’obligation est entrée en vigueur, publié sur le site batiactu.com).

Ensuite, bien que les experts attendent d’avoir assez de preuves en main pour conclure que la fréquence des tornades augmentera à cause du réchauffement planétaire, les changements climatiques causent des conditions météorologiques qui favorisent leur formation, comme l’expliquait en juin dernier sur le site 24 Heures Alain Bourque, directeur général d’Ouranos, un consortium sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques. « Au Québec, on est habitués de construire nos toitures pour supporter le poids de la neige, mais on n’a pas la notion du risque qu’elles soient arrachées par le vent, souligne Micheline. Des attaches de toit et de fondations, c’est peu couteux, mais ç’est préférablement installé au moment de la construction. Malheureusement, parce que ça ne paraît pas dans notre décor, on passe outre… 

De notre côté, c’est surtout sur la résistance au vent des toits et revêtements de finition que nous avons adapté nos devis, pour que ceux-ci puissent résister à des vents de 210 km/h. Nous prescrivons des ancrages à chaque ferme de toiture. Dans le cas des bardeaux d’asphalte, nous prescrivons des bardeaux IKO Dynasty Je te joins les instructions de pose du manufacturier pour ces bardeaux. À noter qu’ils exigent 6 clous par bardeau sur les pentes raides de 60 degrés ou plus, alors que 4 clous sont requis pour les pentes inférieures à 60 degrés. Grâce à leur conception avec une bande de clouage renforcée (appelée ArmourZone), IKO donne une garantie contre des vents allant jusqu’à 210 km/h avec ces bardeaux, même avec 4 clous et sans ciment plastique dans les pentes inférieures à 60 degrés. »

Agir en connaissance de cause

En conclusion, André rappelle que selon l’endroit où l’on habite, qu’il soit situé en zone urbaine ou rurale, les mesures d’adaptation seront différentes et devront être adaptées à chaque situation. « Au minimum, soyez au courant des plans de mesures d’urgence de votre municipalité. Ils identifient les risques locaux les plus élevés. Dans certaines copropriétés ou coopératives d’habitation, les conseils d’administration peuvent avoir mutualisé certaines mesures, pour le bénéfice de tous. Si non, pourquoi ne pas vous impliquer pour initier cette démarche?

L’habitation individuelle rurale peut-être plus ou moins isolée des fournisseurs de produits et services. Les mesures seront plus faciles à mettre en place si l’occupant est d’un tempérament à passer à l’action. Rappelez-vous que les délais pour obtenir certains matériaux et accéder à de la main-d’œuvre qualifiée sont parfois très longs. Mieux bâtir, c’est avantageux, changement climatique ou pas. Face à des changements climatiques que les spécialistes définissent comme imprévisibles, mieux bâtir c’est créer des habitations sobres et simples à gérer. »