Cet arbre menace-t-il ma sécurité, celle de ma propriété ou des infrastructures? La question est une source de débat sans fin et de mise en chantier de théories parfois les plus folles. Sachez que seul un spécialiste tel un arboriculteur expert conseil ou un ingénieur forestier spécialisé en foresterie urbaine est apte à donner un diagnostic sur la stabilité de la structure mécanique d’un arbre. Tout dépend du stade de dépérissement atteint. Un arbre peu être attaqué par un pathogène et ne présenter aucune problématique au niveau de sa structure mécanique.
Un arbre avec une carence minérale, infestée par un insecte ravageur comme un perceur ou affaibli par la dessiccation estivale représentera un danger potentiel lorsqu’il y aura affaiblissement de l’ancrage au sol, Ceci se produit par le biais d’un dépérissement du système racinaire et/ou par l’affaiblissement de sa tige principale incluant les branches primaires et parfois secondaires.
On entend par structure mécanique ou résistance mécanique, la stabilité de l’élongation des cellules imprégnées de lignine et de cellulose sous les forces de tension et de compression. La force du bois découle de ces deux éléments; la lignine pour la résistance, la dureté du bois; et la cellulose pour sa force d’élongation, son élasticité. Ces deux groupes de substances végétales complexes sont responsables de la résistance mécanique de la tige à des vents violents par exemple.
C’est l’observation et la recherche d’informations concernant le parcours historique de l’arbre qui nous indiqueront, sous forme d’indices que l’on nomme symptômes, le stade de la partie atteinte par le dépérissement.
Il faut donc considérer plusieurs facteurs pouvant avoir contribué à la mort ou au développement de la maladie chez l’arbre. De plus, le terme mort est très difficile à appliquer à un végétal. Nous parlerons donc de stade à risque pour le milieu habité.
Le plus grand problème rencontré est notre conception du temps. Prenons l’exemple de travaux d’excavation exécutés à l’intérieur des 3 premiers mètres du tronc d’un frêne rouge (Fraxinus pennsylvanica). Au moins 50 % du système racinaire d’ancrage est alors supprimé dans le but d’agrandir le stationnement d’une maison privée. Le commun des mortels pensera que cela n’est pas grave car, en général, les premiers symptômes résultant de cette amputation n’apparaîtront que cinq à sept ans plus tard. La plante manifestera alors une dysfonction physiologique par une défoliation de la cime, partie morphologique la plus éloignée du système racinaire d’ancrage supportant les racines nourricières qui transportent la sève brute aux feuilles pour la photosynthèse. Plus une composante est éloigné de l’organe puits (qui est représenté par le système racinaire nourricier) plus les symptômes y apparaîtront en premier lieu.
Après cinq ou sept ans, donc, la grande majorité des gens n’associeront pas le symptôme de dépérissement de la masse foliaire aux travaux d’excavation. De plus, généralement, nous associons le facteur contribuant au réel dépérissement, à la mort de l’arbre, ce qui est trop souvent faux. Décrit par le chercheur français Manion en 1981, la spirale de dépérissement forestier démontre l’évolution et la progression d’un déclin en fonction des facteurs prédisposant, incitant et contribuant à la mort. Un arbre en perte de masse foliaire dans la cime est affaibli par une photosynthèse insuffisante et se retrouve vulnérable, souvent attaqué par des pathogènes et des insectes « nuisibles » qui profiteront de cette situation de faiblesse. Les arbres à risque sont donc le plus souvent des plantes affaiblies par un processus de facteurs qui s’additionnent dans le temps. Au-delà de la compréhension du développement du dépérissement, un arbre à risque présente des symptômes, une manifestation visuelle d’altérations de structure ou d’un état physiologique anormal. Ce que l’on aperçoit d’anormal sur une plante à la suite de l’action d’un agent pathogène.
À moins que vous n’ayez des connaissances en botanique sur les plantes ligneuses, un spécialiste est le mieux placé pour observer, poser les questions appropriées et analyser afin de définir le potentiel de risque qu’un arbre représente. Au-delà des symptômes visibles, il arrive parfois qu’un arbre s’affaisse sans qu’il n’y ait de manifestation. Les défauts de structure représentent un risque potentiel. Un arbre ornemental planté ou un arbre gardé suite à une coupe sélective changeant ainsi sa vocation, demande un suivi particulier parce qu’il n’est plus dans son environnement naturel.
Les travaux d’excavation, le changement de vocation d’un arbre, un sol pauvre en minéraux et/ou en matière organique, la coupe de racines de surface, un stress hydrique (manque d’eau), une présence accrue de fourches incluses (branches mal ancrées), la compaction du sol, la présence de racines étouffantes, etc. sont des éléments prédisposants qui engendreront un dépérissement et donc un risque pour votre sécurité, celle de votre propriété et de vos infrastructures.
La perte de masse foliaire et la nécrose du cambium (le symptôme visuel est la perte d’écorce sur le tronc ou une branche) sont de bons indicateurs qu’il y a un problème potentiel.
Angiospermes et gymnospermes
Les feuillus et les conifères ont une résistance mécanique différentes. La plupart des conifères ont un système racinaire d’ancrage que l’on nomme traçant et qui évolue à la surface du sol. En région montagneuse où la couche d’humus et la rhizosphère1 sont minces ou en terrain plat où la vélocité des vents est à considérer, l’ancrage au sol d’un ou de quelques conifères peut représenter un risque. Ces arbres évoluent naturellement dans un contexte de colonie, poussant en massif très dense entremêlant leurs racines leur procurant un ancrage renforci par le nombre et l’étendu du massif racinaire. Il n’est donc pas conseillé de garder un conifère en isolé. L’ensemble de ses branches reproduit souvent l’effet d’une voile de bateau dans les vents, sollicitant ainsi fortement la résistance mécanique de la tige principale.
Les feuillus représentent moins de problème en isolés et ont généralement un bon ancrage au sol, mais spécifions que la robustesse de l’ancrage dépend de la qualité du sol. Le plus important est d’entretenir périodiquement vos arbres par un élagage de sécurité et d’assainissement (élagage phytosanitaire). Faites très attention aux élagages ornementaux : notre perception de la beauté est trop souvent en contradiction avec des besoins fondamentaux et structuraux.
Finalement, si vous plantez et réaménagez votre environnement, gardez en tête qu’il n’y pas seulement la zone de rusticité qui importe. Certains arbres sont à déconseiller pour une plantation en milieu urbain à cause de la présence élevée de pathogènes et d’insectes ravageurs — bouleau, cerisier de virginie, tilleul à feuille cordée près d’un stationnement. Bientôt même le frêne pourrait devenir un problème à cause de la venue de l’agrile du frêne et tant d’autres ravageurs. Surtout, n’oubliez pas le plus important : il existe ce que l’on appelle les niches écologiques, les écosystèmes. N’introduisez pas des arbres qui ne font pas partie des ces écosystèmes. Comment faire? Observez ce qui pousse naturellement autour de votre demeure. En milieu très urbanisé, ces observations sont plus difficiles, mais il existe tout de même une flore indigène indicatrice.
1. Rhizosphère : région du sol directement formée et influencée par les racines et les micro-organismes associés.
Pour en savoir davantage
La santé et l'entretien des arbres : avec qui fait-on affaire?