L'idéal est d'électrifier directement des appareils fonctionnant au courant continu (CC) produit par les panneaux PV, sans passer par un onduleur qui produit beaucoup d'interférence électromagnétique en convertissant le CC en courant alternatif (CA).
© iStock

L'auteure est docteure en génie spécialisée en intégration des technologies solaires aux bâtiments. En collaboration avec André Fauteux.

Depuis plusieurs années, certaines personnes rêvent d’habiter une maison autosuffisante en énergie. Les crises énergétiques des années 70 ont indéniablement contribué à populariser le concept, tout comme la crise du verglas de 1997 et la pandémie de 2020-2021. En temps de crise, notre dépendance à des systèmes centralisés pour notre approvisionnement en énergie et en nourriture devient plus qu’évidente. Avec la place grandissante qu’occupent les technologies dans nos vies, une panne des réseaux d’énergie et de communication pourrait avoir de lourdes conséquences sur nos sociétés.  

Afin qu’une maison au Québec puisse atteindre l’autonomie énergétique sans trop polluer, il est essentiel en premier lieu de diminuer drastiquement (jusqu’à 90 %) la demande en chauffage. Par exemple, en atteignant les cibles énergétiques pour une maison certifiée passive classique (15 kWh/m²/an) ou passive sobre en énergie (30 kWh/m²/an). C’est essentiel car les systèmes solaires photovoltaïques (PV), qui convertissent la lumière en électricité, ne sont pas assez puissants pour chauffer une maison classique. Après avoir diminué les besoins de chaleur, il faut ensuite penser à produire son électricité locale et renouvelable. Les panneaux solaires sont clairement le type d’énergie renouvelable le plus facile à intégrer au bâtiment, quoiqu’il existe également de petites turbines de rivière et des éoliennes compactes qui peuvent aussi être intégrées à proximité quand la puissance et la constance du débit d’eau ou du vent sont au rendez-vous. 

Dès le départ, il faut clarifier le but recherché d’une installation solaire PV. Si on vise l’autonomie énergétique totale, alors il faut être indépendant du réseau et avoir une installation complète avec des batteries. En effet, des panneaux PV installés sur une maison inscrite à l’option tarifaire de mesurage net d’Hydro-Québec, qui crédite les kilowattheures (kWh) injectés sur son réseau par les autoproducteurs, ne pourront servir à alimenter la maison en cas de panne du réseau. Seule exception : l’onduleur Sunny Boy, de SMA, permet bel et bien aux autoproducteurs solaires reliés à un réseau électrique de bénéficier d’une petite production électrique d’urgence (2 kW) en cas de panne du réseau. 

Toutefois, les panneaux solaires photovoltaïques (PV) peuvent-ils avoir un impact négatif sur la santé humaine? Sont-ils compatibles avec une maison saine? Les experts en baubiologie (biologie du bâtiment) du Building Biology Institute déconseillent carrément l’achat d’un tel système aux personnes électrosensibles. Aussi conseillent-ils aux consommateurs de bien évaluer les pour et les contre d’une telle installation avant de se lancer dans l’aventure. Bien des personnes ont développé divers symptômes et problèmes de santé à la suite d’une installation solaire et ont amèrement regretté leur investissement. Quoiqu’il soit toujours possible de recourir à des experts et d’améliorer une installation existante, c’est un travail difficile et de longue haleine. 

Une question de qualité

Les impacts sur la santé vont surtout dépendre de la qualité des produits, de l’installation et de la position des équipements. Les panneaux PV produisent du courant continu (CC) qui doit par la suite être transformé par un onduleur en courant alternatif (CA) afin de pouvoir alimenter les appareils ménagers électriques. Or, la plupart des appareils électriques reconvertissent par la suite le CA en CC avec leur transformateur, entraînant chaque fois des pertes d’énergie et l’émission de champs électromagnétiques lors des conversions. La qualité de l’onde produite par l’onduleur a ici une importance capitale afin de réduire les effets négatifs de l’électricité PV sur la santé humaine. En effet, un onduleur de piètre qualité produira une grande quantité d’harmoniques et de microsurtensions – aussi appelées hautes fréquences transitoires (HFT) ou électricité sale – qui vont polluer le réseau électrique et peuvent occasionner des problèmes de santé.

