« Imaginez qu’ensemble, de manière active, soutenue et non violente, nous exigions des politiques publiques qui permettent de respecter les limites planétaires », écrit Laure Waridel dans son dernier livre.
« Imaginez qu’ensemble, de manière active, soutenue et non violente, nous exigions des politiques publiques qui permettent de respecter les limites planétaires », écrit Laure Waridel dans son dernier livre.

Tiré du livre La Transition, c'est maintenant, paru aux éditions Écosociété en 2019, page 267 : Se mobiliser par tous les moyens

Parmi les travaux de recherche auxquels se réfère le mouvement Extinction Rebellion, il y a ceux d’Erica Chenoweth, politologue et professeure à l’Université Harvard. En collaboration avec Maria Stephan, chercheuse à l’Université de Cambridge, elle a combiné des analyses statistiques et une centaine d’études de cas comparant des stratégies d’action visant de grands changements politiques à travers le monde entre 1900 et 2006. Leurs travaux démontrent que les campagnes de résistance non violente ont été deux fois plus efficaces que les campagnes violentes. Au cours du dernier siècle, les droits des femmes, des travailleurs, des personnes de toutes couleurs, de tous genres, de toutes conditions physiques politiques et économiques ont clairement bénéficié de campagnes de désobéissance civile. Celles-ci ont aussi contribué à des changements de gouvernement.

Parmi les nombreux exemples analysés figure le mouvement People Power aux Philippines. Après des années de souffrance, plus de 2 millions de personnes sont descendues dans les rues de Manille en 1986 pour manifester leur opposition à la dictature de Ferdinand Marcos. Au bout de quatre jours, celui-ci a capitulé. En 2003, fleurs à la main, les Géorgiens ont renversé le président Edouard Shevardnadze prenant d’assaut le parlement. Plus récemment, ce sont des actions non violentes qui ont fini par détrôner Abdelaziz Bouteflika en Algérie et Omar al-Bashir au Soudan. Dans un contexte beaucoup moins dramatique, mais plus près de nous, en 2012, le mouvement étudiant des carrés rouges a contribué à la tenue hâtive d’élections provinciales qui se sont soldées par un changement de gouvernement.

Au-delà du type d’action non violente choisi, la force du nombre est déterminante pour le potentiel de succès. Les travaux d’Erica Chenoweth démontrent que toutes les campagnes ayant obtenu la participation active et soutenue de 3 5 % de la population ont réussi à provoquer des changements, souvent de nature systémique. Une telle mobilisation nécessite cependant des efforts considérables en termes de communication et de compréhension des enjeux. Le monde de l’éducation, les médias et les influenceurs ont donc un rôle fondamental à jouer pour rejoindre et informer adéquatement la population. La prise de conscience de l’importance d’un problème, d’une part, et de l’autre le constat qu’une ou des solutions alternatives préférables existent et sont réalisables

Le Québec comptant actuellement environ 8,4 millions de personnes, 3,5 % de sa population correspond à 294 000 personnes. C’est juste un peu plus que le nombre actuel de signataires du Pacte pour la transition ! Et que dire des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes impliquées dans tant d’autres mouvements qui se mobilisent pour le bien commun : La planète s’invite au parlement, à l’université, à l’école, dans le communautaire (et tant d’autres variantes qui essaiment), Pour le futur Montréal, ENvironnement JEUnesse, Équiterre, Greenpeace, la Fondation David Suzuki, Nature Québec, l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, Coule pas chez nous, la Déclaration d’urgence climatique, Extinction Rebellion, le Centre québécois du droit de l'environnement, Oxfam, Amnesty International, l’Institut du Nouveau Monde, l’Association pour la santé publique du Québec, le Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets, les établissements verts Brundtland, les conseils régionaux de l’environnement, le Front commun pour la transition énergétique, Québec meilleure mine, des acteurs de l’économie sociale et ceux de l’économie verte, les syndicats, les multiples organisations de conservation de la nature, et tant de groupes citoyens partout sur le territoire. Imaginez qu’ensemble, de manière active, soutenue et non violente, nous exigions des politiques publiques qui permettent de respecter les limites planétaires.

Imaginez qu’ensemble, de manière active, soutenue et non violente, nous nous opposions d’une voix ferme et solidaire à des projets qui vont à l’encontre du gros bon sens scientifique en matière de changements climatiques : le pipeline Trans Mountain, le projet gazier GNL Québec, le troisième lien routier dans la région de Québec, le projet de méga centre commercial Royalmount à Montréal, et tant d’autres aberrations un peu partout sur le territoire dont nous sommes les gardiens.

Imaginez qu’ensemble, de manière active, soutenue et non violente, nous fassions en sorte que le droit à la vie et à la sécurité de sa personne, le droit de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité et le droit à l’égalité passent avant le droit à la maximisation des profits d’une minorité de bien nantis.

Imaginez qu’ensemble, de manière active, soutenue et non violente, nous construisions le monde auquel nous rêvons pour nous-mêmes, nos enfants et tous ceux et celles qui suivront.

Serions-nous bientôt arrivés au point de bascule ? Je crois que oui. Comme l’écrivait Bertolt Brecht : « Ceux qui luttent ne sont pas sûrs de gagner, mais ceux qui ne luttent pas ont déjà perdu. »