Notre histoire d’amour/haine envers Hydro-Québec se poursuit. À chaque hausse de tarif, bien des Québécois crient au meurtre et certains jurent qu’ils vont un jour se débrancher du réseau, ce que très peu font, question de coûts et de confort. Après tout, avec l’hydroélectricité, nous sommes propriétaires de l’énergie artificielle la plus propre et peut-être la moins chère au monde.
Il n’en demeure pas moins que le fait de la produire, de la distribuer et de l’utiliser a des impacts importants sur l’environnement (déboisement, béton et inondations associés aux grands barrages, pesticides le long des lignes électriques qui défigurent le paysage, etc.), en plus des pertes d’énergie associées à son transport et des champs électromagnétiques qu’elle émet. D’où l’importance de réduire nos besoins de chauffage électrique et d’utiliser un chauffage d’appoint, non seulement pour nous prémunir contre les pannes de réseau, mais aussi pour réduire l’impact financier et environnemental de la demande de pointe hivernale qui exige qu’Hydro s’approvisionne alors de centrales thermiques (gaz, diésel, mazout, nucléaire) locales et étrangères.
Évidemment, l’énergie la plus verte est celle que nous ne consommons pas, puis celle qui vient des rayons solaires qui traversent nos vitrages. « Avant de construire d’autres barrages comme des castors, gérons la demande d'électricité à moindre coût. L’efficacité énergétique demeure la façon la moins chère, aux alentours de 3-4 ¢/kWh, plaide Jean-Pierre Finet, consultant en énergie pour les groupes environnementaux du Québec. L’efficacité énergétique augmente le pouvoir d’achat du citoyen, elle est plus rentable pour les entreprises et elle est plus démocratique car elle favorise la création d’emplois dans l’ensemble des régions », ajoute celui qui participe à la création d’un Conseil québécois des entreprises en efficacité énergétique. Voir l’entrevue qu’il nous a accordée sur notre chaîne youtube.com/maison21e.
Notre priorité devrait donc être d’améliorer l’efficacité énergétique de nos maisons (étanchéité et isolation) et de nos systèmes mécaniques; le programme Rénoclimat offre d’ailleurs des subventions pour récompenser nos efforts. Mais réglons d’abord le cas des autres sources d’énergie. Pour résumer, les Québécois tendent à vouloir se débarrasser du mazout qui pollue encore davantage que le gaz naturel, à réduire leur consommation de gaz et à privilégier l’usage responsable de la biomasse forestière, qui est abordable, abondante et locale.
Le programme Chauffez Vert favorise le remplacement de deux types de systèmes centraux de chauffage polluants par un chauffage électrique, tant dans les immeubles résidentiels que commerciaux ou industriels. L’aide financière pour une maison individuelle est de 1 275 $ si vous avez un système au mazout ou de 850 $ pour remplacer un système au propane. En 2016, la Politique énergétique du gouvernement du Québec affirmait que 200 000 ménages utilisaient le mazout pour le chauffage principal. « Pour l’année financière 2018-2019, ce sont 3 990 projets de conversion qui ont été effectués pour un total de 4,7 M$ versé en aide financière directe, ce qui représente une réduction d’émission de GES de 29 749 t CO2 éq/an », rapporte Nathalie Desrosiers, une porte-parole de Transition Énergétique Québec, l'organisme gouvernemental qui promeut la transition, l'innovation et l'efficacité énergétiques.