Onde purement sinusoïdale de 60 Hz (gauche); variation de voltage causée par une distorsion harmonique (droite) © Krarti, 2017 

 

De plus en plus de personnes sont devenues électrosensibles à la suite des expositions élevées auxquelles elles étaient soumises dans le cadre de leur travail. C’est le cas notamment de l’ingénieur électrique et expert en PV Steven Magee et le spécialiste en technologies résidentielles Jasen Masek. Magee, qui a oeuvré dans le domaine biomédical avant de gérer le plus grand parc solaire PV aux États-Unis, raconte son calvaire (il a notamment développé des dommages neurologiques permanents) sur son site environmentalradiation.comPour comprendre les effets de l'électrosmog et des HFT en particulier sur la santé, lire le livre Dirty Electricity - Electrification and the Diseases of Civilization. Son auteur, Dr Sam Milham, fut l'épidémiologiste en chef du département de santé publique de l'État de Washington, de 1968 à 1986. Il affirme que l'épidémie des maladies cardiaques, du cancer et du diabète fut causée par l'électrification des bâtiments car la prévalence de ces maladies aux États-Unis a augmenté au même rythme que l'électrification, d'abord dans les villes à la fin du 19e siècle et jusqu'au fin fond des campagnes jusqu'en 1940. Dans une école californienne, il a remarqué que la présence de HFT dans les classes était liée à des cas de cancers de l'utérus, de la peau (le même mélanome malin causé par les rayons ultraviolets) et de la thyroïde. Selon lui, l'électricité sale serait donc un cancérogène universel parce qu'il touche plusieurs organes, contrairement à la plupart des substances cancérogènes (lire l'article du magazine américain Prevention).

L'Institut de baubiologie américain est à veille de publier ses recommandations sur les onduleurs. Selon le baubiologiste californien Eric Windheim, membre du comité qui étudie la question, les microonduleurs d'Enphase Solar, qui s'installent directement sur les panneaux PV et sont vendus au Canada par HES PV, et l'onduleur HD-Wave de SolarEdge, qui dessert une série de panneaux, produiraient très peu d'électricité sale.

Spécifications techniques des onduleurs de haute efficacité Sunny Boy qui produisent de faibles harmoniques
© SMA-America https://files.sma.de/downloads/SBxx-US-DS-en-39.pdf

Les quatre sources d’électrosmog

Comment l’électricité à de faibles voltages tels ceux utilisés dans nos bâtiments pourrait-elle créer des effets biologiques dommageables? Plusieurs types d’expositions sont possibles  :
1) champs magnétiques élevés créés autour d’un appareil électrique allumé et à proximité de lignes à haute tension;
2) champs électriques élevés, que l’on retrouve à proximité des fils électriques sous tension peu importe si du courant est consommé ou non;
3) radiofréquences émises par différents appareils sans fils ou soi-disant intelligents (cellulaires et tablettes, modems et routeurs Wi-Fi, compteurs nouvelle génération, télévision intelligente, haut-parleurs et autres technologies Bluetooth, etc.);
4) L’électricité sale (HFT), de l’interférence électromagnétique créée par toutes les technologies électroniques. Elle vient notamment des blocs d’alimentation à commutation et ballasts électroniques qui génèrent des ondes résiduelles à des fréquences qui diffèrent du courant domestique à 60 hertz. Ces ondes sont en dents de scie, alors qu’une onde électrique pure (non parasitée) est de forme purement sinusoïdale. L’électricité voyageant toujours en boucle, ces HFT se propagent dans tout le réseau électrique du bâtiment. Les appareils électriques n’ayant qu’une résistance (comme les plinthes et les ampoules incandescentes) consomment tout le courant et ne génèrent pas de HFT.

Onde sinusoïdale contaminée par des harmoniques générées par des ampoules fluocompactes. Ces images sont produites par un PicoScope, un oscilloscope avec analyseur de spectre branché sur un ordinateur portable fonctionnant au courant continu sur sa batterie, pour éviter l'interférence parasitant le courant alternatif. On peut ainsi mesurer a) le voltage, en millisecondes et b) le spectre des fréquences, en kilohertz.
© emfrelief.com

D’autres appareils ayant des composants électroniques plus compliqués, telles les capacitances (condensateurs) et les inductances (comme l'éclairage fluorescent), vont dégrader la qualité de l’électricité après son passage dans l’appareil. Ceci peut représenter un réel problème technique : certaines entreprises, après avoir remplacé toutes leurs vieilles ampoules pour d’autres à plus basse consommation, se sont fait contacter par leur compagnie d’électricité, qui a détecté une grande quantité de HFT. Elles se sont vues dans l’obligation d’entreprendre des actions afin de les réduire. Ces HFT peuvent aussi endommager des appareils électriques. La plupart des onduleurs génèrent davantage d’harmoniques et de HFT que ce qui se trouve sur le réseau, faisant en quelque sorte que l’électricité solaire est plus « sale » que l’électricité de celui-ci. 

