Au Québec, nous avons clairement balisé l’espace attribué à tout un chacun. Vous êtes propriétaire d’un fonds immobilier délimité par un cadastre définissant les frontières de votre territoire, de votre terrain, et tout ce qui s’y retrouve est soit un bien immobilier soit un bien mobilier. Les arbres, les graminées (votre gazon, entre autres), les plantes horticoles et toutes formes de végétaux poussant dans le sol sont un bien immobilier. Tout ce qui se trouve en pot est un bien mobilier.
Pour notre grand malheur juridique, les végétaux ne connaissent pas de frontières autres que les limites imposées par leur environnement et leur écosystème dans l’exploitation des ressources qui sont indispensables à leur survie. Ce qui veut dire que la clôture, les bornes, la haie de Thuja, etc. ne définissent pas en elles-mêmes une limite à la croissance d’un arbre.
Quelques confrères du domaine de l’arboriculture, arboriculteurs, experts-conseils et ingénieurs forestiers spécialisés en consultation arboricole, sont de plus en plus sollicités pour intervenir dans des conflits entre voisins. Plusieurs cas d’affrontement ont en fond de litige :
• un système racinaire envahissant;
• des branches surplombant et ombrageant la piscine;
• des branches interférant avec les infrastructures;
• des fruits et des feuilles qui tombent sur plus d’un fonds (ou terrain);
• une cime d’arbre d’un fonds voisin obstruant une vue panoramique.
Depuis peu, même au-delà de la terminologie juridique, les propriétaires sont conscients de l’importance de la préservation des arbres au sens écologique. Les arbres ne sont plus considérés seulement comme des meubles inertes et esthétiques que l’on peut modifier à sa guise — que ce soit pour des raisons personnelles ou pour éviter les conflits avec le voisinage — sans se soucier de l’impact sur leur biologie.
La conscience et l’éducation nous amènent à prendre position et à défendre nos droits et nos valeurs. L’arbre que l’on aime et que l’on respecte a le droit de vivre et de croître au-delà des frontières immobilières, d’où la complexité grandissante des litiges.
Selon le Guide d’évaluation des végétaux d’ornement, publié en 1995 par la Société internationale d’arboriculture du Québec, « les arboriculteurs et les pépiniéristes professionnels devraient insister sur les valeurs fonctionnelles (à tous les niveaux) des végétaux. Quand les végétaux sont utilisés d’une manière fonctionnelle et cohérente, il est alors possible de les évaluer comme des entités distinctes faisant partie intégrante de l’ensemble de la propriété. […] L’évaluation de la valeur d’un arbre devrait normalement être raisonnable et en relation avec la valeur de la propriété sur laquelle il est situé. Les études ont démontré que les arbres peuvent contribuer pour une proportion de 7 à 15 % de la valeur de la maison et du terrain. »
Ce qui voudrait dire que, selon plusieurs critères d’évaluation et sa localisation dans un milieu urbain ou semi-urbain, un arbre situé sur un fonds immobilier dont la valeur est de 250 000 $ pourrait valoir jusqu’à 37 500 $. Ce montant semble démesuré et, dans la réalité, il l’est. En fait, plusieurs facteurs vont réduire cette valeur initiale, attribuée en fonction d’une situation idéale et parfaite. Néanmoins, la mise en place de procédures d’évaluation témoigne d’une volonté de faire respecter l’environnement et l’écosystème urbain et semi-urbain (si pauvre soit-il) à travers la propriété.
Le Code civil du Québec prévoit, dans la section IV – Des arbres, que :
• Les fruits qui tombent d'un arbre sur un fonds voisin appartiennent au propriétaire de l'arbre. (1991, c. 64, a. 984)
• Le propriétaire peut,
Il peut aussi, si un arbre du fonds voisin menace de tomber sur son fonds, contraindre son voisin à abattre l'arbre ou à le redresser. (1991, c. 64, a. 985)
• Le propriétaire d'un fonds exploité à des fins agricoles peut contraindre son voisin à faire abattre, le long de la ligne séparative, sur une largeur qui ne peut excéder cinq mètres, les arbres qui nuisent sérieusement à son exploitation, sauf ceux qui sont dans les vergers et les érablières ou qui sont conservés pour l'embellissement de la propriété. (1991, c. 64, a. 986)
Ce qu’il faut retenir en tant qu’évaluateur ou propriétaire, c’est l’expression « nuisent sérieusement à son usage ». Il faut donc être en mesure de justifier une demande de coupe du système racinaire ou d’élagage. Et le plus important, c’est que personne ne peut intervenir sur un arbre d’un fonds voisin sans le consentement du propriétaire ou un ordre de la cour.
Je terminerai en vous conseillant d’essayer d’être ouvert à la discussion et de prendre le temps de parler et de trouver un terrain d’entente lors d’un conflit. Les frais encourus peuvent être très élevés et les décisions trop souvent dictées par les émotions.