Pourquoi seulement le propane mais pas le gaz naturel qui est aussi polluant? « En fait, le choix de la source d’énergie est basé sur la rentabilité du projet pour le citoyen, explique Mme Desrosiers. En général, les coûts énergétiques d’une habitation ayant un système à combustible alimenté au mazout ou au propane sont plus élevés qu’un bâtiment utilisant l’électricité ou une énergie renouvelable, ce qui n’est pas le cas pour le gaz naturel. Rappelons que le programme a pour but d’inciter les propriétaires d’habitations équipées de système de chauffage à combustible fossile, autre que le gaz naturel, à remplacer leurs installations par des systèmes alimentés par une énergie renouvelable afin qu’ils puissent diminuer leur consommation d’énergie et leurs émissions de gaz à effet de serre, tout en réduisant les coûts d’énergie. » En effet, comme le rappelle le site belge killmybill.be/fr/gaz-naturel-avantages-inconvenients : « Le propane est soit issu du pétrole par raffinage, soit du gaz par des processus chimiques... il est plus cher que le gaz naturel et sa valeur énergétique est moins importante. Vous consommerez donc plus d’énergie. »
Ancien chercheur à la Société canadienne d’hypothèques et de logement, Don Fugler résume ainsi l’avis de la plupart des experts concernant le chauffage d’appoint : « Privilégier le chauffage au bois pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ou le gaz du point de vue de la qualité de l’air en milieu densément peuplé. »
Quant au président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, André Bélisle, il déconseille tout chauffage à base d'énergies fossiles (mazout, gaz et anthracite) : « En ville, on privilégie l’électricité d’abord. Le chauffage au bois et aux granules de bois émet trop de particules et autres polluants. Bien que celui-ci soit règlementé maintenant, il est non recommandé en raison de son effet de concentration et de l’augmentation de la pollution de l’air ambiant qu’il entraîne, contribuant ainsi au smog sur quatre saisons si on tient compte des feux extérieurs. »
Il concède par contre que le chauffage d’appoint au bois ou aux granules, dans un appareil homologué par l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA, voir sa liste des modèles sur son site Web ou par l’Association canadienne de normalisation (CSA), a malgré tout moins d’impact global que le chauffage au gaz ou au mazout. « À la campagne aussi je favorise l’électricité, bien sûr, mais le chauffage au bois avec un appareil efficace, comme un foyer de masse, offre un gain environnemental si on élimine un ou des combustibles fossiles qui contribuent à la crise climatique. »
Selon les données les plus récentes du Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC), 16,0 % des émissions de PM2,5 au Québec (excluant donc les émissions provenant de l'extérieur de la province) étaient attribuables aux transports, alors que 43,8% étaient attribuables au chauffage au bois, rapporte Catherine Giguère|, relationiste au MELCC qui précise : « Typiquement, la combustion du bois émettra davantage de CO2 que la combustion du mazout ou autres combustibles fossiles par unité d’énergie produite. Par exemple, le bois émet environ 95 kg CO2éq/GJ [CO2 équivalent gigajoule] contre 71 pour le mazout léger, sans tenir compte des efficacités des équipements de combustion. Toutefois, il est important de souligner que les émissions de CO2 en provenance de la combustion du bois (ou plus généralement de la biomasse) ne sont pas comptabilisées dans l’inventaire des GES [gaz à efffet de serre] du Québec puisque selon la convention, il est reconnu que le carbone relâché à la combustion avait d’abord été retiré de l’atmosphère pour créer cette biomasse. Enfin, la qualité de la combustion du bois affectera les émissions de particules fines mais aussi les émissions de CH4 et N2O, qui sont également de puissants GES et qui sont, eux, comptabilisés dans l’inventaire de GES du Québec. Au total, la combustion de biomasse présente un avantage certain par rapport à la combustion de combustibles fossiles en ce qui concerne les GES émis comptabilisés (réduction d’environ 95 à 99 % des GES comptabilisés). »
Pour réduire les émissions atmosphériques associées au chauffage au bois, en plus d’utiliser du bois bien sec, l’on peut aussi couper soi-même son bois localement, avec une scie électrique si possible. Par ailleurs, Granulco, de Sacré-Coeur en Haute-Côte-Nord, affirme être le premier producteur de granules certifié FSC (Forest Stewardship Council) pour son approvisionnement éthique et durable. En vente chez les grands détaillants, ses granules sont fabriqués à partir de sciure et de planure recyclées provenant de scieries.
Bien qu’il produise moins de chaleur à cause de son efficacité de combustion inférieure, un système de chauffage au bois qui remplace un système au mazout permet d’éviter l’émission de 4 233 kg de dioxyde de carbone (CO2) par année, et 2 671 kg/an s’il remplace un système au gaz, rapporte l'organisme Ecohabitation. En effet, excluant le transport de la ressource sur de longues distances qu’il nécessite, le chauffage à la biomasse est considéré comme carboneutre, car il émet le même CO2 qui serait libéré par la décomposition du bois mort en forêt et il en émet moins que le CO2 absorbé par l’arbre durant sa croissance. Sauf que dans notre climat, les arbres poussent très lentement avant de mourir, alors que le CO2 est libéré instantanément durant sa combustion. Bref, mieux vaut consommer le moins de bois possible et de replanter plus d’arbres que l’on en brûle afin de compenser nos émissions de CO2. Et ce, d’autant plus qu’à cause de l’augmentation des feux et des infestations d’insectes, depuis 2001 nos forêts émettent plus de carbone qu’elles en absorbent, selon Ressources naturelles Canada.
Selon Granulco, une tonne de granules (50 sacs de 40 lb) émet autant de chaleur que 453 m3 de gaz naturel (émettant 15,7 tonnes de CO2 selon planetair.ca), 4 775 kWh d’électricité ou 1,5 corde de bois de chauffage (4’ x 8’ x 16’’) sec. Selon le site timberpolis.fr, cette 1,5 corde équivaut à 1,15 m3 de bois ou à un érable de 50 cm de diamètre et 12 m de haut.