Qualité de l'onde avant et après avoir allumé un Powerwall de Tesla qui comprend une batterie lithium-ion, un onduleur et un régulateur de charge.
© William Holland pour https://www.shieldyourbody.com/solar-panels-emf-radiation/

Dans le cas d’un système solaire installé sur un toit, il faudrait faire attention à la distance entre les panneaux solaires et une personne qui se tient debout dans les pièces juste en dessous. Une distance minimum d’un mètre est conseillée. Si l’électricité PV passe par les fils sous forme de courant continu à faible voltage (12/24V), les champs magnétiques et électriques sont négligeables. Il est également possible d’utiliser des mini-onduleurs sur chaque panneau PV. Dans ce cas, l’électricité voyagera sous forme de courant alternatif 120 V AC et un conduit métallique relié à la terre sera utile pour éliminer les champs électriques tout en facilitant le passage des fils et la maintenance de l’installation.   

De plus en plus de produits dits « intelligents », connectés, sont disponibles aujourd’hui. Par exemple, certains onduleurs et régulateurs de charge (dont ceux de Tesla) utilisent des technologies sans fil Bluetooth/Wi-Fi afin de permettre à l’usager de consulter la performance du système sur son téléphone intelligent. Les micro-ondes pulsées émises par les objets connectés sont toujours présentes, que l’objet soit utilisé ou non, à moins que la batterie ne soit morte ou que l’appareil ne soit débranché physiquement. En plus des risques pour la santé, l’émission de ces ondes consomme de l’énergie, même lorsque les appareils sont éteints : les télévisions intelligentes consomment 10 fois plus de courant de veille (standby current) que les télévisions traditionnelles.

Dans le cadre de son option de mesurage net pour les systèmes PV, Hydro-Québec exige qu’un compteur numérique communicant comptabilise l’électricité solaire injectée dans le réseau et l’électricité consommée du réseau. Or la nocivité de ces compteurs qui n’ont rien d’intelligent a été maintes fois reconnue, notamment par deux anciens présidents de la Commission des services publics de la Californie.  

Il est aussi possible d’éviter l’onduleur CC/AC (DC/AC en anglais) et d’acheter des appareils fonctionnant au courant continu produit par le système PV. Il existe une petite sélection de réfrigérateurs, congélateurs et autres électroménagers fonctionnant au courant continu, souvent conçus pour être installés sur des bateaux ou caravanes alimentés à l’énergie solaire. Les ampoules de type DEL et halogènes peuvent aussi être alimentées en courant continu et du même coup devraient éviter les problèmes de scintillement (flicker) et donc offrir une lumière de meilleure qualité. Se passer de l’onduleur permet aussi d’éviter les pertes d’énergie associées à la conversion au courant alternatif, ce qui augmente l’efficacité globale du système et peut contribuer à diminuer ses coûts d’acquisition et d’utilisation. 

Par contre, il faut savoir que les appareils fonctionnant au courant continu sont généralement plus dispendieux parce qu’ils constituent un marché de niche. Comme l’offre de produits alimentés en courant continu est limitée, si votre but est d’atteindre l’autosuffisance énergétique, vous devrez probablement produire du courant alternatif pour alimenter certains appareils. 

L’idée de mettre sur pied un petit système solaire autonome fonctionnant au courant continu et alimentant des appareils de première nécessité, tels que réfrigérateur et ampoules, pourrait plaire à certains. Pour une plus large installation solaire PV reliée au réseau, il existe maintenant des produits transformant l’électricité AC du réseau en DC, comme le Power hub Driver de Nextek Power Systems, permettant d’alimenter des appareils en courant continu, ce qui augmente l’efficacité totale du système. 

Vidéo du baubiologiste Eric Windheim filtrant l'électricité sale créé par le système PV d'une cliente très malade.
Cliquer sur l'image pour la visionner.
© Chaîne Youtube de windheimemfsolutions.com : youtube.com/channel/UCJuvZDo-M2yqmd3SyWkiEfw

Pour une installation produisant du courant alternatif, il devient alors primordial de sélectionner un onduleur avec une haute efficacité et générant le moins d’harmoniques possible. Le plus souvent, ces deux données vont de pair : plus haute est l’efficacité de l’onduleur, meilleure est la qualité de l’onde produite, ce qui minimise les harmoniques et donc les effets néfastes sur la santé. Concrètement, il faut essayer de sélectionner un appareil avec un haut rendement et un pourcentage d’harmoniques sous les 5 %. Oram Miller, un baubiologiste de Los Angeles qui supervise les séminaires du Building Biology Institute sur l’électrosmog et qui effectue des inspections électromagnétiques depuis une vingtaine d’années, mentionne que les onduleurs de marque SMA produisent habituellement moins d’harmoniques et HFT que les autres produits sur le marché. Il mentionne également que les micro-onduleurs tendent à être plus efficaces. 

Martin Lambert, fondateur d’Écosolaris et installateur aguerri de systèmes solaire thermique et photovoltaïque depuis plus d’une décennie, dit n’avoir jamais reçu de plainte d’un client concernant des effets délétères d’une installation PV sur sa santé. De son expérience de terrain, il n’a observé des situations problématiques qu’avec certains appareils créant de grandes quantités d’harmoniques, tels que gradateurs de lumières, ballasts de moteurs à vitesse variable et génératrices bas de gamme qui génèrent une onde sinusoïdale de piètre qualité. Martin croit à l’efficacité et au potentiel d’appareils directement alimentés en courant continu. Il a d’ailleurs développé des thermopompes alimentées en courant continu (24 et 48 V) parfaitement adaptées aux panneaux PV, ainsi qu’un nouveau concept de thermopompes hybrides pouvant être alimentées en courant alternatif et continu. Il note toutefois qu’avoir à la fois un réseau AC et DC dans un bâtiment implique de pratiquement doubler le câblage et que plus le voltage DC est bas, plus les fils doivent être gros et sont donc plus dispendieux. 

En conclusion, les systèmes PV et autres appareils électroniques peuvent bel et bien avoir des impacts négatifs sur la santé. La question de l’interférence électromagnétique est un sujet complexe pour lequel différents experts ont des opinions divergentes concernant les solutions. L’installation d’un petit système solaire autonome dédié alimentant des appareils fonctionnant au courant continu permet d’éviter totalement les problèmes associés aux HFT.

Couvrir tous ses besoins électriques avec une installation solaire autonome demandera toutefois de produire du courant alternatif. Dans un tel cas, il est important de sélectionner un onduleur d’excellente qualité. De plus, il serait aussi judicieux d’investiguer la qualité d’électricité produite et d’évaluer s’il y a un besoin de l’améliorer. N’hésitez pas à consulter plusieurs experts avant d’installer quoi que ce soit. L’installation d’une éolienne ou d’une miniturbine de rivière crée les mêmes défis que les panneaux PV, car ils produisent tous du courant continu. Le problème des fréquences transitoires apparait une fois que le courant a été transformé en courant alternatif par l’onduleur.  

Hydro-Québec exige un compteur communicant pour les systèmes PV reliés au réseau, exposant ainsi les usagers et leurs voisins à des radiofréquences, en plus des problèmes reliés aux fréquences transitoires. Dans tous les cas, c’est une excellente idée de prendre son temps et de bien réfléchir à son projet. Oram Miller a rencontré et aidé plusieurs personnes ayant investi dans un projet solaire PV  qui ont regretté amèrement leur décision à la suite de l’apparition de problèmes de santé… Mais des solutions existent (lire notre prochain article), et tout indique que l’attrait d’une autonomie énergétique partielle ou totale et de l’énergie solaire est là pour de bon! 

Pour en savoir davantage 

Chapitre de Steven Magee Complete Solar Photovoltaïcs - Health and Safety : bit.ly/3gguCLs

Électricité sale : risque élevé de cancer : maisonsaine.ca/sante-et-securite/electricite-sale-risque-eleve-de-cancers 

Is dirty electricity making you sick? prevention.com/life/a20460660/electromagnetic-fields-and-your-health/#ixzz22iCT1oED

Voir les éloquents vidéos du baubiologiste californien Eric Windheim dans l'article Solar Panels & EMF Radiation: Is Solar Bad For Health? https://www.shieldyourbody.com/solar-panels-emf-radiation

Site d’Oram Miller : createhealthyhomes.com/solar_panels.php  

Fiche d’information du Building Biology Institute sur le PV : buildingbiologyinstitute.org/free-fact-sheets/photovoltaic-solar-panels

Article de BuildingGreen sur les microréseaux basés sur le courant continu : buildinggreen.com/feature/death-and-rebirth-dc-power