Quant au gaz naturel, c’est une énergie de transition dont il faut se détacher, selon André Bélisle. « Il faut savoir qu’il n’y a à peu près plus de gaz naturel conventionnel sur le marché; c’est de 80 à 90 % du gaz de schiste plus polluant et énergivore à produire et à distribuer. La biométhanisation [production de chaleur en brûlant des rebuts organiques] devrait être imposée partout pour réduire les émissions de méthane et autres polluants de l’air. Présentement, seulement 2 % du volume de gaz consommé au Québec est du biométhane. Le potentiel se situe entre 60 et 100 % de notre consommation, selon qu’il s’agisse d’utilisation de la biomasse forestière ou non. Il sera interdit d’enfouir des matières organiques résiduelles en 2022. Nous recommandons fortement de réduire, voire d’éliminer le gaz fossile ou de schiste et de le remplacer par le biométhane, qui permet de réduire les émissions fugitives de méthane des sites d’enfouissement et des amas de fumier et de purin, en plus de pouvoir utiliser les boues des eaux usées. Les exemples du Danemark et de la Suède sont remarquables à cet égard. »
Sachez par ailleurs que les foyers à l’éthanol sont un pensez-y bien : en plus de présenter des risques d'incendie, comme ils ne sont pas ventilés vers l’extérieur, ils contribuent plus ou moins à polluer l’air intérieur. Si vous insistez pour en utiliser un, à tout le moins suivez les conseils de la Régie du bâtiment du Québec. De plus, tous les polluants ne s’équivalent pas : seulement 3 livres de dioxyde de soufre d’un appareil à gaz pollue autant d’air (environ 13 500 pi3) que 600 livres de monoxyde de carbone, selon Environnement Canada.
Titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau a récemment cosigné une étude analysant les impacts de rénovations écoénergétiques au Québec sur le cycle de vie. « Notre étude, dit-il, privilégie les pompes à chaleur et l'homologation Novoclimat d’un point de vue environnemental et économique. Le bois sort clairement perdant s’il se substitue à de l’électricité produite au gaz naturel, à l’hydroélectricité ou même à l’éolien, sur à peu près tous les critères de cycle de vie. On ne le comparait pas avec le chauffage au gaz ou au mazout – en tenant pour acquis que c’était des options pires. La seule justification qu’il pourrait y avoir pour le gaz ou le mazout serait en bi-énergie, pour des questions de pointe, qui ne sont pas prises en compte dans les études cycle de vie. »
Bref, si vous chauffez avec des plinthes électriques, il y a peu d’économies à faire à part utiliser un thermostat programmable et améliorer l’efficacité de l’enveloppe du bâtiment. À la limite, l’on peut réduire légèrement les pertes de chaleur à travers les murs extérieurs, en posant du papier d’aluminium derrière la plinthe, ou en les posant sur des divisions intérieures si vos murs extérieurs sont assez étanches, bien isolés et dotés de verre énergétique qui résiste davantage à la condensation que le verre ordinaire. Selon le magazine Protégez-Vous, les convecteurs seraient jusqu’à 10 % moins énergivores que les plinthes, mais nous n’avons trouvé aucune étude le confirmant. Hydro-Québec affirme qu’il n’y a aucune différence.
Mais le fabricant Convectair est convaincu que oui car ces appareils chauffent une pièce plus rapidement qu'une plinthe. « Même sans ventilateur, comme c’est le cas des ventiloconvecteurs, de par leur design les convecteurs distribuent la chaleur de façon plus uniforme, quoique moins qu’un chauffage radiant, alors que plus on se rapproche d’une plinthe, plus c’est chaud », explique François Lessard, directeur du marketing chez Convectair. Une plinthe peut fonctionner plus longtemps avant que la température de consigne soit atteinte au thermostat posé sur un mur opposé, tandis que la plupart de convecteurs sont dotés d’un thermostat intégré à l’appareil. « La sonde est posée à 4 po du sol et l’appareil part plus souvent mais moins longtemps », explique M. Lessard. Comment justifier qu’un convecteur coûte jusqu’à six fois plus cher qu’une plinthe? Son format plus compact facilitant son installation, son design attrayant, le fait qu’il soit silencieux - « l’élément est flottant plutôt que vissé au boîtier, ce qui lui permet de glisser quand l’appareil prend de l’expansion », explique M. Lessard - et le fait qu’il propulse l’air, ce qui évite de créer un halo de poussière au mur comme une plinthe. En passant, c’est l’échange d’air mécanique ou naturel qui assèche l’air, pas les plinthes. Comme elles grillent les poussières, toutefois, il faut les nettoyer avec un aspirateur et un ligne humide quand elles sont éteintes.
Pour en savoir davantage, notamment sur les thermopompes à air et géothermiques ainsi que le chauffage au bois, consultez notre numéro d'automne 2019, en kiosque le 20 septembre.